Pharmacocinétique et efficacité clinique de l’insuline protamine zinc chez le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 370 du 01/11/2016

ENDOCRINOLOGIE

Revue systématique

Auteur(s) : Kevin Le Boedec

Fonctions : Centre hospitalier vétérinaire Frégis,
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil
drleboedec@hotmail.fr

L’insuline protamine zinc est l’un des choix thérapeutiques disponibles lors de diabète chez le chat. L’analyse de ses propriétés est ici réalisée selon une approche de médecine factuelle.

Il existe plusieurs types d’insuline avec différentes durées et puissances d’action (figure 1). L’insuline protamine zinc correspond à un complexe multimérique d’insuline, de zinc et d’une protéine d’origine ichtyique (provenant de poisson), la protamine [11]. Ce complexe précipite à pH neutre, induisant un lent relargage de l’insuline après une injection sous-cutanée. L’utilisation de deux types d’insuline protamine zinc, de provenances différentes, a été décrite chez le chat : un mélange d’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine (90 %) et porcine (10 %) et une insuline humaine produite à partir d’ADN recombinant (photo) [15, 16]. L’insuline fait partie intégrante du traitement du diabète sucré félin [20]. L’objectif de cette revue systématique est d’évaluer de manière critique les informations scientifiques disponibles concernant la pharmacocinétique et l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc chez le chat.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

1. Identification des études et collection des données

Le processus de revue de données scientifiques repose sur la méthode décrite dans de précédentes revues systématiques [8, 10]. Une recherche bibliographique a été réalisée dans les bases de données scientifiques PubMed, Scopus et ISI Web of Sciences le 7 janvier 2016 en utilisant les mots clés suivants : (protamine AND zinc AND insulin) AND (cats OR feline), sans restriction linguistique ni temporelle. L’inclusion des études éligibles identifiées à l’issue de cette recherche a été décidée selon les critères suivants :

1. S’agit-il bien d’une étude originale (de manière à exclure les revues) ?

2. S’agit-il bien d’une étude évaluant l’effet ou la cinétique de l’insuline protamine zinc chez le chat ?

3. L’étude comporte-t-elle plus de 3 chats (de manière à exclure les rapports de cas et les courtes séries de cas) ?

4. La même étude est-elle identifiée dans PubMed et dans les autres bases de données ?

Les études associées à une réponse affirmative aux trois premières questions et négative à la dernière question ont été incluses dans la revue systématique. Elles ont été classées en deux catégories : celles évaluant la pharmacocinétique (étude de l’évolution dans le temps de la concentration d’un médicament dans le sang) et celles appréciant l’efficacité clinique (la réussite à réguler le diabète sucré chez le chat) de l’insuline protamine zinc.

2. Évaluation du risque de biais

La méthode d’évaluation du risque de biais a été adaptée d’une précédente revue systématique [8]. Les critères d’évaluation ont été choisis de manière à explorer les risques de biais de population, de classement et de confusion [3]. Pour chaque critère d’évaluation, le risque de biais a été estimé faible, élevé ou incertain (encadré 1).

RÉSULTATS

1. Présentation des études incluses

Le processus d’inclusion des études est présenté ici (figure 2). Onze études ont été incluses dans la revue systématique, et dichotomisées selon qu’elles apportent des informations sur la pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc (sept études) ou en évaluent l’efficacité clinique (huit études), certaines études étant classées dans les deux catégories [1, 4, 7, 11, 12-17, 22].

Les caractéristiques des études incluses sont résumées ici (tableau 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Le groupe étudiant la pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc est composé de trois essais cliniques (deux randomisés et un non randomisé) et de quatre études descriptives (deux séries de cas et deux cohortes non contrôlées) [4, 11, 13-16, 22]. Deux essais cliniques non randomisés et six études descriptives (deux séries de cas, un questionnaire, deux cohortes non contrôlées et une cohorte contrôlée) constituent le groupe évaluant l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc [1, 7, 11, 13-17].

