Chirurgie des uretères ectopiques chez le chien et continence urinaire à long terme - Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018

CHIRURGIE UROLOGIQUE

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Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Iban Irubetagoyena**

Fonctions :
*Centre hospitalier
vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
**Clinique vétérinaire Aquivet
19, Avenue de la Forêt
33320 Eysines

La correction chirurgicale de l’incontinence urinaire due à un uretère ectopique a prouvé son efficacité.

L’uretère ectopique est une anomalie congénitale de l’abouchement de la partie distale de l’uretère engendrant une incontinence urinaire. Chez les femelles, l’abouchement se fait au niveau du col vésical, de l’urètre proximal moyen ou distal, du vagin ou de l’utérus. Chez les mâles, les uretères peuvent s’aboucher sur l’urètre prostatique ou les canaux déférents.

Classification

Deux types d’uretères ectopiques sont décrits, selon que l’uretère est intramural ou extramural. L’uretère intramural, le plus fréquent chez le chien, pénètre la paroi vésicale dans une position normale, mais sans s’aboucher sur le trigone vésical. Il suit ensuite un tunnel au sein de la sousmuqueuse vésicale pour finalement s’ouvrir au niveau du col vésical, de l’urètre ou du vagin. L’uretère extramural court-circuite la vessie intégralement pour s’aboucher dans le système urogénital distal.

Épidémiologie

Les uretères ectopiques sont vingt fois plus fréquents chez les femelles que chez les mâles [5].

Ils sont souvent associés à d’autres anomalies congénitales comme l’hydro-uretère, l’hydronéphrose, l’hypoplasie rénale, des malformations vaginales (brides vaginales) ou l’hypospadias [2, 3, 8].

L’uretère ectopique, plus rarement diagnostiqué dans l’espèce féline, atteint majoritairement certaines races de chiens : le golden retriever, le labrador, le skye-terrier, le bulldog, le west highland white terrier, le fox-terrier et les caniches nains et miniatures [5].

Signes cliniques

Le diagnostic d’uretère ectopique est souvent précoce. Une incontinence permanente ou intermittente depuis la naissance est le symptôme le plus fréquemment rapporté chez les animaux atteints [5, 8]. L’incontinence peut être exacerbée lors d’un changement de position, notamment couchée, ou en cas de stress important.

Diagnostic

Plusieurs méthodes diagnostiques peuvent confirmer la présence d’un uretère ectopique, et en décrire la localisation et la morphologie [8, 10]. Les examens d’imagerie les plus souvent utilisés sont l’urographie intraveineuse associée à un examen tomodensitométrique, l’urétrographie rétrograde, la vaginocystographie rétrograde et l’échographie abdominale (photo 1). L’endoscopie est également essentielle dans la recherche de possibles anomalies congénitales concomitantes [2, 8].

Une évaluation urodynamique par un profil de la pression urétrale (UPP) met en évidence une éventuelle anomalie fonctionnelle de la vessie ou de l’urètre [6]. L’étude de Lane et coll. montre que 67 % des chiens avec un uretère ectopique présentent des caractéristiques urodynamiques d’incompétence du sphincter urétral [6].

Traitement

Le traitement de choix de l’uretère ectopique est chirurgical et consiste à replacer l’uretère distal dans sa position anatomique physiologique, au niveau du trigone vésical. Plusieurs techniques sont décrites selon le type d’ectopie [7, 12].

Les uretères ectopiques extramuraux sont traités par réimplantation urétérale, ou end-to-side néo-urétéro-cystostomie. L’uretère distal est détaché de son abouchement ectopique pour être implanté à sa place par une néo-urétéro-cystostomie. Il existe une procédure intravésicale au cours de laquelle une cystotomie ventrale est réalisée et une procédure extravésicale où la réimplantation est pratiquée sans ouverture de la vessie. Les uretères intramuraux sont traités par une side-to-side néo-urétéro-cystostomie. L’uretère est cathétérisé depuis l’orifice ectopique, puis disséqué pour être séparé de l’épaisseur de la vessie sur toute sa longueur jusqu’au niveau présumé du trigone vésical. Les muqueuses urétérale et vésicale sont alors appositionnées à l’aide de points simples (photo 2). L’uretère ectopique distal est ensuite ligaturé ou réséqué.

Une ablation au laser par cystoscopie a également été décrite [1, 11].

Pronostic

Une persistance ou une récidive de l’incontinence urinaire après une correction chirurgicale a été attribuée à plusieurs facteurs, tels qu’une infection urinaire, une recanalisation de l’uretère ligaturé, une incompétence du sphincter urétral, un trigone peu développé, une hypoplasie de la vessie, une sténose du vestibule vaginal et, enfin, une chirurgie inadéquate [4-6, 8]. La résolution de l’incontinence varie selon les études de 22 à 72 %, avec 7 à 28 % des chiens devenant continents grâce à une prise en charge à la fois médicale et chirurgicale [5, 7, 9, 12].

Étude rétrospective de Noel et coll. sur 47 chiens

1. Méthode et effectifs

Noel et coll. ont réalisé une étude rétrospective (de 1999 à 2016) à l’université de Liège afin de déterminer les résultats à court et long terme de la correction chirurgicale des uretères ectopiques et d’identifier les facteurs pronostiques sur la continence à long terme. Les méthodes diagnostiques, le type d’intervention chirurgicale et les complications postopératoires sont rapportés. Un score de continence est attribué à quatre périodes de l’essai : la phase préopératoire, à la sortie, à 1 mois postopératoire et à long terme (46,1 mois). Ces scores varient sur une échelle de 1 à 3 (1 = incontinence ; 2 = continence avec des épisodes sporadiques d’incontinence ; 3 = continence totale).

