PNEUMOLOGIE
Dossier
Auteur(s) : Léa Vazquez
Fonctions : Clinique vétérinaire du Grand Saule
89100 Sens
Associant troubles respiratoires et infection souvent grave, un pyothorax doit être rapidement identifié pour optimiser les chances de guérison.
Un pyothorax est caractérisé par un épanchement thoracique septique (photo 1). Il représente en moyenne 16 % de la totalité des épanchements thoraciques [16]. C’est une affection assez peu fréquente mais dont le taux de mortalité reste élevé, allant jusqu’à 44 % selon les études [19]. Le diagnostic repose sur une analyse cytologique en présence de bactéries extra- et intracellulaires, ou sur une bactériologie positive [9].
La cause du pyothorax est identifiée dans seulement 2 à 22 % des cas chez le chien et dans 35 à 67 % des cas chez le chat [23].
De nombreuses études ont été publiées indiquant comment optimiser la prise en charge, médicale ou chirurgicale, de cette maladie. Le choix du traitement du pyothorax reste une étape importante et délicate.
La plèvre est une membrane séreuse qui tapisse la cavité thoracique, les poumons et le médiastin. Les vaisseaux lymphatiques, les artères, les veines et les capillaires parcourent ce tissu et assurent les fonctions physiologiques normales de l’espace pleural (figure 1) [3].
La plèvre forme deux cavités séparées. Chez les animaux sains, l’espace pleural est une cavité contenant 0,1 à 0,3 ml/kg de liquide libre de type transsudat qui lubrifie cet espace, permettant des mouvements de glissement pendant la respiration, ce qui évite les frottements [9].
Normalement, la plèvre pariétale est directement en contact avec la plèvre viscérale (figure 2). Une vraie cavité se forme seulement lorsque du gaz ou du liquide se collecte dans l’espace et sépare les deux couches.
Chez les chiens et les chats sains, la plèvre médiastinale est fenestrée, permettant à l’air et à l’épanchement de circuler librement entre les cavités pleurales droite et gauche. En cas d’inflammation de la plèvre médiastinale, il est possible que ces fenestrations soient obstruées, enfermant le liquide dans une seule cavité. Cependant, c’est un phénomène qui reste peu décrit. Le tissu médiastinal étant fragile, il offre une faible résistance à la diffusion d’un hémithorax à l’autre. Les épanchements bilatéraux sont plus fréquents [15].
La production et l’absorption du liquide pleural résultent d’un processus continu et dynamique, dépendant d’un gradient de pression, de la superficie des membranes pleurales, mais aussi de différents mécanismes de drainage. La formation du liquide et ses mouvements à travers l’espace pleural dépendent de la loi de Starling, et plus particulièrement de la pression hydrostatique, de la pression osmotique, de la perméabilité des capillaires et des fonctions lymphatiques (encadré et figure 3) [17].
L’altération d’une partie de ces forces homéostatiques peut conduire à une accumulation anormale de liquide dans l’espace pleural par différents mécanismes, dont :
– une augmentation de la pression osmotique dans la cavité pleurale ;
– une diminution de la pression osmotique des capillaires pleuraux ;
– une élévation de la pression hydrostatique ;
– une augmentation de la perméabilité des capillaires et une altération de la fuite par les vaisseaux lymphatiques.
En ce qui concerne les pyothorax, les principaux mécanismes mis en jeu sont l’augmentation de la perméabilité des capillaires et l’altération des fonctions des vaisseaux lymphatiques [21].
L’hyperthermie, associée à l’activité pro-inflammatoire des différentes kinines et histamines relarguées, conduit à des lésions endothéliales au sein des capillaires pleuraux. L’augmentation de la perméabilité vasculaire, ainsi que du coefficient de filtration qui en résulte aboutit à une hausse de l’influx de liquide, de protéines, de cellules et de macromolécules dans l’espace pleural. Ainsi, l’épanchement se collecte [9].
