Le secret professionnel - Le Point Vétérinaire n° 376 du 01/06/2017
Le Point Vétérinaire n° 376 du 01/06/2017

DÉONTOLOGIE

Internet

Auteur(s) : Denise Remy

Fonctions : VetAgro Sup, Campus
vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile

Le respect du secret est non seulement un devoir moral auquel tout vétérinaire est tenu envers son ou ses clients, mais aussi une obligation déontologique et légale, souvent méconnue.

Il est particulièrement intéressant de définir ce qu’est le secret professionnel, d’en étudier les fondements éthiques, d’exposer les textes de loi qui s’y rapportent et de présenter quelques exemples de questionnements éthiques dans lesquels le devoir moral de confidentialité envers le client entre en conflit avec d’autres devoirs moraux. Ce premier article est consacré à la définition et à l’exposé des fondements éthiques du secret professionnel.

Qu’entend-on par secret professionnel ? Qui y est assujetti ?

→ Le secret professionnel correspond à l’interdiction légale de divulguer des informations à caractère secret dont un professionnel a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. S’il existe une multitude de concepts de secrets (secret du délibéré, secret bancaire, secret de fabrication, secret d’État, etc.), celui de secret professionnel est marqué par le sceau de la loi. Pourtant, les informations couvertes par le secret professionnel ne sont définies par aucun texte de loi. Mais la jurisprudence a déterminé depuis longtemps, et de façon constante, les informations soumises au secret : tout ce qui a été vu, entendu, appris, compris, voire interprété ou deviné à l’occasion de l’exercice professionnel [1]. Le secret professionnel est ainsi plus large que ce que l’intéressé (e) peut lui (elle)-même considérer comme secret. Et même si cette personne diffuse largement des informations privées la concernant, ce n’est pas par le professionnel que ces informations pourront être apprises par des tiers. La chambre criminelle de la Cour de cassation a bien précisé que des faits connus par d’autres personnes pouvaient rester confidentiels et secrets [2, 3].

→ L’article 226-13 du Code pénal prévoit trois catégories de secret professionnel : par état, par profession, ou bien par fonction ou mission temporaire (encadré). Pour chacune de ces trois situations, un texte législatif ou réglementaire doit mentionner la soumission à l’obligation de secret professionnel. C’est le cas pour les vétérinaires, car cette obligation de secret figure dans le Code de déontologie, au paragraphe V des devoirs généraux du vétérinaire (« Le vétérinaire est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi. »), et que le Code de déontologie est ratifié par décret et publié au Code rural et de la pêche maritime. Il en va de même pour les médecins, dont le Code de déontologie fait partie du Code de la santé publique. En revanche, les psychologues ne sont pas soumis au secret professionnel. Pourtant, leur Code de déontologie fait référence au secret professionnel, mais, ce code n’étant pas légiféré, le secret n’a aucune valeur légale. En outre, il n’existe pas d’Ordre des psychologues qui pourrait exercer des sanctions envers les professionnels qui ne respecteraient pas le Code de déontologie. Ainsi, un psychologue exerçant en profession libérale a les mêmes autorisations et les mêmes obligations de parler que le simple citoyen devant la loi. En résumé, le secret professionnel ne s’auto-attribue pas. Et il n’existe pas de supériorité du secret professionnel des uns sur celui des autres (affirmation qu’il est possible de lire parfois, et qui est erronée). Le secret professionnel des vétérinaires n’est pas relatif par rapport à celui des médecins.

Les fondements du secret professionnel

→ Le secret professionnel vise tout d’abord à protéger les patients, à les respecter et à respecter leur vie privée. Cela contribue à la protection et à la promotion de la dignité humaine reconnue en droit international par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Code civil français par l’article 9 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

→ Le respect du secret de la part du professionnel permet à celui qui le consulte d’avoir confiance et d’exprimer ses difficultés, ce dont il souffre (photo 1). Si la confiance paraît un élément fondamental de la relation patient-médecin, elle l’est également pour la relation client-vétérinaire. Par exemple, un vétérinaire comportementaliste rentre dans l’intimité des foyers pour analyser, décrypter la relation entre les propriétaires et leur animal, et apporter des solutions. Lorsqu’un client a mal agi envers son animal, a été négligent, il sait qu’il peut se confier au vétérinaire, que ce dernier l’aidera, que l’animal pourra être soigné. Si une personne devait se mettre en danger par la relation de faits passibles de sanction, il est certain qu’elle ne consulterait pas, ou qu’elle mentirait et occulterait la vérité. Le secret, loin de couvrir des agissements, permet de connaître la réalité de situations, qui, sinon, resteraient cachées.

→ La confiance du client envers le professionnel est également le garant d’une action efficace de ce dernier, qui peut alors prodiguer un soutien adapté, puisqu’il a connaissance de la totalité des éléments nécessaires (anamnèse précise pour un vétérinaire ou un médecin) (photo 2).

