Comparaison des lésions de leishmaniose et de lupus discoïde érythémateux sur le planum nasale - Le Point Vétérinaire expert canin n° 376 du 01/06/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 376 du 01/06/2017

DERMATOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : INP-ENV Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Le lupus discoïde érythémateux (LDE) est la dermatose la plus souvent responsable d’une atteinte du planum nasale chez le chien [8]. Cette forme cutanée localisée de lupus se traduit par une perte des dermatoglyphes, une dépigmentation, un gonflement, un érythème et une perte de substance (érosions, ulcérations).

La leishmaniose (L) peut occasionner des lésions de la truffe similaires à celles observées lors de LDE. La fréquence de cette atteinte n’est pas encore connue [6].

Ainsi, lors de suspicion de LDE chez le chien, la leishmaniose doit être envisagée lorsque l’animal vit ou a séjourné en zone endémique. Il est impératif de distinguer ces deux affections afin d’instaurer un traitement approprié.

DIFFÉRENCIER LE LDE ET LA L GRÂCE À L’HISTOLOGIE

Le diagnostic de LDE repose sur l’analyse histologique d’un fragment cutané de planum nasale touché. Toutefois, l’aspect histologique d’une lésion de LDE est parfois similaire à celui observé lors de L et différencier ces deux maladies peut se révéler difficile si les parasites sont peu nombreux [3].

Le LDE se caractérise par une infiltration en bande, riche en lymphocytes dans la région dermo-épidermique (dermatose lichénoïde). Des signes de dégénérescence de la couche basale et de cytotoxicité de cette dernière (dermatite d’interface) sont également présents. Dans les formes chroniques, l’infiltration lymphocytaire s’accompagne souvent de macrophages et de plasmocytes [3].

L’aspect histologique de la truffe lors de L n’a pas été décrit. Selon les auteurs de cette étude, il s’agit le plus souvent d’une dermatose lichénoïde avec ou sans dermatite d’interface. Ainsi, dans les zones endémiques, il est recommandé de compléter ces examens par une recherche des leishmanies par immunohistochimie et/ou par PCR (polymerase chain reaction) sur tissu lésé [1, 5].

L’objectif de ces études était de comparer les différents aspects microscopiques et l’infiltration cellulaire dans ces deux affections à la recherche de critères permettant de les différencier. En effet, il était supposé que la nature de l’infiltrat ou sa répartition pourraient distinguer ces deux affections.

RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

Cette étude rétrospective décrit les aspects histologiques de la truffe lors de L. Cela n’avait pas encore été fait dans cette localisation alors que des publications concernent la peau velue et les griffes [5].

Cette étude tend à démontrer que les caractéristiques microscopiques des deux dermatoses nasales ne permettent pas de les différencier efficacement. Elles présentent des aspects histologiques similaires qui peuvent s’expliquer par des réponses immunitaires comparables : dérégulation des lymphocytes T (LT), activation polyclonale des lymphocytes B (LB) et lésions liées aux dépôts d’immuns complexes. De plus, la localisation au sein d’une jonction cutanéo-muqueuse peut expliquer la dermatose lichénoïde, à l’instar de ce qui est observé lors de pyodermite muco-cutanée [9]. Ainsi, la dermatite lichénoïde et d’interface dans cette localisation représenterait un pattern histologique rencontré dans plusieurs affections distinctes.

L’infiltration plus diffuse et plus profonde lors de L, dominée par des cellules mononucléées, incitait à rechercher les parasites en particulier dans le cytoplasme des macrophages. Toutefois, aucune forme amastigote de leishmanies n’a été mise en évidence dans cette étude, en examen direct après une coloration HE. En effet, il est fréquent que l’analyse histologique ne soit pas suffisamment sensible lorsque le nombre de parasites est faible. Aussi, les auteurs recommandent l’utilisation de méthodes complémentaires comme la PCR ou l’immunohistochimie sur tissu pour révéler la présence des parasites. Cependant, en zone endémique, la présence d’ADN de parasite sur la peau ne prouve pas l’infection et qu’il est préférable de privilégier l’immunohistochimie sur tissus [7].

Les résultats de cette étude montrent que l’infiltrat inflammatoire observé dans le planum nasale des chiens est assez similaire lors de L et de LDE. L’infiltration est dominée par les lymphocytes B (CD20+). Toutefois, les précédents travaux s’intéressant au lupus vésiculeux et au lupus exfoliatif ont montré une prédominance de cellules CD3+ (LT) [2, 4]. Ces différences d’infiltrats entre ces formes de lupus cutanés peuvent s’expliquer par des mécanismes étiopathogéniques distincts ou bien par la localisation muco-cutanée. En effet, les inflammations des jonctions muco-cutanées est souvent dominée chez le chien par des LB et des plasmocytes.

