Changements de traitements antiépileptiques et cas particulier du chat - Le Point Vétérinaire n° 380 du 01/11/2017
Le Point Vétérinaire n° 380 du 01/11/2017

NEUROLOGIE APPLIQUÉE

Dossier

Auteur(s) : Laurent Fuhrer

Fonctions : Clinique vétérinaire
de Saint-Avertin
37550 Saint-Avertin

Dose insuffisante, effet indésirable, intolérance, voire inefficacité : il convient de moduler, de changer ou d’arrêter. C’est l’attitude à adopter en pratique pour ajuster un traitement antiépileptique.

La maîtrise au long cours d’un traitement, surtout uniquement symptomatique, nécessite des aménagements qui peuvent évoluer. C’est le cas des traitements antiépileptiques dont l’utilisation doit suivre certaines règles, détaillées dans les deux articles précédents, mais que la pratique conduit immanquablement à moduler. Quelques cas de figure sont à connaître et quelques conseils permettent d’opérer sans faire de faute.

1 Changement d’antiépileptique

Un changement d’antiépileptique est envisagé dans divers cas de figure, notamment lors :

– d’intolérance à un produit ;

– d’apparition d’une contre-indication comme une affection hépatique dans le cadre d’un traitement au phénobarbital ;

– d’impossibilité pour le propriétaire d’assumer le coût de la molécule utilisée. Cette dernière cause est loin d’être exceptionnelle, en particulier lorsqu’il s’agit d’augmenter la dose pour un chien de gabarit important.

En cas d’insuffisance d’efficacité sans effet indésirable associé, il est préférable dans un premier temps d’envisager une bithérapie, pour bénéficier ainsi d’une éventuelle synergie entre les deux molécules.

L’arrêt de l’antiépileptique remplacé doit être progressif. Les paliers sont de 20 à 30 %, et doivent tenir compte de la demi-vie du produit (atteinte d’un état stationnaire).

Intolérance à une des molécules du raitement

Si des signes d’intolérance ou de toxicité apparaissent, il convient, dans un premier temps, d’associer un nouvel antiépileptique, puis de diminuer rapidement la dose du premier, jusqu’à son éventuel arrêt, dès que l’efficacité du second le permet. Le choix de ce nouvel antiépileptique repose sur son efficacité supposée dans ce cas particulier et éventuellement sa rapidité d’action. Le choix éventuel d’administrer une dose de charge dans cette situation instable doit être mûrement réfléchi.

Lorsque l’adaptation du traitement conduit à l’apparition d’effets secondaires altérant la qualité de vie (du chien et du propriétaire), alors que les critères d’efficacité sont atteints, il est possible d’ajouter un autre antiépileptique (pour passer alors en bi- ou polythérapie), dont l’effet permet de maintenir l’efficacité globale, tout en permettant de diminuer la dose du principe actif à l’origine des effets secondaires trop marqués. Le calendrier de diminution de la dose dépend alors de la demi-vie de l’antiépileptique nouvellement introduit et se fait selon les principes exposés précédemment.

Pharmaco-résistance (animal réfractaire à une des molécules du traitement)

Un animal est réfractaire au traitement « lorsqu’il reçoit la dose maximale publiée du principe actif ou qu’il a atteint la concentration sérique médicamenteuse maximale ou qu’il présente des effets secondaires excessifs altérant significativement sa qualité de vie sans que l’objectif de contrôle de l’épilepsie ne soit atteint » (consensus du Groupe d’études en neurologie) [2]. Lorsqu’une épilepsie réfractaire est suspectée, il convient de se poser la question de la pharmaco-résistance.

La pharmaco-résistance est caractérisée par la persistance des crises malgré un traitement bien conduit. Divers phénomènes ont été avancés pour expliquer l’inefficacité d’un traitement.

MODIFICATIONS OU ALTÉRATIONS DES PROPRIÉTÉS DES RÉSEAUX NEURONAUX

– l’étiologie de la maladie ;

– la progression ou l’évolution de la maladie ;

– l’altération des récepteurs cibles des antiépileptiques, situés dans les foyers épileptiques ;

– des modifications de la distribution des antiépileptiques dans les tissus nerveux. De telles altérations peuvent être liées à la cause primitive de l’épilepsie ou à des lésions consécutives aux crises.

MODIFICATION DES RÉCEPTEURS AUX ANTIÉPILEPTIQUES

Plusieurs études ont montré que les récepteurs habituels des antiépileptiques peuvent devenir inopérants. Ce phénomène est particulièrement marqué dans certaines zones régulièrement impliquées dans l’épileptogenèse, comme l’hypocampe.

