Intérêt de l’arthroscopie du coude chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 381 du 01/12/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 381 du 01/12/2017

ORTHOPÉDIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

Les techniques de la chirurgie mini-invasive sont en plein essor en médecine vétérinaire. Au-delà de l’aspect techniquement satisfaisant, il est intéressant d’évaluer objectivement leur intérêt clinique. Ainsi, de nombreux articles ont étudié la diminution de la douleur postopératoire après une ovariectomie réalisée sous coelioscopie, par rapport à une chirurgie conventionnelle. L’article résumé est un des rares à avoir évalué le bénéfice de l’arthroscopie comparativement à une arthrotomie en termes de conséquences cliniques [6]. Il s’est concentré sur l’exploration du coude.

AVANTAGES DE L’ARTHROSCOPIE

L’arthroscopie présente des avantages techniques inhérents au matériel utilisé. En effet, une illumination directe de la zone d’intérêt assure une évaluation dans des conditions optimales. De plus, l’utilisation d’optiques permet une magnification (× 10), donc une observation à l’écran de détails qui seraient probablement passés inaperçus ou jugés insignifiants lors d’une exploration à l’oeil nu. Ainsi, l’affection traitée est mieux évaluée et les gestes thérapeutiques acquièrent une plus grande précision.

L’arthroscopie du coude est une intervention mini-invasive. Son objectif premier est de limiter la morbidité chez l’animal. L’article résumé met en évidence cet aspect, avec une amélioration des résultats cliniques par rapport à une arthrotomie. Cependant, aucune influence n’est notée quant au développement arthrosique. Un article publié précédemment et proposant une analyse objective de la marche n’a pu prouver cet impact sur la réduction du risque de boiterie postopératoire, bien qu’une tendance à une plus forte boiterie dans les 48 heures suivant la chirurgie semblait apparaître à la suite d’une arthrotomie [1]. Une étude sur une population plus importante est nécessaire pour confirmer ces résultats. Les auteurs rappellent cependant un point important : l’exploration articulaire est complète par arthroscopie, alors qu’elle se limite à certaines structures situées à proximité lors d’arthrotomie. Ainsi, le bilan des lésions cartilagineuses est incomplet. Un autre article fait le bilan des essais cliniques comparant différents traitements dans la prise en charge de la maladie du processus coronoïde médial. Les auteurs concluent à une amélioration des résultats grâce à l’arthroscopie, tandis que le traitement médical ne semble pas donner des résultats différents de ceux obtenus par arthrotomie [3].

La difficulté de comparaison de ces techniques pour le traitement des affections du processus coronoïde médial réside dans le fait que les caractéristiques lésionnelles varient d’un cas à un autre. Il est ainsi impossible de comparer deux cas de façon réaliste en l’absence d’un bilan lésionnel précis. C’est le biais majeur d’une étude récente qui ne relève pas de différence clinique entre le traitement médical et l’arthroscopie : aucun bilan lésionnel cartilagineux n’a été effectué dans le groupe traité médicalement [2]. Ainsi, il est possible que les animaux de ce dernier aient été atteints moins gravement, d’autant plus que la population était peu nombreuse (n = 20, en deux groupes). Les conclusions de cet article doivent donc être considérées avec beaucoup de précaution.

La faible morbidité à la suite d’une arthroscopie du coude a été documentée [8]. Dans une population de 750 coudes traités par arthroscopie, un taux de complications majeures de 4,8 % a été mis en évidence. La majorité d’entre elles ont consisté en une reprise chirurgicale pour une boiterie persistante. Ce phénomène pourrait être imputé à l’affection en elle-même, plutôt qu’à la technique arthroscopique. Un taux d’arthrites septiques de 0,22 % a été rapporté.

TRAITEMENTS POSSIBLES PAR ARTHROSCOPIE

Au-delà des avantages cliniques, l’arthroscopie permet également d’effectuer certains gestes thérapeutiques avec une plus grande précision. Ainsi, un fragment libre de processus coronoïde médial peut être retiré en limitant au minimum l’impact sur le reste de l’articulation.

De même, une ostectomie subtotale ou partielle du processus coronoïde médial, geste thérapeutique couramment décrit, peut être positionnée beaucoup plus précisément par rapport à la zone lésionnelle. La protection des structures adjacentes, à savoir la tête du radius et la partie médiale du condyle huméral, est meilleure.

Le relâchement du tendon du muscle biceps brachial peut lui aussi être réalisé sous contrôle arthroscopique. Une étude a confirmé cette possibilité technique, avec de bons résultats quant à l’efficacité du relâchement [11]. Enfin, le débridement d’une lésion d’ostéochondrite disséquante peut également être réalisé sous arthroscopie. Les marges lésionnelles sont alors mieux évaluées grâce à la magnification.

