TOXICOLOGIE
Fiche toxicologie
Auteur(s) : Meg-Anne Moriceau*, Jennifer Blondeau**, Élodie Adamczyk***, Stéphane Queffélec****
Fonctions :
*CNITV, VetAgro Sup, 1 avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile,
La perméthrine reste un toxique d’actualité chez le chat, même si le nombre d’intoxications rapportées a diminué ces dernières années grâce à des campagnes de sensibilisation.
La perméthrine est un insecticide de synthèse de la famille des pyréthrinoïdes, généralement utilisé en tant qu’antiparasitaire externe. Il est utilisé sous forme de spot-on, de solution pour pulvérisation cutanée, de shampoing, etc., qui peuvent être fortement concentrés.
L’intoxication à la perméthrine se rencontre essentiellement chez le chat, lors d’une administration accidentelle d’un produit antiparasitaire pour chien (généralement un spot-on, plus concentré), ou lors d’un contact rapproché avec un chien récemment traité (photo).
Elle est nettement plus rare chez le chien. Les effets observés sont essentiellement d’origine digestive, éventuellement neurologique lors d’un surdosage massif, mais de bien moindre gravité que chez le chat.
Des campagnes de communication et une amélioration de l’étiquetage ayant été mis en place depuis 2008, une baisse du nombre d’intoxications rapportées est constatée.
Les rapports annuels de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) mettent en évidence cette évolution à la baisse, d’autant plus marquée depuis une nouvelle campagne de communication en 2013 (figure).
Cependant, cette intoxication représente toujours environ la moitié des effets indésirables rapportés chez le chat lors d’utilisation hors autorisation de mise sur le marché de médicaments vétérinaires.
Les vétérinaires sont invités à déclarer leurs cas dans le cadre de la pharmacovigilance vétérinaire.
La dose minimale toxique de la perméthrine est inconnue, mais des signes cliniques graves et une évolution potentiellement mortelle ont été rapportés pour une dose de 100 mg/kg.
L’absorption cutanée de la perméthrine étant faible, la contamination se fait généralement par léchage du pelage. Des cas graves surviennent parfois avec quelques gouttes de spot-on, alors qu’à l’inverse, pour certains animaux, l’application accidentelle d’une pipette entière n’entraîne que des tremblements peu graves. Cela pourrait être lié à un léchage plus ou moins intense du produit selon les chats.
L’origine de la sensibilité particulière du chat à cette molécule, par rapport à d’autres espèces, n’est pas élucidée.
Les symptômes apparaissent généralement dans les heures qui suivent l’application du médicament, selon un délai relativement variable, compris entre 1 et 12 heures. Dans certains cas, le délai peut aller jusqu’à 72 heures.
Les troubles neurologiques prédominent chez le chat. Des trémulations musculaires sont toujours présentes, voire des convulsions dans certains cas. De l’hyperexcitation, une ataxie, une parésie, ou encore un coma peuvent être observés. Une persistance des trémulations pendant plusieurs jours est possible. L’évolution s’étale généralement sur 1 à 5 jours.
Les troubles digestifs observés sont essentiellement une hypersalivation, voire des vomissements, de la diarrhée.
Le diagnostic de cette intoxication repose sur les commémoratifs et l’anamnèse du cas.
Une prise en charge rapide est nécessaire.
La décontamination cutanée, dont l’importance est trop souvent sousestimée, est l’élément clé dans la gestion de cette intoxication : l’animal doit être rincé à l’eau tiède et à l’aide d’un détergent tel que du liquide vaisselle ou du savon de Marseille, plus efficaces que les shampoings habituels d’entretien du pelage, pendant 10 à 15 minutes. Ce rinçage peut être répété quotidiennement pour s’assurer que l’intégralité du produit a été éliminée. Cette opération, afin d’être bien menée, nécessite parfois une tranquillisation de l’animal.
Le charbon végétal activé permet de limiter l’absorption par voie orale du toxique.
