Le métaldéhyde - Le Point Vétérinaire n° 384 du 01/04/2018
Le Point Vétérinaire n° 384 du 01/04/2018

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Martine Kammerer

Fonctions : CAPAE-Ouest, Oniris,
101, route de Gachet, 44300 Nantes
capaeouest@oniris-nantes.fr
Tél. : 02 40 68 77 40

Avec les beaux jours, les limaces sont de retour. Largement utilisé, le métaldéhyde attire particulièrement les chiens par son goût sucré, mais d’autres espèces peuvent être concernées. Le pronostic de cette intoxication est sombre, d’autant qu’il n’existe pas de traitement spécifique.

Le toxique

Le métaldéhyde est un produit artificiel, solide et blanc, formé par polymérisation cyclique de quatre molécules d’acétaldéhyde. Il est liposoluble, mais aussi modérément hydrosoluble, ce qui entraîne une pollution des ressources en eau qui devient préoccupante. Son goût est sucré.

Cette substance inflammable était autrefois commercialisée comme combustible pour le camping. Désormais, son usage est phytosanitaire, comme molluscicide. Le métaldéhyde détruit toutes les espèces de limaces. Il est utilisé en agriculture pour toutes les productions végétales concernées (céréales, oléagineux, betteraves, prairies, légumes, arbres fruitiers, etc.), de même que dans les jardins d’agrément. Il est présenté sous forme de granulés ou de pellets à base de farine, souvent coloré en bleu vif, mais le rose ou d’autres couleurs sont possibles. Il est disponible à une concentration de 3, 4 ou 5 %, en boîte carton de moins de 1 kg pour les particuliers et en sac pesant jusqu’à 25 kg pour les agriculteurs. Des concentrations plus élevées peuvent être trouvées sur Internet. L’étiquette mentionne souvent la présence d’un amérisant, mais il est peu efficace.

Espèces concernées

Le métaldéhyde est toxique pour toutes les espèces de mammifères, de même que pour les oiseaux. L’intoxication se rencontre surtout chez le chien, qui le consomme volontiers en raison de son goût sucré. Le chat est beaucoup moins touché. Les intoxications sont relativement fréquentes chez les bovins qui ont accès aux sacs.

Doses toxiques

Les doses létales sont de l’ordre de 200 mg/kg chez les carnivores et de 100 mg/kg chez les bovins. Cela représente 50 g d’un antilimace à 4 % pour un chien de 10 kg et 1,5 kg pour une vache de 600 kg.

Pathogénie

Le métaldéhyde est bien résorbé. Il gagne rapidement le cerveau et le oie où il subit des biotransformations en acétaldéhyde puis en acide acétique, ce qui peut conduire à une acidose sanguine. Son mécanisme d’action reste mal connu. Il conduit à une diminution de la production d’acide γ-aminobutyrique (GABA), le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central. Il a également un effet modérément irritant pour les muqueuses.

Tableau clinique

Le temps de latence est bref, allant d’une demi-heure à 2 heures. Dans toutes les espèces, l’intoxication est dominée par des signes nerveux “en hyper”, associés souvent à des troubles digestifs. L’animal présente, tout d’abord, une modification du comportement et des anomalies de la démarche, puis des tremblements évoluant rapidement vers des convulsions cloniques permanentes (pédalage). L’hyperesthésie est peu marquée. D’autres symptômes sont généralement notés : une hypersalivation modérée, une polypnée possiblement liée à l’acidose, parfois une amaurose. Si l’animal vomit, il rejette un contenu coloré évocateur. La diarrhée est fréquente, elle aussi d’une couleur artificielle (souvent, le bleu vire au vert dans les matières écales). L’hyperthermie est nette et la conscience très altérée. Si la dose est suffisante, l’évolution est fatale dans les 24 à 48 heures qui suivent l’ingestion. Le métaldéhyde peut être éliminé dans le lait, ce qui rend celui-ci impropre à la consommation.

Examens complémentaires

Hormis une possible acidose modérée, les examens sanguins et urinaires ne révèlent aucune anomalie pouvant orienter le diagnostic.

De même, l’autopsie ne montre pas de lésions caractéristiques. Une congestion généralisée et une gastroentérite peuvent être observées.

Traitement

→ Aucun antidote n’existe et les mesures thérapeutiques sont très limitées.

→ En cas d’intervention vétérinaire précoce, avant l’apparition des troubles nerveux, un vomitif (apomorphine chez le chien, xylazine chez le chat) puis du charbon activé sont justifiés.

→ Le traitement symptomatique repose sur l’administration des anticonvulsivants habituels. Le diazépam, la médétomidine ou la xylazine se révèlent souvent insuffisants dans les cas graves, et le recours au pentobarbital est alors nécessaire.

→ La diurèse forcée a peu d’intérêt car le toxique n’est pas éliminé sous orme active dans l’urine.

→ Lorsqu’une acidose est présente, elle peut être corrigée par une solution de bicarbonate de sodium à 1,4 %.

Diagnostic de laboratoire

Le métaldéhyde peut être mis en évidence et dosé seulement dans le vomitat ou le contenu gastrique.

Conflit d’intérêts

Aucun.

EN SAVOIR PLUS

– Daniel R, Lewis D, Payne J. Metaldehyde poisoning in a dairy herd. Vet. Rec. 2009;165 (19): 575-576.

– Yas-Natan E, Segev G, Aroch I. Clinical, neurological and clinicopathological signs, treatment and outcome of metaldehyde intoxication in 18 dogs. J. Small Anim. Pract. 2007;48 (8): 438-443.

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