Surveillance des infections postopératoires - Le Point Vétérinaire expert canin n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 382 du 01/01/2018

CHIRURGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia,
22, rue René-Viviani,
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

Le risque infectieux postchirurgical reste une inquiétude malgré les nombreux progrès durant les dernières décennies. Le taux d’infections de plaies est toujours rapporté dans les études évaluant l’intérêt d’une technique chirurgicale et est rarement nul.

Les chiffres peuvent varier grandement d’une étude à une autre ou d’un chirurgien à un autre. Par exemple, pour le risque infectieux secondaire à la réalisation d’une ostéotomie tibiale de nivellement du plateau tibial (TPLO), les études rapportent des taux de 0,8 à 14,3 % [2, 3]. La question peut se poser de savoir si ces variations ont pour origine une disparité entre les chirurgiens ou les hôpitaux, ou une évaluation différente entre les études.

DÉFINITION D’UNE INFECTION POSTCHIRURGICALE

Il convient de bien établir la définition d’une infection postchirurgicale [6]. Elle est issue de la médecine humaine et est rappelée dans l’article résumé [4]. Il s’agit d’une plaie avec un écoulement purulent avec ou sans culture positive, d’une culture bactériologique positive de la plaie, d’une déhiscence de plaie avec fièvre, d’une douleur localisée ou d’une gêne (infection profonde), d’une réouverture chirurgicale décidée de la plaie avec douleur, d’une gêne locale ou d’une rougeur ou d’un œdème localisé (infection superficielle) ou d’un diagnostic par le clinicien d’une infection du site chirurgical.

Le délai écoulé depuis l’intervention chirurgicale doit être pris en compte : une infection du site chirurgical peut intervenir dans les 30 jours suivant la chirurgie, mais ce délai est étendu à 1 an lorsque du matériel est laissé en place dans la plaie. Ainsi, un certificat de consolidation au bénéfice d’une assurance, par exemple, ne peut pas être établi avant 30 jours au moins, voire jusqu’à 1 an après la chirurgie, sans qu’une réserve ne soit laissée. Cependant, dans une étude récente, aucun cas d’infection n’a été détecté entre 30 jours et 1 an pour les chiens ayant eu une implantation de matériel [9]. Ce risque reste donc théorique.

TAUX D’INFECTIONS VÉTÉRINAIRES

L’article résumé rappelle le bénéfice de classifier les chirurgies en fonction de leur type : propre, propre-contaminée, contaminée et sale. Les définitions de ces quatre catégories doivent être maîtrisées par le chirurgien et utilisées en routine en raison de leur implication pronostique. Ainsi, dans la population de l’article résumé, les taux d’infections de plaies de chacune des quatre catégories sont conformes à ce qui était déjà connu chez les carnivores domestiques [7, 10]. La connaissance de ces taux permet de mieux anticiper le risque, de prévenir le propriétaire de l’animal en amont, mais aussi de planifier une antibioprophylaxie adaptée. De même, connaître le risque conduit parfois à recommander une antibiothérapie postopératoire, bien que cela ne soit pas la règle générale [3, 5, 8, 9].

SURVEILLANCE ACTIVE

Avec la multiplication des infections à agents pathologiques multirésistants, la prise en charge du risque infectieux augmente. L’incidence des infections, ainsi que leurs facteurs de risque sont des éléments critiques à connaître afin d’anticiper le risque. Ainsi, une surveillance spécifique doit être mise en place. Une surveillance passive utilise les données cliniques déjà collectées alors qu’une surveillance active nécessite un système de collecte de données dédié [9, 10].

Il est mentionné dans l’article résumé qu’en médecine humaine, jusque 50 % des infections de plaies postchirurgicales seraient non diagnostiquées en l’absence de programme de surveillance active. Une étude vétérinaire récente confirme les découvertes de l’article résumé avec un taux d’infections postopératoires non diagnostiquées sans surveillance active de 34 % [9]. De plus, les auteurs mentionnent qu’en médecine humaine, entre 19 et 84 % des infections interviendraient après la sortie d’hospitalisation [4]. Dans l’étude résumée, 100 % des infections postopératoires ont été diagnostiquées après la sortie d’hospitalisation. Une surveillance active est donc nécessaire pour obtenir des taux réalistes.

L’utilisation de questionnaires simples à 30 jours postopératoires a été plusieurs fois rapportée comme dans l’article résumé [4, 9]. Ces études sont prospectives et la mise en place en routine de tels systèmes de suivi implique une logistique coûteuse en termes de temps. La priorité doit être donnée à l’amélioration du système de surveillance passif et à une meilleure remontée des informations par les vétérinaires référents pour les centres de référés. Le développement d’outils numériques simplifiant le recueil de données pourrait néanmoins faciliter le développement de systèmes de surveillance actifs.