De plus, l’inflammation et l’œdème tissulaire, ainsi que les dépôts de fibrine conduisent à un épaississement de la plèvre pariétale costale, lieu principal du drainage lymphatique. La diminution du drainage lymphatique est à l’origine d’une baisse de la résorption des protéines (laquelle repose uniquement sur les vaisseaux lymphatiques), donc d’une augmentation de la pression oncotique. L’altération du gradient de pression osmotique qui en résulte favorise l’arrivée de liquide (transsudat en provenance des capillaires systémiques) dans l’espace pleural, aggravant d’autant plus l’épanchement [23].
Les pyothorax semblent affecter majoritairement les jeunes adultes, avec une moyenne de 3 à 6 ans selon les études.
Il n’existe aucune prédisposition sexuelle ni raciale, bien que les chiens de race de travail et de grand format (poids moyen d’environ 25 kg) semblent être surreprésentés (sans qu’une différence significative n’ait pu être établie statistiquement) [20].
Chez les chats, les animaux qui vivent en collectivité semblent davantage atteints (jusqu’à 3,8 fois plus).
Dans les deux espèces, canine et féline, les mâles sont plus nombreux, sans pour autant qu’une prédisposition sexuelle ait pu être établie de manière statistique. De la même manière, aucune prédisposition lors de statut positif vis-à-vis des virus de l’immunodéficience et de la leucose félines (FIV/FeLV) n’a pu être mise en évidence [15].
Chez le chat, les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont majoritairement non spécifiques et incluent une dysorexie/anorexie, une léthargie, un amaigrissement et un abattement. De plus, une tachypnée est souvent rapportée, avec une toux présente dans 14 à 50 % des cas. Certains animaux sont présentés en détresse respiratoire aiguë, parfois par décompensation d’une atteinte chronique [20].
Les chiens sont généralement présentés pour des symptômes respiratoires tels qu’une dyspnée, une tachypnée, ou parfois pour une léthargie ou une intolérance à l’effort. D’autres symptômes non caractéristiques sont également observés, comme une anorexie, un amaigrissement et une toux. L’atteinte est aussi bien aiguë que chronique [18]. Lors de l’examen clinique, les signes sont le plus souvent non spécifiques, et il n’est pas rare que des animaux soient présentés après plusieurs mois d’évolution [7].
Une hyperthermie est présente dans 28 à 50 % des cas chez le chien et dans moins de 50 % des cas chez le chat. Son absence ne doit donc pas exclure le diagnostic de pyothorax. Une dyspnée inspiratoire s’accompagnant parfois d’une discordance et d’une baisse de l’état général, dont l’intensité est très variable, est aussi fréquemment rencontrée [23].
L’auscultation thoracique peut révéler une augmentation des bruits pulmonaires et un assourdissement des bruits cardiaques.
Dans les cas les plus sévères, des signes de sepsis (hyperthermie ou hypothermie, tachypnée, tachycardie, hypotension) sont parfois observés, notamment chez le chat (dans près de 33 % des cas) [1].
L’origine primaire de l’infection reste le plus souvent inconnue [5]. Cependant, lorsqu’elles sont identifiées, les différentes causes de pyothorax sont les blessures perforantes du poitrail, du cou ou du médiastin (morsures, corps étranger), les perforations œsophagiennes (par corps étranger ou secondairement à la présence de larves enkystées de Spirocerca lupi), les parasites pulmonaires, la propagation d’une pneumonie bactérienne, la diffusion à distance d’un foyer septique par voie hématologique ou lymphatique, l’extension d’une infection cervicale ou lombaire de type spondylodiscite, la présence d’un abcès ou d’une masse tumorale, la migration d’un corps étranger ou encore une contamination iatrogène, notamment à la suite d’une chirurgie thoracique [15, 26].
De nombreux auteurs suggèrent que l’inhalation d’un corps étranger végétal, colonisé par des bactéries de la cavité orale, est la principale cause de pyothorax chez le chien [11]. Cette hypothèse est confortée par la forte prévalence de cette maladie chez les chiens de chasse. En pratique, un corps étranger est identifié dans peu de cas, lors d’une chirurgie ou d’un examen nécropsique. Ce phénomène peut être expliqué par la petite taille des particules végétales, leur localisation, leur possible migration dans l’organisme ou encore leur éventuelle résorption. Ces corps étrangers constitueraient des sources continues d’infection, expliquant la résistance au traitement médical, la chronicité de l’affection et le taux de récidive important [21].
