GASTRO-ENTÉROLOGIE
Dossier
Auteur(s) : Aurore Fouhety*, Mélanie Pastor**
Fonctions :
*CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
Connaître l’épidémiologie, les facteurs de risque et les complications des pancréatites permet de mieux les prendre en charge.
Les affections pancréatiques, bien que souvent acquises, peuvent également être congénitales (tableau 1 complémentaire sur lepointveterinaire.fr). Parmi toutes les affections pancréatiques, les pancréatites sont les processus pathologiques les plus fréquents. La caractérisation d’une pancréatite, exclusivement fondée sur une analyse histologique, ne doit pas être confondue avec la forme clinique que peut prendre la maladie. Une bonne connaissance de l’anatomie et de la physiologie du pancréas est nécessaire à la compréhension des pancréatites, à leur diagnostic ainsi qu’à leur prise en charge.
Le pancréas est constitué de deux lobes (droit et gauche), réunis au niveau d’une région appelée le corps du pancréas. Son parenchyme est ferme, lobulaire, de couleur ocre à rosé. Il est en relation avec de nombreux organes de la cavité abdominale (figure 1 et tableau 2).
La portion exocrine du pancréas représente 98 % de la masse pancréatique chez l’homme et le chien [7]. Elle sécrète des enzymes digestives par l’intermédiaire du suc pancréatique, libéré dans le duodénum proximal.
Le suc pancréatique, produit par les tubulo acini, est acheminé jusqu’au duodénum via les conduits intercalaires, les conduits interlobulaires et les deux canaux pancréatiques :
– le canal pancréatique principal (ou canal de Wirsung) qui s’abouche dans la papille duodénale majeure avec le canal cholédoque ;
– le canal pancréatique accessoire (ou canal de Santorini), s’abouchant dans la papille duodénale mineure [2].
Ces deux canaux varient d’une espèce et d’un individu à l’autre (figure 2) :
– chez 84 % des chiens, les deux sont présents (et le conduit accessoire est le plus large). Pour les autres, il peut y avoir un ou trois canaux excréteurs duodénaux [3] ;
– chez le chat, le conduit pancréatique principal est unique dans 20 % des cas et présente la particularité de rejoindre le canal cholédoque avant de s’aboucher au duodénum au niveau de la papille duodénale majeure. Cette particularité n’est que très rarement observée dans l’espèce canine [7].
Cette variation anatomique n’est pas anodine car c’est la proximité anatomique du canal cholédoque et du canal pancréatique qui favoriserait la colonisation bactérienne ascendante des voies biliaires et du pancréas depuis le duodénum, et serait à l’origine de l’association entre une cholangite, une maladie inflammatoire de l’intestin et une pancréatite, aussi appelée “triade” chez le chat.
Le suc pancréatique est un liquide incolore et basique contenant essentiellement des enzymes et produit en grande quantité par le pancréas.
Sur le plan histologique, la grande majorité du tissu pancréatique est de nature exocrine alors que le tissu endocrinien est minoritaire et dispersé au sein du parenchyme pancréatique : les îlots de Langerhans.
Ces derniers représentent 1 à 2 % de l’organe et sont constitués par des amas de cellules pancréatiques endocriniennes au sein des lobules. Il existe également des cellules endocriniennes isolées.
La fonction endocrine du pancréas peut être endommagée, notamment en cas de pancréatite chronique. Les modifications des îlots de Langerhans (atrophie, aplasie, dégénérescence, nécrose) peuvent aller jusqu’à l’apparition d’un diabète par production insuffisante d’insuline. C’est pourquoi, dans certains cas de diabète, la présence d’une pancréatite chronique peut être intéressante à rechercher.
Pour ce qui est des fonctions endocrines et exocrines du pancréas, il ne semble pas exister de différence majeure entre le chien et le chat.
Les classifications des pancréatites en médecine vétérinaire découlent de celles existant en médecine humaine. Souvent, un amalgame est fait entre les formes cliniques et histologiques. En effet, un chien ou un chat peut présenter une pancréatite aiguë récurrente mimant l’évolution d’une maladie chronique ou bien une pancréatite chronique dont l’évolution clinique initiale particulièrement sévère incite parfois à envisager une pancréatite aiguë [26].
