L’otite séreuse primaire sécrétante du cavalier King Charles - Le Point Vétérinaire expert canin n° 377 du 01/07/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 377 du 01/07/2017

CHIRURGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia,
22, rue René-Viviani,
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

Les otites moyennes sont des affections courantes. Elles sont le plus souvent infectieuses, à la faveur d’une contamination via le conduit auditif externe, qui fait fréquemment suite à une otite externe infectieuse chronique. Chez le cavalier king charles spaniel (CKCS), une otite moyenne simplement séreuse (c’est-à-dire non inflammatoire, non infectieuse) est décrite. L’otite moyenne séreuse primaire sécrétante (PSOM) correspond à une affection fréquente chez l’enfant en bas âge. L’origine de cette maladie n’est pas connue, mais un dysfonctionnement congénital de drainage de la trompe d’Eustache est fortement suspecté. Cette anomalie est possiblement secondaire à l’importance des tissus mous pharyngés dans les races de type brachycéphale [1, 7].

SIGNES CLINIQUES DE PSOM

L’article résumé évalue avec précision les signes cliniques que présentent les chiens atteints de cette affection [2]. Le plus fréquemment, une perte d’audition et/ou un prurit dirigé vers les oreilles ou le cou sont rapportés (72 % respectivement). Près de un tiers des chiens (28 %) secouent la tête de façon anormalement fréquente. Une douleur auriculaire est plus rare (2 %).

Les signes neurologiques, en lien avec l’anatomie nerveuse à proximité de la bulle tympanique, sont également rapportés : cris soudains (19 %), douleur cervicale (5 %), démarche anormale (5 %) et/ou paralysie faciale (2 %) [2, 8]. Des bâillements anormaux ou fréquents sont aussi un signe clinique de PSOM (5 %). Un port de tête anormal avec notamment le cou horizontal est souvent décrit [1]. La PSOM doit être inclus dans les hypothèses diagnostiques face à un CKCS présentant ce genre de signes neurologiques, même en l’absence de signes cliniques directement dirigés vers les oreilles. Les symptômes cliniques sont d’ailleurs parfois discrets. Ainsi, deux études utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans le dépistage chez des CKCS d’affections raciales convergent vers des taux de 43 à 54 % de PSOM bien que ces chiens soient considérés comme cliniquement normaux [1].

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DIAGNOSTIQUES

Chez l’enfant, des retards éducatifs secondaires aux difficultés auditives conduisent souvent au diagnostic de PSOM. Les potentiels évoqués auditifs sont alors souvent employés, sans pour autant être un examen spécifique du diagnostic de PSOM. Chez le chien, les troubles auditifs sont plus difficiles à appréhender en l’absence d’une surdité évidente. Une étude a cependant démontré une perte significative d’audition de l’ordre de 21 dB chez les CKCS atteints de PSOM à l’IRM [6]. La PSOM peut donc être une découverte fortuite, mais ne doit probablement pas être considérée comme sans conséquence sur la qualité de vie du chien [9].

L’examen otoscopique présente un intérêt certain dans le diagnostic du PSOM, grâce à sa très bonne spécificité, rapportée une nouvelle fois dans l’article résumé [1, 2]. Ainsi, si une pars flacida large et bombée est observée, le diagnostic de PSOM est établi. En revanche, dans le cas contraire, un examen au scanner ou une IRM de la bulle tympanique est nécessaire afin d’établir le diagnostic. La sensibilité ainsi que la spécificité de l’échographie, de la pneumotoscopie ou de la tympanométrie sont largement insuffisantes pour se substituer à ces examens d’imagerie multiplanaires [2].

TRAITEMENTS

Pour un chirurgien vétérinaire, une bulle tympanique remplie de liquide ou de mucus sans lésion du conduit auditif externe peut être traitée au moyen d’une ostéotomie ventrale de la bulle tympanique. Les complications sont rares, mais impliquent des troubles nerveux sympathiques, vestibulaires ou du nerf facial. Le risque de récidive est également présent.

Une ablation totale du conduit auditif avec une ostectomie latérale de la bulle tympanique est aussi possible, mais paraît excessivement lourde pour un risque de récidive sans doute aussi élevé que lors d’ostectomie ventrale seule.

Les techniques les plus intéressantes visent à améliorer le drainage de la bulle tympanique qui n’est pas réalisé via la trompe d’Eustache. Un drainage aigu par une myringotomie (ouverture du tympan) avec un rinçage de la bulle tympanique doit permettre une vidange lorsque cette bulle est remplie, avec une amélioration clinique significative par la suite [8]. Le risque de récidive est cependant élevé.