Globalement, le niveau de preuve scientifique fourni par ces études est modéré. Les risques de biais sont présentés ici (tableau 2). Un conflit d’intérêts avec un laboratoire pharmaceutique producteur d’insuline protamine zinc est possible pour six études [4, 11, 12, 15-17].

2. Étude pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc

Les résultats de sept études évaluent la pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc (tableau 3 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Dans les essais cliniques contrôlés chez des chats non diabétiques

Le nombre de chats dans les études évaluant la pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc varie de 4 à 133 animaux (médiane de 9 individus). Les populations d’étude des trois essais cliniques sont constituées de chats non diabétiques [4, 11, 22]. L’insuline protamine zinc utilisée dans ces essais est d’origine à la fois bovine et porcine (encadré 2).

Les résultats des trois essais cliniques sont relativement similaires. La clarté des résultats est respectivement excellente, présentés sous forme de tableau, dans l’étude de Marshall et coll. (2008), moyenne, décrits dans le texte, dans l’étude de Wallace et coll. et mauvaise, nécessitant d’être extrapolés d’informations graphiques, dans l’étude de Broussard et Peterson [4, 11, 22].

Le pic d’insulinémie moyen se situe aux alentours de 4 heures postinjection, mais varie fortement d’un chat à un autre (entre 1 et 12 heures environ). L’insuline protamine zinc n’est plus détectée dans le sang après une période moyenne de 10 à 13 heures postinjection dans les études de Marshall et coll. (2008) et de Wallace et coll., et après 24 heures dans l’étude de Broussard et Peterson [4, 11, 22]. Cette différence peut s’expliquer par la dose d’insuline injectée. La variation interindividuelle est là encore importante (entre 5 et 20 heures pour les études de Marshall et coll. (2008) et de Wallace et coll., et entre 22 et 24 heures pour celle de Broussard et Peterson) [4, 11, 22].

En raisonnant sur la glycémie, deux nadirs (concentration de glucose la plus basse observée sur une courbe de glycémie) sont identifiés, l’un autour de 4 heures postinjection et l’autre autour de 14 à 16 heures post­injection [4, 11]. La variation interindividuelle est là aussi importante, le premier nadir étant observé entre 1,5 et 8 heures post­injection et le second, entre 6 et 24 heures postinjection [11]. La durée d’action de l’insuline, définie ici comme le temps nécessaire à la glycémie pour revenir à sa valeur initiale, est d’environ 20 à 21 heures en moyenne, variant de 9 heures à plus de 24 heures.

Dans les études descriptives chez des chats diabétiques

Les populations des études descriptives sont constituées de chats diabétiques (encadré 3).

La clarté des résultats est respectivement excellente, présentés sous forme de tableau et de courbes, dans les études de Nelson et coll. et de Moise et Reimers, et moyenne, nécessitant d’être extrapolés d’informations graphiques, dans l’étude de McMillan et Feldman [13-16].

Deux nadirs sont généralement retrouvés sur les courbes de glycémie présentées dans l’article de McMillan et Feldman, le premier se situant entre 4 et 8 heures postinjection et le second, entre 18 et 24 heures postinjection [13]. Ces résultats sont similaires à ceux des essais cliniques décrits précédemment. En revanche, la présence de deux nadirs n’est rapportée qu’une fois sur quatre dans l’étude de Moise et Reimers, respectivement à 6 et 12 heures postinjection [14]. Dans les autres cas, un seul nadir est observé, entre 9 et 12 heures postinjection [14]. Un nadir unique est rapporté dans les études de Nelson et coll. aux alentours de 5 heures en moyenne, indépendamment du type d’insuline protamine zinc utilisé [15, 16]. La variation interindividuelle est cependant importante, variant de 1 à 9 heures postinjection [15, 16]. Ces résultats sont en accord avec ceux des essais cliniques rapportés précédemment.

La durée d’action de l’insuline, définie ici comme le temps nécessaire à la glycémie pour revenir à sa valeur initiale, est d’environ 12 heures dans l’étude de McMillan et Feldman et de 24 heures dans l’étude de Moise et Reimers [13, 14].

