Intérêt du pimobendane en phase préclinique chez les chiens atteints de maladie dégénérative mitrale - Le Point Vétérinaire expert canin n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 371 du 01/12/2016

CARDIOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magali Decome

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
3200, rue Sicotte
Service de médecine interne
Saint-Hyacinthe
J2S 2M2 Canada

La maladie dégénérative de la valve mitrale (MDVM) est la maladie cardiaque acquise la plus fréquente chez le chien [4]. Elle est aussi couramment appelée la maladie valvulaire myxomateuse chronique, la dégénérescence myxomateuse de la valve mitrale ou maladie valvulaire mitrale chronique. La maladie myxomateuse de la valve mitrale engendre une insuffisance de la valve qui se manifeste généralement par un souffle apexien gauche, holosystolique.

ÉPIDÉMIOLOGIE ET ÉTIOLOGIE

Les chiens de petite race sont plus souvent représentés dans les études sur la prévalence de la maladie chez le chien, dont le cavalier king charles (CKC) [4, 9]. En effet, selon une étude multicentrique réalisée en France en 2006, sur une population de chiens de petite race, la prévalence observée est de 14,4 % contre 4,5 % sur une population de chiens de toutes races réalisées dans les années 1970 à l’université de Pennsylvanie [7, 9]. Les mâles semblent également plus souvent atteints que les femelles dans la population générale. Selon les études, la prévalence chez le CKC varie entre 42 et 59 % chez des chiens de plus de 4 ans et jusqu’à 100 % chez ceux de plus de 10 ans [9]. Étant une maladie dégénérative, la prévalence augmente avec l’âge de la population étudiée. Une origine polygénique est suggérée chez le CKC avec un taux de pénétrance variable.

CLASSIFICATION ET PRONOSTIC

Plusieurs classifications pour la sévérité de la maladie existent. Dans l’étude EPIC, la classification ACC/AHA (American College of Cardiology/American Heart Association) est utilisée [6]. Les chiens sont classés en quatre stades allant de A à D. Les chiens en stade A n’ont pas de souffle ni d’atteinte structurelle, mais présentent un risque épidémiologique important de développer une MDVM (tels les CKC). Les chiens en stade B sont également asymptomatiques, mais une atteinte structurelle est observée, un souffle typique entendu, et ils n’ont jamais présenté de signe d’insuffisance cardiaque congestive. Ce stade est sous-divisé en deux catégories selon si un remodelage cardiaque est mis en évidence à l’échocardiographie ou à la radiographie thoracique (dilatation atriale gauche, dilatation ventriculaire gauche). Aucun remodelage n’est noté en stade B1, contrairement au stade B2. Les chiens en stade C sont ceux montrant des signes cliniques ou ayant déjà eu des signes d’insuffisance cardiaque congestive. En stade D, les chiens présentent également des signes d’insuffisance cardiaque congestive, mais deviennent réfractaires au traitement [2]. La médiane de survie des chiens atteints de MDVM en stades B1 et B2 est évaluée à 588 jours, quelle que soit la cause de la mort [5]. Des résultats similaires sont observés dans l’étude VETPROOF.

INSTAURATION D’UN TRAITEMENT EN PHASE PRÉCLINIQUE

S’il est bien reconnu qu’un traitement est nécessaire en stades C et D de la maladie, en stade B, il est encore controversé [1, 2]. Deux études prospectives randomisées ont déjà été publiées sur le sujet, évaluant l’intérêt de la mise en place d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine à ce stade, sans qu’aucun bénéfice ne soit clairement identifié [3, 8]. L’étude EPIC est la première évaluant l’intérêt du pimobendane au stade B2 et va probablement changer les habitudes des cardiologues pour la mise en place d’un traitement lors de MDVM. Selon ses résultats, l’utilisation de pimobendane à un dosage de 0,4 à 0, 6 mg/kg/j, divisé en deux prises, retarderait l’apparition des signes d’insuffisance cardiaque congestive gauche d’environ 15 mois (en moyenne). Il semblerait aussi que les chiens ayant reçu un traitement au pimobendane ont une espérance de vie plus longue que ceux auxquels un placebo a été administré (médiane de survie de 1 059 jours contre 902 jours respectivement). Si l’écart entre les médianes de survie n’est pas si impressionnant, il reste indéniable que le retard d’apparition des signes d’insuffisance cardiaque congestive gauche est très intéressant, pour une meilleure qualité de vie des individus malades notamment. Cette étude a été financée en partie par le laboratoire Boehringer Ingelheim Animal Health GmbH, mais elle est extrêmement bien menée et apporte ainsi des résultats très intéressants.

