Gestion des shunts intrahépatiques chez le chien : guide pratique dans deux centres hospitaliers vétérinaires - Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018

CHIRURGIE HÉPATIQUE

Article original

Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Clément Musso**, Juan Hernandez***, Laurent Cauzinille****, Eymeric Gomes*****, Jean-Philippe Billet******, Cyrill Poncet*******, Camille Bismuth********

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
**Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
***École vétérinaire Oniris
101, route de Gachet,
44300 Nantes
**** Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
*****Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
****** Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani, 44200 Nantes
*******Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil
********Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand, 94110 Arcueil

La chirurgie vasculaire du foie est désormais couramment pratiquée dans les centres spécialisés et permet de soigner certaines atteintes graves de cet organe, tels les shunts intrahépatiques.

Le shunt congénital porto-systémique est une anomalie vasculaire fréquente chez le chien. Le shunt hépatique est souvent sous-diagnostiqué en raison de ses multiples expressions cliniques non pathognomoniques. Le shunt intrahépatique est plus difficile à traiter chirurgicalement que le shunt extrahépatique en raison de la localisation du vaisseau anormal au sein du parenchyme hépatique. Il reste donc important de séparer la prise en charge, le traitement et le pronostic de ce type de shunt comparativement au shunt porto-systémique extrahépatique.

DONNÉES PRÉLIMINAIRES

1. Définition

Les shunts porto-systémiques sont des anomalies vasculaires consistant en la présence d’une communication directe entre le système porte et la circulation veineuse systémique (veine cave caudale ou veine azygos). Différents types de communication sont rencontrés : les formes congénitale ou acquise, unique ou multiple, intra- ou extrahépatique, macroscopique ou microscopique.

2. Épidémiologie

Les formes congénitales représentent les anomalies les plus fréquentes chez le chien et le chat. Selon sa localisation par rapport au parenchyme hépatique, le shunt est dit extrahépatique (66 à 75 % des cas) ou intrahépatique (25 à 33 % des cas) [2, 13]. Les shunts intrahépatiques sont plus fréquemment rencontrés chez des chiens de grand format tandis que les shunts extrahépatiques se retrouvent plutôt chez les chiens de petit format [3]. L’irish wolfhound, le labrador, le golden retriever et le berger australien sont des races prédisposées au shunt porto-systémique intrahépatique.

Les chiens sont souvent présentés à un très jeune âge (dès l’âge de 1 mois jusqu’à 2 ans) bien que certains puissent développer des signes cliniques assez tardivement. Les chiens porteurs d’un shunt intrahépatique sont souvent présentés plus tôt que ceux ayant un shunt extrahépatique. Le diamètre généralement supérieur du shunt intrahépatique, par rapport au shunt extrahépatique, permet en effet le passage d’un volume plus important de sang portal via le shunt jusque dans la circulation veineuse systémique, provoquant des signes cliniques plus sévères et plus précoces [2, 3].

3. Signes cliniques

Les signes cliniques observés lors de shunt hépatique sont le plus souvent non spécifiques et compatibles avec de nombreuses autres affections (encadré 1). Les propriétaires rapportent généralement des signes d’apathie chronique, une croissance lente sans prise de poids, des manifestations neurologiques (changement de comportement, pousser au mur, amaurose, ataxie, agressivité, aboiement compulsif, crises épileptiformes, stupeur, coma) [3, 5]. Les animaux présentant un shunt sont souvent plus petits que les autres membres de la portée. Dans certains cas, le seul trouble rapporté est un réveil retardé après une anesthésie générale, parfois sans aucun autre signe. Dans 20 à 53 % des cas, les chiens présentent une hématurie, une strangurie ou encore une pollakiurie allant jusqu’à des signes d’obstruction urinaire. Ces signes sont secondaires à la présence d’une urolithiase d’urate d’ammonium.

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

1. Diagnostic

Le diagnostic commence par une anamnèse, un examen clinique méticuleux, en particulier centré sur les systèmes gastro-intestinal et urinaire, et un examen neurologique. La prise en charge commence par la réalisation d’examens complémentaires (encadré 2).