L’étude de Moise et Reimers révèle un pic d’insulinémie exogène entre 6 et 12 heures postinjection et un retour aux valeurs basales en 24 heures [14]. Parfois, la présence de deux pics d’insulinémie est observée, à 3 et 12 heures postinjection respectivement [14].

3. Étude de l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc

Les études incluses traitent différents aspects de l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc : performance en termes de réponse clinique et de rémission, atténuation de l’effet Somogyi, fréquence d’administration et équivalence d’effets entre les deux types d’insuline protamine zinc [1, 7, 12-17].

Les résultats de cinq études évaluent l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc en termes de réponse clinique et de rémission (tableau 4 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr)). Le nombre de chats dans les études évaluant la réponse clinique et la rémission varie de 4 à 133 animaux (médiane de 14 individus). Seule l’étude de Nelson et coll. (2009) utilise l’insuline protamine zinc humaine recombinante [16]. Les paramètres employés pour évaluer l’efficacité de l’insulinothérapie incluent la glycémie moyenne déterminée à partir de courbes de glycémie, la glycémie au moment du nadir, la fructosaminémie, le poids corporel, les signes cliniques d’hypoglycémie, la mesure de la prise de boisson et l’appréciation subjective de l’intensité des signes cliniques relatifs au diabète sucré par les propriétaires. Toutes les études n’utilisent pas les mêmes paramètres.

L’étude de Marshall et coll. (2009) révèle une efficacité mitigée de l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine : glycémie moyenne passant de 3 g/l au début de l’étude à 2,8 g/l 112 jours plus tard, absence de changement de la fructosaminémie et de la prise de boisson à l’issue des 16 semaines de l’essai, perte de 144 g en moyenne de poids corporel et signes sévères d’hypoglycémie observés chez 1 chat parmi les 8 inclus dans l’étude [12]. Trois chats sur 8 ont cependant obtenu une rémission de leur diabète sucré. Cette étude possède un risque de biais très élevé par l’absence de randomisation et de mise en aveugle, la petite taille de la population, la présence potentielle de maladies concomitantes responsables d’insulinorésistance telles que l’acromégalie, et une méthode statistique inappropriée par de nombreux aspects. De plus, ces résultats ne sont généralisables qu’à des chats diabétiques nouvellement diagnostiqués, nourris avec un aliment humide Purina DM® et sans maladie grave associée.

Les deux études de Nelson et coll. déjà présentées précédemment rapportent à l’inverse une efficacité satisfaisante et similaire des insulines protamine zinc d’origine bovine/porcine et humaine recombinante [15, 16]. Après 45 jours d’insulinothérapie à l’insuline protamine zinc humaine recombinante, il a été observé une diminution de la glycémie moyenne (de 4,2 g/l à 2 g/l), de la glycémie au nadir (de 2,8 g/l à 0,9 g/l) et de la fructosaminémie (de 505 µmol/l à 375 µmol/l), et une augmentation du poids (de 5,4 kg à 5,9 kg). Une régression subjective de la polyuro-polydipsie est rapportée par les propriétaires dans environ 75 % des cas [16]. Deux épisodes cliniques ­d’hypoglycémie confirmée et 26 autres d’hypoglycémie potentielle chez 133 chats au total sont relatés [16]. L’exclusion des cas n’ayant pas précédemment répondus à l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine et des chats atteints de maladies concomitantes ou recevant des médicaments responsables d’insulino­résistance pourrait expliquer en partie les bons résultats de cette étude. Ces critères d’exclusion ne sont néanmoins pas présents dans l’étude de Nelson et coll. (2001) utilisant l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine, et qui révèle des résultats comparables [15].