Quarante-sept chiens sont inclus dans l’étude, totalisant 66 uretères ectopiques. Plusieurs méthodes diagnostiques sont utilisées, comme l’échographie abdominale, l’urographie intraveineuse, l’urétrographie rétrograde ou encore la vagino-urétrographie rétrograde. Certains animaux ont fait l’objet d’un profil urodynamique et d’une endoscopie. L’âge moyen des chiens présentés est de 14 mois et 76 % d’entre eux sont des femelles. Les races les plus représentées sont le golden retriever, le labrador et le beauceron. Les uretères ectopiques sont unilatéraux pour 60 % d’entre eux et bilatéraux dans 40 % des cas, intramuraux pour 86 % d’entre eux et extramuraux dans 14 % des cas. Tous les chiens sont incontinents avant l’intervention chirurgicale (score 1) (tableau).

Les anomalies concomitantes diagnostiquées incluent 40 % de vessies pelviennes, 27 % d’hydro-uretères, 24 % d’hydronéphroses, 6 % d’hypoplasies rénales, 5 % d’urétérocèles et 2 % d’hypospadias.

Une bactériologie urinaire est systématiquement réalisée en phase préopératoire, avec 68 % de cultures positives.

Différentes techniques chirurgicales sont mises en oeuvre selon le type d’uretère ectopique :

– 76 % des chiens subissent une side-to-side néo-urétéro-cystostomie avec une dissection de la portion intramurale pour les uretères ectopiques intramuraux ;

– 13 % des animaux font l’objet d’une endto- side néo-urétéro-cystostomie pour les uretères ectopiques extramuraux ;

– dans 34 % des cas, une colposuspension est pratiquée en plus de la prise en charge des uretères ectopiques pour le traitement des vessies intrapelviennes ;

– une stérilisation est réalisée dans 70 % des cas.

Des complications mineures sont observées chez 15 chiens (32 %) comprenant une dysurie (15 %), une pollakiurie (11 %) et une hématurie (6 %).

Cinq chiens (11 %) ont présenté des complications majeures nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale : 6 % d’uro-abdomens (secondaires à une fuite au site d’anastomose, en regard du point d’appui sur la vessie, ou à une déhiscence de l’incision de cystotomie) et 5 % de dysuries sévères secondaires à la colposuspension. Les uro-abdomens sont gérés par une révision du site de fuite et un lavage abdominal, les dysuries par le retrait des sutures de colposuspension.

2. Résultats

Les médianes des scores de continence postopératoire sont plus élevées au moment de la sortie, à 1 mois postopératoire et lors du suivi à long terme (médiane : 46,1 mois) en comparaison du score préopératoire. Un traitement médical (phénylpropanolamine à la dose de 1,5 mg/kg per os) améliore la continence postopératoire pour les chiens avec un score de 1 ou de 2. Tous les animaux mâles sont continents au suivi à long terme. Lors de ce dernier, 81 % des chiens présentent un score bon (2), voire excellent (3). La race, l’âge, le type d’uretère ectopique (intramural versus extramural ou unilateral versus bilatéral), la présence d’une anomalie congénitale concomitante, celle d’une vessie intrapelvienne, la technique de chirurgie, la stérilisation ou encore la colposuspension n’influencent pas la continence postopératoire. Le seul facteur pronostique positif est l’utilisation d’un traitement médical en période postopératoire.

Conclusion

Cette étude montre l’intérêt d’une prise en charge complète et systématique de l’uretère ectopique car elle donne de bons résultats.

La stérilisation préopératoire ou concomitante n’a pas été identifiée comme un facteur aggravant ou de récurrence de l’incontinence urinaire à long terme.

Cette étude est la première à mentionner l’association du traitement chirurgical de l’uretère ectopique et de la colposuspension dans les cas de vessies intrapelviennes. Aucune relation entre la colposuspension et la continence urinaire postopératoire n’a été relevée. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec prudence car seuls quelques chiens présentant une vessie intrapelvienne n’ont pas été traités par colposuspension. D’autres études sont nécessaires pour évaluer de manière statistiquement significative l’impact de la réalisation d’une colposuspension sur la continence urinaire postopératoire.

Ce texte est une synthèse de l’article “Surgical management of ectopic ureters in dogs: Clinical outcome and prognostic factors for long-term continence” de Noel S, Claeys S, Hamaide A. Vet. Surg. 2017;46:631-641.

Références

  • 1. Berent AC, Weisse C, Mayhew PD et coll. Evaluation of cystoscopic-guided laser ablation of intramural ectopic ureters in female dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2012;240:716-725.
  • 2. Burdick S, Berent AC, Weisse C et coll. Endoscopic-guided ablation of vestibulovaginal septal remnants in dogs: 36 cases (2007-2011). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;244:944-949.
  • 3. Cannizzo KL, McLoughlin MA, Mattoon JS et coll. Evaluation of transurethral cystoscopy and excretory urography for diagnosis of ectopic ureters in female dogs: 25 cases (1992-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;223:475.
  • 4. Ho LK, Troy GC, Waldron DR. Clinical outcomes of surgically managed ectopic ureters in 33 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2011;47:196-202.
  • 5. Holt PE, Moore AH. Canine ureteral ectopia: an analysis of 175 cases and comparison of surgical treatments. Vet. Rec. 1995;136:345-349.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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