ÉTAPE 6 : Gestion d’une fracture du condyle huméral latéral sous fluoroscopie - Le Point Vétérinaire n° 369 du 01/10/2016
Le Point Vétérinaire n° 369 du 01/10/2016

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Dimitri Leperlier*, Anne-Sophie Bedu**, Jean-François Boursier***

Fonctions :
*CHV Pommery
226, boulevard Pommery,
51100 Reims

Lors de traitement chirurgical d’une fracture du condyle huméral latéral, la fluoroscopie est très utile, aussi bien pour une approche percutanée exclusive, que pour une intervention à foyer ouvert.

L’imagerie interventionnelle est une discipline connaissant un essor important en médecine vétérinaire ces dernières années. Cette approche utilise des techniques d’imagerie médicale avancée afin d’aider l’opérateur dans la pratique de certains actes, tout en diminuant le traumatisme chirurgical inhérent aux procédures de chirurgie par voie ouverte. La réduction et la fixation de fracture effectuées sans abord chirurgical sont mieux connues sous le nom de chirurgie orthopédique minimalement invasive (minimally invasive osteosynthesis).

La fluoroscopie est utilisée sous forme d’un bras mobile ou C-arm dans le cas de chirurgie orthopédique pour acquérir des vues orthogonales du membre opéré tout au long de la procédure chirurgicale. Dans le cas de fractures périarticulaires, l’utilisation de la fluoroscopie peropératoire est primordiale pour assurer le contrôle de la réduction anatomique des surfaces articulaires et un placement adéquat des implants, ces informations ne pouvant être obtenues par palpation percutanée.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les trois types de fracture articulaire intéressant le condyle huméral chez le chien sont: les fractures de l’épicondyle huméral latéral (FCHL), de l’épicondyle huméral médial ou la fracture transcondylienne (en Y). La FCHL est la plus fréquente, représentant 34 à 56 % des cas [3-5]. Cette observation semble s’expliquer par l’articulation du radius avec la partie latérale du condyle huméral et la plus grande faiblesse de la crête épicondylaire latérale comparée à celle opposée [5]. Un traumatisme mineur est souvent à l’origine de la FCHL chez les jeunes chiens. Ces fractures traumatiques peuvent être décrites comme des fractures de type Salter-Harris lorsqu’elles intéressent des animaux en croissance.

Les races spaniels, comme le cocker spaniel aux États-Unis ou les springers spaniels en Europe et au Royaume-Uni, sont décrites comme étant majoritairement représentées dans les cas FCHL, notamment en raison de leur prédisposition à l’ossification incomplète du condyle huméral latéral (OICH) [1, 2, 5]. L’identification d’une OICH sous-jacente est indispensable afin de déterminer le pronostic de cicatrisation osseuse, mais également l’approche chirurgicale à adopter qui diffère de celle d’une fracture traumatique classique.

EXAMENS D’IMAGERIE

Un examen radiographique permet de confirmer la suspicion clinique de fracture du condyle huméral chez le chien. Deux vues, une médio-latérale et une cranio-caudale, sont nécessaires à la visualisation d’une fracture et à l’évaluation de son déplacement éventuel (photos 1a et 1b) Le membre opposé doit également être inclus dans l’examen à la recherche d’une éventuelle ligne radiotransparente transcondylienne [5]. L’examen tomodensitométrique ou l’imagerie par résonance magnétique sont plus spécifiques et plus sensibles que la radiographie pour la détection de fissure transcondylienne ou d’OICH [1, 3, 6]. Ces examens complémentaires permettent également d’investiguer une éventuelle dysplasie des coudes qui pourrait être associée, dans certains cas, à l’OICH. En effet, dans 26 % des cas, une maladie coronoïde médiale est associée au diagnostic d’OICH sans qu’une fragmentation du processus coronoïde médial ne soit détectée [2].

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Comme pour toute fracture articulaire, une réduction anatomique et la mise en place d’un système de fixation rigide sont indispensables dans le traitement chirurgical de la fracture du condyle huméral latéral chez le chien, aussi bien en approche ouverte qu’en technique minimalement invasive.

