En 10 Etapes
Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Guillaume Ragetly**
Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil
L’arthroscopie est une technique alternative à l’arthrotomie, à la fois diagnostique et thérapeutique. Elle est beaucoup moins invasive et a largement prouvé son efficacité.
La chirurgie mini-invasive s’est développée de façon spectaculaire en chirurgie vétérinaire durant ces dernières années, notamment avec l’arthroscopie. Celle-ci est une technique chirurgicale qui consiste en l’inspection des structures intra-articulaires à l’aide d’un instrument d’optique [9, 16, 18, 19]. Sa mise en œuvre requiert la réalisation d’une incision de petite taille pour l’introduction de l’arthroscope et la création d’une voie de drainage ainsi que d’un port pour le passage des instruments dans de bonnes conditions. L’instrumentation suit le principe de triangulation : la pointe de l’arthroscope et la pointe de l’instrument convergent, formant l’apex d’un triangle.
L’arthroscopie permet une exploration diagnostique fiable de l’ensemble d’une articulation, et une évaluation précoce des lésions ostéocartilagineuses ou cartilagineuses et des atteintes des tissus mous intraarticulaires [15, 16, 18, 19]. De plus, un geste thérapeutique efficace peut être immédiatement réalisé, s’il est indiqué [6, 12, 15, 16, 18, 19].
Les articulations les plus souvent explorées par arthroscopie sont l’épaule, le coude et le genou. Les techniques d’arthroscopie de la hanche, du carpe et du tarse sont bien décrites, mais moins souvent mises en pratique.
Comme toute avancée médicale, l’arthroscopie présente des avantages et des inconvénients (encadré) [6].
La chirurgie par arthrotomie est une technique invasive, à l’origine d’un traumatisme tissulaire important et permettant une exploration délicate et limitée de l’articulation. Ainsi, certaines lésions sont difficiles à diagnostiquer [14]. Pour améliorer la visibilité, une incision large de la capsule synoviale est nécessaire, souvent associée à celle d’un fascia ou d’une insertion musculaire pour compléter l’approche. L’apparition de complications est fréquente à court terme (instabilité articulaire, douleur) et systématique à long terme (dégénérescence arthrosique). En effet, cette procédure est plus douloureuse qu’une arthroscopie pendant et après l’intervention, induit des raideurs articulaires et requiert une rééducation plus longue [14].
La réduction de l’abord chirurgical par l’usage d’arthroscopes connectés aux caméras diminue ou supprime de nombreuses lésions iatrogènes, telles que les compressions des masses musculaires par les écarteurs et les sections tissulaires, tout en préservant la vascularisation et l’innervation de la capsule articulaire [14]. Cela permet de limiter la fibrose capsulaire et musculaire, tout en favorisant la cicatrisation osseuse.
L’arthroscopie, par sa magnification (zoom) et son illumination, permet une meilleure visualisation des structures et surfaces intra-articulaires [1]. Les soins postopératoires d’une arthroscopie sont moins délicats que ceux d’une arthrotomie. Les complications sont minorées, le traumatisme articulaire induit étant moindre [6, 12, 14]. En effet, le risque infectieux est plus faible pour une arthroscopie, avec un taux inférieur à 1 % [12]. De plus, les petits ports d’entrée créés à travers la capsule articulaire enflammée sectionnent moins de terminaisons nerveuses. La diminution de la douleur, relativement à une arthrotomie, permet une utilisation plus rapide du membre et améliore la récupération.
L’arthroscopie permet une évaluation plus complète de l’articulation grâce aux effets optiques de la transillumination (illumination directe par l’arthroscope) et à un champ de vision élargi, oblique de 30° par rapport à l’axe de l’arthroscope. Le grossissement peut aller jusqu’à 30 fois, permettant ainsi la visualisation de détails non observables à l’œil nu. Cette technique présente un autre avantage qui est la palpation peropératoire sous contrôle arthroscopique via le port instrumental. La palpation des structures couplée à leur observation ajoute un effet dynamique et augmente la fiabilité de l’exploration [1]. L’arthroscopie aide donc à établir un diagnostic précoce et précis. Grâce à sa faible morbidité et à son exceptionnelle sensibilité, cette technique est désormais considérée comme l’examen de choix d’une articulation par de nombreux auteurs [6, 12, 15].
Les méthodes de diagnostic conventionnelles des affections articulaires (examens clinique et orthopédique, radiographies standards et avec contraste, analyse du liquide synovial) sont particulièrement limitées lorsqu’il s’agit d’évaluer les surfaces du cartilage articulaire. Des avantages et des limites sont décrits pour chacun des examens complémentaires envisageables (tableau 1).
Les lésions récentes et discrètes sont des indications encore plus pertinentes de l’arthroscopie diagnostique. En effet, une symptomatologie modérée, couplée à une précision insuffisante des examens complémentaires d’imagerie, rend délicate la proposition d’une intervention chirurgicale diagnostique avec une exploration invasive. Par exemple, le propriétaire risque de ne pas comprendre qu’aucune lésion n’ait été trouvée par l’arthrotomie sur une suspicion de lésion du processus coronoïde.