Analyses sanguines

Les analyses sanguines comprennent la réalisation d’un bilan biochimique et hématologique exhaustif. Une microcytose est observée dans 60 à 72 % des cas, parfois associée à une anémie normochrome non régénérative. Les anomalies biochimiques sont très fréquentes en cas de shunt porto-systémique, et comprennent une hypoalbuminémie dans 50 % des cas, une diminution de l’urée dans 70 % des cas, une hypocholestérolémie dans 30 à 67 % des cas, une hypoglycémie dans 5 à 30 % des cas et une diminution de la créatinine [2, 6, 17]. L’activité sérique des enzymes hépatiques (Alat : alanine aminotransférase ; PAL : phosphatase alcaline) est généralement normale à modérément augmentée, car il n’existe pas de lésion physique des hépatocytes, mais une hypoxie cellulaire par hypovascularisation portale.

La concentration en acides biliaires lors de shunt hépatique est augmentée dans 76 % des cas à jeun et dans 100 % des cas après un repas [13]. Le dosage est effectué après une diète de 12 heures et 2 heures après un repas. Le dosage des acides biliaires est un test endogène de la fonction hépatique qui mesure l’efficacité du cycle entéro-hépatique. La mesure de la concentration des acides biliaires, comme le test de tolérance à l’ammoniac, permet d’évaluer la fonction hépatique de manière globale, mais elle n’est pas pathognomonique d’un shunt hépatique : en effet, ces tests peuvent être modifiés par n’importe quelle atteinte hépato-biliaire.

Des temps de coagulation ainsi qu’un groupage sanguin sont réalisés en phase préopératoire sur les shunts intrahépatiques contrairement aux shunts extrahépatiques. En effet, en raison de la localisation des shunts intrahépatiques dans le parenchyme hépatique, le risque de saignement n’est pas négligeable et doit donc être considéré et expliqué au propriétaire.

Examens d’imagerie

L’imagerie permet non seulement de confirmer la présence d’un shunt mais aussi de le localiser.

→ L’échographie abdominale, utilisée systématiquement dans nos centres pour chaque cas de suspicion de shunt porto-systémique, est rapportée comme une technique non invasive avec une sensibilité plus élevée pour la détection des shunts intrahépatiques (93 à 100 %) que pour les shunts extrahépatiques (74 à 95 %) (photo 1) [16]. L’examen s’effectue chez un animal à jeun depuis 12 heures, afin de limiter les interférences avec l’air présent dans le tube digestif.

Les observations possibles sont :

- un foie de petite taille hypovasculaire, avec des vaisseaux portes et hépatiques peu ou pas reconnaissables ;

- des reins de taille augmentée ;

- des calculs vésicaux (biurate d’ammonium) [16].

De même le tractus gastro-intestinal est également échographié afin d’exclure la présence d’un ulcère, particulièrement dans le cadre des shunts intrahépatiques [13].

→ L’angioscanner, utilisé systématiquement dans nos structures en cas de shunt porto-systémique, représente le gold standard pour l’évaluation des anomalies du système porte hépatique chez l’homme (photos 2a et 2b). La limite de cet examen en pratique courante est sa non-disponibilité sur tout le territoire.

La sensibilité de l’angioscanner est de 96 % et sa spécificité de 84 % [14]. Il permet de différencier les shunts intra- et extrahépatiques chez 83 % des animaux, et de déterminer l’origine et la position d’insertion du shunt dans 94 % des cas [14]. L’angioscanner permet aussi aux chirurgiens de bien modéliser le shunt dans l’espace, de le localiser avec précision et de déterminer ses rapports avec les structures avoisinantes et son lien avec la veine porte et la veine systémique dans lesquelles il se jette. Le plan opératoire est ainsi plus facile à concevoir (repères anatomiques, voie d’abord du shunt, etc.).

→ La scintigraphie transcolique est une technique alternative que nous ne pratiquons pas car, même si elle est sensible, elle ne permet pas de localiser le shunt.

2. Anatomie

La connaissance de l’anatomie du foie et de sa vascularisation est primordiale lors de l’approche diagnostique et thérapeutique du shunt intrahépatique (encadré 3). Un shunt intrahépatique n’est pas systématiquement inclus dans le parenchyme en intégralité et n’est pas toujours unique. Il s’abouche dans le système veineux posthépatique, à savoir dans une veine hépatique ou directement dans la veine cave. Les shunts intrahépatiques ont été classifiés suivant leur localisation. Il existe trois grands types de shunt intrahépatique selon la division hépatique dans laquelle il passe avant de rejoindre la veine cave.