L’étude de Goossens et coll. rapporte une efficacité moyenne de l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine [7]. Après une insulinothérapie de durée variable au moins égale à 3 mois, la glycémie moyenne se situe entre 2 et 3 g/l dans deux tiers des cas, en dessous de 2 g/l dans 14 % des cas et au-dessus de 3 g/l dans 22 % des cas [7]. L’appréciation subjective par les propriétaires de la diminution des signes cliniques est toutefois plus optimiste, avec un contrôle considéré comme moyen dans la moitié des cas et comme bon dans l’autre moitié des cas [7]. Ces résultats reposent sur une population d’étude de 14 chats seulement [7]. Les maladies concomitantes et les médicaments responsables d’insulino-résistance décrits dans cette étude peuvent expliquer l’efficacité moins importante de l’insuline protamine zinc par rapport aux travaux de Nelson et coll. [7, 15, 16].

Enfin, l’évolution satisfaisante des quatre cas traités avec de l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine et décrits dans l’article de Moise et Reimers corrobore l’efficacité globale de cette insuline dans la gestion du diabète sucré félin [14]. Néanmoins, dans cet essai, le choix particulier de l’insuline protamine zinc n’est pas justifié et une évolution favorable est également rapportée chez des chats traités avec de l’insuline neutral protamine hagedorn (NPH). Enfin, 2 chats sur les 4 traités avec de l’insuline protamine zinc dans cette étude ont développé un diabète à la suite d’injections d’acétate de mégestrol, diabète dont l’évolution peut se révéler particulièrement favorable avec l’arrêt du traitement.

L’étude de McMillan et Feldman décrit l’évolution clinique de 6 chats diabétiques présentant un effet Somogyi secondaire à un surdosage d’insuline (insuline NPH chez 4 animaux et protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine chez 2 individus) [13]. L’effet Somogyi a été résolu par l’utilisation d’insuline protamine zinc d’origine bovine et porcine chez les chats initialement traités avec de l’insuline NPH et par la réduction de la dose d’insuline protamine zinc chez les animaux initialement traités avec cette insuline. Le suivi après ajustement thérapeutique a été réalisé sur une période variant de 3 à 18 mois (médiane de 15 mois) [13]. Deux biais majeurs sont identifiés dans cette étude. D’une part, le choix particulier de l’insuline protamine zinc n’est pas justifié et un ajustement du traitement à l’insuline NPH aurait potentiellement été efficace. D’autre part, l’inclusion des chats impose une résolution de l’effet Somogyi après ajustement thérapeutique, si bien que ceux qui n’ont pas répondu favorablement à l’insuline protamine zinc sont exclus.

Les informations obtenues à partir de l’étude d’Aptekmann et coll. sont très limitées en raison de sa présentation sous la forme d’un questionnaire rempli par des propriétaires de chats diabétiques [1]. Dans cet article, 70 % des chats diabétiques traités avec de l’insuline protamine zinc reçoivent deux injections par jour, 13 % trois par jour, 3 % une seule par jour et 14 % reçoivent des injections de manière intermittente [1]. Il est néanmoins difficile de déterminer si le choix majoritaire d’injections biquotidiennes est fondé sur une meilleure efficacité globale de ce protocole, une préférence des vétérinaires influencés par les recommandations d’experts ou sur un biais de population (sélection des propriétaires les plus impliqués dans la gestion du diabète de leur chat ou dont l’animal requiert des soins vétérinaires plus fréquents).

Enfin, l’étude de Norsworthy et coll. évalue l’équivalence d’efficacité des deux types d’insuline protamine zinc via une conception en cross-over [17]. Les résultats indiquent un contrôle similaire du diabète sucré après passage à de l’insuline protamine zinc humaine recombinante pendant 1 mois chez des chats initialement traités avec de l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine [17]. Le cadre de cette étude est cependant particulièrement favorable à l’obtention de tels résultats, dans la mesure où l’inclusion impose un contrôle adéquat du diabète par de l’insuline protamine zinc d’origine bovine et porcine pendant au moins 3 mois sans maladie concomitante (y compris l’acromégalie, l’hypercortisolisme et l’hyperthyroïdie) ni médicaments responsables d’insulinorésistance, excluant ainsi les cas difficiles à réguler.

