Insuffisance pancréatique exocrine chez le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 373 du 01/03/2017
Le Point Vétérinaire expert canin n° 373 du 01/03/2017

ENDOCRINOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magali Decome

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
3200, rue Sicotte
Service de médecine interne
Saint-Hyacinthe
J25 2M2 Canada

L’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) est un syndrome caractérisé par une production inadéquate d’enzymes pancréatiques. Les causes potentielles incluent une destruction du pancréas secondaire à une inflammation chronique de cet organe, une atrophie des acini ou une aplasie ou hypoplasie pancréatique. Une pancréatite chronique reste l’origine la plus fréquente. Des signes cliniques semblables peuvent être observés dans d’autres atteintes et requièrent, en plus d’un traitement spécifique à la maladie sous-jacente, une prise en charge similaire. C’est le cas lors de tumeur pancréatique, d’obstruction du canal pancréatique ou de déficience en entéropeptidases intestinales, nécessaires pour l’activation des enzymes pancréatiques.

UN SYNDROME SOUS-DIAGNOSTIQUÉ CHEZ LE CHAT

Ce syndrome est peu illustré dans les articles publiés et est considéré comme rare chez le chat. Selon une étude réalisée entre 1980 et 1990 sur 180 648 chats, sa prévalence est estimée à 0,006 % [4]. Toutefois, depuis le développement d’un test permettant le dosage de fTLI (feline trypsin-like immunoreactivity) en 1995, des auteurs décrivent une augmentation significative du nombre de cas diagnostiqués, laissant supposer que la valeur de prévalence précédemment rapportée pourrait être largement sous-estimée. Cependant, ces données n’ont jamais été publiées [4, 5]. Dans l’article étudié, aucune valeur de prévalence n’est présente, mais une IPE est diagnostiquée pour 2,4 % des échantillons soumis pour le dosage de fTLI chez des chats dont les signes cliniques sont compatibles avec ce syndrome [8]. Il s’agit donc d’un syndrome d’une réelle importance chez le chat, à ne pas oublier dans le diagnostic différentiel.

DIAGNOSTIC

→ Les signes cliniques sont peu spécifiques chez le chat. Une IPE doit ainsi être suspectée chez un animal présenté pour une perte de poids, des selles peu formées à liquides, une stéatorrhée, un poil de mauvaise qualité, une hausse de l’appétit ou, à l’inverse, une anorexie, ou des vomissements [5, 7, 8]. Dans l’espèce canine, ce syndrome est le plus souvent diagnostiqué chez de jeunes adultes, alors que, chez le chat, la moyenne d’âge est de 7,7 ans [8]. Cet âge semble plus jeune que dans les études précédentes où les chats âgés étaient les plus représentés, mais il s’agissait de travaux à plus petite échelle ou de rapports de cas [2, 3, 7].

→ Le diagnostic de l’IPE est fondé sur le dosage de la concentration sérique en fTLI. Pour une valeur inférieure à 8 µg/l, la spécificité est estimée entre 85 à 100 % [6]. Aucune valeur de sensibilité ne figure dans les données publiées et la valeur de spécificité est fondée sur une étude ancienne, ne comprenant qu’un petit échantillon de chats (20 cas). Les résultats sont donc à interpréter avec précaution.

FACTEURS PRONOSTIQUES

→ Comme chez le chien, la réponse au traitement est considérée comme bonne dans 60 % des cas, alors que 13 % des chats ne semblent pas répondre, sans que la raison ait pu être identifiée [1, 8].

→ Selon l’article étudié, il semble que le dosage de fTLI au moment du diagnostic ait une valeur pronostique. Les chats dont la concentration sérique de fTLI est inférieure à 4 µg/l sont 3,2 fois plus susceptibles de présenter une réponse favorable au traitement [8]. Si les auteurs soulignent le caractère contre-intuitif de ce résultat, ils n’excluent pas qu’un manque de spécificité du dosage de fTLI pour le diagnostic d’une IPE ait pu influencer les résultats.