Le foie du chien possède six lobes et trois divisions :

- le lobe latéral droit et le processus caudé du lobe caudé pour la division droite ;

- les lobes médian droit et carré pour la division centrale ;

- les lobes latéral et médian gauche pour la division gauche.

Le shunt à division gauche est très souvent détecté en position posthépatique avec un abouchement dans la veine hépatique gauche. Une ampoule est observée, dans la majorité des cas, à l’endroit du shunt, facilitant sa localisation peropératoire (ductus venosus) [22].

La fréquence des shunts varie selon les études :

- les shunts à division gauche sont rapportés dans 64 % des cas dans l’étude de White [21] ;

- la distribution des shunts porto-systémiques intrahépatiques comprend les divisions gauche (33 %), droite (38 %) et centrale (19 %) [20].

3. Traitement

Il a été prouvé que les traitements de choix pour les shunts porto-systémiques intrahépatiques sont chirurgical (technique extravasculaire ou intravasculaire) ou endovasculaire (embolisation par des coils). En effet, le taux de survie des chiens est significativement plus élevé avec un traitement chirurgical (2 156 jours) qu’avec un traitement médical (836 jours) [9].

Traitement médical

Tous les animaux doivent être traités médicalement pendant au moins les 4 semaines qui précèdent l’intervention chirurgicale afin de stopper les symptômes et de permettre à l’animal d’être dans des conditions optimales pour la chirurgie (poids, taille, albumine, etc.). Le traitement médical comprend généralement du lactulose (0,5 à 1 ml/kg par voie orale, deux fois par jour), un antibiotique pour diminuer la charge bactérienne intestinale (particulièrement anaérobie) productrice d’ammonium (métronidazole 7,5 mg/kg, deux fois par jour) et un inhibiteur de pompe à protons (oméprazole 1 mg/kg, deux fois par jour) afin de diminuer les risques d’ulcères hémorragiques gastro-intestinaux. Un régime avec des protéines d’origine végétale ou laitière (aliments hypoallergéniques particulièrement) est d’abord mis en place afin de ne pas aggraver l’hypoalbuminémie. Si l’animal ne tolère pas ce régime, un régime pauvre en protéines est administré (aliment à visée hépatique, Hill’s l/d). L’intervention chirurgicale n’est pas réalisée si l’hypoalbuminémie est toujours marquée (< 20 g/l) car le risque d’hypotension peropératoire est trop important. L’introduction de fromage blanc (10 g/kg) est alors recommandée. En raison du risque postopératoire de crises convulsives, du lévétiracétam (20 mg/kg trois fois par jour) est prescrit 1 à 3 jours avant l’intervention chirurgicale [8].

Traitement d’urgence de l’encéphalopathie hépatique

L’encéphalose hépatique peut parfois se traduire par des accès aigus (coma), qui menacent à très court terme la survie de l’animal. Il s’agit alors d’une urgence médicale. Il convient tout d’abord de vérifier la glycémie de l’animal et de le supplémenter en glucose, en particulier chez les chiots. Un lavement réalisé avec de l’eau tiède élimine les selles présentes dans le côlon. Une fois que la partie distale du tube digestif est propre, un lavement additionné de lactulose permet de réduire la population bactérienne locale et de diminuer la production et l’absorption de l’ammoniac. Une antibiothérapie (métronidazole) est directement instaurée par voie intraveineuse. Si une augmentation de la pression intracranienne est suspectée (coma, bradycardie, augmentation de la pression artérielle), la mise en place de mannitol (0,5 g/kg) est alors considérée pour diminuer l’œdème cérébral [13].

Traitement chirurgical

Les shunts intrahépatiques, contrairement aux shunts extrahépatiques, sont souvent plus difficiles à isoler et à atténuer chirurgicalement en raison de leur localisation dans le parenchyme hépatique.

L’objectif de l’intervention chirurgicale est d’atténuer (réduire la section) ou d’occlure complètement le vaisseau anormal afin de restaurer ou d’améliorer la perfusion portale et de maximiser la fonction hépatique. Peu de shunts peuvent être complètement occlus sans risque d’hypertension portale [1, 11, 15, 18]. Ce risque majeur a entraîné le développement de plusieurs techniques permettant une atténuation progressive en diminuant le risque d’hypertension portale [1, 11]. Papazoglou et coll. rapportent que 91 % des shunts intrahépatiques ne peuvent pas être occlus complètement (taille du vaisseau et volume de sang portal dévié) [18]. Le choix de l’occlusion complète ou de l’atténuation progressive du vaisseau se fait durant l’intervention chirurgicale par la mesure ou l’évaluation de la pression portale. En effet, aucune technique préopératoire ne permet de prendre une décision avant l’intervention.

