Chirurgie d’exérèse des saccules laryngés - Le Point Vétérinaire expert canin n° 383 du 01/03/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 383 du 01/03/2018

CHIRURGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia,
22 rue René-Viviani,
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

Les races brachycéphales restent très à la mode en France malgré le caractère morphologique considéré comme anormal par beaucoup de professionnels et entraînant plusieurs anomalies physiopathologiques. Le syndrome obstructif des voies respiratoires supérieures des races brachycéphales (SORB) est sans doute celui qui est le plus connu et le plus souvent traité, du moins d’un point de vue chirurgical. Les anomalies anatomiques de ce syndrome comportent un épaississement et un allongement du voile du palais, une sténose des narines et des turbines intranasales anormales. Une hypoplasie trachéale et/ou une hyperplasie des plis pharyngés peuvent également être présentes primitivement. L’hyperpression inspiratoire entraîne de nombreux désordres secondaires dont le collapsus laryngé qui est souvent identifié sous forme d’éversion des saccules laryngés (laryngocèle, 55 à 59 % des cas). Cela correspond à un collapsus laryngé de grade 1 [4]. Le diagnostic de l’éversion des saccules laryngés est subjectif lors d’une laryngoscopie ou d’un examen direct.

ÉVERSION DES SACCULES LARYNGÉS

Le traitement chirurgical de l’éversion des saccules laryngés consiste en une simple sacculectomie. Comme décrite dans l’article résumé, la technique chirurgicale est simple : préhension, puis section à la base avec une paire de ciseaux [3]. Cependant, aucun consensus chirurgical n’est établi quant à la nécessité absolue d’une sacculectomie dans le traitement chirurgical du SORB. Certains chirurgiens la pratiquent en routine, d’autres la questionnent. En 2012, une étude a apprécié la possibilité d’une résolution naturelle de l’éversion des saccules à la suite de la correction chirurgicale du syndrome brachycéphale par une palatoplastie associée à une rhinoplastie bilatérale. Sur 10 chiens évalués, aucun des saccules laryngés ne s’est spontanément remis en place lors de l’évolution endoscopique postopératoire à moyen terme [1]. Ainsi, il est possible d’en conclure qu’une sacculectomie est indiquée dans les cas d’éversion des saccules laryngés, conjointement au traitement chirurgical “classique” d’un SORB, afin d’améliorer le flux d’air dans le larynx.

COMPLICATIONS

L’intérêt clinique et le risque de complications spécifiques à la sacculectomie n’ont pas été démontrés. L’article résumé est donc une avancée intéressante [3]. L’article publié en 2012 a rapporté des complications sous forme de granulomes cicatriciels réduisant la lumière laryngée [1]. Le bénéfice mécanique du retrait des saccules laryngés éversés en était annulé. Cependant, le faible nombre de cas inclus dans cette étude n’a pas permis d’en tirer de grandes conclusions.

L’étude rapportée est statistiquement plus intéressante. Bien que rétrospective, elle comporte un groupe contrôle composé de chiens n’ayant pas subi de sacculectomie. Ainsi, une comparaison a pu être effectuée, qui prouve une morbidité accrue à la suite de cet acte chirurgical. Cependant, les auteurs concluent au rôle toujours controversé de la sacculectomie car ils prennent en compte la population particulière étudiée, composée de plusieurs races avec différents grades de collapsus laryngé.

La distribution des grades de collapsus laryngé était similaire dans les deux groupes. Les auteurs concluent que le grade de collapsus n’influe pas a priori sur le risque de complications postopératoires. Cependant, il serait intéressant d’évaluer l’intérêt clinique de la sacculectomie en fonction de ces grades. Il serait possible de suspecter un bénéfice réduit de la chirurgie lors de collapsus de grade 2 ou 3 par rapport au grade 1.

PRONOSTIC SELON LES RACES

Un des biais de l’étude résumée est l’inclusion dans chaque groupe de différentes races de chiens. Les carlins et les bouledogues français et anglais, bien que tous clairement brachycéphales, n’ont pas exactement les mêmes caractéristiques physiques. Le pronostic à la suite au traitement chirurgical pourrait ne pas être identique. Ainsi, dans l’article résumé, la proportion de complications postopératoires est essentiellement importante dans la population de bouledogues anglais. Ainsi, 50 % d’entre eux ont développé des complications, modérées ou graves pour la moitié d’entre elles. À l’opposé, seuls 2 bouledogues français sur 20 ont présenté des complications et un tiers des carlins (n = 14), avec une majorité de complications mineures (n = 12). Il convient de mentionner que la répartition des races entre les deux groupes étudiés (S0 et S1) était inégale : la proportion de bouledogues anglais était deux fois plus importante dans le groupe S1 (n = 15, contre n = 7 dans S0), alors que celle de bouledogues français y était très réduite (n = 2 dans S1 contre n = 18 dans S0).

