Nouvelle proposition de traitement de l’ostéochondrite disséquante : les implants SynACART® - Le Point Vétérinaire expert canin n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 382 du 01/01/2018

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE ET PROTHÉTIQUE

Article original

Auteur(s) : Alexis Coquet*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
alexis_coquet@hotmail.fr

L’ostéochondrose du grasset est l’une des atteintes articulaires des grandes races les plus réfractaires au traitement chirurgical : un nouvel implant pourrait résoudre cette difficulté.

L’ostéochondrose est une anomalie de l’ossification enchondrale. Elle résulte d’un défaut de différenciation du tissu cartilagineux en os au cours de la croissance [8, 13, 15, 18].

Cet ensemble d’affections constitue parfois un vrai défi thérapeutique, notamment lorsqu’elles concernent le grasset. En effet, les résultats des techniques actuelles ne sont pas aussi encourageants pour cette articulation que pour d’autres telles que l’épaule.

L’ostéochondrite disséquante reste une maladie rare, ce qui limite le nombre d’études sur les résultats des différents traitements. Cependant, les corrections chirurgicales classiques sont décevantes, même si l’arthroscopie pourrait avoir amélioré ces résultats.

PATHOGÉNIE DE L’OSTÉOCHONDROSE ET DE L’OSTÉ-OCHONDRITE DISSÉQUANTE

Pendant la croissance, les cellules cartilagineuses présentes au sein des cartilages de conjugaison (métaphysodiaphysaires) et des cartilages articulaires se multiplient, de la surface vers la profondeur, et s’ossifient progressivement, déposant ainsi, couche après couche, de nouvelles cellules osseuses sous la surface des cartilages. C’est ainsi que croissent les épiphyses (cartilages articulaires), et les métaphyses et diaphyses (cartilages de conjugaison). Lors d’ostéochondrose, cette ossification enchondrale est perturbée localement. Les couches les plus profondes d’une zone plus ou moins étendue de cartilage articulaire ne se différencient pas en os. Le cartilage s’y épaissit et sa profondeur n’est plus nourrie correctement par l’imbibition du liquide synovial (ostéochondrose ou ostéochondrite : ce sont les mêmes entités).

Les nutriments ne pouvant plus atteindre les cellules profondes de cette zone, les chondrocytes vont alors dégénérer. Cette dégénérescence rend cette lésion plus sujette à un traumatisme ou à une nécrose, et risque d’entraîner un décollement du cartilage (ostéochondrite disséquante). L’inflammation et les traumatismes répétés peuvent ensuite conduire à une séparation plus ou moins complète du lambeau cartilagineux décollé, qui, en cas de décollement complet, devient une souris articulaire [8, 15, 18]. La cause exacte de l’ostéochondrose n’est pas connue, mais la maladie est très probablement multifactorielle. Une croissance trop rapide, des facteurs nutritionnels, un excès de calcium, des microtraumatismes, une période d’ischémie ou des troubles hormonaux ont été évoqués en plus d’une origine génétique qui a été établie pour certaines formes. La physiopathologie la plus probable reste celle de lésions vasculaires induites par des traumatismes répétés entraînant un défaut d’oxygénation et d’apports nutritifs au cartilage à l’origine de ce défaut d’ossification [8, 15].

SIGNES CLINIQUES DE L’OSTÉOCHONDRITE DISSÉQUANTE

Les signes cliniques incluent surtout une boiterie du ou des membres atteints, mais aussi de la douleur à la mobilisation de l’articulation, un épanchement articulaire (souvent important) et une intolérance à l’effort [8, 15]. Ils débutent souvent chez des chiens jeunes (entre 4 et 10 mois), de grandes races ou de races géantes. Les chiens mâles sont affectés deux à trois fois plus souvent que les femelles. L’atteinte peut être unilatérale ou bilatérale.