Conclusion

D’après l’étude EPIC, il semble intéressant de commencer le traitement d’une MDVM en phase préclinique (stade B2 selon la classification ACC/AHA). Ce traitement précoce permettrait de retarder l’apparition des signes cliniques d’insuffisance cardiaque de 15 mois en moyenne et ainsi d’améliorer la qualité de vie des animaux malades. Seule une prolongation courte de l’espérance de vie est toutefois observée (5 mois environ).

Références

  • 1. Atkins CE, Häggström J. Pharmacologic management of myxomatous mitral valve disease in dogs. J. Vet. Cardiol. 2012;14:165-184.
  • 2. Atkins C, Bonagura J, Ettinger S et coll. Guidelines for the diagnosis and treatment of canine chronic valvular heart disease. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:1142-1150.
  • 3. Atkins CE, Keene BW, Brown WA et coll. Results of the veterinary enalapril trial to prove reduction in onset of heart failure in dogs chronically treated with enalapril alone for compensated, naturally occurring mitral valve insufficiency. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;231:1061-1069.
  • 4. Borgarelli M, Buchanan JW. Historical review, epidemiology and natural history of degenerative mitral valve disease. J. Vet. Cardiol. 2012;14:93-101.
  • 5. Borgarelli M, Crosara S, Lamb K et coll. Survival characteristics and prognostic variables of dogs with preclinical chronic degenerative mitral valve disease attributable to myxomatous degeneration. J. Vet. Intern. Med. 2012;26:69-75.
  • 6. Boswood A, Häggström J, Gordon SG et coll. Effect of pimobendan in dogs with preclinical myxomatous mitral valve disease and cardiomegaly: the EPIC study-a randomized clinical trial. J. Vet. Intern. Med. 2016: http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jvim.14586/full, consulté le 30/10/2016.
  • 7. Buchanan JW. Chronic valvular disease (endocardiosis) in dogs. Adv. Vet. Sci. Comp. Med. 1977;21:75-106.
  • 8. Kvart C, Häggström J, Pedersen HD et coll. Efficacy of enalapril for prevention of congestive heart failure in dogs with myxomatous valve disease and asymptomatic mitral regurgitation. J. Vet. Intern. Med. 2002;16:80-88.
  • 9. Serfass P, Chetboul V, Sampedrano CC et coll. Retrospective study of 942 small-sized dogs: Prevalence of left apical systolic heart murmur and left-sided heart failure, critical effects of breed and sex. J. Vet. Cardiol. 2006;8:11-18.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer si l’administration de pimobendane chez les chiens atteints de maladie dégénérative de la valve mitrale (MDVM) en phase préclinique associée à une cardiomégalie (stade B2) retarde l’apparition des signes d’insuffisance cardiaque congestive, la survenue de la mort ou l’euthanasie attribuée à la maladie cardiaque.

MÉTHODE

Il s’agit d’une étude prospective, randomisée, contrôlée avec un groupe placebo, réalisée à l’aveugle et multicentrique. Les chiens inclus présente une MDVM en stade B2. Les individus atteints d’une maladie concurrente systémique ayant un impact potentiel sur la qualité et la durée de vie sont exclus. Ceux ayant déjà démontré des troubles du rythme nécessitant la mise en place d’un traitement ou une hypertension artérielle pulmonaire significative sont également exclus. Les chiens reçoivent un traitement de pimobendane (dose de 0,4 à 0,6 mg/kg/j divisée en deux administrations) ou un placebo.

La qualité de vie et l’évolution de la maladie cardiaque sont évaluées jusqu’au développement d’une insuffisance cardiaque congestive gauche, jusqu’à l’euthanasie ou la mort pour une raison cardiaque (appelés “événement principal”). La mort pour une raison non cardiaque est considérée comme un “événement secondaire”.

RÉSULTATS

• 354 chiens sont inclus, 178 chiens reçoivent du pimobendane.

• L’événement principal est atteint significativement plus tard chez le groupe ayant reçu le pimobendane par rapport au groupe placebo (1 228 jours versus 766 jours), soit environ 15 mois plus tard.

• Le temps de survie est plus long chez les chiens recevant le pimobendane (5 mois environ).

• L’administration de pimobendane est bien tolérée.

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