DISCUSSION

Bien que l’utilisation de l’insuline protamine zinc dans la gestion du diabète sucré félin soit décrite depuis les années 1980, relativement peu d’études originales ont été conduites pour en évaluer la pharmacocinétique et l’efficacité clinique chez le chat, puisque seulement 11 essais ont été inclus à la suite de cette recherche systématique. De plus, le niveau de preuve scientifique fourni par ces travaux peut être considéré comme modéré. La plupart des études incluent un nombre relativement faible d’animaux et les critères d’inclusion varient d’une étude à une autre, ce qui complique la généralisation des résultats. Enfin, bien que la recherche bibliographique des études à intégrer dans la revue ait été systématisée, elle n’a donné accès qu’aux articles et proceedings de congrès publiés. L’admissibilité des études non publiées dans des revues indexées (telles que celles intégrées dans le dossier d’autorisation de mise sur le marché de l’insuline protamine zinc) n’a donc pas été évaluée.

1. Rythme d’administration

Stricto sensu, l’étude pharmacocinétique de l’insuline ne devrait comporter que les courbes d’insulinémie exogène, les courbes de glycémie représentant l’action de l’insuline, donc sa pharmacodynamie. Pour des raisons d’applicabilité clinique, il a été cependant décidé d’aborder les courbes de glycémie dans la partie pharmacocinétique. Seule l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine a été utilisée dans les essais cliniques évaluant la pharmacocinétique de cette insuline chez le chat. Bien qu’il ne soit théoriquement pas possible d’extrapoler ces résultats à l’insuline protamine zinc humaine recombinante, des études réalisées chez des chiens sains et utilisant les deux types d’insuline ont montré des profils pharmacocinétiques très proches [6, 21]. Les profils pharmacocinétiques de ces deux types d’insuline réalisés chez des patients diabétiques humains sont également similaires [5]. Il est ainsi raisonnable de penser que la pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc d’origine bovine et porcine décrite chez le chat est probablement transposable à celle de l’insuline protamine zinc humaine recombinante dans cette espèce. Ces essais cliniques incluent uniquement des chats non diabétiques. La pharmacocinétique de l’insuline est potentiellement différente chez des chats diabétiques, ce qui peut limiter l’intérêt clinique de ces travaux. En raison de leur conception, les études fournissant des informations pharmacocinétiques sur l’insuline protamine zinc chez le chat diabétique sont davantage sujettes aux biais et offrent ainsi un niveau de preuve scientifique inférieur. L’intégration de l’ensemble des informations fournies suggère une forte variabilité pharmacocinétique interindividuelle avec une durée d’action moyenne généralement inférieure à 24 heures chez le chat diabétique, ce qui justifie des injections biquotidiennes dans la majorité des cas. Ces conclusions sont corroborées par les résultats des études sur l’efficacité clinique, la majorité intégrant un protocole d’injections biquotidiennes.

2. Efficacité clinique

L’étude de l’efficacité de l’insuline protamine zinc dans le traitement du diabète sucré félin est difficile car le contrôle de cette maladie ne repose pas uniquement sur son administration. La gestion d’une affection concomitante, la nourriture ou encore le protocole de suivi de la glycémie pour ajuster le traitement peuvent influencer le contrôle du diabète du chat [2, 18, 19]. Ces facteurs de confusion représentent une source de biais importante et expliquent possiblement la différence d’efficacité observée entre les différentes études. L’avancée de la maladie influe également sur la réponse thérapeutique, les chats nouvellement diagnostiqués étant plus facilement contrôlés par l’insulinothérapie que ceux mal contrôlés déjà sous traitement dans les études de Nelson et coll. [15, 16]. Les paramètres utilisés pour évaluer l’efficacité de l’insulinothérapie peuvent aussi influencer les résultats. La présence d’un ou de plusieurs nadirs sur la courbe de glycémie obtenue après injection d’insuline protamine zinc peut rendre la glycémie moyenne inadaptée pour juger de l’efficacité de cette insuline. La durée d’action, définie comme la période au cours de laquelle la glycémie reste inférieure à 2,5 g/l (donc en dessous du seuil de réabsorption tubulaire du glucose), représente potentiellement un meilleur critère pour évaluer le contrôle clinique de la maladie [9]. L’appréciation subjective des propriétaires de la qualité du contrôle du diabète de leur chat est un critère cliniquement pertinent. Cet avantage est contrebalancé par l’absence de transparence et de reproductibilité de ce paramètre. L’intégration de l’ensemble des informations fournies suggère une efficacité globalement satisfaisante de l’insuline protamine zinc dans le traitement du diabète sucré félin.

