Masse laryngée chez un chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 375 du 01/05/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 375 du 01/05/2017

OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE FÉLINE

Cas clinique

Auteur(s) : Marc Massal*, Pierre-Olivier Godart**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire UCVet
Urgences et consultants vétérinaires
54, rue Stendhal, 75020 Paris
massalm@hotmail.fr

Face à un stridor et à une dysphonie chez un chat, une atteinte du larynx est suspectée. L’examen échographique de cette région et les analyses cytologique et histologique permettent d’établir un diagnostic.

Les affections laryngées, rares chez le chat, regroupent principalement la paralysie laryngée et les infiltrations néoplasiques ou inflammatoires. Lors de difficultés respiratoires, l’échographie laryngée permet une exploration peu invasive et l’évaluation de la mobilité et de la structure des cartilages aryténoïdes [3].

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse et commémoratifs

Un chat européen mâle castré de 15 ans est présenté pour une dysphonie évoluant depuis environ 1 mois. L’appétit est conservé, mais un amaigrissement est observé. La vaccination et la vermifugation ne sont pas à jour. Le chat a un accès libre à l’extérieur.

2. Examen clinique

L’examen clinique révèle un chat en bon état général (score corporel de 3/9, poids de 4,4 kg) et normotherme. L’examen cardio-vasculaire et l’auscultation pulmonaire sont sans anomalie. Un stridor est identifié de manière intermittente. La palpation laryngée-trachéale semble douloureuse. La palpation abdominale est souple et ne semble pas douloureuse.

3. Hypothèses diagnostiques

La dysphonie, le stridor et la possible douleur à la palpation laryngée orientent tout d’abord vers une cause obstructive : corps étranger, inflammation, néoplasie. Une atteinte fonctionnelle (paralysie laryngée) ne peut toutefois être totalement écartée.

4. Examens complémentaires

Afin d’identifier le site lésionnel et d’établir un diagnostic, les examens d’imagerie constituent les outils de choix.

Radiographies

Un examen radiographique du thorax révèle une opacité bronchique généralisée modérée. Aucun corps étranger trachéal ni aucune compression extraluminale des voies aériennes n’est mis en évidence.

Une opacité tissulaire en région laryngée est observée sur le profil cervical (photo 1).

Les images radiographiques orientent vers une atteinte de la région laryngée plutôt que trachéale.

Échographie laryngée

L’examen échographique de la région laryngée montre une lésion tissulaire (10 x 13 x 15 mm) homogène et hypoéchogène infiltrant la partie droite du cartilage thyroïde, déviant la colonne d’air dorsalement et à gauche, et réduisant l’ouverture (photos 2 et 3).

Une origine néoplasique (lymphome, carcinome épidermoïde, adénocarcimome) ou inflammatoire (granulome) est envisagée.

Cytologie

Une cytoponction échoguidée à l’aiguille fine est réalisée sous tranquillisation (diazépam, kétamine). L’animal est placé en décubitus dorsal. Une aiguille (25 G), montée sur une seringue de 5 ml (dans laquelle 2 ml d’air sont préalablement aspirés), est introduite dans la masse sous guidage échographique. Des mouvements de va-et-vient sont réalisés. Le contenu de l’aiguille est ensuite expulsé à l’aide de la seringue sur une lame, puis étalé rapidement et délicatement. Il est important de ne pas trop écraser le prélèvement afin de ne pas abîmer les cellules. L’examen cytologique met en évidence une population monomorphe de cellules rondes d’allure épithélioïde. Une tumeur épithéliale (adénocarcinome) associée à des critères de malignité est suspectée.

Afin de confirmer la nature de la masse, la réalisation d’une biopsie est proposée, mais elle est refusée par le propriétaire. En raison du bon état général de l’animal et du peu de signes cliniques présents, une exérèse chirurgicale n’est pas souhaitée. Quelques jours après la sortie d’hospitalisation, le chat est euthanasié en raison d’une dégradation brutale de son état général et du pronostic sombre.

