Syndrome de détresse respiratoire aiguë secondaire à une morsure cervicale chez un chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016

URGENCES-RÉANIMATION

Cas clinique

Auteur(s) : Mathieu Magnin*, Quentin Cabon**, Anthony Barthélemy***, Éric Viguier****

Fonctions :
*Unité Siamu
**Service de chirurgie
VetAgro Sup, campus vétérinaire de Lyon,
69280 Marcy-L’Étoile

Les morsures cervicales requièrent une exploration chirurgicale. Elles peuvent être à l’origine de complications sévères, dont le syndrome de détresse respiratoire aiguë, pour lequel la prise en charge requiert généralement une assistance ventilatoire.

Les morsures cervicales sont fréquentes chez le chien. Leur sévérité est variable selon les structures anatomiques endommagées. Les complications peuvent être très graves et mettent parfois la vie de l’animal en danger, comme dans ce cas.

CAS CLINIQUE

Un chien border collie mâle âgé de 7 ans est référé en consultation d’urgence pour la gestion thérapeutique d’une plaie cervicale secondaire à une morsure qui s’est produite 3 jours auparavant. À la suite de ce traumatisme, l’animal est initialement présenté à son vétérinaire traitant qui l’hospitalise, lui administre des analgésiques et des antibiotiques, réalise une désinfection et un parage de la plaie, puis met en place un drain sous-cutané. Malgré cette prise en charge, l’état général du chien se dégrade, justifiant son transfert dans une structure de soins intensifs.

1. Examen clinique

À son admission, le chien est très abattu. Il est en hyperthermie, à 39,6 °C. Son pouls fémoral est faible. Sa courbe respiratoire est modifiée au profit d’une dyspnée inspiratoire discrète associée à une augmentation des bruits pulmonaires. De nombreuses plaies de morsure sont visibles en région cervicale, affectant a minima les plans cutané et musculaire. Elles sont associées à une collection de liquide séro-hémorragique et à un emphysème sous-cutané. Une atteinte de la trachée et de l’œsophage ne peut donc être exclue après l’examen initial.

2. Prise en charge d’urgence

Les anomalies de la fonction respiratoire justifient la mise en place de deux sondes nasales pour initier une oxygénothérapie (au débit de 150 ml/kg/min). La pose de deux sondes permet d’augmenter de manière plus importante la fraction inspirée en oxygène (FiO2) : jusqu’à 40 %, contre 30 % avec une seule. La prise en charge analgésique est assurée par l’injection de méthadone (0,2 mg/kg par voie intraveineuse [IV]). Afin de limiter le risque hémorragique, un antifibrinolytique est administré (acide tranexamique(1), 10 mg/kg IV lente). Les pertes sanguines antérieures associées à la faiblesse du pouls fémoral et à la mise en évidence d’une hyperlactatémie à 4,9 mmol/l signent un état de choc hypovolémique qui justifie la réalisation de trois bolus de solutés cristalloïdes isotoniques (Ringer lactate, 10 ml/kg sur 10 minutes), permettant un rétablissement du volume circulant. La restauration du volume circulant, la réduction de la demande en oxygène obtenue grâce à l’injection de méthadone et l’oxygénothérapie permettent une normalisation progressive de la lactatémie (1,8 mmol/l).

3. Examens complémentaires d’admission

Après stabilisation des fonctions respiratoire et cardio­vasculaire du chien, un bilan sanguin complet associant une biochimie plasmatique, un ionogramme, une gazométrie veineuse et une mesure du taux de micro-hématocrite est réalisé. Il ne met pas en évidence d’anomalie significative.

Les examens radiographiques cervical et thoracique révèlent une suspicion de fracture ou de luxation de l’appareil hyoïde (déplacement crânial d’un os basihyoïde et angulation anormale d’un os stylohyoïde et d’un os épihyoïde), la présence d’un œdème et d’un emphysème en regard des plaies, ainsi qu’un discret pneumomédiastin (photo 1). Les champs pulmonaires semblent d’aspect normal, même si la superposition avec les lésions cutanées et sous-cutanées ne permet pas d’exclure des lésions pulmonaires craniales.

