MÉDECINE GÉNÉRALE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Alexis Bertrand*, Maureen Lazard**, Marion Fusellier-Tesson***
Fonctions :
*Service d’imagerie médicale, CHUV Oniris,
BP 50707, 44307 Nantes Cedex 03
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Un chien mâle castré de 10 ans est référé au service de chirurgie pour l’exploration d’une constipation chronique et, le cas échéant, le traitement d’une hernie périnéale. Outre la constipation proprement dite, l’animal présente des difficultés à déféquer depuis 10 mois, avec des épisodes de ténesme. De plus, les propriétaires rapportent des mictions abondantes et une perte de poids progressive. Une maladie rénale chronique (MRC) de stade IRIS (International Renal Interest Society) non précisé a été diagnostiquée par le vétérinaire traitant. La constipation est traitée de façon symptomatique avec du lactulose (50 mg/kg trois fois par jour).
L’examen clinique révèle la présence d’une masse dépressible en région périnéale droite, sans autre anomalie. L’état général est bon. Un bilan sanguin est réalisé en vue d’une intervention chirurgicale pour réduire ce qui semble bien être une hernie et évaluer l’efficacité du traitement de la MRC. Il révèle une azotémie marquée (urée > 3 g/l, créatinine : 37 mg/l). Une radiographie et une échographie abdominales sont réalisées afin d’évaluer la gravité et la cause de la constipation, et d’objectiver la hernie (photos 1 et 2).
La densité, le contraste et la netteté sont de qualité diagnostique. La qualité des radiographies est suffisante pour l’interprétation.
L’image arrêtée est de bonne qualité, la définition et le gain permettant de distinguer les différentes structures.
→ Le foie apparaît de taille normale. De nombreux éléments d’opacité minérale sont présents dans l’estomac. Les reins sont petits et bosselés. Des selles marquent le rectum qui a une trajectoire incurvée dans sa partie extra-pelvienne. cette image confirme la hernie périnéale. L’intestin grêle et la vessie ne révèlent pas d’anomalie. La rate n’est pas visible.
→ Un élément longiligne aux contours d’opacité minérale apparaît dans l’abdomen caudal superposé à l’aire de projection de la vessie et du côlon. D’autres éléments similaires sont visibles ventralement aux vertèbres L4 et L5.
→ Une légère spondylose est présente ventralement à l’espace L2-L3.
→ L’image échographique montre l’aorte distale en coupe longitudinale. Elle semble de diamètre normal et son contenu sanguin est anéchogène. Les parois apparaissent très hyper.echogenes, entraînant par endroits la formation de cônes d’ombre.
→ Les reins (non montrés ici) sont de petite taille, hyperéchogènes, très bosselés, et présentent quelques kystes.
Les images rénales sont évocatrices d’une néphropathie inflammatoire ou dégénérative chronique très avancée. Les kystes peuvent être d’origine congénitale ou se développer secondairement à la dégénérescence. La structure longiligne minérale visible sur le cliché radiographique correspond à l’aorte distale dont les parois sont calcifiées. Les structures minéralisées ventralement aux vertèbres sont des artères collatérales de l’aorte. Bien que la calcémie ne soit pas disponible, une calcification métastatique de l’aorte (calcinosis circumscripta) secondaire à un état d’hyperparathyroïdie consécutive à la maladie rénale chronique est fortement suspectée.
De petits corps étrangers gastriques évoquant des graviers sont présents. Malgré la hernie périnéale, aucun mégacôlon n’est observé. L’intervention est repoussée en vue d’une stabilisation préopératoire du statut rénal de l’animal.
La calcinosis circumscripta est un syndrome entraînant un dépôt de calcium dans les tissus mous. Il en existe trois types : idiopathique, dystrophique (secondaire à des dégâts tissulaires) et métastatique (secondaire à des troubles du métabolisme phosphocalcique) [1, 3]. Lors d’insuffisance rénale, le défaut d’excrétion du phosphore et le défaut de synthèse de vitamine D entraînent parfois dans les stades avancés un état d’hyperparathyroïdie secondaire [1]. Une petite proportion (3 à 14 %) des chiens concernés sont alors en état d’hypercalcémie [1, 2]. Cet état peut être à l’origine de cas de calcifications métastatiques, pouvant être visibles radiographiquement. D’autres causes possibles sont une hypercalcémie paranéoplasique ou une intoxication à la vitamine D.
Dans le cas décrit, bien que la calcémie n’ait pas été dosée, la maladie rénale chronique est fortement suspectée comme étant à l’origine des calcifications aortiques. Dans ce contexte, les calcifications métastatiques touchent habituellement surtout les coussinets, bien qu’une atteinte viscérale ou vasculaire soit également rapportée [1, 3]. Des dépôts de calcium cutanés sont également possibles, mais beaucoup plus rares [2].
Aucun.