Le frottis sanguin : réalisation et technique de lecture - Le Point Vétérinaire n° 377 du 01/07/2017
Le Point Vétérinaire n° 377 du 01/07/2017

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie,
CREFRE, université de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT, 31400 Toulouse

Pour interpréter une analyse hématologique, la réalisation d’un frottis de qualité, la maîtrise de la technique de lecture et la connaissance de la morphologie normale des cellules sanguines sont essentielles.

L’examen du frottis sanguin est une étape indispensable pour valider ou infirmer les résultats chiffrés donnés par l’automate d’hématologie. Il permet également d’apporter de nombreuses informations et parfois d’établir le diagnostic.

RÉALISATION D’UN FROTTIS SANGUIN

Pour réaliser un frottis sanguin, une lame de bonne qualité, c’est-à-dire dégraissée industriellement, rodée et matée à une extrémité, ainsi qu’une lame rodée et une pipette sont nécessaires [2].

Une petite goutte de sang, d’environ 2 mm de diamètre, est déposée à 1 cm du côté maté de la lame. La lame rodée est ensuite déplacée vers la goutte avec un angle de 30°. Il convient toujours de se placer devant la goutte pour ne pas écraser les cellules. Le sang migre alors par capillarité le long de la lame rodée qui est ensuite poussée vers l’avant (figure 1). L’inclinaison de la lame rodée détermine en partie l’épaisseur et la longueur du frottis : plus la lame servant à étaler le sang est proche de la lame sur laquelle le sang est étalé (angle < 30°), plus le frottis est long et fin ; inversement, plus elle s’approche de la verticale (angle > 30°), plus le frottis est court et épais. La vitesse d’étalement, c’est-à-dire la rapidité avec laquelle la goutte de sang est étalée et poussée, ainsi que l’hématocrite et la viscosité du sang influencent également l’épaisseur et la longueur du frottis. Pour une vitesse et un angle donnés, plus l’hématocrite est élevé et plus le frottis est court et épais. Inversement, plus l’hématocrite est faible et plus le frottis est long et fin. En conséquence, lorsqu’un animal est fortement anémié, il est recommandé d’étaler lentement la goutte de sang avec une lame rodée placée à plus de 30° par rapport à l’horizontale.

Le frottis doit être assez long pour avoir une zone de lecture suffisamment grande sans atteindre l’extrémité de la lame car, sinon, la queue du frottis ne peut pas être observée à faible grossissement (le porte-objet gêne). Le frottis idéal occupe les deux tiers de la longueur de la lame.

Après l’étalement, le frottis est séché rapidement (par agitation à l’air ou au moyen d’un sèche-cheveux en position froide), afin d’éviter les artefacts de séchage (échinocytes, par exemple). Ensuite, il doit être coloré. Il existe plusieurs sortes de colorations, les plus accessibles aux praticiens étant celles de type Romanowsky rapides (RAL 555®, Diff-Quick®, etc.). Il existe également des colorations plus longues à réaliser, mais de meilleure qualité, comme le May-Grünwald-Giemsa (MGG). En effet, les colorations rapides vont colorer les cellules de deux teintes : orange et violet, tandis que le MGG apporte une troisième couleur, le rouge, permettant notamment la visualisation des granulations des lymphocytes à grains.

TECHNIQUE DE LECTURE

1. Examen à faible grossissement

L’ensemble du frottis est d’abord observé à faible grossissement (x 100 ou x 200 avec l’objectif 10 ou 20 respectivement) depuis la goutte jusqu’à la queue du frottis, en réalisant des créneaux bord à bord [2].

Le faible grossissement permet d’évaluer la cellularité, d’observer la répartition des cellules, la présence d’éventuels agglutinats ou rouleaux d’hématies, la richesse en leucocytes (principalement en queue de frottis, sur les bords et dans la goutte), la présence d’éventuels agrégats plaquettaires (principalement en queue de frottis, sur les bords et dans la goutte) ou d’hémoparasites de grande taille (microfilaires), et, enfin, de déterminer la zone de lecture, c’est-à-dire l’endroit où les hématies ne se chevauchent pas et sont équidistantes les unes des autres (généralement 1 à 2 champs en arrière de l’extrémité de la queue de frottis) (figure 2).

2. Examen à fort grossissement

Une fois le premier examen réalisé, le frottis sanguin est lu à fort grossissement (x 400 ou x 1 000 à immersion avec un objectif 40 ou 100 respectivement) pour apprécier les proportions relatives des différents leucocytes, ainsi que la morphologie des cellules.

En queue de frottis et sur les bords, la couche étant très fine et les cellules nombreuses, elles peuvent être abîmées avec une tendance à se superposer. Ce n’est donc pas l’endroit idéal pour apprécier leur morphologie.