4. Évaluation des structures cervicales

Une exploration des lésions cervicales est rapidement réalisée après stabilisation de l’animal (anesthésie générale : propofol, 2 mg/kg IV, puis isoflurane dans 100 % d’oxygène après intubation). Une laryngoscopie est réalisée pour une exploration diagnostique de la dyspnée inspiratoire. Le chien est placé en décubitus sternal et sa gueule est maintenue ouverte par un pas-d’âne. Après extubation flash (l’extubation permet une meilleure visualisation du larynx), le bilan lésionnel laryngé est réalisé grâce à un endoscope rigide. Il met en évidence une fracture du cartilage aryténoïde gauche à l’origine d’une obstruction partielle de la rima glottidis, d’environ 50 %. La dépression créée par la réduction de l’aire de la rima glottidis a conduit à l’éversion des ventricules laryngés. Par trachéoscopie, de nombreux hématomes affectant la paroi trachéale sont visualisés. Aucune brèche trachéale n’est notée.

Une aryténoïdectomie partielle est effectuée. La fracture aryténoïde permet la préhension des fragments faisant obstruction, à l’aide d’une pince atraumatique. Ces derniers sont excisés par une approche transorale avec des ciseaux de Metzenbaum. Le geste est réalisé sous contrôle visuel et l’excision doit être rapide pour permettre une réintubation précoce. Les saignements sont maîtrisés par une compression.

Les zones lésées sont tondues puis désinfectées. Les plaies cervicales présentes en faces ventrale et dorsale sont également explorées chirurgicalement. Aucune brèche trachéale ou œsophagienne n’est observée ventralement. Les tissus contus sont débridés et deux drains aspiratifs (drain de Redon, 12 Fr, relié à un système aspiratif clos) sont mis en place. Les plaies sont ensuite refermées classiquement : des points de plaquage sont positionnés (fil résorbable), et des surjets sous-cutané (fil résorbable) puis cutané (fil irrésorbable) sont réalisés.

Au réveil, après extubation, une laryngoscopie de contrôle est effectuée à l’aide d’un endoscope rigide. Dans ce cas clinique, les ventricules laryngés éversés ont bien été retirés, permettant une ouverture laryngée satisfaisante. Une sonde nasotrachéale (10 CH) est ensuite mise en place sans difficulté.

5. Évolution au cours de l’hospitalisation

Gestion du syndrome de détresse respiratoire aiguë

La nuit qui suit l’intervention chirurgicale, le chien présente une agitation intense associée à une dyspnée mixte sévère à prédominance inspiratoire en présence de crépitants, d’une baisse de la saturation partielle sanguine en O2 (SpO2) à 72 % et d’un œdème laryngé. Le chien est alors anesthésié (propofol IV jusqu’à l’effet recherché), intubé et complémenté en oxygène à 100 %, ce qui entraîne une augmentation de la SpO2 à 96 %. Il est ensuite placé sous ventilation mécanique et maintenu sous sédation par une perfusion de propofol (0,4 mg/kg/h), pour stabiliser sa fonction respiratoire.

Le lendemain, une sonde de trachéostomie temporaire (sonde endotrachéale classique, diamètre de 10 mm) est mise en place entre les quatrième et cinquième anneaux trachéaux et la ventilation mécanique est poursuivie, dans l’attente de la résorption de l’œdème laryngé (photo 2). De la prednisolone (1 mg/kg IV, une fois par jour) et de la fluticasone (deux pressions dans la bouche toutes les 4 heures) sont administrées, et une cryothérapie (massages avec de la glace toutes les 4 heures) est instaurée pour traiter cet œdème. La mesure des gaz du sang artériel révèle un rapport pression artérielle en oxygène (PaO2)/fraction inspirée en oxygène (FiO2) effondré (à 74, rapport normal > 400), évocateur d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Des inhalations sont réalisées dès l’apparition du SDRA, avec une alternance d’inhalation de NaCl 10 % et de gentamicine à la dose de 6,6 mg/kg, diluée dans du NaCl 0,9 %, toutes les 4 heures. Elles sont effectuées à l’aide d’un nébulisateur directement branché au respirateur et à la sonde de trachéostomie. La ventilation mécanique est poursuivie et la FiO2 est progressivement réduite (tableau 1). L’hygiène de la plaie de trachéostomie est maintenue à l’aide de soins à la chlorhexidine diluée et d’aspirations trachéales régulières du mucus et de la salive.

Le chien est sevré de l’assistance respiratoire après 2 jours. Il est maintenu sous sédation (perfusion de dexmédétomidine au rythme de 1 µg/kg/h et de propofol à 0,1 à 0,2 mg/kg/h [le propofol n’est administré que les 12 premières heures]) pour prévenir l’apparition d’épisodes d’agitation qui pourraient accroître la demande tissulaire en O2. L’oxygénothérapie est maintenue par une sonde nasale délivrant une FiO2 de 30 %. Le suivi de la gazométrie artérielle met en évidence une amélioration rapide des échanges gazeux et une résolution du SDRA (figure).