Conclusion

Le taux d’infections postopératoires est un indicateur nécessaire pouvant révéler un niveau de gestion du risque infectieux insuffisant. La comparaison de ces taux entre institutions doit cependant être faite avec précaution en raison de tous les facteurs à prendre en compte pour que l’analyse soit juste (types d’intervention et de plaie, durée d’anesthésie, etc.) [2]. Il en va de même pour la comparaison directe des taux d’infections rapportés entre différents chirurgiens. En premier lieu, il est important d’utiliser la même définition d’une infection postopératoire [1, 10]. La surveillance, passive ou active, est un facteur clé de la réduction du risque infectieux postopératoire. Le coût de celle-ci reste limité par rapport au poids économique du risque infectieux sur les structures vétérinaires.

Références

  • 1. Cook JL, Evans R, Conzemius MG et coll. Proposed definitions and criteria for reporting time frame, outcome, and complications for clinical orthopedic studies in veterinary medicine. Vet. Surg. 2010;39 (8):905-908
  • 2. Eugster S, Schawalder P, Gaschen F, Boerlin P. A Prospective study of postoperative surgical site infections in dogs and cats. Vet. Surg. 2nd ed. 2004;33 (5):542-550.
  • 3. Fitzpatrick N, Solano MA. Predictive variables for complications after TPLO with stifle inspection by arthrotomy in 1000 consecutive dogs. Vet. Surg. 2010;39 (4):460-474.
  • 4. Garcia Stickney DN, Thieman Mankin KM. The impact of postdischarge surveillance on surgical site infection diagnosis. Vet. Surg. 3rd ed. 2017;44 (1):2-8.
  • 5. Nazarali A, Singh A, WEESE JS. Perioperative administration of antimicrobials during tibial plateau leveling osteotomy. Vet. Surg. 2014;43 (8):966-971.
  • 6. Nelson LL. Surgical site infections in small animal surgery. VSP. Elsevier Inc. 2011;41 (5):1041-1056.
  • 7. Nicholson M, Beal M, Shofer F, Brown DC. Epidemiologic evaluation of postoperative wound infection in cleancontaminated wounds: a retrospective study of 239 dogs and cats. Vet. Surg. 3rd ed. 2002;31 (6):577-581.
  • 8. Pratesi A, Moores AP, Downes C, Grierson J, Maddox TW. Efficacy of postoperative antimicrobial use for clean orthopedic implant surgery in dogs: a prospective randomized study in 100 consecutive cases. Vet. Surg. 2015;44 (5):653-660.
  • 9. Turk R, Singh A, Weese JS. Prospective surgical site infection surveillance in dogs. Vet Surg. 2015;44 (1):2-8.
  • 10. Weese JS. Monitoring for surgical site infection. In: Veterinary surgery: small animal. Elsevier Health Sciences. 2013. pp. 170-9. (2-Volume Set; vol. I).

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer l’influence d’une surveillance active à la suite de la sortie d’hospitalisation sur la détection des infections des sites chirurgicaux.

MÉTHODE

Étude prospective. Tous les chiens et chats ayant subi une intervention chirurgicale dans un même bloc de mi-2012 à la fin 2013 ont été inclus. La classification de la plaie est notée : propre, propre contaminée, contaminée ou sale. Une infection du site chirurgical (SSI) est définie selon les critères du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

La surveillance active du développement d’une SSI est réalisée au moyen d’un questionnaire 30 jours environ après la sortie d’hospitalisation.

RÉSULTATS

1 188 chiens et 83 chats ont été inclus. La durée médiane d’hospitalisation est de 4 jours. L’incidence d’anomalies de plaie est de 4,8 % (n = 61). Un taux de 2,83 % de SSI est observé (35 chiens et 1 chat). Ce taux est de 3,3 % pour les chirurgies des tissus mous, 3,9 % pour les chirurgies orthopédiques et 0,35 % pour les chirurgies neurologiques. 83 % sont des infections superficielles, 8 % des infections profondes et 8 % des infections organiques ou cavitaires. 27,8 % des SSI seraient passées inaperçues en l’absence de surveillance active (n = 10/36).

Aucune SSI n’est diagnostiquée avant la sortie d’hospitalisation. Les taux d’infections sont de 2,7 %, 3,2 %, 4,3 % et 12,5 % respectivement pour les plaies propres, propres contaminées, contaminées ou sales. 34,4 % (n = 21) des anomalies de plaies ont été prélevées pour une culture bactériologique. Cinq cultures sur 21 ont donné un résultat négatif. Les trois bactéries les plus souvent identifiées sont Staphylococcus pseudointermedius, Enterococcus et Pseudomonas aeruginosa. Quatre des six Staphylococcu s identifiés étaient résistants à la méthicilline.

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