Enfin, une méthode contrôlée d’évaluation de l’efficacité de l’insuline protamine zinc consiste en la comparaison avec d’autres types d’insuline. Une telle comparaison n’est retrouvée que dans deux études d’efficacité clinique incluses dans cette revue [7, 12]. Ces essais présentent un nombre de chats inadéquat et une méthode statistique peu performante. Pour ces raisons, le résultat de ces comparaisons n’a pas été présenté dans cette revue systématique. La réalisation d’essais cliniques randomisés et contrôlés, correctement élaborés et intégrant une analyse statistique performante, permettrait une meilleure évaluation de l’efficacité de l’insuline protamine zinc dans le contrôle du diabète sucré félin.

Conclusion

À partir de cette évaluation systématique des publications scientifiques, qui fournit globalement un niveau de preuve modéré, il apparaît que la pharmacocinétique et l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc la rendent satisfaisante pour le traitement du diabète sucré félin. Cependant, en raison de la variation interindividuelle rapportée dans les études, l’appréciation de l’efficacité par le clinicien reste essentielle pour ajuster l’insulinothérapie de manière optimale. Les autres aspects diagnostiques (recherche des causes d’insulinorésistance) et thérapeutiques (alimentation adaptée) sont également à prendre en considération de manière à optimiser le contrôle du diabète sucré.

Références

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Conflit d’intérêts

Revue systématique réalisée par l’auteur à la demande du laboratoire Boehringer-Ingelheim.

ENCADRÉ 1
Méthode d’évaluation du risque de biais

Pour chaque critère d’évaluation, l’information relative au risque de biais évalué a été recherchée directement dans le texte de chacun des articles. Le risque de biais a été ensuite estimé par l’auteur comme faible, élevé ou incertain en fonction des informations retrouvées dans le texte. Par exemple, pour le critère “randomisation”, le risque de biais a été considéré comme faible s’il est clairement stipulé dans le texte que les cas ont été sélectionnés de manière aléatoire. Le risque a été jugé élevé s’il apparaît sans ambiguïté dans le texte de l’article que les cas ont arbitrairement été choisis de manière non aléatoire. Le risque de biais a été estimé incertain si les informations présentes dans le texte ne permettent pas de conclure quant à la sélection randomisée des cas. Enfin, le critère de randomisation n’est évaluable que dans le cadre d’essais cliniques, et il a été considéré comme non applicable dans celui des études observationnelles et des séries de cas.

Points forts

→ La pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc est très variable d’un chat à l’autre, avec un nadir observé entre 1 et 12 heures postinjection et parfois la présence d’un second nadir.

→ L’insuline protamine zinc semble globalement efficace chez le chat diabétique, permettant un contrôle clinique satisfaisant dans deux tiers à trois quarts des cas en moyenne selon les études.

→ Des injections biquotidiennes d’insuline protamine zinc semblent adaptées pour la plupart des chats diabétiques.

→ Les rares études disponibles suggèrent une équivalence pharmacocinétique et en termes d’efficacité clinique des insulines protamine zinc d’origine bovine/porcine et d’origine humaine recombinante.

→ Le niveau global de preuve scientifique concernant la pharmacocinétique et l’efficacité clinique de l’insuline protamine zinc chez le chat est modéré, justifiant un besoin d’essais cliniques randomisés et contrôlés, correctement élaborés et intégrant une analyse statistique de bonne qualité.