La zone de lecture est la partie idéale pour réaliser la formule sanguine et évaluer la morphologie des hématies, des leucocytes et des plaquettes.

Dans cette zone, le comptage plaquettaire manuel est aussi réalisé : à l’aide de l’objectif 100, le nombre de plaquettes par champ sur 10 champs est compté, la moyenne calculée et multipliée par 15 000. La concentration plaquettaire par µl est ainsi obtenue, en l’absence d’agrégats plaquettaires sur le frottis. Donc, lorsque moins d’une plaquette par champ est observée et qu’aucun agrégat plaquettaire n’est présent, le nombre de plaquettes/µl est inférieur à 15 000.

Pour la formule sanguine, c’est-à-dire l’appréciation des différentes populations leucocytaires, des créneaux successifs sont réalisés, en partant d’un bord du frottis jusqu’à l’autre, puis en se décalant d’un champ complet en direction de la queue de frottis, de façon à ne jamais recompter deux fois la même cellule (figure 3).

DIFFÉRENTS TYPES DE CELLULES ET PRINCIPALES MODIFICATIONS

1. Hématies

Les hématies sont des cellules anucléées de 6 à 7 µm chez le chien et de 5,5 à 6 µm chez le chat, en forme de disque biconcave, de couleur orangée à grisâtre (selon le colorant utilisé), avec une pâleur centrale chez le chien, nettement moins marquée chez le chat [3, 5]. Chez le chat, les hématies ont tendance à former des rouleaux de façon physiologique.

Les réticulocytes sont des hématies jeunes, plus grandes et plus bleutées que les hématies matures (photo 1). Ils sont visibles avec des colorants rapides, mais leur comptage nécessite une coloration spécifique au bleu de Crésyl brillant ou au nouveau bleu de méthylène, ou avec des lames précolorées comme les lames TestSimplet® (Origio).

Les corps de Howell-Jolly sont des résidus nucléaires dans le cytoplasme des hématies, de forme ronde, de couleur violet foncé et de petite taille. Ils sont rares chez le chien et plus fréquents chez le chat.

Les érythroblastes sont des hématies n’ayant pas encore perdu leur noyau et ne sont normalement pas observés dans le sang périphérique, sauf dans certaines circonstances, physiologiques ou pathologiques.

2. Leucocytes

Les granulocytes

→ Les granulocytes neutrophiles

Les granulocytes neutrophiles (GNN) sont des cellules de 12 à 15 µm au noyau lobé ou partiellement segmenté avec une chromatine dense, violet foncé et au cytoplasme clair, très finement granuleux (photo 2) [4, 6].

Les GNN immatures, ou band cells, peuvent être présents en très faible quantité chez les animaux sains (< 300 µl) (photo 3). Leur noyau ne possède qu’un seul lobe (dit en “fer à cheval”), et la chromatine est moins condensée et plus claire.

→ Les granulocytes éosinophiles

Les granulocytes éosinophiles (GNE) sont légèrement plus grands que les GNN [4, 6]. Leur noyau est généralement moins lobé (souvent bilobé), avec une chromatine dense, violet foncé. Leur cytoplasme contient des granulations orangées, de forme variable en fonction des espèces.

Chez le chien, les granulations sont rondes, de taille hétérogène et en quantité variable, et peuvent coalescer pour ne former qu’une seule granulation de grande taille. Le cytoplasme contient également quelques vacuoles optiquement vides à contours nets (photo 4). Chez le greyhound adulte, les GNE contiennent de nombreuses vacuoles optiquement vides et les granulations sont généralement peu visibles. Chez les chiots greyhound, les granulations ont une couleur grisâtre et non orangée comme dans les autres races.

Chez le chat, les granulations sont abondantes, petites, de taille homogène, en en forme de bâtonnet et le cytoplasme ne contient pas de vacuoles (photo 5).

→ Les granulocytes basophiles

Les granulocytes basophiles (GNB) sont légèrement plus grands que les GNE [4, 6]. Leur noyau est segmenté, souvent peu lobé et plus massif que celui du GNE. Leur cytoplasme contient des granulations de forme et de couleur variables en fonction des espèces.

Chez le chien, le cytoplasme est de couleur bleu-gris à légèrement violette, et les granulations sont peu nombreuses, petites, de couleur pourpre à violet foncé (photo 6).

Chez le chat, les granulations sont nombreuses, petites, de forme ronde à ovale et de couleur parme-lavande à rose, mais ne sont pas visibles en coloration rapide. Elles peuvent se superposer au noyau, lui donnant un aspect mité et grignoté, dit en “trognon de pomme” (photo 7).

