MÉDECINE INTERNE
Cas clinique
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
Une méningite neutrophilique occulte est parfois associée à une myocardite “inflammatoire pure”, qui peut être suspectée grâce à une anomalie échographique et à une élévation de la troponine I.
Un chien braque allemand, mâle, âgé de 14 mois, est référé pour l’exploration d’une fièvre d’origine indéterminée, avec dysorexie intermittente et douleur à la manipulation cervicale, présente depuis plusieurs semaines. Des examens sanguins n’ont montré aucune anomalie biochimique, mais ont révélé une leucocytose neutrophilique majeure. L’animal a reçu des anti-inflammatoires non stéroïdiens sans grande amélioration.
À l’examen clinique, l’animal est en bon état général, ses muqueuses sont rose pâle, sa température est de 39,4 °C. La manipulation cervicale met en évidence une cervicalgie nette, sans déficit neurologique associé.
La présence d’une hyperthermie non contenue par un traitement anti-inflammatoire invite à rechercher une affection inflammatoire du rachis (méningite ou spondylodiscite) en première intention.
Une ponction de liquide céphalo-rachidien (LCR) est réalisée : son examen montre une protéinorachie élevée (> 0,5 g/l) et une riche cellularité à prédominance neutrophilique (> 200 cellules/mm3) (photo 1). Ce résultat est compatible avec l’évolution d’une méningite aseptique suppurée, sans signe de myélite ou d’encéphalite associée. Une spondylodiscite ne peut être exclue.
Un examen radiographique du rachis et du thorax ne montre pas de spondylodiscite, mais identifie une nette cardiomégalie. L’examen échocardiographique révèle un cœur de morphologie et de taille très modifiées, associé à la présence d’un épanchement péricardique peu abondant. Aucune tamponnade n’est observée, mais une hypertrophie du ventricule gauche est visible (photo 2). Cette hypertrophie est au moins en partie liée à un défaut de remplissage ventriculaire. Une affection myocardique avec hypertrophie ne peut être exclue, celle-ci pouvant être primitive (hypothèse rarissime chez le chien) ou secondaire à une hypertension artérielle ou à l’évolution d’une myocardite. Dans l’hypothèse d’une myocardite, une origine infectieuse (en priorité bartonellose et maladie de Lyme) ou inflammatoire “pure” doit être recherchée.
La pression artérielle est normale. Une ponction de l’épanchement est réalisée sous contrôle échographique. Il présente un aspect d’exsudat inflammatoire (densité 1,045, taux protéique 50 g/l, cellularité neutrophilique). L’examen bactériologique et par polymerase chain reaction pour recherche de bartonellose est négatif. La mesure “basale” de troponine I cardiaque (réalisée par analyseur MiniVidas Biomérieux) se montre très élevée (65 ng/ml [norme : < 0,11 ng/ml]). Une élévation majeure de la protéine C-réactive est également observée. Des tests sérologiques pour la borréliose (test SNAP 4Dx), la néosporose et la toxoplasmose se rélèvent négatifs.
Un traitement immunomodulateur de prednisolone (2 mg/kg/j) est initié. Après une semaine, l’épanchement et les anomalies de la morphologie cardiaque ont disparu. La protéine C-réactive s’est normalisée et la troponine I a nettement diminué.
L’ensemble des modifications observées est en faveur d’une méningite suppurée, probablement aseptique. Une myocardite associée est fortement suspectée. Son origine reste indéterminée, en l’absence d’agent infectieux. L’évolution d’une myocardite “inflammatoire pure” associée à une méningite neutrophilique occulte est possible, en raison du caractère cortico-sensible de l’affection. Un cas similaire a déjà été décrit [1, 2]. Le diagnostic de certitude est établi sur biopsie du myocarde, mais une suspicion peut être émise sur la base d’une anomalie échographique et d’une élévation de la troponine I. Ce biomarqueur permet de suspecter avec une grande sensibilité une affection myocardique et de suivre son évolution.
Aucun.