Suivi

À l’arrêt de la ventilation assistée, les radiographies thoraciques révèlent une opacification broncho-interstitielle marquée, plus sévère à gauche, compatible avec des lésions de broncho-pneumopathie (photos 3a et 3b). Trois jours plus tard, ces lésions ont régressé significativement. L’administration de dexmédétomidine est maintenue pendant 3 jours après que la ventilation mécanique est arrêtée. À l’arrêt de celle-ci, le chien tolère très bien la sonde de trachéostomie. Sept jours après la mise en place de la sonde, la diminution de l’œdème laryngé est objectivée par laryngoscopie sous tranquillisation (dexmédétomidine, 1 µg/kg IV, butorphanol, 0,3 mg/kg IV). La sonde de trachéostomie est retirée et une sonde nasotrachéale est positionnée. Le retrait de la sonde de trachéostomie est bien toléré par le chien, même si une toux persiste.

Au cours de l’hospitalisation, une anémie normochrome normocytaire modérée, une leucocytose neutrophilique importante, une hypoalbuminémie modérée (21 g/l) et une discrète augmentation du temps partiel de thromboplastine activée (aPTT) (128 secondes) sont mises en évidence (tableau 2). Ces anomalies sanguines sont vraisemblablement induites par l’évolution d’un syndrome inflammatoire à réponse systémique (SIRS) associé au SDRA et au traumatisme initial. L’apparition d’une hyperthermie la veille de la mise sous ventilation mécanique motive la prescription d’une antibiothérapie probabiliste à large spectre (amoxicilline-acide clavulanique, 20 mg/kg IV, toutes les 8 heures, et métronidazole, 10 mg/kg IV sur 15 minutes, toutes les 12 heures). La température se normalise en 6 jours.

En parallèle de la ventilation mécanique, un traitement antivomitif est mis en place pour prévenir les vomissements ou les régurgitations, à base de citrate de maropitant, 1 mg/kg par voie sous-cutanée (SC), une fois par jour, et de métoclopramide, 0,3 mg/kg IV toutes les 8 heures. La survenue d’une broncho-pneumonie par fausse déglutition chez un chien présentant déjà des lésions pulmonaires sévères pourrait lui être fatale. D’après notre expérience, associer ces deux molécules dont le mécanisme d’action est différent (le maropitant a une action centrale via les récepteurs NK1, le métoclopramide a une action centrale sur les récepteurs dopaminergiques D2 et une action périphérique prokinétique) est plus efficace, et ce protocole a été instauré par mesure de prudence. L’analgésie est assurée par des bolus de méthadone ou une perfusion de fentanyl, à raison de 2 à 5 µg/kg/h IV en fonction des scores de douleur(1).

Après 10 jours d’hospitalisation, le chien est en bon état général. Ses constantes vitales sont satisfaisantes. Quelques épisodes de toux sont notés. L’animal est rendu à ses propriétaires avec un traitement antibiotique et anti-inflammatoire (amoxicilline-acide clavulanique, 20 mg/kg, per os [PO], deux fois par jour pendant 10 jours, et prednisolone, 0,5 mg/kg, PO, une fois par jour pendant 5 jours). Aucune anomalie clinique n’est observée lors du contrôle réalisé 1 semaine après sa sortie. Au suivi à 3 mois, le chien présente une courbe respiratoire normale et les plaies en région cervicale ont disparu sans séquelle. Aucun cornage n’est noté à l’examen clinique, et les propriétaires ne rapportent ni toux, ni dysphagie.

DISCUSSION

1. Prise en charge des morsures cervicales

Les morsures sont un des motifs fréquents de consultation en urgence (11 % des consultations), et représentent la troisième cause de traumatisme chez le chien et la deuxième chez le chat [5]. Chez le chien, 13 à 28 % des morsures concernent la région cervicale [9, 12]. Les morsures cervicales sont associées à une proportion élevée de complications en raison de la présence de nombreuses structures complexes vitales, superficielles et peu protégées pouvant être endommagées. Les plus fréquemment décrites sont les lésions des voies respiratoires supérieures (ruptures ou lacérations trachéales, lésions laryngées) qui sont présentes dans 25 % des cas [2].