Or, bien que la différence entre une forme aiguë et une forme chronique ne modifie pas la prise en charge initiale de la pancréatite, les conséquences peuvent être différentes sur le long terme. En effet, en cas de forme chronique, l’apparition d’une insuffisance pancréatique exocrine ou d’un diabète sucré, par exemple, doit être recherchée [27].
Par analogie avec la médecine humaine, l’analyse histologique reste la technique de référence qui permet de définir et de classer une pancréatite, bien qu’elle soit difficile à réaliser dans la pratique vétérinaire quotidienne (tableau 3).
La pancréatite aiguë se définit par la présence de granulocytes neutrophiles en grand nombre, d’œdème et de nécrose. La forme clinique peut être très sévère, mais, en cas de survie de l’animal, les anomalies histologiques et fonctionnelles sont totalement réversibles [27].
La pancréatite aiguë nécrosante hémorragique est une forme particulièrement sévère mais rare. Cette forme se caractérise par la nécrose d’une partie ou de l’ensemble du pancréas, à l’origine de complications locales particulièrement sévères en raison des épanchements inflammatoires extrapancréatiques qu’elle provoque. Le pronostic de cette pancréatite atypique est particulièrement sévère.
Une pancréatite chronique se différencie d’une pancréatite aiguë récurrente par la présence de lésions irréversibles, permanentes et progressives telles que de la fibrose et la diminution du nombre d’acini [27]. Les conséquences de la fibrose du pancréas (insuffisance pancréatique exocrine ou diabète sucré) n’apparaissent que si 80 à 90 % du parenchyme pancréatique est fibrosé [14]. Enfin, une pancréatite aiguë associée à une pancréatite chronique est également possible. Dans une étude réalisée en 1998, 40 % des pancréas analysés présentaient des signes de pancréatite aiguë nécrosante associée à de la fibrose tissulaire [12].
Il est important de ne pas faire l’amalgame entre la caractérisation histologique de la pancréatite et son expression clinique. Il est possible de différencier cliniquement :
– les pancréatites modérées. Elles sont associées à une faible nécrose du parenchyme pancréatique, entraînent peu de conséquences systémiques et présentent un faible taux de mortalité ;
– les pancréatites graves. La nécrose du parenchyme pancréatique est plus étendue, plusieurs organes sont souvent atteints et le pronostic est plus sombre [4, 20, 21].
La pancréatite est une affection relativement fréquente chez les carnivores domestiques. Bien que les chiens et chats de tout âge, de toute race et des deux sexes puissent développer cette maladie, certaines données épidémiologiques ressortent des publications scientifiques.
Les chiens et les chats développant une pancréatite clinique sont souvent âgés de plus de 5 ans. Il est impossible de parler de prédisposition génétique en raison de l’absence d’études scientifiques rigoureuses sur le sujet, mais certaines races semblent plus à risque que d’autres : le cavalier king charles, le border collie, le boxer et le cocker spaniel [25]. Aucune race ne serait prédisposée dans l’espèce féline.
Des études récentes indiquent que les chats sont plus sujets aux pancréatites aiguës tandis que les chiens sont davantage touchés par la forme chronique de la maladie [1, 17, 25].
Bien que l’origine précise de la pancréatite reste souvent inconnue (il s’agit alors de pancréatite idiopathique), des facteurs de risque ont été identifiés.
L’hypertriglycéridémie a longtemps été considérée comme un facteur favorisant le développement des pancréatites [29] (photo 1). Bien qu’elle soit décrite comme un facteur de risque, il est complexe de déterminer si elle est la cause ou la conséquence de la pancréatite.
La forte prévalence des pancréatites chez le schnauzer miniature est corrélée à la plus grande fréquence d’hypertriglycéridémie primaire décrite dans cette race, ce qui est en faveur d’un lien entre ces deux anomalies [28].
L’hypercalcémie augmente le risque de pancréatite aiguë chez le chat principalement. Cette différence entre les deux espèces reste inexpliquée.
Bien que le mécanisme soit mal élucidé, les hémolyses massives seraient à l’origine d’une pancréatite aiguë sévère (photos 2a et 2b). En médecine vétérinaire, ce phénomène a déjà été décrit dans des cas d’hémolyse secondaire à une babésiose [16].
L’hypercorticisme peut également favoriser les pancréatites, en raison des désordres métaboliques qu’il engendre (hypercholestérolémie, polyphagie) [6]. Il en est de même pour l’hypothyroïdie, en raison de l’hyperlipémie qu’elle entraîne [6].