Les chiens de grandes races tels que le golden retriever, le labrador retriever ou le rottweiler sont prédisposés [13]. L’ostéochondrite disséquante (OCD) est le plus fréquemment retrouvée au niveau de l’épaule (tête humérale), du coude (portion médiale du condyle huméral), du grasset (portion latérale du condyle fémoral) et du jarret (talus) [13]. Des lésions d’OCD ont aussi été décrites au niveau du sacrum.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic est fondé sur le signalement, les signes cliniques, les radiographies ou, si nécessaire, sur un examen tomodensitométrique ou une arthroscopie (photo 1).

Une lacune sous-chondrale arrondie est souvent notée à la radiographie. Cette dépression du contour épiphysaire est fréquemment associée à une ostéocondensation périphérique. Le gonflement articulaire est souvent visible. Une souris articulaire libre dans l’articulation peut occasionnellement être observée [14].

D’autres techniques ont été décrites, comme l’imagerie par résonance magnétique [IRM], l’arthrographie ou l’échographie, mais le scanner et l’arthroscopie semblent les examens de choix lorsque les radiographies ne sont pas diagnostiques, ou que l’évaluation de la taille et de la conformation de la lésion est essentielle pour la planification chirurgicale. L’arthroscopie permet également un traitement des lésions observées.

TRAITEMENTS CLASSIQUES

En raison du diagnostic souvent tardif, les traitements conservateurs sont peu efficaces, avec des signes cliniques qui réapparaissent et une arthrose qui progresse. Cette approche pourrait être adaptée pour des lésions diagnostiquées très précocement, idéalement avant la création d’un lambeau cartilagineux. En effet, si l’ostéochondrose est diagnostiquée de manière précoce, avant le développement de signes cliniques, un repos strict peut limiter l’évolution et le traitement non chirurgical a alors un meilleur pronostic.

Une intervention chirurgicale est recommandée le plus tôt possible après le diagnostic. Les objectifs sont de retirer le (s) lambeau (x) cartilagineux et de stimuler une guérison de la surface articulaire par un fibrocartilage.

L’arthroscopie permet le traitement de première intention lors d’OCD. Elle offre une bonne exploration de l’articulation et des lésions. C’est une technique mini-invasive, comparée à l’arthrotomie, qui sert à la fois de diagnostic et de traitement : exérèse du lambeau de cartilage plus ou moins décollé et curetage de l’os mis à nu pour favoriser la néoformation d’un fibrocartilage cicatriciel. Les microfractures de l’os sous-chondral réalisées par arthroscopie, à l’aide d’une curette et/ou d’une broche, permettent l’afflux de cellules mésenchymateuses de la mœlle osseuse, donc la formation d’un fibrocartilage de meilleure qualité.

Le traitement peut alors être bilatéral avec une meilleure récupération fonctionnelle en raison de son caractère peu invasif qui favorise une amélioration rapide [1, 8, 15, 16].

Les résultats cliniques de l’approche par arthroscopie sont, en effet, très encourageants pour une grande partie des lésions d’OCD.

Le pronostic des OCD de l’épaule est bon à excellent. Sur 150 épaules atteintes d’OCD traitées par arthroscopie, 137 ont bénéficié d’une résolution complète de la boiterie, soit 91 % de succès [9].

De bons résultats sont constatés pour les articulations du coude depuis l’utilisation de l’arthroscopie. L’OCD du coude est beaucoup moins fréquente que la fragmentation du processus coronoïde médial, mais les résultats diagnostiques et thérapeutiques de l’arthroscopie sont encourageants [11, 17].

Les OCD du tarse ont un moins bon pronostic, avec 10 chiens sur 16 continuant à boiter dans une récente étude [10].

L’OCD du grasset présente également un assez mauvais pronostic [2, 5]. Cela a motivé les orthopédistes à se tourner vers de nouvelles techniques telles que les greffes ostéochondrales, qui sont pourtant assez invasives (besoin d’un site donneur). Les résultats furent assez encourageants. Une étude sur 10 chiens a notamment montré une amélioration de la qualité de vie de tous les animaux. En revanche, seulement 2 ne boitaient plus du tout et un tiers des animaux présentaient des complications de type séroma, notamment [2].