Une biopsie hépatique n’est plus réalisée en routine car très souvent peu informative. En effet, l’histologie ne peut mettre en évidence une dysplasie microvasculaire en présence de shunt [2].

De même, les calculs vésicaux, sauf s’ils représentent un risque d’obstruction, ne sont plus retirés car ils vont disparaître avec les traitements médical et chirurgical.

Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites afin d’engendrer une atténuation progressive du shunt porto-systémique :

- les techniques extravasculaires incluent l’occlusion partielle avec une ligature en soie, un anneau améroïde, une bandelette de Cellophane® ou encore un occludeur hydraulique [1, 4, 11, 15, 19] ;

- les techniques intravasculaires comprennent l’embolisation par des coils, une ligature via une vénotomie porte, l’occlusion intraluminale depuis la veine cave thoracique, nécessitant l’arrêt circulatoire du foie [10, 20, 23].

Une technique endovasculaire par embolisation par des coils sous fluoroscopie est également décrite [20].

Mesure de la pression portale

L’hypertension portale postopératoire représente une complication peu fréquente mais pouvant être majeure. Une mesure de la pression portale est donc systématiquement réalisée.

La pression portale est mesurée en phase peropératoire par la mise en place d’un cathéter veineux jéjunal (photo 3). La pression portale normale d’un chien varie de 6 à 10 mmHg.

Plusieurs recommandations peropératoires postligatures doivent alors être respectées afin de diminuer ce risque, comprenant : une pression portale de 16 mmHg au maximum, une augmentation de pression portale de 8 mmHg au maximum ou encore une diminution de la pression artérielle systémique de 5 mmHg [13].

La pression porte peut être évaluée également de manière subjective avec la couleur des viscères (pâleur), l’apparition d’un hyperpéristaltisme, la modification du pouls des artères jéjunales avec dilatation et une cyanose du pancréas qui est l’organe le plus sensible à l’hypertension portale. L’utilisation de la pression dans le système porte comme critère décisionnel du degré d’occlusion du shunt a toutefois des limites. La pression est influencée en phase peropératoire par les facteurs hémodynamiques cardiovasculaires, l’hypovolémie, l’anesthésie, la modification de la pression abdominale, l’emplacement de la base de la colonne d’eau et du cathéter, la température corporelle ou encore la position de l’intestin. En raison des complications associées à l’occlusion complète et de la récidive des signes cliniques avec une atténuation partielle, il a été suggéré que le traitement idéal consiste en une atténuation graduelle progressive menant à l’occlusion complète dans un second temps avec une seule intervention chirurgicale. Néanmoins, dans de très rares cas, une occlusion complète est réalisée immédiatement, seulement si aucun signe d’hypertension portale n’est observé en phase peropératoire.

Localisation du shunt

Une bonne connaissance de l’anatomie est primordiale dans le traitement des shunts intrahépatiques. Ceux-ci peuvent se situer entre les lobes ou être complètement entourés de parenchyme hépatique, donc être non visibles. Les veines hépatiques et portales associées aux shunts peuvent être identifiées car elles sont très dilatées avec un flux turbulent. Les shunts non apparents sont identifiés par palpation du parenchyme hépatique qui est moins dense et par mesure de la pression portale. Une fois le shunt identifié, il convient de mesurer la différence de la pression portale par occlusion complète de celui-ci avec une pince Bulldog afin de confirmer la présence du shunt sur ce vaisseau (photo 4).

Techniques chirurgicales extravasculaires

Plusieurs techniques extravasculaires existent. La pose d’une bande de Cellophane® représente la technique la plus utilisée au sein des centres hospitaliers vétérinaires Frégis et Atlantia et permet une occlusion progressive du shunt. Le site d’occlusion diffère entre le shunt intra- et extrahépatique de par sa localisation intraparenchymateuse. Les shunts extrahépatiques sont occlus au niveau de leur abouchement sur la veine systémique. Le site d’occlusion du shunt intrahépatique est réalisé soit sur la veine porte qui irrigue le shunt, soit sur la veine hépatique gauche lors de shunt intrahépatique gauche.

