Validation des résultats du frottis sanguin : lecture de second niveau - Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017
Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie,
CREFRE, université de Toulouse,
Inserm-UPS-ENVT, 31400 Toulouse

La lecture de premier niveau du frottis sanguin permet d’établir la liste des anomalies vraies, avant la réalisation de l’étude morphologique des différentes cellules hématologiques.

La lecture de premier niveau d’un frottis sanguin consiste à valider les résultats chiffrés donnés par l’automate afin de déterminer la liste des anomalies hématologiques vraies. Elle permet notamment d’observer la répartition des hématies, des leucocytes et des plaquettes, et d’estimer, premièrement, la présence éventuelle d’une polyglobulie ou d’une anémie, deuxièmement, le caractère régénératif ou non d’une anémie, troisièmement, la présence éventuelle d’une leucopénie ou d’une leucocytose, et, enfin, celle d’une thrombopénie ou d’une thrombocytose. À l’issue de cette lecture de premier niveau, la liste des anomalies vraies permet au clinicien de guider sa lecture plus approfondie du frottis sanguin. Lors de la lecture de second niveau, il examine plus attentivement les populations pour lesquelles il a pu détecter une anomalie.

VALIDER LES RÉSULTATS DES HÉMATIES

1. Confirmer la présence d’une anémie ou d’une polyglobulie

Pour apprécier la répartition des hématies, l’observateur doit se placer en zone de lecture à faible grossissement (x 100 ou x 200).

En l’absence d’anémie ou de polyglobulie, les hématies sont légèrement séparées en début de queue de frottis et sont équidistantes les unes des autres. Cette aire correspond à la zone de lecture. Lors d’anémie, les hématies se dispersent. Plus l’anémie est marquée, plus la distance entre elles est importante (figure 1). À l’inverse, en cas de polyglobulie, les hématies ont tendance à se superposer les unes aux autres et à former des rouleaux jusqu’en queue de frottis. Cette observation doit être cohérente avec les résultats chiffrés donnés par l’automate pour l’hématocrite, la numération des hématies et l’hémoglobinémie. Dans le cas contraire, il convient de rechercher lesquels des résultats, de l’analyseur ou du frottis, ne correspondent pas au sang de l’animal.

2. Observer une variation de couleur et/ou de taille des hématies

Lors d’anémie régénérative, par exemple, des réticulocytes de plus grande taille et plus bleus que les hématies normales doivent être observés sur le frottis sanguin (avec au moins un ou plusieurs réticulocytes par champ au grossissement x 1 000) (photo 1). Dans ce cas, le volume globulaire moyen (VGM) ainsi que l’indice de distribution des hématies (IDR) peuvent être augmentés (macrocytose et anisocytose).

Lors d’anémie microcytaire hypochrome, le VGM et la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) sont diminués, tandis que l’IDR peut être en hausse (anisocytose). Le frottis sanguin permet de mettre en évidence des hématies de petite taille ou des fragments d’hématies, ainsi qu’une pâleur centrale augmentée (photos 2a et 2b).

VALIDER LES RÉSULTATS DES LEUCOCYTES

1. Confirmer la présence d’une leucocytose vraie ou d’une leucopénie vraie

Pour apprécier la concentration en leucocytes, l’observateur doit regarder l’ensemble du frottis, depuis la goutte jusqu’à l’extrémité de la queue de frottis, à faible grossissement (x 100 ou x 200). En effet, selon l’affection ou la technique d’étalement, les leucocytes peuvent être variablement disposés.

Cependant, le plus souvent, lors de leucocytose, ils sont présents dans le corps de frottis et s’accumulent en queue de frottis. Ainsi, une épaisseur importante de leucocytes dans cette dernière partie confirme la leucocytose (photos 3a et 3b). Une pseudo-leucocytose peut être observée, par exemple, lors d’érythroblastose ou en présence d’agrégats plaquettaires, selon le type d’automate utilisé(1). La lecture du frottis sanguin permet donc de vérifier qu’il s’agit de réels leucocytes, ou encore d’érythroblastes ou d’agrégats plaquettaires (photo 4). Lors d’érythroblastose importante, une formule permet de corriger la numération leucocytaire en fonction du nombre d’érythroblastes comptés (figure 2).

En cas de leucopénie, les leucocytes sont la plupart du temps quasi absents dans le corps de frottis et très dispersés en queue de frottis (photos 5a et 5b). Une pseudo-leucopénie peut être observée en présence d’agrégats leucocytaires ou leucoplaquettaires dans la goutte, sur les bords ou en queue de frottis (photo 6). Chez l’homme, ces agrégats leucocytaires peuvent être dus à l’inflammation et à l’anticoagulant (EDTA) [2].