Pour contrer les récidives, l’utilisation d’un tube de myringostomie est recommandée [2]. Deux études décrivent l’application clinique de cette technique chez le chien, secondairement à la première description clinique en 1989 [3-5]. Trois cas sont rapportés en 2008 et 12 en 2015, avec des résultats cliniques très bons sans complications majeures à rapporter. Le dernier article observe ainsi une augmentation significative de l’audition chez 9 chiens et une amélioration de la qualité de vie chez 10 chiens sur les 11 animaux inclus [5]. Les récidives rapportées s’expliquent par une migration trop précoce du tube de myringostomie, bien que cela soit intervenu plus de 2 mois après le placement initial.

Conclusion

Le PSOM est une affection assez caractéristique du CKCS dont les signes cliniques sont aussi souvent neurologiques qu’en lien avec la sphère auditive. Il est admis que, même en cas de découverte fortuite, un traitement doit être envisagé pour améliorer la qualité de vie du chien. La mise en place d’un tube de myringostomie, peu invasif et associé à un faible risque et à des résultats cliniques intéressants, semble le traitement de choix.

Références

  • 1. Cole LK. Primary secretory otitis media in cavalier King Charles spaniels. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2012;42:1137-1142.
  • 2. Cole LK, Samii VF, Wagner SO, Rajala-Schultz PIJ. Diagnosis of primary secretory otitis media in the cavalier King Charles spaniel. Vet. Dermatol. 2015;26:459-e107.
  • 3. Corfield GS, Burrows AK, Imani P, Bryden SL. The method of application and short term results of tympanostomy tubes for the treatment of primary secretory otitis media in three cavalier King Charles Spaniel dogs. Austr. Vet. J. 2008;86:88-94.
  • 4. Cox CL, Slack RWT, Cox GJ. Insertion of a transtympanic ventilation tube for the treatment of otitis media with effusion. J. Small Anim. Pract. 1989;30:517-519.
  • 5. Guerin V, Hampel R, Haar Ter G. Video-otoscopy-guided tympanostomy tube placement for treatment of middle ear effusion. J. Small Anim. Pract. 2015;56:606-612.
  • 6. Harcourt-Brown TR, Parker JE, Granger N, Jeffery ND. Effect of middle ear effusion on the brain-stem auditory evoked response of cavalier King Charles spaniels. Vet. J. 2011;188:341-345.
  • 7. Hayes GM, Friend EJ, Jeffery ND. Relationship between pharyngeal conformation and otitis media with effusion in cavalier King Charles spaniels. Vet. Rec. 2010;167:55-58.
  • 8. Stern-Bertholtz W, Sjöström L, Håkanson NW. Primary secretory otitis media in the cavalier King Charles spaniel: a review of 61 cases. J. Small Anim. Pract. 2003;44:253-256.
  • 9. Volk HA, Davies ES. Middle ear effusions in dogs: An incidental finding? Vet. J. 2011;188:256-257.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer la sensibilité et la spécificité des tests fonctionnels auditifs, de l’otoscopie et de l’échographie dans le diagnostic de l’otite moyenne séreuse primaire sécrétante (PSOM) en utilisant le scanner comme méthode de référence.

MÉTHODE

Étude prospective. les cavaliers king charles spaniels (CKCS) présentant un signe clinique compatible avec une PSOM sont inclus. Les chiens dont le tympan ne peut pas être examiné sont exclus. L’oreille est évaluée à l’aide d’une otoscopie, d’une pneumotoscopie, d’un scanner, d’une échographie et d’une tympanométrie. Une myringotomie est réalisée pour les oreilles présentant une psom au scanner.

RÉSULTATS

60 CKCS sont inclus. 57 chiens présentent une douleur cervicale et c’est le seul signe clinique pour 35 chiens. Pour seulement 5 % des chiens, l’examen neurologique est normal. 72 % (43 cas) des animaux sont atteints d’une PSOM lors de l’examen au scanner. Dans 70 % des cas, l’affection est bilatérale (73 oreilles avec une PSOM) et dans 77 % des cas plusieurs signes cliniques sont constatés. La sensibilité de l’otoscopie est de 29 %, mais la spécificité de 100 % : la présence d’une protrusion de la pars flacida détermine le diagnostic d’une PSOM. La sensibilité de la pneumotoscopie est de 75 %, avec une spécificité de 79 %. Pour les oreilles sans mouvement de la pars tensa du tympan, le diagnostic de PSOM est établi. Concernant la tympanométrie, la sensibilité est de 84 % et la spécificité de 47 %. Un tympanogramme plat donne le diagnostic de PSOM. La sensibilité de l’échographie est de 67 % avec une spécificité de 47 %, et l’image d’un contenu hypoéchogène dans la bulle tympanique correspond au diagnostic d’une PSOM. Une quantité moyenne de mucus de 0,41 +/- 0,33 ml est retirée des oreilles qui présentent une PSOM, après myringotomie.

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