La bande de Cellophane® est utilisée car elle représente une technique peu onéreuse, simple à réaliser, et qu’elle produit une atténuation graduelle progressive. Elle engendre une réaction inflammatoire chronique en agissant comme un corps étranger. Dans une étude expérimentale, la Cellophane® engendre une occlusion de 3 mm dans les 6 semaines après sa mise en place sur une veine fémorale [26]. Plusieurs facteurs contribuent au degré et à la vitesse d’occlusion : le diamètre interne et la largeur initiale de la bande de Cellophane®. Une étude récente sur 106 chiens traités avec une bande de Cellophane® apporte une résolution des anomalies biochimiques dans 50 % des shunts intrahépatiques et 84 % des shunts extrahépatiques [11]. Le taux de mortalité était de 3 % pour les shunts extrahépatiques et de 27 % pour les shunts intrahépatiques.

Plusieurs types de Cellophane® peuvent être utilisés. En général, la Cellophane® non médicale est choisie, comme la Cellophane® utilisée par les fleuristes ou encore la Cellophane® recouvrant les paquets de cigarette. La bande de Cellophane® est pliée en trois dans le sens de la largeur. Elle est ensuite assouplie en la mobilisant et mouillée dans le liquide physiologique pour faciliter son passage. Elle est ensuite passée autour du shunt et fixée à l’aide de trois ou quatre clips sous surveillance de la pression portale (photo 5). Initialement, une atténuation du shunt inférieure à 3 mm de diamètre était réalisée pour permettre une occlusion complète à terme [12]. Dans une étude plus récente, une occlusion complète a été démontrée chez les chiens et les chats sans atténuation intra-opératoire [7].

Soins postopératoires

Les animaux sont toujours réveillés et hospitalisés pour un minimum de 6 jours au service de soins intensifs avec une fluidothérapie, une analgésie, du lactulose, un traitement antibiotique, un régime pauvre en protéines, un inhibiteur de pompe à protons et un traitement antiépileptique. Une surveillance des signes d’hypertension ou de signes nerveux est réalisée. Ce traitement est continué pendant 1 mois au minimum. L’utilisation d’un anti-inflammatoire non stéroïdien est contre-indiquée en raison du risque majeur de développer des ulcères gastro-intestinaux [13]. Des analyses biochimiques (en particulier protéines totales et albumine) et hématologiques sont répétées en phase postopératoire puis conseillées selon l’évolution des signes cliniques. Un suivi clinique est primordial et est généralement réalisé à 2 semaines, à 3 mois et à 6 mois après l’intervention chirurgicale.

Beaucoup d’animaux ne retrouvent pas une mesure normale des acides biliaires lors des contrôles postopératoires, dès lors ceux-ci ne sont plus mesurer. En effet, dans l’étude d’Adin, tous les chiens ont présenté une résolution des signes cliniques après l’intervention alors que seulement 60 % de ceux-ci présentaient des acides biliaires dans les normes [1]. Dans une autre étude, seulement 10 % des chiens présentent un dosage normal des acides biliaires [4]. Une échographie abdominale est réalisée au contrôle à 2 mois postopératoires [25].

4. Complications

Dans les anciennes études, les shunts intrahépatiques sont associés à un taux de complications important allant jusqu’à 77 %. Ce taux a diminué grâce à une meilleure connaissance des shunts et à la mise en place d’un traitement médical en phase préopératoire, et représente 13 % des cas dans la dernière étude rétrospective de Weisse [20]. Les complications associées à la ligature d’un shunt intrahépatique incluent une hypertension portale aiguë, une hypotension artérielle, une congestion hépatique aiguë, une hypoglycémie, une hypothermie, des ulcères gastrointestinaux, des convulsions et une persistance des signes cliniques.