2. Réaliser une formule manuelle

Il est important de toujours réaliser une formule manuelle pour confirmer ou infirmer les résultats obtenus par l’automate. Pour cela, il convient de savoir identifier les différentes populations de leucocytes(2).

VALIDER LES RÉSULTATS DES PLAQUETTES

Pour apprécier la répartition des plaquettes, l’observateur doit regarder essentiellement dans la goutte, sur les bords et en queue de frottis à faible grossissement (x 100 ou x 200), et rechercher la présence d’agrégats plaquettaires (photo 7). S’il n’en trouve pas à ce grossissement, il vérifie l’absence de petits agrégats plaquettaires (de 3 à 6 plaquettes) en zone de lecture au grossissement x 1 000.

Lors de thrombopénie, moins de cinq plaquettes par champ sont observées à fort grossissement (x 1 000) en l’absence d’agrégat plaquettaire. Si moins de une plaquette par champ est présente, le risque hémorragique est majeur.

La présence d’agrégats plaquettaires peut être à l’origine d’une fausse thrombopénie sur les automates à variation d’impédance et cytométrie en flux. En variation d’impédance, les petits et moyens agrégats plaquettaires ainsi que les macroplaquettes peuvent être reconnus comme des cellules plus larges telles qu’un leucocyte, entraînant ainsi des pseudo-leucocytoses (notamment chez le chat). En fonction de la taille de la plaquette ou de l’agrégat, une surestimation des lymphocytes, des monocytes ou des neutrophiles est possible, et si les agrégats sont très gros, ils ne sont pas comptés par l’automate.

Le chat est particulièrement sensible à l’agrégation plaquettaire. En effet, une étude portant sur 359 chats montre que 71 % d’entre eux présentent une thrombopénie mise en évidence par un automate d’hématologie utilisant une technique d’impédance. Or, sur ces 359 individus, seuls 3,1 % présentaient une réelle thrombopénie après lecture du frottis sanguin [3].

Une pseudo-thrombopénie peut également être observée en présence de macroplaquettes avec l’utilisation d’appareils à variation d’impédance (photo 8). Les macroplaquettes sont rencontrées chez le chat et dans certaines races canines comme le cavalier king charles, le cairn terrier et le norfolk terrier [1, 4].

Lors de thrombocytose, plus de quarante plaquettes par champ sont observées à fort grossissement (x 1 000).

APPLICATIONS PRATIQUES

1. Cas n° 1 : valider le résultat des hématies

Un épagneul breton, femelle non stérilisée, âgé de 2 ans est présenté pour un ictère et une hyperthermie.

Résultats donnés par l’automate

Les résultats obtenus par un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance mettent en évidence une augmentation de la CCMH (correspondant au rapport hémoglobine/hématocrite), une anémie macrocytaire régénérative, une thrombopénie, une leucocytose neutrophilique et une lymphopénie (encadré 1). Le plasma est fortement hémolysé, permettant d’expliquer l’augmentation artéfactuelle de la CCMH. En effet, la CCMH ne peut dépasser 39 g/dl en raison des propriétés de solubilité de l’hémoglobine. La valeur observée dans ce cas est impossible et correspond à la somme de l’hémoglobine libre (dans le plasma) et de l’hémoglobine contenue dans les hématies. Une surestimation de l’hémoglobine active est donc notée.

Frottis sanguin : lecture de premier niveau

Le frottis sanguin met en évidence la faible densité en hématies, la présence d’une anisocytose, d’une polychromatophilie marquée et d’une érythroblastose, confirmant le caractère régénératif de l’anémie (photo 9). Ainsi, la lecture du frottis, associée à l’observation du plasma (hémolysé) et des résultats chiffrés, permet de confirmer l’anémie macrocytaire hypochrome régénérative et d’infirmer l’hyperchromie.

2. Cas n° 2 : valider le résultat des leucocytes

Une chatte européenne stérilisée de 3 ans est présentée pour des hématomes, des suffusions multiples et des muqueuses pâles.

Résultats donnés par l’automate

Les résultats obtenus avec un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance montrent une anémie macrocytaire hypochrome régénérative, une thrombopénie sévère, et une leucocytose avec lymphocytose et monocytose (encadré 2).

Frottis sanguin : lecture de premier niveau

Le frottis sanguin met en évidence la présence de nombreux érythroblastes (80 pour 100 leucocytes comptés) (photo 10). La numération de leucocytes corrigée est de 15,21 x 103/µl, ce qui est dans l’intervalle de référence. Les résultats de la formule manuelle montrent une neutrophilie et une monocytose limite, la numération lymphocytaire étant dans l’intervalle de référence (tableau). Ainsi, concernant la population leucocytaire, la lecture du frottis sanguin ne permet pas de confirmer la leucocytose lymphocytaire, mais met en évidence une neutrophilie et une monocytose.