ENCADRÉ 2
Description des protocoles des essais cliniques contrôlés chez des chats non diabétiques

La dose injectée par voie sous-cutanée est de 0,5 U/kg dans les études de Wallace et coll. et de Marshall et coll. (2008), et de 1 U/kg dans l’étude de Broussard et Peterson [4, 11, 22]. La nourriture est contrôlée et identique pour tous les participants au sein d’une même étude, et est constituée de Hill’s c/d® et de Hill’s r/d® en quantités égales dans l’étude de Broussard et Peterson, de Hill’s c/d dans celle de Wallace et coll. et de croquettes d’entretien pour chats adultes dans celle de Marshall et coll. (2008) [4, 11, 22]. La texture des aliments (secs ou humides) n’est précisée que dans cette dernière. L’injection d’insuline est précédée d’une période de jeûne de 3 heures dans l’étude de Broussard et Peterson et de 18 heures dans celle de Marshall et coll. (2008) [4, 11]. La présence ou non d’un jeûne n’est pas mentionnée dans l’étude de Wallace et coll. [22]. La pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc est étudiée à travers des courbes de glycémie et d’insulinémie exogène sur 24 heures dans les études de Broussard et Peterson et de Marshall et coll. (2008), et via une mesure de l’insulinémie exogène sur 24 heures dans l’étude de Wallace et coll. [4, 11, 22]. Les prises de sang sont réalisées toutes les 4 heures dans l’étude de Marshall et coll. (2008) et toutes les 2 heures dans les deux autres [4, 11, 22].

ENCADRÉ 3
Description des populations de chats diabétiques incluses dans les études descriptives

→ Les chats décrits dans l’étude de McMillan et Feldman sont des animaux diabétiques déjà traités avec de l’insuline et présentant tous un effet Somogyi [13]. Aucun critère d’exclusion n’est défini, si bien que la présence d’une maladie concomitante ou de médicaments responsables d’insulinorésistance est possible.

→ L’étude de Moise et Reimers inclut des chats diabétiques non traités, et qui présentent une maladie concomitante (obésité, cystite) ou qui reçoivent des médicaments (comme l’acétate de mégestrol) possiblement responsables d’insulinorésistance [14].

→ L’étude de Nelson et coll. publiée en 2001 regroupe des chats nouvellement diagnostiqués ou mal contrôlés, sans exclusion des maladies concomitantes ni des médicaments responsables d’insulinorésistance [15].

→ Celle de Nelson et coll. publiée en 2009 inclut des chats nouvellement diagnostiqués ou mal contrôlés, en excluant ceux atteints de maladies concomitantes ou recevant des médicaments responsables d’insulinorésistance, ainsi que les animaux mal contrôlés par de l’insuline protamine zinc d’origine à la fois bovine et porcine [16]. Seule cette dernière étude utilise l’insuline protamine zinc humaine recombinante.

→ L’insuline est injectée une fois par jour dans les études de McMillan et Feldman et de Moise et Reimers, et deux fois par jour dans celles de Nelson et coll. [13-16]. Aucune information n’est fournie concernant la nourriture dans les essais de McMillan et Feldman et de Moise et Reimers [13, 14]. L’alimentation n’est pas contrôlée dans les études de Nelson et coll. [15, 16].

→ La pharmacocinétique de l’insuline protamine zinc est étudiée à travers des courbes de glycémie dans ces quatre dernières études, couplées à des courbes d’insulinémie exogène dans l’essai de Moise et Reimers [13-16]. Ces courbes sont réalisées sur une période de 18 à 24 heures avec une prise de sang toutes les 2 heures dans l’étude de McMillan et Feldman, sur 24 heures avec une prise de sang toutes les 3 à 4 heures dans celle de Moise et Reimers et sur 9 heures avec une prise de sang toutes les 2 heures dans les deux essais de Nelson et coll. [13-16]. Ces deux derniers ne permettent donc pas de détecter la présence d’un second nadir ni d’évaluer la durée d’action de l’insuline [15, 16].

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