Des signes neurologiques apparaissent dans environ 9 % des cas jusqu’à 6 jours postopératoires, allant d’une simple ataxie à des crises épileptiformes qui peuvent se compliquer en status epilepticus [11]. Les crises épileptiformes peuvent apparaître dans les 3 à 6 jours postopératoires et représentent une complication peu comprise. Il ne s’agit pas d’une encéphalopathie hépatique, mais plutôt une altération du métabolisme du système nerveux central après la ligature. Dans la majorité des cas, les crises épileptiformes évoluent en status epilepticus causant des lésions cérébrales irréversibles souvent fatales. Il est important de stopper le cycle épileptiforme le plus rapidement possible avec l’utilisation de midazolam. L’administration d’une dose de charge de lévétiracétam par voie intraveineuse (de préférence) ou per os à 60 mg/ kg est à envisager rapidement, surtout si l’animal n’a pas reçu de traitement antiépileptique préopératoire [8]. En cas d’absence de réponse à ce traitement ou de passage à un status epilepticus, l’utilisation d’une perfusion continue de propofol est le traitement de choix. Pendant toute la durée de la sédation, il est primordial de continuer le traitement médical pour le shunt.

L’utilisation de lévétiracétam, à 20 mg/kg trois fois par jour, en phase préopératoire permet de réduire considérablement le risque de crises postopératoires [8]. Il est conseillé de continuer son utilisation pendant au moins 2 mois après l’intervention pour un animal sans aucune crise préalable ou 6 mois après la dernière crise convulsive.

Des signes compatibles avec des ulcérations gastro-intestinales (méléna, hématochézie) ont été mis en évidence dans 21 % des cas [20]. Même si le risque de développer des complications gastro-intestinales avec un shunt intrahépatique est bien connu, la cause n’est pas encore déterminée. Ainsi, il est primordial de mettre en place un traitement médical en phase préopératoire et ensuite à vie en phase postopératoire et de proscrire les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Une persistance des signes cliniques après l’intervention est rapportée dans 10 à 33 % des cas [4, 8].

L’apparition de shunt multiple acquis représente une complication de l’intervention chirurgicale. Elle est décrite dans 40 % des cas [15]. Les shunts acquis sont souvent la conséquence de l’hypertension portale. La raison pour laquelle certains individus développent des shunts multiples acquis reste peu claire. Actuellement, aucun facteur de risque n’a été identifié. L’hypothèse la plus probable reste une augmentation trop rapide de la pression portale ne laissant pas le temps à la vascularisation hépatique de s’adapter.

5. Pronostic

Le temps de survie médian des chiens ayant subi une intervention chirurgicale est de 2 204 jours [20]. Le temps de survie est raccourci si des ulcères gastro-intestinaux sont présents. L’apparition de crises épileptiformes dans la première semaine postopératoire assombrit fortement le pronostic.

Les seuls facteurs pronostiques incluent le changement de concentration en globuline et en protéines totales ou l’augmentation postopératoire de ces paramètres [20]. L’hypoalbuminémie et l’hypoprotéinémie sont considérées comme des facteurs pronostiques péjoratifs sur les résultats à court terme. L’hypoprotéinémie est considérée comme un facteur négatif sur la survie à long terme. Ces deux paramètres reflètent un dysfonctionnement hépatocellulaire persistant. Les acides biliaires pré- et postprandiaux ne sont pas considérés comme des facteurs pronostiques [18].

Ainsi, des anomalies d’analyses sanguines sévères préopératoires n’engendrent pas obligatoirement un mauvais pronostic.

Conclusion

Le traitement médical préopératoire et le traitement chirurgical avec une bonne connaissance de l’anatomie du foie et de sa vascularisation montrent des résultats prometteurs avec peu de complications à court et long termes, complétés par de très bons taux de survie. Il demeure toutefois quelques incertitudes sur la physiopathologie des complications comme les ulcères gastro- intestinaux et le dysfonctionnement neurologique. À l’avenir, le développement de techniques endovasculaires avec embolisation par coils ou utilisation de dissecteurs à ultrasons (dissection) devrait permettre de traiter des shunts inaccessibles par les techniques classiques.

Conflit d’intérêts

Cet article est la synthèse des pratiques des CHV Frégis et Atlantia.

Cet article est le fruit de la réunion interdisciplinaire proposée à d’autres structures par le centre hospitalier vétérinaire (CHV) Frégis dans un échange entre les spécialistes et les résidents de chaque domaine, en se fondant sur leur expérience, confrontée aux publications récentes.

Il ne s’agit pas ici d’un consensus général mais plutôt d’un état des lieux interne aux CHV Frégis et Atlantia, sans pour autant faire une revue de la littérature. C’est pourquoi, par exemple, toutes les techniques chirurgicales ne sont pas décrites (techniques extravasculaires avec l’améroïde, technique intravasculaire, ou nouvelle technique endovasculaire avec l’utilisation de coil).