Conclusion

L’arthroscopie du coude est actuellement considérée comme le gold standard du traitement des affections du processus coronoïde. C’est aussi un excellent moyen diagnostique, indispensable dans la réalisation d’un bilan lésionnel complet. Ainsi, plusieurs articles démontrent la complémentarité de l’arthroscopie et des techniques radiographiques dans le diagnostic des affections du processus coronoïde médial [4, 5, 7, 9].

Il est intéressant de mentionner que l’arthroscopie du coude est techniquement possible chez le chat également [10].

Les avantages techniques de l’arthroscopie sont aussi bien documentés pour le grasset. Ainsi, cette technique est le gold standard dans l’exploration du grasset, notamment pour une recherche de lésion méniscale associée à une rupture du ligament croisé cranial.

Références

  • 1. Bubenik L, Johnson SA, Smith MM et coll. Evaluation of lameness associated with arthroscopy and arthrotomy of the normal canine cubital joint. Vet. Surg. 2002;31: 23-31.
  • 2. Burton N, Owen MR, Kirk LS et coll. Conservative versus arthroscopic management for medial coronoid process disease in dogs: a prospective gait evaluation. Vet. Surg. 2011;40:972-980.
  • 3. Evans R, Gordon-Evans W, Conzemius M. Comparison of three methods for the management of fragmented medial coronoid process in the dog: a systematic review and meta-analysis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21:106-109.
  • 4. Farrell M, Heller J, Solano M et coll. Does radiographic arthrosis correlate with cartilage pathology in labrador retrievers affected by medial coronoid process disease? Vet. Surg. 2014;43:155-165.
  • 5. Goldhammer M, Smith S, Fitzpatrick N et coll. A comparison of radiographic, arthroscopic and histological measures of articular pathology in the canine elbow joint. Vet. J. 2010;186:96-103.
  • 6. Meyer-Lindenberg A, Langhann A, Fehr M et coll. Arthrotomy versus arthroscopy in the treatment of the fragmented medial coronoid process of the ulna (FCP) in 421 dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2003;16:204-210.
  • 7. Moores A, Benigni L, Lamb C. Computed tomography versus arthroscopy for detection of canine elbow dysplasia lesions. Vet. Surg. 2008;37:390-398.
  • 8. Perry K, Li L. A retrospective study of the short-term complication rate following 750 elective elbow arthroscopies. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2014;27:68-73.
  • 9. Punke J, Hulse D, Kerwin S et coll. Arthroscopic documentation of elbow cartilage pathology in dogs with clinical lameness without changes on standard radiographic projections. Vet. Surg. 2009;38:209-212.
  • 10. Staiger B, Beale B. Use of arthroscopy for debridement of the elbow joint in cats. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2005;226(3):401-403.
  • 11. Wilson D, Goh C, Palmer R. Arthroscopic biceps ulnar release procedure (BURP): technique description and in vitro assessment of the association of visual control and surgeon experience to regional damage and tenotomy completeness. Vet. Surg. 2012;43:734-740.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer les résultats cliniques et radiographiques dans une large population de chiens traités pour une fragmentation du processus coronoïde médial par arthrotomie ou par arthroscopie.

MÉTHODE

Étude rétrospective sur 8 ans. Les chiens diagnostiqués avec une fragmentation du processus coronoïde, à la suite de leur présentation en consultation pour une boiterie, sont inclus. Ils sont divisés en deux groupes selon que le traitement chirurgical est mis en oeuvre par voie arthroscopique ou au moyen d’une arthrotomie. Tous les chiens ont subi un examen radiographique des deux coudes. Les animaux présentant une ostéochondrite disséquante ne sont pas exclus. L’évaluation des résultats se fait grâce à un questionnaire client et à un examen clinique au moins 6 mois après la chirurgie, associé à une radiographie du coude opéré.

RÉSULTATS

429 articulations ont été incluses et 238 ont été contrôlées cliniquement à long terme (moyenne de suivi de 22 mois), dont 49,8 % pour le groupe “arthrotomie” et 50,2 % pour le groupe “arthroscopie”. Pour 191 cas supplémentaires, un suivi par questionnaire a été réalisé. Dans le groupe “arthrotomie”, 42,4 % de bons résultats, 29,3 % de résultats satisfaisants et 28,3 % de résultats insuffisants sont recensés. Une régression de la boiterie est notée dans 79,1 % des cas (7 % de non-régressions et 5,2 % d’aggravations). Pour le groupe “arthroscopie”, de bons résultats sont rapportés dans 60,1 % des cas. Et 29,4 % de résultats satisfaisants et 10,5 % de résultats insuffisants sont notés. Une régression de la boiterie est observée dans 91,2 % des cas (5,9 % de non-régressions et 2,9 % d’aggravations). Cette différence de taux de régressions de la boiterie est significative. Aucune différence significative n’est identifiée pour la progression arthrosique.