Fitzpatrick et coll. ont mené une étude sur l’autogreffe et montré une disparition de la boiterie pour cinq des six grassets opérés. En revanche, une progression de l’arthrose (des ostéophytoses notamment) a été notée à moyen terme [7]. Cependant, sur les 16 OCD de l’épaule traitées par autogreffe, 13 ont nécessité 18 semaines pour que la boiterie disparaisse [6].

Ces études sur ces nouvelles techniques montrent des résultats satisfaisants, malgré la présence de certaines complications à court (séroma) ou à moyen terme (progression de l’arthrose, délai avant disparition de la boiterie). De plus, les greffes ostéochondrales nécessitent un site donneur qui peut lui-même être à l’origine de complications.

Les moins bons résultats des techniques classiques et les limites de celles qui ont suivi ont donc motivé la recherche autour de la mise en place d’hémiprothèses synthétiques comme le SynACART®.

NOUVELLE TECHNIQUE : L’IMPLANT SYNACART®

Une nouvelle technique pour traiter les lésions d’OCD est disponible avec les implants SynACART®. Il s’agit d’un implant ostéochondral synthétique utilisé comme prothèse. C’est un implant biphasique avec une partie en métal, poreuse, qui est impactée dans l’os et qui permet une ostéo-intégration, et une partie lisse se retrouvant dans l’articulation avec un coefficient de friction proche de celui d’une surface cartilagineuse (photo 2). Il nécessite un matériel d’implantation spécifique (photos 3 et 4).

Illustration par un cas clinique

Afin d’illustrer la technique chirurgicale, nous allons prendre le cas d’un braque de Weimar présentant une OCD majeure des condyles latéraux des deux grassets, opérés simultanément. Il s’agit dans cet article de l’opération du grasset gauche.

Intervention chirurgicale

L’animal est placé sur la table d’opération en décubitus dorsal, grasset fléchi.

Une incision de la peau sur la face médiale du grasset est réalisée afin de limiter l’accès aux points de suture en phase postopératoire pour le chien (photo 5).

L’articulation est ouverte par abord latéral (photo 6).

En raison de la position caudale de la lésion, une hyperflexion du grasset est nécessaire afin de visualiser au mieux cette lésion (photo 7).

La surface lésée est retirée à l’aide d’une lame de 11 et d’une pince d’Adson (photo 8).

La taille exacte de la lésion est mesurée à l’aide du guide SynACART® pour sélectionner le bon diamètre de la prothèse à utiliser. Une broche de 2,4 mm de diamètre est ensuite insérée dans le condyle à travers le guide (photo 9).

Le guide est ensuite retiré afin de placer la canule de forage d’une taille adaptée à la lésion sur la broche.

La canule permet un forage de 8 mm de profondeur (photo 10). La canule et la broche sont ensuite retirées.

Un lavage abondant de la zone est réalisé avec du sérum physiologique stérile, puis la prothèse est impactée (photos 11 et 12).

Un nouveau lavage abondant de la région est nécessaire avant d’effectuer une fermeture conventionnelle.

Contrôle postopératoire

Les radiographies postopératoires du grasset montrent l’implant bien en place (photos 13 et 14).

Dès le lendemain de l’opération, le chien se met debout sur ses quatre membres (photo 15).

Contrôle différé

À trois mois, une légère boiterie est rapportée par les propriétaires lors d’efforts importants et une sensibilité au niveau du membre postérieur gauche est observée en consultation.

À six mois, aucune boiterie n’est notée en consultation. Seule une boiterie intermittente à gauche est rapportée après des sorties de plus de 2 heures. La masse musculaire est bien améliorée, aucune douleur n’est mise en évidence à la manipulation et l’amplitude de mouvement est bonne.

DISCUSSION

Devant les résultats décevants des approches conventionnelles dans beaucoup de cas pour le traitement des OCD du grasset, les orthopédistes se sont tournés vers de nouvelles techniques, telles que les prothèses synthétiques. Les implants SynACART® s’appuient sur une ostéo-intégration des implants, ce qui permet une application solide et durable.