3. Cas n° 3 : valider le résultat des plaquettes

Un chat européen stérilisé de 19 ans est présenté pour un suivi d’insuffisance rénale diagnostiquée 6 mois plus tôt.

Résultats donnés par l’automate

Les résultats obtenus par un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance montrent une anémie normocytaire normochrome régénérative et une thrombopénie (encadré 3).

Frottis sanguin : lecture de premier niveau

Le frottis sanguin met en évidence la présence de nombreux agrégats plaquettaires. Ainsi, sa lecture ne permet pas de confirmer la thrombopénie (photo 11).

L’analyse est renouvelée à partir d’un tube de sang prélevé sur CTAD (citrate, théophylline, adénosine, et dipyridamole). Cette nouvelle analyse met en évidence une numération plaquettaire dans l’intervalle de référence (350 x 103/µl).

Conclusion

La lecture de premier niveau permet d’établir la liste des anomalies vraies, avant la réalisation de l’étude morphologique (lecture de second niveau). C’est aussi l’occasion pour le clinicien peu familiarisé avec la lecture microscopique de suivre une procédure facilitant sa démarche diagnostique.

  • (1) Voir l’étape 2 “Les différents types de machine d’hématologie” des mêmes auteurs. Point Vét. 2017;375:15-19.

  • (2) Voir l’étape 4 “Le frottis sanguin : réalisation et technique de lecture” des mêmes auteurs. Point Vét. 2017;377:22-27.

Références

  • 1. Gelain ME, Bertazzolo W, Tutino G et coll. A novel point mutation in the b1-tubulin gene in asymptomatic macrothrombocytopenic Norfolk and Cairn Terriers. Vet. Clin. Pathol. 2014;43:317-321.
  • 2. Geneviève F, Godon A, Marteau-Tessier A, Zandecki M. Anomalies et erreurs de détermination de l’hémogramme avec les automates d’hématologie cellulaire. Partie 2. Numération et formule leucocytaires. Ann. Biol. Clin. 2012;70:141-154.
  • 3. Norman EJ et coll. Prevalence of low automated platelet counts in cats: comparison with prevalence of thrombocytopenia based on blood smear estimation. Vet. Clin. Pathol. 2001;30:137-140.
  • 4. Tvedten H, Lilliehöök I, Hillström A, Häggström J.Plateletcrit is superior to platelet count for assessing platelet status in Cavalier King Charles Spaniels. Vet. Clin. Pathol. 2008;37:266-271.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Résultats obtenus avec un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance (Sysmex XT-2000®

Le nuage de points des hématies, obtenu avec la cytométrie en flux, met en évidence une “queue de comète” (cercle rouge) en continuité avec le nuage de points des hématies (en bleu foncé) sur la gauche du graphique (flèche rouge), ce qui témoigne d’une réticulocytose vraie et confirme le caractère régénératif de l’anémie, qui reste à vérifier sur le frottis sanguin. Le nuage de points des hématies descend jusqu’au nuage de points des plaquettes (en bleu clair), ce qui suggère la présence d’hématies de petite taille ou de fragments d’hématies. L’histogramme des hématies, obtenu avec la variation d’impédance, met en évidence un épaulement de la courbe sur la droite (flèche noire), ce qui évoque également une réticulocytose.

ENCADRÉ 2
Résultats obtenus avec un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance (Sysmex XT-2000iV®)

Le nuage de points des leucocytes met en évidence une fusion (cercle rouge) entre les nuages de points des neutrophiles (en bleu), des lymphocytes (en rose) et des monocytes (en vert). Les résultats chiffrés concernant les leucocytes ne peuvent pas être validés et doivent être vérifiés sur le frottis sanguin.

Points forts

→ Pour apprécier la répartition des hématies, des leucocytes et des plaquettes, il est important, dans un premier temps, d’observer le frottis sanguin à faible grossissement.

→ Lors d’anémie, les hématies vont se disperser. Plus l’anémie est marquée, plus la distance entre les hématies est importante.

→ Une pseudo-leucocytose est observée, par exemple, lors d’érythroblastose ou d’agrégats plaquettaires. Une pseudo-leucopénie peut être notée en présence d’agrégats leucocytaires.

→ Lors d’érythroblastose importante, une formule permet de corriger la numération leucocytaire en fonction du nombre d’érythroblastes comptés pour 100 leucocytes rencontrés.

→ Une pseudo-thrombopénie peut être observée en présence d’agrégats plaquettaires ou de macroplaquettes.

ENCADRÉ 3
Résultats obtenus avec un automate mixte utilisant la cytométrie en flux et la variation d’impédance (Sysmex XT-2000iV®)

Le nuage de points des plaquettes met en évidence un nuage peu dense et dispersé (flèche rouge). L’histogramme des plaquettes montre une courbe qui décolle très peu de zéro, sans prendre la forme d’une cloche (flèche noire).

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