HYPEREXPRESSION DE CERTAINS TRANSPORTEURS MEMBRANAIRES

Cette théorie repose sur le fait que certains transporteurs à efflux, tels que la glycoprotéine P voient leur expression augmenter chez certains épileptiques [4]. Le rôle de ces transporteurs étant de refouler de façon ciblée des molécules ayant pénétré dans le système nerveux central, une augmentation de leur activité peut provoquer une baisse de la concentration locale en antiépileptiques.

Il convient de rester très prudent avant de conclure à une quelconque forme de pharmaco-résistance. D’autres éléments peuvent conduire à une apparente inefficacité du traitement :

– les crises observées ne sont pas des crises épileptiques. Le diagnostic de l’épilepsie ne doit jamais être considéré comme évident et il raisonnable d’envisager de le remettre en question ;

– l’importance d’une éventuelle comorbidité ;

– la présence d’une autre affection : troubles cardiaques, métaboliques, etc.

– une mauvaise observance. Il est important de s’assurer que le traitement est correctement administré. Cet aspect n’est pas facile à contrôler, car les propriétaires sont quelquefois réticents à faire part des difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Le dosage sanguin du principe actif est, dans ce cas, un bon indicateur (à l’exception de quelques rares cas liés à des particularités physiologiques). Cette option est fréquemment utilisée en médecine humaine, même pour les molécules dont le dosage sanguin présente peu ou pas d’intérêt pour le suivi du traitement, mais devient une aide précieuse pour le contrôle de l’observance.

Possibilité d’arrêt du traitement antiépileptique

La tentation d’arrêter le traitement est parfois grande et émane généralement du propriétaire qui pense qu’après une période, très subjective, sans crise, l’animal est guéri. Compte tenu de l’un des critères d’initiation du traitement – plus d’une crise tous les 6 mois –, l’arrêt progressif du traitement peut être envisagé après une période de 1 à 2 ans sans crise. Les paliers de diminution des doses doivent tenir compte à la fois de la demi-vie du principe actif et de la période interictale initiale. Ils se situent généralement entre 20 et 30 %

2 Cas particulier du chat

L’épilepsie idiopathique est rare chez le chat. Les manifestations épileptiques secondaires sont en revanche relativement fréquentes (photo). Parmi les principales causes, il convient de rechercher les affections virales (virus de la leucose féline, de l’immunodéficience féline, péritonite infectieuse féline), les affections parasitaires (toxoplasmose), les tumeurs (méningiome), des affections métaboliques (nécrose de l’hippocampe, encéphalose hépatique) et des maladies dégénératives (maladies de surcharge).

L’expression des crises lors d’épilepsie idiopathique est souvent très particulière. Si la crise partielle évolutive est fréquente chez le chien, elle est beaucoup plus rare chez le chat. Il est ainsi habituel de n’observer que des crises partielles ou psychomotrices.

Les antiépileptiques utilisables chez le chat sont moins nombreux que pour le chien. Il est déconseillé, en particulier, d’utiliser le bromure, à l’origine de broncho-pneumopathies asthmatiformes (tableau) [1, 3].

Conclusion

L’épilepsie idiopathique est une affection qui, malgré l’inconnue qu’en représente la cause, est traitable de façon efficace dans presque tous les cas. La gestion de cette maladie chronique représente un défi pour le praticien et un effort continu pour le propriétaire. Mais une stratégie claire telle que celle proposée dans les articles de ce dossier est la base d’une réussite annoncée.

À l’avenir une meilleure connaissance du déterminisme génétique de l’épilepsie, actuellement idiopathique, permettra vraisemblablement de passer d’un traitement purement symptomatique à un traitement étiologique.

Références

  • 1. Bertolani C, Hernandez J, Gomes E et coll. Bromide-associated lower airway disease: a retrospective study of seven cats. J. Feline Med. Surg. Publications Sage, London, England. 2012;8:591-597.
  • 2. Blot S. et colL. Consensus du Groupe d’étude en neurologie. Pratique Vet. 2016;136:194-197.
  • 3. Klang A, Schmidt P, Pákozdy A et coll. Histopathological pulmonary changes in a cat with potassium bromide-induced lower airway disease. Wiener Tierarztliche Monatsschrift. 2012;9-10:34-37.
  • 4. Löscher W. Drug transporters in the epileptic brain. Epilepsia. 2007;Suppl.1:8-13.

Conflit d’intérêts

L’auteur a travaillé au sein d’un groupe d’experts consulté par les laboratoires Boehringer Ingelheim et TVM.

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