L’arthroscopie permet l’évaluation de la membrane synoviale et de l’intégrité de la capsule articulaire (exploration utilisée en particulier lors d’instabilité de l’épaule). La morphologie des villosités synoviales est caractéristique : elles apparaissent très nettement à l’objectif, alors qu’avec l’arthrotomie elles sont collabées et ne peuvent être observées. L’arthroscopie permet d’apprécier la forme, l’aspect et la taille de ces structures. La membrane synoviale normale est globalement lisse, marquée d’un réseau vasculaire en larges mailles, avec quelques zones de villosités fines. Lors de synovite, la capsule fibreuse apparaît épaissie et les villosités sont anormales (hyperhémie, apparition de pétéchies, modification de forme, épaississement) (photo 1) [3]. Des biopsies synoviales peuvent être réalisées sous guidage arthroscopique. Elles permettent, le cas échéant, de déterminer l’origine des arthrites (infectieuse ou immune).
L’exploration arthroscopique permet d’observer les ligaments collatéraux et les ligaments intra-articulaires (par exemple, les ligaments croisé et gléno-huméral médial) (photo 2) [18, 19]. Les ligaments lésés sont ainsi facilement identifiés et l’atteinte est caractérisée, même lorsque la lésion est très partielle [6, 12, 14, 15, 19].
L’arthroscopie permet d’évaluer les structures tendineuses intra-articulaires, comme le tendon du biceps ou le tendon du muscle subscapulaire (photo 3).
Un des apports majeurs de l’arthroscopie est l’appréciation directe du cartilage articulaire. Souvent, ce dernier est endommagé bien avant que les lésions apparaissent sur les radiographies ou au scanner [5, 13]. Celles-ci sont reconnues avec l’arthroscopie et une classification est établie (tableau 2 et photos 4 à 6).
L’arthroscopie était une technique à visée surtout diagnostique. Grâce au développement de la technologie et à l’expérience des chirurgiens, elle a conquis le champ chirurgical.
L’arthroscopie permet le traitement de plusieurs atteintes articulaires par l’exérèse d’éléments anormaux, tels que le fragment du processus coronoïde médial, des lambeaux cartilagineux secondaires à une ostéochondrose disséquante (OCD), les lésions méniscales, les fragments secondaires aux fractures intra-articulaires (par exemple une fracture du tubercule supraglénoïdien) ou encore des fragments d’ostéophytes (photo 7) [9, 16, 18, 22]. L’exérèse de ces pièces se fait généralement avec des pinces à préhension sous contrôle arthroscopique via le port instrumental.
La technique des microfractures et celle du curetage sont utilisées sous arthroscopie lors de pertes cartilagineuses [22].
L’objectif de ces méthodes est l’obtention d’un saignement de l’os sous-chondral (apport vasculaire de la mœlle osseuse) permettant l’afflux de cellules souches et la formation d’un caillot de fibrine, ce qui induit le comblement de la zone déminéralisée par un tissu fibrocartilagineux (photo 8).
La technique des microfractures est réalisée à l’aide d’un matériel spécifique qui crée de petites perforations dans l’os sous-chondral.
Le curetage consiste à enlever le cartilage et l’os sous-chondral jusqu’au saignement de ce dernier (arthroplastie par abrasion), et peut être réalisé à l’aide d’une fraise motorisée (shaver).
Le lavage articulaire réalisé lors de toute arthroscopie permet de rincer l’articulation pour éliminer à la fois les médiateurs de l’inflammation (cytokines et métalloprotéases de l’articulation) et les produits de dégradation du cartilage (débris cartilagineux irritant pour la membrane synoviale).
Il est également utilisé lors d’arthrite septique, bien que, dans ce cas, l’aide de l’arthroscopie ne soit pas indispensable. Néanmoins, si des logettes sont présentes dans l’articulation, l’arthroscopie permet un débridement avant le rinçage.
L’arthroscopie aide à la mise en place du matériel orthopédique et permet de vérifier que le positionnement des implants n’est pas intra-articulaire. De plus, en cas de traitement d’une incongruence articulaire (par exemple, ulnotomie lors d’ulna court), il est possible de s’assurer de l’obtention d’une congruence articulaire restaurée avant la stabilisation de la distraction.
L’arthroscopie permet d’établir un diagnostic précoce et précis. Elle représente donc une solution alternative à l’arthrotomie et aux examens d’imagerie actuels, lorsque ces derniers ne permettent pas de détecter l’affection. En raison de son caractère peu invasif et de son exceptionnelle sensibilité, l’arthroscopie supplante l’arthrotomie pour le diagnostic et le traitement des atteintes articulaires. En effet, elle permet une exploration efficace de la cavité articulaire et une réduction des lésions iatrogènes, la récupération fonctionnelle est meilleure et la prise en charge postopératoire simplifiée. Néanmoins, l’arthrotomie reste une éventualité à considérer en cas d’échec de l’arthroscopie.
Aucun.
Avantages
→ Meilleure visualisation des structures intra-articulaires.
→ Diminution de la morbidité.
→ Limitation du taux de complications.
→ Réduction des temps anesthésique et chirurgical.
→ Diminution du temps d’hospitalisation et convalescence plus rapide.
→ Augmentation de la satisfaction générale des clients.
Inconvénients
→ Compétences spécifiques requises.
→ Nécessité d’un équipement spécifique et onéreux.
→ L’arthroscopie permet l’exploration des structures intra-articulaires de manière mini-invasive.
→ L’arthroscopie permet d’établir le diagnostic d’affections articulaires et de les traiter, si cela est indiqué, en un temps opératoire.
→ L’arthroscopie offre une plus grande et une meilleure visualisation des structures intra-articulaires, comparativement à l’arthrotomie.
→ La morbidité de l’arthroscopie est très faible, par rapport à l’arthrotomie.