En revanche, provoquer des vomissements dans l’optique d’effectuer une décontamination digestive est peu intéressant lors d’ingestion récente, car les quantités ingérées sont généralement faibles.
Lorsque l’animal est présenté en convulsions, leur arrêt doit être la priorité du praticien, afin d’éviter l’apparition de lésions cérébrales et/ou musculo-squelettiques. Le diazépam peut être utilisé en première intention par voie intraveineuse [IV] ou intrarectale, à raison de 0,5 à 2 mg/kg. Il peut également être administré en perfusion continue, à la dose de 0,1 à 0,5 mg/kg/h, en vérifiant régulièrement qu’il ne précipite pas dans le soluté ou ne s’adsorbe pas à la tubulure de perfusion. Lors de convulsions réfractaires au diazépam, d’autres anticonvulsivants peuvent être utilisés :
– du phénobarbital (IV, 2 à 6 mg/kg) ;
– du pentobarbital (IV, 2 à 15 mg/kg) ;
– du propofol (IV lente : 1 à 6 mg/ kg, puis perfusion continue à raison de 6 à 36 mg/kg/h sous surveillance constante éventuellement associée à une oxygénothérapie, en raison d’un effet antidépresseur respiratoire marqué) ;
– de la médétomidine (chez le chat, IV ou par voie intramusculaire [IM] : 50 à 150 µg/kg) ;
– l’anesthésie gazeuse.
Le méthocarbamol est mentionné dans certaines publications étrangères dans la gestion des tremblements, mais non utilisé en France car il n’est disponible que sous forme orale. La dose mentionnée est de 44 mg/kg pour des trémulations modérées, et jusqu’à 55 à 220 mg/ kg pour des trémulations sévères ou des convulsions.
Les émulsions lipidiques, utilisées en médecine humaine initialement pour l’alimentation parentérale et par la suite dans le traitement de certaines intoxications, présentent également un intérêt dans la gestion des intoxications à la perméthrine chez le chat. Cette molécule étant lipophile, les émulsions entraîneraient un “effet siphon” permettant de piéger le toxique au niveau du compartiment vasculaire, et ainsi de favoriser son élimination (encadré).
Chez le chat, le pronostic est réservé dans les 48 premières heures d’évolution (de simples tremblements à l’admission peuvent se transformer ensuite en convulsions). Cependant, il est meilleur si la prise en charge est rapide, et particulièrement si la décontamination cutanée est bien menée. En cas de convulsions persistantes ou de coma, le pronostic devient alors sombre.
Aucun.
Pour une émulsion à 20 % :
– commencer par un bolus intraveineux (IV), à raison de 2 ml/kg en injection IV lente, sur 2 minutes environ ;
– poursuivre avec une perfusion continue, au débit de 4 ml/kg/h, pendant 4 heures.
La perfusion continue est à prolonger si nécessaire, selon l’évolution clinique.
Si la perfusion continue ne peut être réalisée, répéter les bolus toutes les 30 minutes, jusqu’à constater l’amélioration clinique de l’animal (dans un cas clinique publié, la rémission a été obtenue après huit bolus).
Pour éviter une hypothermie lors de cette prise en charge, ce qui pourrait majorer l’intensité des tremblements, l’eau doit être tiède et l’animal correctement séché à la suite du rinçage. Une eau trop chaude peut accélérer l’absorption du produit.
– Boland LA, Angles JM. Feline permethrin toxicity: retrospective study of 42 cases. J. Feline Med. Surg. 2010;12 (2):61-71.
– Ceccherini G, Perondi F, Lippi I et coll. Intravenous lipid emulsion and dexmedetomidine for treatment of feline permethrin intoxication: a report from 4 cases. Open Vet. J. 2015;5 (2):113-121.
– Peacock RE, Hosgood G, Swindells KL et coll. A randomized, controlled clinical trial of intravenous lipid emulsion as an adjunctive treatment for permethrin toxicosis in cats. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2015;25 (5):597-605.