Plusieurs méthodes sont décrites dans ce cas : deux points de fixation sont nécessaires, composés d’un élément de fixation transcondylienne et d’un second sur la branche supracondylienne. L’implant transcondylien peut être une vis transcondylienne en compression, un clou autocompressant ou encore une vis canulée [5, 6].

Un second point de fixation est indispensable et peut être apporté par l’insertion d’une broche de Kirschner dans la branche épicondylienne ou la mise en place d’une plaque [3, 5, 6].

Une vis transcondylienne de gros diamètre, accompagnée d’une plaque supracondylienne, est préférée dans les cas d’OICH suspectés.

Une prise en charge par une vis transcondylienne en compression et une ou deux broches antirotatoires par une approche exclusivement percutanée est la technique communément utilisée dans notre structure pour le traitement de fracture traumatique. Elle est donc décrite dans cet article.

TECHNIQUE PERCUTANÉE

Grâce à l’utilisation de la fluoroscopie, une approche percutanée de réduction et de stabilisation des fractures de l’épicondyle huméral latéral chez le chien peut être réalisée. Cette approche n’est pas réalisable sans imagerie peropératoire puisque celle-ci permet la visualisation de la réduction anatomique des fragments ainsi que du positionnement des implants.

L’animal est positionné en décubitus latéral avec le membre sain contre la table. L’utilisation d’une table chirurgicale adaptée à la fluoroscopie est indispensable. Le membre sain est fixé vers l’arrière, de manière à ne pas se superposer au coude fracturé pendant l’intervention chirurgicale. Le champ de couverture des rayons est centré sur le coude à opérer. Les champs chirurgicaux ainsi que l’habillage stérile de l’arceau mobile sont ensuite mis en place.

1. Contrôle de la réduction

Dans un premier temps, la réduction des fragments est réalisée par palpation. Deux daviers à pointe sont mis en place, l’un sur la branche supracondylienne, l’autre au niveau des condyles huméraux. La réduction est d’autant plus facile que la fracture est récente, que le déplacement est faible, et que l’animal ou les différents cliniciens n’ont pas trop mobilisé le site de fracture durant la période préopératoire.

Une fois la réduction obtenue et si celle-ci semble correcte à la palpation, deux clichés fluoroscopiques sont réalisés afin de vérifier la qualité de la réduction (photos 2a et 2b). Avec un amplificateur de grande taille, le membre est manipulé pour obtenir les deux vues orthogonales. A contrario la mobilité accrue du mini-C-arm permet d’obtenir les deux vues sans mobiliser le membre, ce qui présente l’avantage de ne pas mettre en contrainte la réduction maintenue uniquement par des daviers. Lors de la visualisation des clichés fluoroscopiques peropératoires, une attention particulière est portée à la réduction intra-articulaire, afin qu’aucune marche ni aucun espace ne soient visibles en regard du trait de fracture.

2. Ostéosynthèse transcondylienne

Une broche temporaire de faible diamètre est ensuite insérée pour maintenir la réduction transcondylienne. Cette broche est mise en place sous contrôle fluoroscopique après incision ponctiforme à la lame de 11 en regard du condyle huméral dans la zone de démarcation craniale et distale de la crête épicondylienne latérale (photos 3a et 3b) [3]. Idéalement, cette broche est décalée par rapport à la position optimale d’une vis intercondylienne. Ainsi, un espace suffisant est laissé pour la mise en place de la vis dans une position optimale.

Un guide-mèche est ensuite introduit au contact de l’épicondyle latéral (photo 4). Sous contrôle fluoroscopique, le guide-mèche est amené en position optimale pour le forage, c’est-à-dire que le point d’entrée est sur le centre du condyle et que l’axe de visée est tel que le forage reste parallèle a la surface articulaire.

Pour cela, le guide-mèche est manipulé jusqu’à ce qu’il ne forme plus qu’un simple cercle sur l’image fluoroscopique dans une position telle que le coude est parfaitement de profil. À ce moment, le forage est réalisé à travers le condyle (photo 5a).

