La diméthylarginine symétrique : marqueur d’une maladie rénale chronique masquée chez les chats hyperthyroïdiens - Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018

MÉDECINE INTERNE

Analyse d’article

Auteur(s) : Laetitia Lucarelli

Fonctions : Clinique vétérinaire chateau9
16, rue Jules-Ferry
13220 Châteauneuf-les-Martigues

L’hyperthyroïdie peut masquer une maladie rénale chronique (MRC) chez le chat, car elle est associée à une augmentation du débit de filtration glomérulaire (DFG) et à une diminution de la masse musculaire, qui participent à diminuer la valeur de créatinine [3, 6].

Les chats hyperthyroïdiens avec une MRC concomitante risquent de développer une azotémie lors du traitement de l’hyperthyroïdie et de la normalisation du DFG [7].

Actuellement, aucun test fiable ne peut prédire quel chat hyperthyroïdien avec une MRC développera une azotémie [6]. Identifier ces animaux permettrait de choisir le traitement de l’hyperthyroïdie le plus adapté.

DOSAGE DE LA CONCENTRATION SÉRIQUE EN SDMA

La SDMA est un acide aminé méthylé dérivé de la L-arginine éliminé principalement par excrétion rénale (> 90 %), filtré librement par le glomérule et non réabsorbé par les tubules. Au travers d’études contrôlées, la SDMA s’est révélée être un biomarqueur permettant une détection précoce des MRC chez le chat et a été récemment incluse dans les recommandations de l’International Renal Interest Society (IRIS) pour la classification des stades de la MRC [5].

La concentration en SDMA reflète plus précisément le DFG : elle augmente dès que le DFG est réduit de 40 %, tandis qu’une réduction de 75 % du DFG est nécessaire pour observer une augmentation de la créatinine. Contrairement à la créatinine, la concentration en SDMA n’est pas affectée par l’alimentation ou la masse maigre. C’est un indicateur plus sensible de la fonction rénale chez les animaux avec une perte musculaire ou un gain après traitement de l’hyperthyroïdie [2, 5].

Son dosage est disponible en France auprès de laboratoires et le sera bientôt en routine à la clinique.

SDMA : MARQUEUR PRÉDICTIF D’UNE AZOTÉMIE POST-TRAITEMENT

Dans cette étude, après traitement, 16 % des chats hyperthyroïdiens développent une azotémie. Les chats azotémiques sont plus vieux que les chats non azotémiques, et ils possèdent un poids plus faible associé à une perte musculaire plus importante au moment du diagnostic. Les valeurs avant traitement de la créatinine, de l’urée et de la SDMA des chats azotémiques sont également plus élevées et les densités urinaires plus faibles que celles des chats non azotémiques.

Les résultats de cette étude indiquent qu’une concentration en SDMA supérieure à 14 µg/dl chez un chat hyperthyroïdien non traité est un test avec une bonne spécificité (peu de faux positifs), mais est peu sensible (nombreux faux négatifs) pour prédire le développement d’une MRC jusque-là masquée après un traitement par radiothérapie. La sensibilité du test augmente si le seuil de la concentration en SDMA est abaissé à 12 µg/dl sans diminuer de façon trop importante la spécificité.

Une mesure de la densité urinaire en prétraitement inférieure à 1,035 semble être un paramètre intéressant à prendre en compte car elle a une meilleure sensibilité (92 %) pour prédire le développement d’une azotémie après la mise en place du traitement. La spécificité est néanmoins plus faible (71 %) que le dosage de la SDMA.

SUIVI DE LA SDMA CHEZ LES CHATS AVEC UNE HYPOTHYROÏDIE IATROGÈNE

Sur les 262 chats hyperthyroïdiens traités de cette étude, 79,8 % ont atteint l’état d’euthyroïdie tandis que 20,2 % ont développé une hypothyroïdie iatrogène. Les chats avec une hypothyroïdie iatrogène ont des valeurs posttraitement de créatinine, d’urée et de SDMA plus élevées que les chats euthyroïdiens. Cette étude confirme que les chats avec une hypothyroïdie iatrogène après le traitement ont plus de risques de développer une azotémie que les chats euthyroïdiens [4]. Dans le cas de la radiothérapie, ces résultats soulignent l’importance d’identifier et de traiter les hypothyroïdies iatrogènes dans les 6 à 12 mois après traitement [6, 7].

LIMITES DE L’ÉTUDE

Actuellement, l’influence de la fonction thyroïdienne sur le métabolisme de la SDMA chez le chat reste mal connue. Chez l’homme, une augmentation de la SDMA est rapportée chez les malades de la thyroïde (sans maladie rénale associée), suggérant que la production ou le métabolisme de la SDMA peuvent être altérés par le dysfonctionnement thyroïdien indépendamment du DFG [1].