Bilan lésionnel par examen radiographique

Dans le cas de ce chien, la présence d’un emphysème sous-cutané et d’un pneumomédiastin fait suspecter une rupture des voies respiratoires supérieures. La réalisation d’un examen radiographique à la fois cervical et thoracique est indispensable chez les animaux présentant des morsures dans le cou, afin d’établir un bilan lésionnel local (fractures cervicales, fractures des cartilages de l’appareil hyoïde) et à distance (contusions pulmonaires, pneumothorax ou pneumomédiastin) [2, 9]. Tous les animaux qui ont subi une morsure dans le cou et présentent ce type d’anomalies radiographiques doivent faire l’objet d’une exploration chirurgicale soigneuse par un abord ventral afin d’en identifier l’origine [2].

Exploration chirurgicale

Les morsures sont considérées comme des plaies contaminées ou infectées après 6 à 12 heures d’évolution, selon l’importance des dégâts tissulaires. Leur prise en charge nécessite toujours de réaliser une exploration minutieuse, d’éliminer tout fragment ou corps étranger, de débrider les tissus dévascularisés ou morts, et de pratiquer des rinçages abondants avec du liquide physiologique stérile [4]. L’application de drains aspiratifs permet ensuite de limiter les espaces morts et de collecter en continu les éventuelles productions inflammatoires au sein de la plaie.

L’exploration chirurgicale des plaies de morsure a pour objectif de limiter le risque d’infection et de rechercher des lésions occultes, notamment en région cervicale où des organes d’importance vitale, tels que la trachée ou l’œsophage, peuvent être affectés [2, 12]. Chez ce border collie, l’exploration par laryngoscopie a permis la visualisation d’une fracture du cartilage aryténoïde gauche associée à une éversion des ventricules laryngés, expliquant la dyspnée inspiratoire. Cette fracture a conduit à la réalisation d’une aryténoïdectomie partielle gauche. Cette intervention chirurgicale est similaire à la laryngectomie partielle (LP) décrite lors de paralysie laryngée chez le chien. L’objectif est d’éliminer le fragment obstructif afin d’augmenter le diamètre de la glotte pour faciliter la respiration [7]. Cependant, comme le cas ici décrit le démontre, cette technique chirurgicale peut être associée à de nombreuses complications à court, moyen et long termes, telles que l’apparition d’un œdème laryngé, d’une toux, de pneumonies par fausse déglutition, d’une hyperthermie ou d’une détresse respiratoire aiguë [6, 10]. Les fausses déglutitions peuvent être prévenues en fractionnant les repas et en proposant une alimentation en hauteur.

L’aryténoïdectomie partielle est une forme de LP que nous avons réalisée dans ce cas, dans un contexte traumatique. La LP correspond à une technique similaire décrite dans le cadre de la paralysie laryngée. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude décrivant précisément l’aryténoïdectomie partielle dans un contexte similaire. Aussi avons-nous utilisé des références traitant de cette technique dans le cadre de la paralysie laryngée.

2. Réalisation d’une trachéostomie en urgence

Réalisée en urgence, la trachéostomie est indiquée pour sauver la vie d’un animal présentant une obstruction des voies respiratoires supérieures, comme décrit dans notre cas. En effet, les morsures cervicales et la réalisation d’une LP sont des contextes connus pour être souvent à l’origine d’une trachéostomie [2, 6, 10].

Critères de décision

D’une manière générale, la trachéostomie est indiquée et nécessaire lorsque la fonction respiratoire de l’animal se dégrade malgré une prise en charge médicale classique (supplémentation en oxygène et tranquillisation pour diminuer la demande tissulaire en O2) et que la mise en place d’une sonde endotrachéale est impossible [13].

Complications fréquentes

Cependant, la réalisation d’une trachéostomie n’est pas anodine. Cet acte est associé à de nombreuses complications (86 % dans l’étude de Nicholson et Baines), d’autant plus dans une région fortement contuse comme dans le cas décrit (en raison des nombreuses morsures) [8]. Le taux de mortalité associé aux trachéostomies s’élève jusqu’à 39 % [8]. La mort survient généralement par asphyxie à la suite de l’obstruction de la sonde ou de son délogement. Il est donc recommandé de garder à proximité des animaux sondés un kit de trachéostomie contenant un tranquillisant, une nouvelle sonde et un aspirateur à mucosités [13].

