DERMATOLOGIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Charline Pressanti
Fonctions : Service de dermatologie,
cliniques animaux de compagnie,
ENVT,
23 chemin des Capelles
31076 Toulouse
La pemphigoïde des muqueuses (PM), aussi appelée pemphigoïde cicatricielle, est une dermatose auto-immune, chronique, responsable de lésions de clivage sous-épidermiques. Chez toutes les espèces dans lesquelles elle est décrite, elle provoque l’apparition de vésicules, d’ulcérations et de cicatrices surtout sur les muqueuses et les jonctions cutanéo-muqueuses. Bien que l’épidémiologie de cette affection ne soit que partiellement élucidée, il s’agit de la dermatose auto-immune sous-épidermique la plus fréquemment rencontrée dans l’espèce canine. Elle semble toucher préférentiellement la race berger allemand [6].
Chez l’homme et chez l’animal, la PM est associée à la présence d’autoanticorps dirigés contre certains composants de la membrane basale. Les protéines cibles sont les collagènes XVII (BP180), BPAG1e (BP230), l’intégrine α6b4, la laminine 332 et, plus rarement, le collagène VII [2, 3, 5]. La preuve de la fixation de ces anticorps (Ac) et de l’activation du complément sur la membrane basale et/ou de la présence dans le sang de ces Ac circulants représente une des méthodes diagnostiques de cette affection chez l’homme. Ainsi, chez le chien, la démonstration de la présence de ces Ac ciblant la membrane basale constitue également un critère diagnostique. Toutefois, certains de ces Ac sont également incriminés dans d’autres dermatoses bulleuses auto-immunes telles que la pemphigoïde bulleuse ou encore l’épidermolyse bulleuse acquise. Ainsi la présence seule de ces Ac ne suffit pas au diagnostic de la PM chez le chien.
Les résultats s’intéressant à 16 nouveaux cas canins de PM confirment la prédisposition déjà rapportée pour la race berger allemand. Contrairement aux données précédemment publiées, les mâles seraient plus souvent atteints que les femelles. En médecine humaine, les femmes présentent un risque 1,5 à 2?fois plus important que les hommes de développer cette dermatose [2].
La plupart des chiens de cette étude présentaient initialement des lésions de la cavité buccale et/ou des babines. Durant l’évolution de la maladie, cette localisation est restée constamment affectée et d’autres localisations sont venues compléter le tableau clinique. En effet, plus de 90 % des animaux présentaient deux muqueuses atteintes ou plus. Une topographie lésionnelle similaire chez l’homme est constatée, avec 85 % des patients qui souffrent de lésions de la bouche [7]. Chez le chien, les lésions atteignent surtout les gencives. Chez l’homme, il est fréquent d’observer des lésions sur les muqueuses nasales, le larynx, le pharynx et l’œsophage. Dans cette étude, aucun chien n’a présenté ce type de lésions. Toutefois, aucun examen endoscopique n’a été réalisé. Le planum nasale était la localisation la plus souvent affectée après la cavité buccale chez le chien. Il est donc important de distinguer la PM du lupus discoïde localisé. Mais, dans cette dernière affection, les lésions de la cavité buccale ne sont pas rapportées.
Dans cette étude, il n’existait pas de corrélation entre la gravité des lésions, leur nombre, le site touché et le pronostic de la maladie. A contrario, chez l’homme, les lésions plus étendues et touchant les zones oro-pharyngée, génitale et oculaire sont de mauvais pronostic et peuvent engendrer de graves séquelles (cécité, dysphagie, stérilité, etc.). Ce type de lésions impose un traitement précoce et agressif afin de limiter le risque de séquelles et de cicatrices. Chez le chien, une résolution complète des lésions a été observée pour 60 % des animaux recevant une combinaison seule de tétracyclines et de niacinamide (TC/VB3) ou associée à d’autres molécules. L’efficacité de la TC/VB3 a déjà été rapportée, confirmant qu’il peut alors s’agir du traitement de première intention de la PM chez le chien.
