La protection animale s’impose dans les abattoirs - Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018

BIEN-ÊTRE ANIMAL

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Les actions récentes d’activistes de la protection animale, bien que condamnées, accélèrent le processus d’introduction de la bien-traitance animale dans les abattoirs.

Les faits

En décembre 2016, deux militants de l’association L 214, en tenue de camouflage, s’introduisent dans un abattoir pour y installer des caméras. Les images obtenues, à l’insu de la direction de l’abattoir, sont diffusées quelques semaines plus tard sur une chaîne nationale.

L’association n’en est pas à son coup d’essai. De telles diffusions récurrentes, génératrices d’émotion publique, sont à l’origine de réactions politiques.

Le tribunal correctionnel, saisi par les professionnels mis en cause, eu égard aux retombées désastreuses pour leur image, pour violation de domicile et atteinte à la vie privée, rend son jugement le 4 septembre 2017.

Le jugement

Le tribunal applique l’article 226-4 du Code pénal qui stipule : « L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

Les deux militants sont condamnés à 6 000 € d’amende dont 5 000 € avec sursis pour violation de domicile, tout en étant relaxés du chef de violation de la vie privée. En raison du risque d’une peine plus lourde, ils ne font pas appel.

Pédagogie du jugement

L’état de nécessité

Selon le tribunal : « L’état de nécessité ne peut trouver à s’appliquer en l’absence de danger actuel et imminent pour les animaux, s’agissant d’un abattoir respectant la réglementation en vigueur. » En effet les prévenus se sont introduits dans l’abattoir, non pas pour accomplir un acte destiné à la sauvegarde des animaux, mais pour capturer des images.

La Convention européenne des droits de l’homme

Le tribunal n’a, en revanche, pas pris en considération la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), dont l’interprétation aurait pu être favorable aux prévenus.

En effet la CEDH, dans son article 10, reconnaît le droit de communiquer des informations au nom de la liberté d’information. Cependant, ce droit à la liberté d’expression pour alimenter un débat public d’intérêt général s’exerce à condition de respecter les droits d’autrui. Or, les prévenus se sont procurés les images diffusées dans des conditions litigieuses portant visiblement atteinte à ces droits.

La Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg, aurait pu être sollicitée pour dire si, au regard de l’article 10 de la CEDH, il est justifiable de s’introduire par effraction dans une propriété privée pour y capturer des images utiles au débat public sur la question d’intérêt général de la protection des animaux.

Les prévenus n’ont pas souhaité mener cette démarche.

En effet, selon l’article 35 de la CEDH, la recevabilité des requêtes individuelles est subordonnée à l’épuisement des voies de recours internes. L’appel des prévenus aurait pu avoir pour conséquence une aggravation considérable de la peine.

La “clémence” des juges (1 000 € ferme au regard des 15 000 € et de la peine d’emprisonnement encourus) a-t-elle pour objectif caché de dissuader les militants de poursuivre une procédure judiciaire à l’issue incertaine, susceptible d’ouvrir une véritable boîte de Pandore ?

Conséquences politiques

À la suite des diffusions des enregistrements pirates, face à l’émotion publique, une commission d’enquête parlementaire a été confiée à M. Olivier Falorni qui a rendu son rapport le 20 septembre 2016(1).

Dans le prolongement de ces travaux, l’Assemblée nationale validait en janvier 2017 le principe de la vidéosurveillance dans les abattoirs à compter de janvier 2018. Dans chaque département, un comité de concertation et de dialogue est mis en place, réunissant les acteurs locaux, les services vétérinaires, les professionnels de la viande, les associations de protection animale, de consommateurs et les représentants religieux.

Ces mesures participent au vaste programme de protection animale dans les abattoirs, au nombre de 263, où exercent déjà plus de 1 000 responsables “protection animale” formés depuis 2013.

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