Les autres complications sont l’apparition d’un pneumomédiastin ou d’un pneumothorax, des pneumonies, des hémorragies, des régurgitations ou des vomissements, une toux et la survenue d’une bradycardie sinusale.

Nursing

La trachéostomie doit s’accompagner de soins de nursing afin de limiter les risques : aspiration trachéale, notamment chez les animaux en décubitus, lavage de la canule, hydratation de l’air, nettoyage de la peau, soutien du cou pour prévenir les obstructions, maintien de l’animal sous tranquillisation, etc. Cependant, nous ne disposons ni de preuves scientifiques solides quant à l’utilité de ces soins, ni de recommandations précises. Dans l’étude de Nicholson et Baines, le nombre de complications est corrélé au nombre d’interventions sur la sonde, mais la nature rétrospective de l’étude ne permet pas de déterminer si ces dernières sont liées à des complications dues à la sonde ou si l’état général plus dégradé de l’animal requiert des actes plus fréquents sur la sonde [8]. Dans le cas rapporté, la pose d’une sonde de trachéostomie était risquée en raison de fortes contusions tissulaires en région cervicale ventrale, secondaires aux nombreuses morsures. Toutefois, la dégradation marquée de l’animal malgré la sonde nasotrachéale, associée à la volonté de diminuer l’œdème laryngé par la mise du larynx au repos complet, a prévalu sur les risques relatifs à la trachéostomie, notamment les complications infectieuses, dans la prise en charge globale de ce chien.

3. Syndrome de détresse respiratoire aiguë

Dans le cas décrit, le développement d’un SDRA, objectivé par un effondrement du rapport PaO2/FiO2, est probablement multifactoriel. Il est consécutif à une obstruction partielle des voies respiratoires supérieures (œdème laryngé), à une hypothétique pneumonie par fausse déglutition et à la présence d’un œdème pulmonaire non cardiogénique (probablement secondaire à l’obstruction des voies hautes et à un processus inflammatoire). Une paralysie laryngée secondaire au traumatisme ne peut être exclue. Ce chien présentait également plusieurs facteurs de risque de développer un SDRA, à savoir un SIRS, et un traumatisme initial sévère et délabrant (encadré).

Critères diagnostiques

D’après le consensus du Dorothy Russell Havemeyer Working Group, le diagnostic de SDRA repose sur cinq critères : le caractère aigu de la dyspnée (survenue il y a moins de 72 heures), les facteurs de risque, la présence d’un œdème pulmonaire non cardiogénique, une inefficacité des échanges gazeux pulmonaires et la mise en évidence d’une inflammation pulmonaire, ce dernier élément étant facultatif en raison de la difficulté à réaliser un lavage broncho-alvéolaire ou transtrachéal chez un animal en état critique (tableau 3) [14]. Chez ce border collie, la présence d’un infiltrat interstitiel sur les radiographies thoraciques en l’absence de cardiomégalie, de dilatation veineuse pulmonaire ou de souffle à l’auscultation cardiaque est fortement en faveur d’un processus non cardiogénique. Une hypoxémie sévère malgré l’oxygénothérapie requiert la mise en place d’une ventilation assistée pour la gestion thérapeutique du SDRA.

Traitement

Plusieurs cas de traitement d’un SDRA par ventilation assistée sont décrits en médecine vétérinaire, dont un cas très similaire à celui décrit ici [4, 11]. Chez ce border collie, cette prise en charge rapide et agressive s’est révélée efficace puisqu’une très nette et rapide amélioration des échanges gazeux est observée, permettant un sevrage de la ventilation assistée après 3 jours. Cette augmentation rapide du rapport PaO2/FiO2 est un bon indicateur pronostique lors de ventilation en pression positive. Une étude réalisée sur 58 chiens ventilés montre que le taux de survie des animaux présentant un rapport inférieur à 200 après 12 heures de ventilation est inférieur à 6 %. Un rapport supérieur à 252 directement après le sevrage est un bon indicateur de survie, avec une spécificité de 80 % et une sensibilité de 79 % [1].

Malgré la réussite de la prise en charge des complications postopératoires et à moyen terme, un suivi rigoureux de ce chien doit être réalisé. En effet, la laryngectomie partielle est à l’origine de complications à long terme (pneumonie, toux, dyspnée) [10]. En cas de récidive d’une obstruction laryngée à moyen ou long terme, une latéralisation de l’aryténoïde droit peut être envisagée, en sachant que le risque de complications en serait encore accru, notamment celui de pneumonie par fausse déglutition.

