NÉPHROLOGIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Magali Decome
Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
Service de médecine interne
3200, rue Sicotte
Saint-Hyacinthe, J25 2M2 Canada
La maladie rénale chronique (MRC) est une atteinte irréversible, fonctionnelle et souvent structurelle de l’un ou des deux reins, et qui est présente depuis un minimum de 3 mois [1]. Il semble que plus de 10 % des chiens de plus de 15 ans soient atteints de MRC. Une hypertension artérielle systémique est observée chez 40 à 80 % des chiens. Ceux qui présentent une protéinurie concomitante ont un plus mauvais pronostic [6]. Le traitement de la MRC est administré à vie. Il tend à réduire les signes cliniques et à ralentir, autant que possible, la progression de la maladie.
Le bénazépril est un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA). Le principal bénéfice de l’administration d’un IECA lors de MRC est attribué à la diminution de l’hypertension systémique et glomérulaire, grâce à son action sur l’artériole glomérulaire efférente. En diminuant le gradient de pression hydrostatique transcapillaire glomérulaire, il permettrait d’inhiber l’hypertrophie glomérulaire et limiterait la mise en place d’une fibrose glomérulaire [4].
En médecine humaine, il permet de prolonger le temps de survie des patients atteints de MRC. Toutefois, son bénéfice a surtout été démontré lorsque la thérapie est instituée précocement et chez les patients présentant une atteinte glomérulaire avec une protéinurie initiale marquée [9].
Chez le chien, une étude ayant comme objectif d’analyser les effets de l’énalapril chez les chiens atteints de glomérulonéphrite idiopathique semble démontrer que cet IECA est efficace pour moduler la progression d’une MRC [3]. Ces résultats sont toutefois à interpréter avec précaution puisque les changements observés entre le groupe de chiens traités avec de l’énalapril et le groupe qui reçoit un placebo concernent essentiellement les valeurs de pression artérielle, de protéinurie (inférieures chez les chiens recevant de l’énalapril) et la sévérité des lésions glomérulaires et tubulo-interstitielles (moins marquées chez les chiens recevant de l’énalapril). Cette étude a été menée sur une période de 6 mois et aucune conclusion n’a pu être tirée de l’utilisation d’un IECA lors de MRC et de son impact sur la survie des chiens à long terme.
Dans l’article étudié, un suivi plus long a été réalisé. Toutefois, aucune différence concernant la survie des animaux n’a été observée entre les deux groupes. Le manque de signification statistique lié au petit échantillon de chiens pourrait expliquer ce résultat, selon les auteurs [7]. Il est donc difficile de conclure sur le bénéfice de l’administration d’un IECA lors de MRC sans protéinurie.
Chez le chien, la protéinurie est considérée comme significative lorsque le rapport protéine/créatinine urinaires est supérieur à 0,5. Une atteinte glomérulaire est alors envisagée. Entre 0,2 et 0,5, seule une protéinurie limite est considérée [10]. La protéinurie a le potentiel d’aggraver une atteinte rénale en engendrant des dommages tubulo-interstitiels [1]. Selon les recommandations du consensus ACVIM (American College of Veterinary Internal Medicine) sur la protéinurie publié en 2013, l’objectif du traitement est d’obtenir un rapport protéine/créatinine urinaires inférieur à 0,5 ou à 50 % de la valeur initiale. Un IECA est souvent institué en première intention. Les effets des agents interférant avec le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) n’ont pas été clairement élucidés, mais il semble qu’ils permettent de diminuer la protéinurie de façon plus évidente que ce qui serait attendu si les effets antihypertenseurs seuls étaient considérés [2]. L’amélioration de la protéinurie lors de la mise en place d’IECA a précédemment été démontrée chez le chat dans le cadre de maladie rénale chronique, et chez l’homme et chez le chien dans le cadre de glomérulopathie idiopathique et de maladie rénale chronique [3, 5, 8].
Les auteurs confirment donc l’utilité du bénazépril pour le traitement de la protéinurie. Toutefois la dose utilisée est inférieure aux recommandations du consensus sur le traitement des atteintes glomérulaires, qui est de 0,5 mg/kg par voie orale une fois par jour en dose initiale. Cette dose peut ensuite être ajustée en augmentant de 0,5 mg/kg/j jusqu’à un maximum de 2 mg/kg/j [2]. Cette différence peut probablement être expliquée par la date de recrutement des chiens qui a débuté en 1997 et s’est terminée en 2000, soit bien avant la publication du consensus sur les glomérulopathies.
La majeure différence entre l’énalapril et le bénazépril concerne la voie d’élimination de leur métabolite actif. Contrairement au bénazépril, le métabolite actif de l’énalapril est majoritairement éliminé par voie urinaire. La pharmacodynamique de ces médicaments est peu prévisible et il n’existe pas actuellement de publication démontrant la supériorité d’un IECA donné. Dans les études publiées, l’énalapril et le bénazépril seraient bien tolérés, que ce soit chez le chien ou le chat. Il est rare qu’une hausse sévère de créatinine (> 30 % de la valeur initiale) soit observée à la suite de la mise en place d’un IECA. Il convient cependant d’être précautionneux lors de déshydratation et de MRC de stade IRIS 4 (International renal interest society 4) [2].
Tel que déjà démontré dans des études précédentes, l’utilisation d’IECA, comme le bénazépril, est intéressante pour le traitement de la protéinurie. Leur intérêt lors de MRC, sans protéinurie, est toutefois remis en question, puisqu’aucune étude n’a démontré un bénéfice sur la survie à long terme chez le chien.
Aucun.
OBJECTIF
Évaluer l’efficacité et la sécurité d’utilisation du bénazépril chez les chiens atteints d’une maladie rénale chronique (MRC).
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique, randomisée, réalisée à l’aveugle avec un groupe contrôle, entre 1997 et 2000. Les chiens inclus dans l’étude sont atteints d’une maladie rénale chronique (valeur seuil de créatinine de 142 µmol/l, associée à une densité urinaire ≤1 020 à J-14 et à J0). Tous les chiens sont nourris avec une diète rénale (réduction en protéines, en phosphore et en sodium) au moins à partir de J-14. L’administration de bénazépril ou d’un placébo débute à J1. Des suivis réguliers sont réalisés pendant 2 ans. L’inefficacité du traitement est déclarée lorsque le chien meurt, qu’il est euthanasié ou doit recevoir des fluides par voie parentérale. Le “temps de survie rénale” est défini comme celui entre l’inclusion dans l’étude et le moment où le traitement est jugé inefficace. La protéinurie, la créatinine, le poids ou les signes cliniques de MRC sont évalués, ainsi que la tolérance au traitement.
RÉSULTATS
• 49 chiens sont inclus, 24 recevant du bénazépril et 25, un placebo.
• Il n’existe aucune différence significative entre les deux groupes concernant l’efficacité du traitement ou le temps de survie rénale (305 jours avec le bénazépril et 287 avec le placebo).
• La protéinurie est significativement inférieure chez les chiens traités avec le bénazépril.
• Il n’existe aucune différence significative quant à l’apparition d’effets secondaires à la suite du?traitement entre les deux groupes.
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