Conclusion

Bien que l’éversion des saccules laryngés soit une anomalie irréversible sans traitement, l’intérêt d’une sacculectomie lors de collapsus laryngé de grade 1 reste controversé. Le bénéfice clinique, ainsi que le risque de complications méritent de plus amples essais cliniques. Néanmoins, une étude a rapporté plus de 92 % de bons résultats sur le long terme [7]. Le biais à soulever ici est la technique d’évaluation des résultats à long terme à la suite du traitement du SORB. Les questionnaires utilisés paraissent largement insuffisants. L’emploi de la pléthysmographie est contraignant, mais semble aujourd’hui le meilleur moyen de mesurer objectivement l’impact clinique réel [5].

L’article résumé rappelle les taux acceptés de complications à la suite du traitement chirurgical du SORB, avec 11 à 26 % de complications respiratoires et 3,7 % de mortalité péri-opératoire [2, 6-8].

Enfin, rappelons que le SORB comprend également des signes cliniques digestifs qui doivent être pris en compte dans le diagnostic initial et le traitement, et qui peuvent influer sur le pronostic.

Références

  • 1. Cantatore M et coll. Medium term endoscopic assessment of the surgical outcome following laryngeal saccule resection in brachycephalic dogs. Vet. Rec. 2012;170 (20):518.
  • 2. Fasanella FJ et coll. Brachycephalic airway obstructive syndrome in dogs : 90 cases (1991-2008). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;237 (9):1048-1051.
  • 3. Hughes JR et coll. Complications following laryngeal sacculectomy in brachycephalic dogs. J. Small Anim. Pract. 2017;59 (1):16-21.
  • 4. Leonard HC. Collapse of the larynx and adjacent structures in the dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1960;137:360-363.
  • 5. Liu N-C et coll. Characterisation of brachycephalic obstructive airway syndrome in French bulldogs using whole-body barometric plethysmography. PLoS ONE. 2015;10 (6):e0130741-16.
  • 6. Poncet CM et coll. Long-term results of upper respiratory syndrome surgery and gastrointestinal tract medical treatment in 51 brachycephalic dogs. J. Small Anim. Pract. 2006;47 (3):137-142.
  • 7. Riecks TW et coll. Surgical correction of brachycephalic syndrome in dogs : 62 cases (1991-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;230 (9):1324-1328.
  • 8. Torrez CV et coll. Results of surgical correction of abnormalities associated with brachycephalic airway obstruction syndrome in dogs in Australia. J. Small Anim. Pract. 2006;47 (3):150-154.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer l’impact d’une sacculectomie sur le taux de complications postopératoires chez les chiens opérés d’un syndrome obstructif des voies respiratoires supérieures des races brachycéphales (SORB).

MÉTHODE

Étude rétrospective réalisée de 2009 à 2014 dans un hôpital universitaire. Les carlins et les bouledogues français et anglais présentés pour un SORB associé à une éversion des saccules laryngés et traités chirurgicalement sont inclus dans l’étude. Les chiens présentant d’autres anomalies des voies respiratoires sont exclus. Tous les animaux reçoivent des corticoïdes en phase péri-opératoire. La chirurgie consiste en une staphylectomie associée à une rhinoplastie. Les chiens sont répartis dans deux groupes selon qu’une exérèse des saccules laryngés éversés a été (S1) ou non (S0) réalisée. La sacculectomie est effectuée par excision simple aux ciseaux, après traction sur les saccules éversés à l’aide de pinces d’Allis.

RÉSULTATS

81 chiens sont inclus. 54,3 % (n = 44) d’entre eux sont dans le groupe S0 et 45,7 % (n = 37) dans le groupe S1. L’âge moyen lors de la chirurgie est de 25 mois. Aucune différence n’est détectée entre les deux groupes pour le poids ou l’âge, ni pour le grade de collapsus laryngé (n = 54 pour le grade 1, n = 25 pour le grade 2 et n = 2 pour le grade 3). 12,3 % de complications modérées ou graves sont rapportées (n = 10), avec un taux de mortalité de 3,7 %. Les chiens qui ont subi une sacculectomie présentent un risque accru de développer des complications modérées à graves (odds ratio respectivement de 2,97 et de 6,40). La durée médiane d’hospitalisation est plus élevée dans le groupe S1 (3 jours) que dans le groupe S0 (2 jours). Les taux de survie à court terme sont de 97,7 % pour le groupe S0 et de 94,6 % pour le groupe S1.

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