→ Un des fondements du secret professionnel est d’ordre public. C’est d’ailleurs là la raison principale d’inscription du secret professionnel dans la loi. L’intérêt général de la société exige le secret professionnel. « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur, un défenseur, […] mais ni le médecin, ni l’avocat, […] ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. » [4]. L’objectif est moins, ici, de protéger la confidence d’un particulier que de garantir un devoir professionnel indispensable à la société tout entière. Le législateur a voulu assurer la confiance que doivent inspirer certaines professions et qui, en retour, se trouvent crédibilisées par le secret professionnel. Tout client peut, de prime abord, avoir confiance en un professionnel soumis au secret par la loi, sans le connaître (photo 3).

→ Enfin, le secret professionnel est également le garant du bon fonctionnement d’une démocratie. Dans une société totalitaire, le secret professionnel fait partie des premières valeurs qui disparaissent. L’État peut alors s’ingérer dans les secrets des personnes, le secret professionnel ne peut lui être opposé [5].

Ainsi, l’atteinte au secret par un professionnel qui y est soumis l’expose à des sanctions d’ordres civil (atteinte à l’intérêt privé de la personne), pénal (1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende) et ordinal (atteinte à l’ensemble du corps professionnel dont la crédibilité est remise en cause). Ce devoir de discrétion n’a pas de limite dans le temps, il perdure après la cessation de l’activité du professionnel et après le décès du patient ou du client (encadré 2). Nous étudierons, dans un prochain article, les textes de loi qui se rapportent au secret professionnel, et qui sont, à bien des égards, méconnus de la plupart des professionnels.

Références

  • 1. Arrêt du 19 décembre 1885 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, affaire Watelet.
  • 2. Chambre criminelle de la Cour de cassation, 16 mai 2000. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle n° 192.
  • 3. Chambre criminelle de la Cour de cassation, 22 novembre 1994. Revue de droit pénal. 1995:64.
  • 4. Garcon E. Code pénal français annoté. 1810.
  • 5. Derrida J. Le Monde de l’éducation. 2000;284.
  • 6. Noune RM, Monzee J. Le secret thérapeutique : influences socioculturelles et implications pour les professionnels de la santé. Éthique publique. 2009;11(2):147-166.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Les trois catégories de professionnels soumis au secret

→ Les professionnels soumis au secret professionnel par état sont les ministres du culte (prêtres, pasteurs, rabbins, imams).

→ Les vétérinaires, les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, les pharmaciens, les assistants de service social, les avocats, les policiers et gendarmes (liste non exhaustive) sont soumis au secret par profession.

→ Enfin, un membre d’une profession non soumise au secret professionnel peut être employé dans le cadre d’une mission ou d’une fonction qui astreint les personnes au secret, telles les missions d’aide sociale à l’enfance (Code de l’action sociale et des familles), de protection maternelle et infantile (Code de la santé publique), etc. Ainsi, un psychologue qui exerce dans le cadre de la mission d’aide sociale à l’enfance est astreint au secret professionnel, alors que son confrère qui exerce en libéral ne l’est pas.

ENCADRÉ 2
Le Grand Secret : conflit entre secret professionnel et transparence

En janvier 1996, peu après le décès du président François Mitterrand, son médecin personnel, le docteur Gubler, a publié un livre, Le Grand Secret, aux Éditions Plon, dans lequel il expliquait, entre autres, que Mitterrand publiait des bilans de santé normaux alors qu’il se savait atteint d’un cancer depuis sa première élection en 1981 et qu’il n’était plus à même d’exercer ses fonctions lors de la dernière année de son second mandat [6]. Dès le lendemain de la publication, la veuve et les enfants du président défunt ont saisi le juge des référés. Ce dernier, par une ordonnance en date du 18 janvier 1996, donc quasi instantanément, a interdit la diffusion du livre à titre conservatoire. En octobre 1996, le tribunal de grande instance de Paris a statué que le docteur Gubler et les Éditions Plon avaient commis une faute engageant leur responsabilité civile en divulguant des informations couvertes par le secret médical. L’interdiction de diffusion du livre a été maintenue et les intéressés ont été condamnés à payer 100 000 F à Mme Mitterrand et 80 000 F à chacun des trois enfants à titre de dommages et intérêts. Ce jugement a été confirmé en appel et le pourvoi en cassation formé par la société Plon a été rejeté. Gubler a été radié de l’Ordre des médecins. Enfin, il a comparu devant le tribunal correctionnel de Paris, a été déclaré coupable du délit de violation du secret professionnel et condamné à 4 mois de prison avec sursis. Le secret professionnel s’oppose donc radicalement à la transparence, principe éthique de responsabilité sociale. D’aucuns pourraient en effet considérer que Gubler a agi éthiquement, comme un lanceur d’alerte, en informant les citoyens du fait qu’un chef d’État avait diffusé des bulletins de santé erronés et qu’il ne les avait pas avertis du fait qu’il n’était plus en mesure d’assumer ses fonctions. Il existe là une tension entre l’obligation de transparence d’un chef d’État, qui a un devoir d’honnêteté et d’intégrité dans les informations qu’il diffuse aux citoyens, et le respect du secret professionnel et de la vie privée d’autrui.

Il apparaît clairement à travers cet exemple que le conflit entre transparence et secret professionnel est tranché en faveur de ce dernier.

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