Lors de L, l’infiltration était également majoritairement composée de LB et de plasmocytes. D’autres études ont rapporté une prédominance de cellules CD3+ et une assez grande quantité de LB matures (CD21+). Ces infiltrats étaient associés à une forme clinique dite exfoliative. Ainsi, les différences observées pourraient s’expliquer par la dominante lésionnelle (ulcérations/érosions) et, là encore, par la localisation muco-cutanée. Cette étude montre également une infiltration plus macrophagique lors de L, confirmant qu’il s’agit d’une affection granulomateuse.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Il s’agit d’une étude rétrospective sur un faible nombre d’animaux qui nécessiterait la mise en place d’études prospectives sur un plus grand nombre de chiens.

Conclusion

La dermatite lichénoïde d’interface, suggérant la présence d’un LDE, ne peut être distinguée de la L dans cette localisation. La répartition de l’infiltration ainsi que sa nature sont assez similaires dans les deux affections. Ainsi, en zone endémique, un diagnostic de lupus nasal doit toujours s’accompagner d’une exclusion de la L par la réalisation d’examens complémentaires adaptés.

Références

  • 1. Bardagí M, Fondevila D, Zanna G, Ferrer L. Histopathological differences between canine idiopathic sebaceous adenitis and canine leishmaniosis with sebaceous adenitis. Vet. Dermatol. 2010;21(2):159-165.
  • 2. Bryden SL, White SD, Dunston SM et coll. Clinical, histopathological and immunological characteristics of exfoliative cutaneous lupus erythematosus in 25 German short-haired pointers. Vet. Dermatol. 2005;16(4):239-252.
  • 3. Gross TL, Ihrke PJ, Walder EJ. In: Science B, editor. Skin diseases of the dog and cat, clinical and histopathologic diagnosis. 2nd ed. 2005:52-55.
  • 4. Jackson HA. Eleven cases of vesicular cutaneous lupus erythematosus in Shetland sheepdogs and rough collies: clinical management and prognosis. Vet. Dermatol. 2004;15(1):37-41.
  • 5. Koutinas AF, Carlotti DN, Koutinas C et coll. Claw histopathology and parasitic load in natural cases of canine leishmaniosis associated with Leishmania infantum. Vet. Dermatol. 2010;21(6):572-577.
  • 6. Saridomichelakis MN, Koutinas AF. Cutaneous involvement in canine leishmaniosis due to Leishmania infantum (syn. L. chagasi). Vet. Dermatol. 2014;25(2):61-71, e22.
  • 7. Solano-Gallego L, Morell P, Arboix M et coll. Prevalence of Leishmania infantum infection in dogs living in an area of canine leishmaniasis endemicity using PCR on several tissues and serology. J. Clin. Microbiol. 2001;39(2):560-563.
  • 8. White SD. Diseases of the nasal planum. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1994;24(5):887-895.
  • 9. Wiemelt SP, Goldschmidt MH, Greek JS et coll. A retrospective study comparing the histopathological features and response to treatment in two canine nasal dermatoses, DLE and MCP. Vet. Dermatol. 2004;15(6):341-348.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

CONTEXTE

Dans les zones endémiques de leishmaniose, le lupus discoïde érythémateux (LDE) et la leishmaniose (L) sont les deux affections les plus souvent responsables des atteintes érosives ou ulcératives du planum nasale chez le chien.

OBJECTIF

Comparer les aspects histologiques et immunopathologiques de biopsies cutanées du planum nasale chez des animaux présentant une perte de l’architecture nasale, une dépigmentation, un gonflement et des érosions ou des ulcérations. Ces chiens étaient atteints de LDE (14) ou de L (6).

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Toutes les sections cutanées colorées à l’hémalun-éosine (HE) ont été étudiées. Des immunomarquages ciblant les lymphocytes T (CD3), les lymphocytes B (CD20), les macrophages (Mac 387) et les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II ont été effectués. Les différents aspects ont été comparés.

RÉSULTATS

• Une dermatite d’interface et une dermatose lichénoïde étaient notées pour les deux affections. Des signes d’apoptose étaient présents dans les deux groupes de chiens.

• Une atteinte nodulaire à diffuse du derme profond, avec une infiltration par des macrophages, des lymphocytes et des plasmocytes, était seulement observée lors de L.

• Les parasites n’étaient pas visibles avec la coloration HE pour les chiens atteints de L.

• Une incontinence pigmentaire était notée pour 50 % des chiens dans les deux groupes.

• Les marquages pour le CD20 étaient plus nombreux que ceux pour le CD3 et le Mac 387 dans les deux maladies.

• Le nombre de macrophages était statistiquement supérieur dans les biopsies de truffe de chiens atteints de L (p = 0,025).

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