Dans cette étude, une faible corrélation inverse entre le dosage de la T4 et de la SDMA chez le chat avant traitement est observée. Des études supplémentaires sont nécessaires afin de mieux caractériser le métabolisme de la SDMA chez les chats hyperthyroïdiens.

Cette étude a la particularité d’inclure uniquement des chats hyperthyroïdiens traités à l’iode 131. Or, le traitement par radiothérapie n’est pas, en France, le traitement le plus couramment utilisé. D’autres études incluant des animaux qui ont reçu un traitement médical (thiamazole, carbimazole) ou alimentaire seraient intéressantes.

Enfin, la mesure du DFG reste le gold standard pour évaluer la fonction rénale. Des études complémentaires associant la mesure du DFG et la concentration en SDMA seraient pertinentes.

Conclusion

Cette étude démontre l’intérêt de combiner des éléments cliniques (âge, poids, masse musculaire), la mesure de la densité urinaire et la concentration en SDMA au moment du diagnostic des chats hyperthyroïdiens, pour prédire avec plus de précisions le développement d’une azotémie associée à une MRC préexistante mais jusque-là masquée.

Références

  • 1. Arikan E, Karadag CH, guldiken S. Asymmetric dimethylarginine levels in thyroid diseases. J. Endocrinol. Invest. 2007;30 (3):186-191.
  • 2. Hall JA, Yerramilli M, Obare E et coll. Comparison of serum concentrations of symmetric dimethylarginine and creatinine as kidney function biomarkers in cats with chronic kidney disease. J. Vet. Intern. Med. 2014;28 (6):1676.1683.
  • 3. Peterson ME, Castellano CA, Rishniw M. Evaluation of body weight, body condition, and muscle condition in cats with hyperthyroidism. J. Vet. Intern. Med. 2016;30 (6):1780.1789.
  • 4. Peterson ME, Nichols R, Rishniw M. Serum thyroxine and thyroid-stimulating hormone concentration in hyperthyroid cats that develop azotaemia after radioiodine therapy. J. Small Anim. Pract. 2017;58 (9):519.530.
  • 5. Relford R, Robertson J, Clements C. Symmetric dimethylarginine: improving the diagnosis and staging of chronic kidney disease in small animals. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2016;46 (6):941-960.
  • 6. Vaske HH, Schermerhorn T, Grauer GF. Effects of feline hyperthyroidism on kidney function: a review. J. Feline Med. Surg. 2016;18 (2):55.59.
  • 7. Williams TL, Peak KJ, Brodbelt D et coll. Survival and the development of azotemia after treatment of hyperthyroid cats. J. Vet. Intern. Med. 2010;24 (4):863.869.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Déterminer si le dosage de la diméthylarginine symétrique (SDMA) peut être un marqueur prédictif de l’existence d’une maladie rénale chronique masquée chez les chats hyperthyroïdiens avant la mise en place d’un traitement par radiothérapie à l’iode 131.

MÉTHODE

Il s’agit d’une étude prospective. 206 chats sains de plus de 7 ans (groupe contrôle) et 262 chats hyperthyroïdiens ont été inclus. Les chats hyperthyroïdiens avec une azotémie préexistante ont été exclus. Le poids, le score corporel et de masse musculaire sont établis à chaque point de contrôle. Ces points ont lieu avant traitement, puis à 1,3 et à 6 mois après traitement par radiothérapie à l’iode 131. Les concentrations en créatinine, en urée, en SDMA, en T4 (hormone thyroïdienne T4) et en TSH (thyroid-stimulating hormone) sont mesurées. Les chats hyperthyroïdiens traités sont classés comme “azotémiques” ou “non azotémiques”. Une azotémie rénale est définie par une mesure de créatinine supérieure à 2,1 mg/dl associée à une densité urinaire inférieure à 1,035 ou une azotémie persistante. Les chats hyperthyroïdiens traités qui ont développé une azotémie sur la période de suivi sont considérés comme ayant une maladie rénale chronique masquée au moment du diagnostic.

RÉSULTATS

Quarante-deux chats hyperthyroïdiens (16 %) développent une azotémie durant la période de suivi après la radiothérapie. Sur ces animaux, 14/42 ont une élévation de la concentration en SDMA avant le traitement.

L’utilisation de la concentration en SDMA (> 14 µg/dl) comme test de dépistage de l’existence d’une maladie rénale chez les chats hyperthyroïdiens au moment du diagnostic et avant traitement possède une faible sensibilité (33,3 %), mais une bonne spécificité (97,7 %).

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