L’étiopathogénie exacte de la PM est encore mal comprise. Il pourrait s’agir d’une réaction auto-immune médiée par les Ac et faisant intervenir le complément. Le recrutement de cellules inflammatoires, la dégranulation des mastocytes et l’activation des kératinocytes participent à l’inflammation et à la formation des zones de clivage. La TC/VB3 limiterait ainsi l’action des protéases et inhiberait le chimiotactisme des leucocytes [6].
Cette étude suggère que les corticoïdes administrés par voie orale en monothérapie sont moins efficaces et ne permettent pas une résolution complète des lésions. En revanche, les animaux recevant plusieurs traitements avaient de meilleures chances de récupération. Toutefois, les rechutes étaient fréquentes au moment de la diminution de doses.
Les analyses histologiques effectuées dans cette étude sont en accord avec les données précédemment publiées sur la PM [4]. Elles montraient la présence de lésions de clivage entre le derme et l’épiderme. Il se formait des fissures qui étaient vides ou remplies de cellules inflammatoires. Le derme contenait souvent des granulocytes éosinophiles, comme cela est décrit dans la pemphigoïde bulleuse et l’épidermolyse bulleuse acquise, mais leur nombre était plus faible [1]. Toutefois, la présence de ces cellules pouvait être la conséquence de l’infection bactérienne secondaire à l’ulcération, et n’était pas toujours spécifique de la dermatose auto-immune.
En médecine humaine, la mise en évidence d’un dépôt d’autoanticorps sur la membrane basale constitue un critère diagnostique. Cette technique dite d’immunofluorescence (IF) directe n’est pas toujours disponible chez le chien et n’est donc pas indispensable au diagnostic. Dans cette étude, les autoanticorps ont été détectés dans le sang circulant et sur tissu (IF directe et indirecte) et il s’agissait principalement d’immunoglobuline G. Dans 11 cas, le taux d’anticorps était indétectable. Il est possible, dans ces cas, qu’un traitement immunosuppresseur préalablement mis en place explique ce résultat négatif.
La PM est une dermatose auto-immune chronique, d’évolution lente, qui atteint principalement les muqueuses et les jonctions cutanéo-muqueuses. Cette étude rétrospective a confirmé ses aspects cliniques et histologiques. L’association TC/VB3 représente une approche thérapeutique intéressante seule ou en association avec d’autres molécules immunomodulatrices.
Toutefois, la rareté de la maladie, le faible nombre de cas et la nature rétrospective de l’étude limitent l’interprétation de ces données.
Aucun.
CONTEXTE
La pemphigoïde des muqueuses (PM) est une dermatose chronique auto-immune. Il s’agit d’une affection qui induit un détachement de la région sous-épidermique. Elle est rapportée chez le chien, le chat et l’homme.
OBJECTIFS
Décrire les aspects cliniques, histologiques et immunologiques de cette entité ainsi que les traitements instaurés et l’évolution chez le chien.
MÉTHODE
Seize chiens ont été inclus. Le diagnostic était fondé sur la présence de lésions vésiculeuses et ulcératives sur les muqueuses et les jonctions cutanéo-muqueuses. L’analyse histopathologique devait confirmer les clivages sous-épidermiques de l’affection, évoluer depuis au moins 6 mois.
RÉSULTATS
• 6 chiens sur les 16 inclus (38 %) étaient des bergers allemands ou croisés bergers.
• L’âge moyen au moment des premiers symptômes était de 6 ans (de 1 à 10 ans).
• Les symptômes étaient des érosions, des ulcères de la cavité buccale (69 %), de la truffe (56 %), des paupières (50 %) et de la zone génitale (38 %). Les zones velues étaient moins systématiquement touchées et étaient rapportées dans 38 % des cas ; elles intéressaient surtout la face concave du pavillon auriculaire.
• Les détails concernant les traitements entrepris ont été rapportés dans 11 cas sur 16 (69 %) :
– une résolution complète des lésions a été obtenue dans 10 cas (91 %). Le temps moyen nécessaire à l’obtention de ce résultat a été de 33 semaines ;
– les traitements étaient variés. Cependant, 60 % des chiens ont reçu une association tétracyclines-niacinamide seule ou en bithérapie ;
– 40 % des chiens dont les lésions ont été totalement résolues, ont présenté plusieurs épisodes de rechute à la suite de la diminution du traitement.
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