→ La complémentation parentérale en cobalamine est également identifiée comme un facteur pronostique. Les chats recevant de la cobalamine ont 3 fois plus de chances de bénéficier d’une réponse clinique positive. Le plus surprenant est que ce résultat est indépendant de la concentration en cobalamine avant la mise en place du traitement, à l’inverse de ce qui se passe chez le chien, pour lequel une hypocobalaminémie sévère est associée à un plus mauvais pronostic [1]. Dans cette étude, 49 % des chats ont reçu une complémentation en cobalamine après le diagnostic d’IPE, bien que 25 % d’entre eux aient une cobalaminémie considérée comme normale ou dont la valeur est inconnue avant la mise en place du traitement [8]. L’effet positif de la complémentation en cobalamine reste mal compris chez les chats normo-cobalaminémiques.

→ Les autres facteurs étudiés tels que l’âge, le score corporel, la perte de poids, la durée des signes cliniques ou la concentration en cobalamine ou en folates ne semblent pas être des données pronostiques.

Conclusion

L’IPE reste une atteinte sous-diagnostiquée chez le chat, mais d’une réelle importance et qui doit faire partie du diagnostic différentiel lors de l’observation d’une perte de poids. Le dosage de la concentration sérique en fTLI permet d’établir son diagnostic, bien que peu de données sur la sensibilité et la spécificité de ce test existent encore pour l’IPE. Une fTLI inférieure à 4 µg/l et une complémentation en cobalamine quelle que soit la valeur de la cobalaminémie sont associées à une meilleure réponse au traitement.

Références

  • 1. Batchelor DJ, Noble P-JM, Taylor RH et coll. Prognostic factors in canine exocrine pancreatic insufficiency: Prolonged survival is likely if clinical remission is achieved. J. Vet. Intern. Med. 2007;21:54-60.
  • 2. Jôrg MS, David AW. Feline exocrine pancreatic disorders. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1999;29:551-575.
  • 3. Seaman RL. Exocrine pancreatic neoplasia in the cat: a case series. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2004;40:238-245.
  • 4. Steiner J. Das trypsin bei der katze. Thesis. Universität München, München. 1995:104p.
  • 5. Steiner JM. Exocrine pancreatic insufficiency in the cat. Top Companion Anim. Med. 2012;27:113-116.
  • 6. Steiner JM, Williams DA. Serum feline trypsin like immunoreactivity in cats with exocrine pancreatic insufficiency. J. Vet. Intern. Med. 2000;14:627-629.
  • 7. Thompson KA, Parnell NK, Hohenhaus AE et coll. Feline exocrine pancreatic insufficiency: 16 cases (1992-2007). J. Feline Med. Surg. 2009;11:935-940.
  • 8. Xenoulis PG, Zoran DL, Fosgate GT et coll. Feline exocrine pancreatic insufficiency: A retrospective study of 150 cases. J. Vet. Intern. Med. 2016;30:1790-1797.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et la réponse au traitement des chats atteints d’une insuffisance pancréatique exocrine.

MÉTHODE

Les chats qui ont obtenu un résultat de fTLI (feline trypsin-like immunoreactivity) compatible avec une insuffisance pancréatique exocrine (IPE) (< 8 µg/l), dont les échantillons ont été envoyés au laboratoire de gastro-entérologie de l’université du Texas, sont inclus dans l’étude. Un questionnaire a été envoyé aléatoirement à 261 vétérinaires référents afin de connaître l’âge au moment du diagnostic, la race, le sexe, le poids et le score corporels, l’histoire médicale, les signes cliniques, les maladies intercurrentes et le traitement instauré pour chaque chat. La réponse au traitement a été évaluée subjectivement par le vétérinaire. La cobalaminémie et la concentration sérique en folates étaient connues au moment du diagnostic.

RÉSULTATS

• Sur les 46 529 échantillons soumis pour la mesure de fTLI, 2,4 % sont en faveur d’une IPE.

• L’âge médian des chats atteints d’IPE est de 7,7 ans, avec un score corporel de 3/9.

• Le principal signe clinique observé est la perte de poids (91 %).

• Les autres signes cliniques sont les suivants : selles non formées (62 %), poils de mauvaise qualité (50 %), augmentation de l’appétit (42 %), anorexie (42 %), léthargie (40 %) et vomissements (19 %).

• Une hypocobalaminémie est rencontrée chez 77 % des chats et 47 % présentent une hyperfolatémie.

• Une bonne réponse clinique est observée dans 60 % des cas et une réponse faible dans 13 % des cas.

• Une fTLI inférieure à 4 µg/l et une complémentation en cobalamine sont associées à une réponse positive au traitement.

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