DISCUSSION

Les affections laryngées sont rares chez le chat. Les principaux signes cliniques sont une dyspnée, la présence d’un stridor, une dysphonie et de la toux (tableau). Des signes non spécifiques comme l’anorexie ou des vomissements peuvent également être observés [1, 5].

Dans ce cas, la dysphonie associée à un stridor fait suspecter une atteinte du larynx. L’examen radiographique du thorax permet dans une certaine mesure d’exclure une atteinte trachéale. Cependant, une endoscopie des voies aériennes supérieures serait nécessaire afin d’investiguer les causes intraluminales.

Afin d’explorer une affection laryngée, les examens d’imagerie occupent une place de choix. En premier lieu, l’examen radiographique de cette région permet d’apprécier la position du larynx (pouvant être modifiée par une lésion adjacente), les structures laryngées, et de révéler la présence d’un corps étranger radio-opaque. Lors d’infiltration laryngée (inflammatoire ou néoplasique), une opacité tissulaire ou une diminution de la visibilité des structures laryngées peuvent être observées [1, 6]. Une corrélation particulière entre une opacité tissulaire laryngée et une lésion néoplasique a été mise en évidence [1, 6]. Dans ce cas, la présence d’une opacité tissulaire dans la région laryngée conduit à compléter l’exploration radiographique par un examen échographique du larynx.

L’échographie de la région laryngée est un examen plus sensible que la radiographie et peut être réalisée sans sédation, contrairement à la laryngoscopie. Elle permet de localiser avec précision la lésion et d’évaluer l’implication des structures adjacentes. Une compression et/ou une déviation de la colonne d’air par une masse hypoéchogène et hétérogène sont le plus souvent en faveur d’une affection néoplasique [3].

De plus, il est possible d’évaluer le fonctionnement du larynx en visualisant la mobilité des processus cunéiformes (parties des cartilages aryténoïdes reliées aux cordes vocales), sans que celle-ci ne soit modifiée par la sédation ni l’anesthésie. Les cordes vocales peuvent également être visualisées. Lors d’épaississement, elles sont visibles pendant la totalité du cycle respiratoire.

Enfin, l’aspect échographique de la lésion permet de différencier une origine kystique d’une infiltration tissulaire (néoplasique ou inflammatoire). En effet, un kyste est facilement identifiable par son aspect anéchogène et sa forme ronde ou ovoïde [3]. Le pronostic est bon lors de kyste laryngé. Une aspiration sous guidage échographique peut être réalisée et améliorer rapidement l’état clinique de l’animal. Cependant, les récidives sont fréquentes, et une exérèse chirurgicale est nécessaire et souvent curative (absence de récidive après 18 mois dans un cas décrit chez un chat de 4 ans) [2, 6].

Un examen tomodensitométrique peut être effectué afin d’explorer la cause d’une obstruction des voies respiratoires [4]. Il peut être réalisé chez l’animal vigile en position sternale dans une boîte transparente adaptée(1). Ainsi, il est possible de visualiser la lésion et d’apprécier le degré de compression des structures adjacentes. Cependant, il présente un intérêt limité dans les cas de paralysie laryngée et ne permet pas de discriminer une affection inflammatoire d’une affection néoplasique.

Dans ce cas, l’examen échographique confirme la présence d’une masse orientant vers une origine néoplasique. Néanmoins, compte tenu des similitudes entre les lésions néoplasiques et inflammatoires, des prélèvements cytologiques et/ou histologiques sont nécessaires.

Afin d’établir la nature de la masse, les analyses cytologique et histologique sont des étapes indispensables. Les ponctions à l’aiguille fine, peu invasives, peuvent être réalisées in situ dans la cavité oro-pharyngée, ou par voie transcutanée et échoguidée. L’analyse cytologique ne permettant pas toujours d’établir un diagnostic précis, la confirmation histologique est souvent essentielle [6].