Il est contrôlé par un cliché fluoroscopique, afin de confirmer une nouvelle fois sa bonne position. Enfin, un trou de glissement est réalisé dans l’épicondyle latéral. La vis peut ensuite être insérée en compression.

Le cliché fluoroscopique est réitéré afin de confirmer la position de la vis, l’absence de mouvement de la réduction anatomique et la compression intracondylienne.

3. Ostéosynthèse supracondylienne

Le point d’insertion de la broche supracondylienne est vérifié par fluoroscopie, et une incision cutanée ponctiforme avec une lame de 11 est réalisée. La broche de Kirschner est ainsi insérée dans la branche supracondylienne et son positionnement peut être contrôlé par fluoroscopie. Cette étape permet également de contrôler l’absence de perte de réduction. Si la stabilité ou l’ancrage de la broche paraît insuffisante, une seconde broche peut être mise en place de la même manière (photos 5b, 6a et 6b).

4. Phase postopératoire

Les broches supracondyliennes sont ensuite recourbées, plaquées et coupées. Lors d’approche percutanée, il est plus difficile de plaquer les broches sur l’os, et un sérome ou une tuméfaction des tissus mous peut parfois se développer en regard de son extrémité.

Un rinçage des zones chirurgicales est réalisé et les deux mini-abords cutanés sont fermés (photo 7). Des radiographies de face et de profil sont réalisées en fin d’intervention afin de confirmer la bonne réduction et le positionnement des implants. Lors de la gestion d’une fracture du condyle huméral latéral, les clichés radiographiques de contrôle sont effectués dans un délai compatible avec la cicatrisation osseuse (photos 8a et 8b). Chez le jeune animal en croissance, une évaluation radiographique toutes les 3 semaines environ est recommandée afin de contrôler la guérison et de traiter avec réactivité toute complication.

Conclusion

La fluoroscopie apporte une aide indéniable pour la prise en charge d’une fracture du condyle huméral latéral. Toutes les étapes clés de la chirurgie sont réalisées et contrôlées grâce à l’utilisation de l’arceau de fluoroscopie. Son emploi est indispensable lorsqu’une approche percutanée exclusive est réalisée, telle que celle décrite dans cet article. Cette approche permet de profiter de tous les avantages d’une chirurgie fermée, et l’utilisation de la fluoroscopie réduit le désavantage majeur de l’absence de visualisation. La fluoroscopie est également appréciable en chirurgie ouverte puisqu’elle apporte confort et sécurité lors de la mise en place des implants.

Références

  • 1. Butterworth SJ, Innes JF. Incomplete humeral condylar fractures in the dog. J. Small Anim. Pract. 2001;42(8):394-398.
  • 2. Carrera I, Hammond GJ, Sullivan M. Computed tomographic features of incomplete ossification of the canine humeral condyle. Vet. Surg, 2008;37(3):226-231.
  • 3. Cook JL, Tomlinson JL, Reed AL. Fluoroscopically guided closed reduction and internal fixation of fractures of the lateral portion of the humeral condyle: prospective clinical study of the technique and results in ten dogs. Vet. Surg. 1999;28:315-321.
  • 4. Martin RB et coll. Prevalence of incomplete ossification of the humeral condyle in the limb opposite humeral condylar fracture: 14 dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2010;23(3):168-172.
  • 5. Moores A. Humeral condylar fractures and incomplete ossification of the humeral condyle in dogs. In: Practice. 2006;28:391-397.
  • 6. Perry KL et coll. Effect of fixation method on postoperative complication rates after surgical stabilization of lateral humeral condylar fractures in dogs. Vet. Surg, 2014.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le contrôle de la réduction d’une fracture traumatique de la partie latérale du condyle huméral est réalisable sous fluoroscopie.

→ La fluoroscopie limite les risques liés à l’insertion des implants en permettant une optimisation du point d’entrée et de l’axe du forage.

→ La réalisation d’un abord percutané permet une intervention chirurgicale moins invasive que les techniques traditionnelles.

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