Les lymphocytes

Les lymphocytes sont des cellules à noyau rond de 9 à 12 µm avec un rapport nucléocytoplasmique élevé (photo 8) [4, 6]. Il existe des petits, des moyens et des grands lymphocytes.

Les petits sont les plus nombreux chez les carnivores domestiques. Leur noyau est rond, mais avec des côtés aplatis ou indentés, leur chromatine densément mottée, et leur cytoplasme pâle et très peu abondant.

Les moyens peuvent également être observés. Ils ont un cytoplasme plus abondant qui entoure complètement le noyau et qui contient parfois quelques granulations violacées (lymphocytes à grains), non visibles en coloration rapide (photo 9). Les grands lymphocytes sont de plus grande taille avec un rapport nucléocytoplasmique encore plus faible.

Les monocytes

Les monocytes sont des cellules de grande taille, de 15 à 20 µm (photo 10) [4, 6]. Leur noyau est de forme très variable. Il peut être rond à ovoïde aux contours souvent irréguliers, en papillon, en forme de S ou en fer à cheval. Dans ce dernier cas, le noyau est souvent plus épais avec des extrémités plus rondes que celles d’un band cell. La chromatine est fine, moins dense que celle d’un GNN mature et de couleur violet clair. Leur cytoplasme est abondant, gris bleuté “ciel d’orage” et souvent hétérogène. Il peut contenir des vacuoles optiquement vides en quantité variable.

3. Plaquettes

Les plaquettes sont des cellules anucléées de taille très variable (de 1/10e à 1 hématie) et plus elles sont jeunes, plus elles sont grosses (photo 11) [1]. Elles sont de forme ronde à ovale. Leur couleur dépend beaucoup de la coloration, notamment du Giemsa, et si le temps de contact n’est pas respecté, elles sont difficilement visibles. Les plaquettes sont en général pâles, légèrement bleutées avec de nombreuses petites granulations rose-violet soit dispersées soit agrégées en position centrale. Parfois, elles sont partiellement activées et apparaissent en forme d’étoile, avec de petites extensions cytoplasmiques correspondant aux pseudo-podes. Lorsqu’elles sont activées, les plaquettes peuvent former de petits ou de volumineux agrégats, observés à faible grossissement en périphérie et à la queue du frottis (photo 12). La présence de ces agrégats, fréquemment observés chez le chat, entraîne une sous-estimation de la numération plaquettaire par les analyseurs d’hématologie.

Conclusion

Savoir réaliser un frottis sanguin de qualité, en maîtriser la technique de lecture et connaître la morphologie normale des différentes cellules sanguines sont un prérequis indispensable à l’interprétation d’une analyse hématologique.

Références

  • 1. Boudreaux MK. Platelets. In: Weiss DJ, Wardrop KJ. Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. Wiley BlackWell, Ames, Iowa. 2010:559-632.
  • 2. Harvey JW. Hematology procedures. In: Harvey JW. Veterinary hematology a diagnostic guide and color atlas. Elsevier, Saint Louis, Missouri. 2012:11-32.
  • 3. Harvey JW. Evaluation of erythrocytes. In: Harvey JW. Veterinary hematology a diagnostic guide and color atlas. Elsevier, Saint Louis, Missouri. 2012:49-121.
  • 4. Harvey JW. Evaluation of leukocytes disorders. In: Harvey JW. Veterinary hematology a diagnostic guide and color atlas. Elsevier, Saint Louis, Missouri. 2012:122-176.
  • 5. Messick JB. Erythrocytes. In: Weiss DJ, Wardrop KJ. Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. Wiley BlackWell, Ames, Iowa. 2010:121-260.
  • 6. Teske E. Leukocytes. In: Weiss DJ, Wardrop KJ. Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. Wiley BlackWell, Ames, Iowa. 2010:261-418.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Après l’étalement, le frottis doit être séché rapidement par agitation à l’air ou au moyen d’un sèche-cheveux en position froide, afin d’éviter les artefacts de séchage.

→ Le faible grossissement permet d’évaluer la cellularité, d’observer la répartition des cellules, la présence d’éventuels agglutinats ou rouleaux d’hématies, la richesse en leucocytes, la présence d’éventuels agrégats plaquettaires et hémoparasites de grande taille.

→ La zone de lecture est l’endroit idéal pour apprécier les proportions relatives des différents leucocytes, et la morphologie des hématies, des leucocytes et des plaquettes.

→ Les granulocytes sont des cellules de taille moyenne, au noyau polylobé. Les granulations des neutrophiles sont invisibles avec les colorants classiques. La forme et la couleur des granulations des basophiles et des éosinophiles varient en fonction de l’espèce.

→ Les plaquettes sont des cellules anucléées de taille très variable, légèrement bleutées avec de nombreuses petites granulations rose-violet dispersées ou agrégées en position centrale.

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