Dans ce cas, la biopsie a été refusée. La confirmation histologique aurait pu être réalisée à l’aide d’une biopsie par laryngoscopie ou bien avec une analyse de la masse en cas d’exérèse chirurgicale.

Connaître la nature de la masse est primordial afin de choisir un plan thérapeutique adapté et d’établir un pronostic (encadré).

Parmi les affections néoplasiques, le lymphome et le carcinome épidermoïdes sont les plus fréquents [1, 3, 6]. Quelle que soit la nature de la masse identifiée, le pronostic est réservé. La sévérité des signes respiratoires motive souvent la décision d’euthanasie. Lors d’atteintes néoplasiques, une réponse rapide et favorable à la chimiothérapie (et/ou radiothérapie) a été observée dans les cas de lymphome avec une survie moyenne de 141 jours avec un protocole de chimiothérapie, et jusqu’à 1 400 jours pour un cas [1, 6]. Lors d’adénocarcinome, le pronostic est plus sombre. Le pronostic est meilleur dans le cas d’atteintes inflammatoires, une fois dépassée la phase aiguë de détresse respiratoire.

Lors d’affections obstructives (néoplasique ou inflammatoire), une trachéotomie peut être réalisée. Cependant, elle s’accompagne de nombreuses complications (obstruction par bouchons muqueux en particulier) chez le chat et la survie moyenne en phase postopératoire est très courte (5 jours) [5]. Les risques d’asphyxie sont importants et des soins réguliers sont nécessaires au moins pendant le premier mois. De ce fait, cette intervention est déconseillée dans l’espèce féline.

Conclusion

Les atteintes laryngées chez le chat sont rares. Lors de l’examen échographique de la région laryngée, une évaluation initiale rapide et peu invasive est réalisée en complément de la laryngoscopie. Le degré de compression et d’invasion de la lésion est ainsi estimé. Les examens d’imagerie ne permettant pas de différencier une atteinte néoplasique d’une affection inflammatoire, la réalisation d’analyses cytologique et histologique doit être systématique.

  • (1) VetMouseTrap, Université d’Illinois, Urbana, IL.

Références

  • 1. Jakubiak MJ, Siedlecki CT, Zenger E et coll. Laryngeal, laryngotracheal, and tracheal masses in cats : 27 cases (1998-2003). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2005;41:310-316.
  • 2. Rudorf H, Lane JG, Brown PJ, Mackay A. Ultrasonographic diagnosis of a laryngeal cyst in a cat. J. Small Anim. Pract. 1999;(40):275-277.
  • 3. Rudorf H, Barr F. Echolaryngography in cats. Vet. Radiol. Ultrasound. 2002;4:353-357.
  • 4. Stadler K, O’Brien R. Computed tomography of nonanesthetized cats with upper airway obstruction. Vet. Radiol. Ultrasound. 2013;54(3):231-236.
  • 5. Stepnik MW, Mehl ML, Hardie EM et coll. Outcome of permanent tracheostomy for treatment of upper airway obstruction in cats: 21 cases (1990-2007). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2009;234:638-643.
  • 6. Taylor SS, Harvey AM, Barr FJ et coll. Laryngeal disease in cats: a retrospective study of 35 cases. J. Feline Med. Surg. 2009;11:954-962.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les masses laryngées sont rares chez le chat.

→ Les signes cliniques les plus fréquents sont la dyspnée, la dysphonie et la présence d’un stridor.

→ L’échographie laryngée permet une évaluation structurelle et fonctionnelle rapide et non invasive.

→ Des évaluations cytologique et histologique sont nécessaires afin de préciser la nature de l’affection et le pronostic.

ENCADRÉ
Diagnostic différentiel d’une masse laryngée chez le chat

→ Origine néoplasique : lymphome, carcinome épidermoïde, adénocarcinome.

→ Origine inflammatoire : inflammation lymphoplasmocytaire, hyperplasie lymphoïde.

→ Origine diverse : kyste.

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