Si, chez les chiens, le corps étranger végétal semble être la cause principale de pyothorax, chez les chats, les différents cas rapportés proviendraient d’une complication de bronchopneumonie, de la rupture d’un abcès pulmonaire, d’une migration parasitaire, d’un corps étranger d’origine œsophagienne ou pulmonaire, ou de blessures thoraciques perforantes (plaies par morsures). La cause prédominante de pyothorax chez le chat reste encore mal définie. De nombreuses études affirment que les morsures perforantes par d’autres chats seraient la cause principale [23, 24]. Ces travaux se fondent sur le fait que les organismes retrouvés dans les pyothorax de chat sont les mêmes que ceux retrouvés dans les abcès de morsures. De plus, les chats qui présentent un pyothorax ont 3,8 fois plus de chance de vivre en communauté. Cependant, une étude rétrospective plus récente a montré que les pyothorax secondaires à la propagation d’une pneumonie étaient beaucoup plus fréquents [2]. Une série de cas décrivant le traitement du pyothorax félin secondaire à une bronchopneumonie par lobectomie pulmonaire confirme cette origine [6].
Une thoracocenthèse diagnostique doit être effectuée pour objectiver l’affection (photo 2). L’analyse bactériologique du liquide d’épanchement met généralement plusieurs populations bactériennes en évidence. Des bactéries anaérobies strictes, parfois associées à des bactéries aérobies, des agents pathogènes à Gram positif ou encore des organismes filamenteux sont communément retrouvés [25].
Les bactéries filamenteuses à Gram posifif jouent un rôle important dans le développement des pyothorax, spécialement lors de migration d’un corps étranger végétal. Le développement d’Actinomyces ou de Nocardia lors de l’examen bactériologique est fréquemment associé à la présence de corps étrangers végétaux. Leur identification doit donc faire suspecter qu’un corps étranger végétal est à l’origine du pyothorax [4]. Cependant, leur mise en culture est délicate, et il n’est pas rare que les résultats soient négatifs. Le diagnostic peut alors être fondé sur l’analyse cytologique du liquide d’épanchement ou l’identification histologique d’éléments évocateurs de particules végétales ou de Nocardia/Actinomyces chez des animaux cliniquement compatibles [8].
Les microbes de la flore buccale et de l’appareil respiratoire supérieur peuvent également profiter d’une rupture de la muqueuse pour déclencher une infection opportuniste. Une fois que l’inoculation s’est produite, la virulence bactérienne et l’efficacité des défenses locales déterminent le risque d’infection.
Chez le chien, la cause du pyothorax reste souvent inconnue, mais l’inhalation d’un corps étranger végétal semble être le facteur initial dans de nombreux cas. Chez le chat, la propagation d’une bronchopneumonie représenterait la cause principale de cette affection. Il convient d’inclure les blessures pénétrantes ou la diffusion d’une infection par voie systémique. L’altération des forces de Starling, telle que l’élévation de la pression hydrostatique, l’augmentation de la perméabilité des capillaires, la diminution du drainage lymphatique ou la baisse de la pression osmotique colloïde, pourrait favoriser l’accumulation de liquide dans la cavité pleurale, contribuant à la haute morbidité communément associée au pyothorax.
La bonne connaissance des mécanismes sous-jacents permet d’inscrire l’examen clinique de départ dans une démarche diagnostique appropriée.
Aucun.
Filtration nette = LA ((Pc - Ppl) - σ(Πc - Πpl)),
où LA est le coefficient de filtration ;
P, la pression hydrostatique ;
c, le capillaire ;
pl, le liquide pleural ;
σ, le coefficient de réflexion protéique ;
Π, la pression osmotique.
Maladies respiratoires du chien et du chat. J. Hernandez et coll.2013:401p.
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