Ces hémiprothèses de cartilage, aussi utilisées chez l’homme pour les hanches notamment, ont une surface très proche de celle du cartilage, ce qui permet de ne pas remplacer le côté encore sain de l’articulation. Le recul est encore insuffisant pour établir avec certitude une supériorité de cette approche par rapport à une technique conventionnelle par arthroscopie.

Les complications possibles de ce type d’approche comprennent une persistance de la boiterie, le développement d’une arthrose, sans pouvoir prédire son caractère invalidant à long terme, et le mouvement de l’implant. Si une infection de l’articulation survient, il est important de prendre en compte que l’implant constitue un corps étranger et peut permettre la création d’un biofilm.

Certaines études expérimentales montrent que les implants sont bien tolérés, et c’est également notre expérience. Dans l’étude de Cook et coll., deux types d’implants SynACART® (SynACART® Titanium et SynACART® PEEK) ont été évalués avec un suivi radiographique, arthroscopique et histologique, jusqu’à 3 mois postopératoires. Aucun signe d’infection ou de rejet n’a été noté sur les 12 cas. Les implants en titane présentaient de meilleures ostéo-intégration et stabilité au sein de l’articulation du grasset [3].

Il est également possible de comparer ces implants avec des techniques similaires utilisées dans d’autres articulations telles que l’arthroplastie du coude ou de l’épaule, où les résultats sont encourageants avec plus de 90 % de récupération acceptable à complète pour le coude et un bon ancrage des implants au sein de l’épaule [4, 12].

Conclusion

Comme toute technique nouvelle, cette approche mérite une évaluation clinique sur de nombreux cas, ce qui reste complexe pour une maladie peu fréquente. Idéalement, il conviendrait de comparer les résultats cliniques à long terme de cet implant synthétique et du fibrocartilage cicatriciel. La rareté des cas d’OCD du grasset impose un certain délai pour atteindre cet objectif. Quoi qu’il en soit, notre expérience sur quelques cas, à l’instar de celui décrit, est très positive et a motivé cette publication à titre de proposition.

Références

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  • 2. Cook JL, Hudson CC, Kurori K. Autogenous osteochondral grafting for treatment of stifle osteochondrosis in dogs. Vet. Surg. 2008;37:311-321.
  • 3. Cook JL, Kuroki K, Bozynski C et coll. Evaluation of synthetic osteochondral implants. J. Knee Surg. 2014;27 (4):295-302.
  • 4. Cook JL, Schulz KS, Karnes GJ et coll. Clinical outcomes associated with the initial use of the Canine Unicompartmental Elbow (CUE) Arthroplasty System®. Can. Vet. J. 2015;56 (9):971-977.
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  • 6. Fitzpatrick N, Van Terheijden C, Yeadon R, Smith TJ. Osteochondral autograft transfer for treatment of osteochondritis dissecans of the caudocentral humeral head in dogs. Vet. Surg. 2010;39 (8):925-935.
  • 7. Fitzpatrick N, Yeadon R, Van Terheijden C, Smith T. Osteochondral autograft transfer for the treatment of osteochondritis dissecans of the medial femoral condyle in dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2012;25 (2):135-143.
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  • 18. Ytrehus B, Carlson CS, Ekman S. Etiology and pathogenesis of osteochondritis. Vet. Pathol. 2007;44:429-448.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’ostéochondrose (ou ostéochondrite) est une anomalie de l’ossifi cation enchondrale pouvant provoquer fi ssure et souris articulaire (ostéochondrite dissécante : OCD).

→ Différentes techniques de corrections chirurgicales existent, mais leurs limites sont nombreuses, surtout pour le grasset. D’où l’idée d’utiliser une hémiprothèse de cartilage synthétique.

→ Un double essai est pratiqué avec des implants SynACART® sur un braque de Weimar présentant une OCD majeure des deux grassets. C’est un succès, le chien est mobile en 24 heures et ne boite plus à 6 mois.

→ Notre exemple confi rme les quelques études récentes : ce type d’implants est bien toléré, son ostéo-intégration est bonne et les résultats sont prometteurs.

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