ORTHOPÉDIE CANINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Alexandre Caron
Fonctions : CHV Atlantia,
22, rue René-Viviani,
44200 Nantes
Le coude est une articulation qui possède une stabilité maximale conférée directement par son anatomie osseuse, néanmoins renforcée par des structures ligamentaires solides (ligaments collatéraux médial et latéral). La grande majorité des luxations est latérale (déplacement latéral de la tête radiale et de l’ulna) [6, 7].
Une rupture des ligaments collatéraux a été objectivée dans 18 à 50 % des cas cliniques [2, 3, 4, 8]. Cependant, une récente étude in vitro a démontré la nécessité de la rupture du ligament collatéral latéral pour qu’une luxation du coude soit possible [1]. Chez le chat, il semble qu’à la fois les ligaments collatéraux médial et latéral doivent être sectionnés pour permettre une luxation.
Le pronostic semble moins favorable lors de luxation chronique du coude. Aussi est-il important d’envisager une réduction manuelle à foyer fermé dès qu’une sédation ou une anesthésie est possible [3].
L’objectif est d’utiliser le processus anconé comme un levier dans la fosse olécranienne. Le coude doit être fléchi au-delà de 90° et l’avant-bras mis en pronation et en abduction afin de faire glisser le processus anconé le long de la crête épicondylaire humérale latérale, puis dans la fosse olécranienne. Une traction caudale de l’ulna est parfois nécessaire.
Le membre est ensuite progressivement étendu et mis en supination et en adduction, alors qu’une pression est appliquée latéro-médialement sur l’humérus et la tête radiale.
Une fois la réduction effectuée, il convient de réaliser plusieurs mouvements de flexion-extension complète du coude afin de favoriser l’évacuation de l’hématome articulaire et de replacer les fragments de tissus interposés entre les segments osseux.
Une évaluation radiographique est ensuite effectuée pour s’assurer de l’exactitude de la réduction et de l’absence de lésions associées.
Une appréciation manuelle de la stabilité est également nécessaire, avec essentiellement un test en varus-valgus et un test de Campbell (coude et carpe à 90° de flexion, puis mesure des degrés possibles de pronation et de supination) pour vérifier la laxité des ligaments collatéraux [1, 3].
L’auteur préconise une reconstruction chirurgicale en cas d’impossibilité de réduction à foyer fermé, de luxation chronique et/ou d’instabilité latéro-médiale grave après réduction à foyer fermé.
Dans le cas particulier où le ligament est sectionné en son milieu, une suture est possible (locking-loop suture, fil irrésorbable). Cependant, il est conseillé de renforcer ce montage à l’aide d’une prothèse de fascia autologue ou d’une prothèse synthétique.
Lors d’avulsion, l’extrémité ligamentaire peut être réinsérée au moyen d’une vis épicondylaire associée à une rondelle crantée.
Dans la grande majorité des cas, la reconstruction ligamentaire n’est pas possible. La mise en place d’une prothèse de ligament collatéral est alors nécessaire. Il est possible d’ancrer les prothèses sur le site d’origine huméral et d’insertion radiale grâce à des vis montées sur une rondelle ou à des ancres spécifiques [3, 4, 7]. De nombreuses ancres sont désormais disponibles limitant le risque de rupture prothétique dans l’“œil” de l’ancre, ainsi que la protubérance dans les tissus mous. Elles sont souvent issues des techniques de reconstruction ligamentaire arthroscopique de la chirurgie humaine. Lors de reconstruction nécessaire pour les ligaments collatéraux médiaux et latéraux, un abord chirurgical double est requis avec mise en place de deux prothèses séparées.
Dans ce cas de rupture des deux ligaments collatéraux, il est alors possible d’utiliser une seule et même prothèse pour la reconstruction à la fois médiale et latérale passée au travers de tunnels osseux [1, 2]. Le tunnel huméral joint un point juste cranio-distal à l’épicondyle latéral à un point juste cranio-distal à l’épicondyle médial. Ces points correspondent à ceux d’origine des ligaments collatéraux. Un tunnel radial latéro-médial est créé dans la tête radiale et un tunnel ulnaire latéro-médial est foré en regard du milieu (proximo-distalement) de l’incisure ulnaire. Deux boucles prothétiques sont alors passées entre le tunnel huméral et le tunnel radial et ulnaire, respectivement, avant d’être serrées.
Une coaptation externe maintenant le membre en semi-extension est recommandée après une réduction à foyer fermé comme à la suite d’une réduction chirurgicale avec ou sans reconstruction ligamentaire. L’utilisation d’une broche transarticulaire a été décrite, mais un fixateur externe transarticulaire est souvent préféré. La mise en place d’une attelle Spica est une autre solution disponible.
Le fixateur externe le moins délétère pour la fonction et le cartilage articulaires est un dispositif articulé permettant une stabilité médio-latérale importante malgré le maintien partiel d’une fonction flexion-extension. Une broche humérale distale et une broche olécranienne sont reliées médialement et latéralement par des bandes élastiques.
Dans tous les cas, l’immobilisation est recommandée pour 2 à 3 semaines. Une rééducation fonctionnelle peut être intéressante afin de regagner rapidement une amplitude articulaire satisfaisante.
La réduction manuelle à foyer fermé d’une luxation du coude est le plus souvent possible. Une coaptation externe est requise pendant quelques semaines afin de limiter le risque de reluxation [5]. Le pronostic à long terme est bon [4, 6, 7].
Aucun.
OBJECTIF
Rapporter les résultats cliniques à long terme et les complications chez des chiens traités chirurgicalement ou par réduction simple à foyer fermé pour une luxation traumatique du coude.
MÉTHODE
Étude rétrospective dans cinq centres. Les chiens ont été présentés pour une luxation traumatique du coude. Deux groupes : G1 = réduction manuelle à foyer fermé versus G2 = réduction et stabilisation chirurgicale. L’évaluation à long terme est réalisée par un questionnaire établi pour l’étude et une appréciation de la douleur (Canine Brief Pain Inventory, ou CBPI) à remplir par les propriétaires.
RÉSULTATS
• 37 chiens sont inclus dans l’étude (âge moyen de 48 mois, poids moyen de 21,35 kg). Laluxation est latérale pour tous les cas de l’étude. 24 luxations sont présentées dans les 24 heures suivant l’accident, 8 entre 24 et 48 heures et 4 après 48 heures. 17 chiens ont été traités par réduction à foyer fermé et 20 par réduction et stabilisation chirurgicale (prothèse ligamentaire et tunnels osseux : n = 11 ; prothèse et ancres osseuses : n = 4 ; prothèse avec ancre et tunnel osseux : n = 1 ; prothèse et broche transarticulaire : n = 1 ; prothèse avec ancre osseuse et fixateur externe transarticulaire : n = 1 ; réduction fermée et fixateur externe : n = 1 ; réduction ouverte et fixateur externe : n = 1). 30 chiens ont bénéficié d’une coaptation externe : n = 15 G1 et n = 15 G2.
• 19 % (n = 7/37) de complications majeures sont rapportées : récidive de luxation (n = 6) ; infection et retrait des implants (n = 1). 13,5 % (n = 5/37) de complications mineures sont décrites. Et 5 reluxations sur les 6 concernent des chiens du G1.
• La qualité de vie rapportée à long terme (médiane de 961 jours) est excellente pour 13 chiens (n = 9 G2 ; n = 4 G1), très bonne pour 6 chiens (n = 2 G2 ; n = 4 G1), bonne pour 1 chien (G2) et satisfaisante pour 1 autre (G1).
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