Conclusion

Les morsures cervicales sont un motif fréquent de consultation en urgence, et leurs conséquences lésionnelles et fonctionnelles sont parfois très graves. La complication majeure, potentiellement mortelle, est une atteinte des voies respiratoires supérieures dont la prise en charge thérapeutique peut nécessiter une intervention chirurgicale en urgence (l’aryténoïdectomie partielle ici). Un SDRA peut survenir rapidement après l’opération, requérant la réalisation d’une trachéostomie et d’une ventilation mécanique.

Références

  • 1. Bruchim Y, Aroch I, Sisso A et coll. A retrospective study of positive pressure ventilation in 58 dogs: indications, prognostic factors and outcome. J. Small Anim. Pract. 2014;55(6):314-319.
  • 2. Jordan CJ, Halfacree ZJ, Tivers MS. Airway injury associated with cervical bite wounds in dogs and cats: 56 cases. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2013;26(2):89-93.
  • 3. Holt DE, Griffin G. Bite wounds in dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2000;30(3):669-679.
  • 4. Kelmer E, Love LC, Declue AE et coll. Successful treatment of acute respiratory distress syndrome in 2 dogs. Can. Vet. J. 2012;53(2):167-173.
  • 5. Kolata RJ, Kraut NH, Johnston DE. Patterns of trauma in urban dogs and cats: a study of 1000 cases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1974;164(5):499-502.
  • 6. McPhail CM, Monnet E. Outcome of and postoperative complications in dogs undergoing surgical treatment of laryngeal paralysis: 140 cases (1985-1998). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;218(12):1949-1956.
  • 7. McPhail C. Laryngeal disease in dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2014;44(1):19-31.
  • 8. Nicholson I, Baines S. Complications associated with temporary tracheostomy tubes in 42 dogs (1998 to 2007). J. Small Anim. Pract. 2012;53(2):108-114.
  • 9. Risselada M, de Rooster H, Taeymans O et coll. Penetrating injuries in dogs and cats: A study of 16 cases. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21(5):434-439.
  • 10. Ross JT, Matthiesen DT, Noone KE et coll. Complications and long-term results after partial laryngectomy for the treatment of idiopathic laryngeal paralysis in 45 dogs. Vet. Surg. 1991;20(3):169-173.
  • 11. Sabino CV, Holowaychuk M, Bateman S. Management of acute respiratory distress syndrome in a French bulldog using airway pressure release ventilation. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2013;23(4):447-454.
  • 12. Shamir MH, Leisner S, Klement E et coll. Dog bite wounds in dogs and cats: a retrospective study of 196 cases. J. Vet. Med. A Physiol. Pathol. Clin. Med. 2002;49(2):107-112.
  • 13. Sumner C, Rozanski E. Management of respiratory emergencies in small animals. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2013;43(4):799-815.
  • 14. Wilkins PA, Otto CM, Baumgardner JE et coll. Acute lung injury and acute respiratory distress syndromes in veterinary medicine: Consensus definitions: The Dorothy Russell Havemeyer Working Group on ALI and ARDS in Veterinary Medicine. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2007;17:333-339.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les plaies cervicales requièrent une exploration chirurgicale et la réalisation de radiographies thoraciques afin d’affiner le bilan lésionnel.

→ La laryngectomie partielle peut être associée à de nombreuses complications à court, moyen et long termes.

→ L’obstruction des voies respiratoires supérieures est une indication à la pose d’une sonde de trachéostomie.

→ La prise en charge d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë nécessite toujours une complémentation en oxygène et généralement le recours à une assistance ventilatoire.

ENCADRÉ
Définition du syndrome inflammatoire à réponse systémique

Adaptée de la médecine humaine, la définition d’un syndrome inflammatoire à réponse systémique est validée en médecine vétérinaire. Le syndrome inflammatoire à réponse systémique correspond, chez le chien, à la présence de deux critères parmi les quatre suivants :

– une hypothermie (< 38,1 °C) ou une hyperthermie (> 39,2 °C) ;

– une tachycardie (> 120 battements par minute) ;

– une tachypnée (> 20 mouvements par minute) ;

– une modification de la numération leucocytaire, avec une leucocytose (> 16 000/mm3), une leucopénie (< 6 000/mm3) ou la prédominance de polynucléaires neutrophiles immatures (caractérisée par une déviation à gauche de la courbe d’Arneth).

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