ENCADRÉ 1
Signes cliniques lors de shunt porto-systémique

Signes neurologiques

→ Observés dans 41 à 90 % des cas.

→ Traduisent l’encéphalose hépatique.

→ Corrélation avec le repas dans 30 à 50 % des cas.

→ Léthargie, ataxie, déficits proprioceptifs, pousser au mur, crise convulsive ou comportement anormal (agressivité, aboiement compulsif, stupeur).

→ Réveil retardé après une anesthésie, parfois sans aucun autre signe.

Signes gastro-intestinaux

→ Observés dans 30 % des cas.

→ Vomissements, diarrhée, anorexie, pica.

→ Hémorragie gastro-intestinale (méléna, hématémèse) : 30 % des cas de shunt intrahépatique.

Signes urinaires

→ Observés dans 20 à 53 % des cas.

→ Signes de maladie du bas appareil urinaire très fréquents : hématurie, pollakiurie, strangurie ou obstruction urinaire.

→ Polyurie-polydipsie.

Autres

→ Cryptorchidie (50 % des chiens).

→ Souffle cardiaque.

D’après [3, 5, 13, 20, 24].

ENCADRÉ 2
Examens complémentaires réalisés lors de suspicion de shunt portosystémique

Analyses sanguines

→ Biochimie (urée, créatine, phosphate, PAL, Alat, glycémie, protéines totales, albumine, cholestérol, ammonium).

→ Hématologie.

→ Acide biliaire pré- (à jeun depuis 12 h) et postprandial (2 h après le repas).

Analyses urinaires

→ Densité urinaire.

→ Bandelette urinaire.

→ Protéines urinaires.

Imagerie médicale

→ Échographies abdominales répétées.

→ Angioscanner.

PAL : phosphatase alcaline ; Alat : alanine aminotransférase.

ENCADRÉ 3
Le foie du chien : rappels anatomiques

→ Le foie est constitué de six lobes répartis en trois parties :

- la partie gauche composée du lobe latéral et du lobe médial gauche ;

- la partie centrale composée du lobe médial droit et du lobe carré ;

- la partie droite constituée du lobe latéral droit et du lobe caudé.

→ Le foie est fixé au diaphragme par le ligament triangulaire droit et, surtout, par le ligament triangulaire gauche. Il est lié à l’estomac par le ligament gastro-hépatique et au duodénum par le ligament hépato-duodénal.

→ Au niveau du hile hépatique, la veine porte donne la veine porte droite qui irrigue le lobe latéral droit et le processus caudé du lobe caudé. La veine porte se prolonge cranialement pour donner une branche ventro-latérale qui irrigue le lobe médial droit. Elle dévie ensuite ventro-latéralement donnant une petite branche vers le processus papillaire du lobe caudé et se divise ensuite en plusieurs branches irriguant les lobes carré, latéral et médial gauche.

Avant d’arriver au hile hépatique, la veine gastro-duodénale s’abouche à la veine porte (figure 1).

→ Les veines hépatiques s’abouchent dans la veine cave. Les veines hépatiques des lobes latéral et médial gauches forment la veine hépatique gauche qui s’abouche dans la veine cave. Les veines hépatiques du lobe carré et du processus papillaire du lobe caudé sont drainées dans la veine hépatique gauche. Les lobes latéral et médial droits ainsi que le processus caudé du lobe caudé drainent directement dans la veine cave (figure 2).

Des variations peuvent être observées.

Points forts

→ Le shunt intrahépatique, représentant 25 à 33 % des shunts hépatiques, est plus difficile à traiter que le shunt. Ses signes cliniques sont plus sévères et plus précoces.

→ L’angioscanner représente le gold standard pour le diagnostic du shunt hépatique et permet aux chirurgiens de prévoir le plan opératoire.

→ Un traitement médical est systématiquement initié en phase préopératoire avec, en particulier, l’utilisation d’inhibiteur de pompes à protons pour diminuer le risque d’ulcères hémorragiques gastrointestinaux (prescription à vie).

→ L’atténuation du shunt est plus souvent utilisée que l’occlusion complète, pour diminuer les risques d’hypertension portale.