L’obésité est reconnue comme un facteur de risque des pancréatites chez le chien et le chat [6, 11].
Certains éléments peuvent favoriser l’apparition d’une pancréatite :
– l’ischémie du parenchyme pancréatique favorise son inflammation. Les causes d’hypoperfusion sont nombreuses : anesthésie générale, état de choc, hypovolémie, déshydratation, maladie rénale, etc. ;
– un traumatisme contondant ou une manipulation chirurgicale ;
– une obstruction du canal pancréatique. Expérimentalement, l’obstruction de ce canal mène à la fibrose et à l’atrophie du parenchyme pancréatique [10] ;
– le reflux du liquide duodénal dans le canal pancréatique. Physiologiquement, la présence d’un sphincter à la papille duodénale empêche un tel reflux. Si la pression au sein du duodénum devient trop importante, un reflux peut se mettre en place. C’est le cas lors de vomissements ou d’un traumatisme de la cavité abdominale.
L’utilisation des corticoïdes n’est plus considérée comme un facteur prédisposant aux pancréatites chez l’homme. Il est cependant considéré comme prudent de limiter les traitements chez un animal suspect de pancréatite aiguë, sauf cas particulier. Des médicaments comme l’azathioprine, le phénobarbital, le bromure de potassium, les organophosphorés, la L-asparginase, le zinc et la clomipramine peuvent être à l’origine de pancréatite chez les animaux de compagnie [21].
Il existe peu de données sur la physiopathologie de la pancréatite chez le chien et le chat. En effet, les études menées concernent uniquement l’homme et les animaux de laboratoire (rongeurs et chien) dont les résultats ont été extrapolés aux animaux de compagnie [27].
Certains facteurs génétiques prédisposent aux épisodes de pancréatite aiguë répétés, pouvant, à long terme, aboutir à la présence de lésions histologiques responsables d’une forme chronique. C’est le cas de la mutation du gène PRSS1, codant pour le trypsinogène cationique, à l’origine de la pancréatite chronique héréditaire en médecine humaine (due à une activation intrapancréatique prématurée du trypsinogène) (figure 3) [27].
À l’échelle moléculaire, différents éléments ont été identifiés (encadré complémentaire sur lepointveterinaire.fr). Les enzymes pancréatiques contenues dans le suc pancréatique ont la capacité de rompre les liaisons entre les constituants des macromolécules contenues dans le bol alimentaire. Les constituants alimentaires étant de même nature que ceux des cellules pancréatiques, une autodigestion du pancréas est possible. Le fait que les enzymes pancréatiques soient sécrétées sous forme de proenzymes pancréatiques est l’un des systèmes évitant l’autodigestion du pancréas.
L’hyperlipémie (notamment l’hypertriglycéridémie) est à l’origine d’une altération de la circulation pancréatique (par accumulation de chylomicrons) entraînant une ischémie pancréatique et des lésions oxydatives associées.
Des lipases sont alors libérées. Elles hydrolysent les triglycérides présents dans les chylomicrons en excès, ce qui provoque une libération d’acides gras très pro-inflammatoires.
Tous ces mécanismes aboutissent à une inflammation importante à l’origine d’une libération intense des lipases pancréatiques conduisant à une pancréatite [9].
Une nécrose des cellules des acini et des conduits pancréatiques peut faire suite à une hypercalcémie intracellulaire. Cette dernière peut favoriser une hypercalcémie sanguine qui constitue un facteur de risque du développement d’une pancréatite [8].
Une hémolyse sévère peut être à l’origine d’une pancréatite. L’hypothèse avancée en médecine humaine pour expliquer ce phénomène est l’évolution d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).
La CIVD et l’insuffisance rénale aiguë sont des complications qui surviendraient secondairement à une activation du complément et des kinines en raison de l’activité de la trypsine.
Le pancréas est un organe fragile et sensible aux modifications circulatoires, métaboliques ou hémato-biochimiques de l’organisme. Son inflammation est l’une des lésions les plus fréquemment rencontrées chez les carnivores domestiques. La pancréatite peut être histologiquement aiguë ou chronique, cliniquement sévère ou modérée. L’hypoperfusion et l’hyperlipémie sont identifiées comme facteurs favorisants de cette affection, mais les mécanismes complets d’apparition de cette maladie restent encore incertains.
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