PNEUMOLOGIE
Dossier
Auteur(s) : Émilie Fauchon
Fonctions : CHV Frégis 43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
Le pyothorax est objectivé avec deux examens simples et classiques : la radiographie et l’analyse cytobactériologique de l’épanchement. L’échographie et l’imagerie en coupe apportent des compléments permettant d’optimiser la prise en charge.
Le diagnostic de pyothorax chez le chien et le chat est en général simple à établir et rapide dès lors qu’un épanchement pleural est identifié. Le pyothorax doit être évoqué dans le diagnostic différentiel de tout animal dont les commémoratifs et l’examen clinique sont compatibles(1). Les examens complémentaires d’imagerie médicale permettent de mettre en évidence l’épanchement pleural et, le cas échéant, des lésions thoraciques concomitantes. Les analyses cytologique et bactériologique du liquide d’épanchement établissent le diagnostic de certitude [11].
Les résultats des analyses biologiques sanguines et urinaires ne sont pas spécifiques lors de pyothorax, et ces examens sont généralement réalisés afin d’optimiser la prise en charge de l’animal.
L’anomalie fréquemment rencontrée lors de l’examen hématologique est une leucocytose neutrophilique, avec ou sans virage à gauche, chez 56 à 93 % des chiens et 36 à 73 % des chats [1, 2]. Cependant, l’absence de celle-ci ne permet pas d’exclure un pyothorax, ni même un sepsis car la séquestration des granulocytes neutrophiles peut se traduire par une neutropénie, avec un virage à gauche dégénératif. Une étude chez le chat a montré un taux de leucocytes plus élevé chez les animaux qui ont survécu. La leucocytose pourrait donc constituer un facteur pronostique favorable [13].
Une anémie normocytaire normochrome discrète à modérée est aussi fréquemment observée, plutôt commune chez les animaux présentant une inflammation chronique.
Les analyses biochimiques sériques peuvent révéler une hypoprotéinémie, une hypo- ou une hyperglycémie, des désordres électrolytiques, et une augmentation des enzymes hépatiques et de la bilirubine totale. Aucun de ces paramètres n’est identifié comme facteur pronostique.
Le liquide d’épanchement est collecté lors d’une thoracocentèse diagnostique et/ou thérapeutique. Celle-ci peut être réalisée sous contrôle échographique si le liquide est difficile à prélever, notamment en raison de sa faible quantité. Le recueil doit se faire avant tout traitement antibiotique, avec de 5 à 10 ml prélevés de façon stérile. La thoracocentèse est pratiquée dans la position la mieux tolérée par l’animal : en décubitus sternal ou latéral. Une zone de ponction est tondue et nettoyée de façon stérile entre le sixième et le huitième espace intercostal bilatéralement. L’aiguille est insérée à hauteur de la jonction chondro-costale, pour aspirer l’épanchement pleural, et cranialement à la côte, afin d’éviter les vaisseaux intercostaux qui cheminent caudalement à cette dernière. L’angle d’insertion est d’environ 30° pour limiter toute lésion traumatique pulmonaire.
Une partie du recueil est placée dans un tube EDTA pour évaluer la densité, la cellularité et le taux de protéines, et réaliser l’analyse cytologique. L’autre partie est distribuée entre, d’une part, un tube sec pour l’analyse biochimique et, d’autre part, un milieu de transport (Portagerm®) pour l’analyse bactériologique (cultures bactéries aérobies, anaérobies, et mycoplasmes). Le prélèvement pour l’analyse bactériologique doit être transmis au plus vite au laboratoire, dans la journée.
L’analyse du liquide d’épanchement porte sur ses caractéristiques macroscopiques, chimiques et cytologiques. Les caractéristiques macroscopiques sont la quantité, la couleur, l’opacité, la viscosité, l’aspect granuleux ou non, et l’odeur. Les épanchements septiques sont, en général, troubles et opaques, visqueux, malodorants et de couleur variable (brun à marron, beige à verdâtre, sanguinolant, avec un aspect de “sauce tomate”). Bien que rare, l’aspect spécifique du liquide d’épanchement lors d’infection à Nocardia doit être mentionné : des débris en suspension peuvent alors être présents, notamment chez le chien, où ils prennent la forme de “granules soufrés”.
Une analyse du taux de protéines et de la cellularité est également requise afin de faire la distinction entre un transsudat, un transsudat modifié et un exsudat (tableau) [7]. Dans le cadre d’un pyothorax, le liquide d’épanchement est un exsudat, mais l’exsudat n’est pas pathognomonique d’un pyothorax.
Les lactates déshydrogénases (LDH), le pH et le glucose peuvent également être dosés lors de la caractérisation de l’épanchement pleural. Dans une étude, un taux de LDH supérieur à 200 UI/l, un liquide acide et un taux de glucose inférieur à 30 mg/dl sont compatibles avec un exsudat septique chez le chat [8]. En médecine humaine, un taux élevé de LDH dans un épanchement pleural est évocateur d’une lésion cellulaire ou d’une inflammation [10]. Cependant, aucune étude n’a encore démontré l’utilité de ces paramètres biochimiques dans le diagnostic du pyothorax chez le chien.
En attendant les résultats des analyses bactériologiques, la mise en évidence de bactéries intracellulaires et de neutrophiles dégénérés lors de l’analyse cytologique confirme le diagnostic initial de pyothorax (technique “gold standard”) (photos 1a et 1b). Une étude a révélé que les bactéries étaient visualisées lors de l’examen cytologique dans 91 % des cas chez le chat et 68 % des cas chez le chien [3].
La radiographie thoracique est la modalité d’imagerie de première intention pour établir le diagnostic d’épanchement pleural en médecine aussi bien humaine et que vétérinaire. Cependant, si la détresse respiratoire est marquée, une thoracocentèse thérapeutique doit être réalisée avant les clichés. Si l’échographie n’est pas disponible, une seule image en incidence dorso-ventrale peut être effectuée pour confirmer un volumineux épanchement pleural, en limitant le stress le plus possible.
Si les radiographies sont réalisées avant la thoracocentèse, les images obtenues dépendent de la quantité d’épanchement et de la position de l’animal (photos 2a et 2b). Les principaux signes observés sont :
– des scissures interlobaires élargies d’opacité liquidienne (plus visibles sur les incidences latérales et ventro-dorsale). Une quantité de 100 ml de liquide au moins est nécessaire chez un chien de taille moyenne pour observer l’élargissement des scissures interlobaires ;
– une rétraction du contour des lobes pulmonaires de la paroi thoracique avec une opacification liquidienne interposée entre les deux structures (plus visible sur les incidences ventro-dorsale et dorso-ventrale). Le degré de rétraction est lié à la quantité de liquide ;
– une plage d’opacification liquidienne homogène aux contours festonnés dorsalement au sternum (visible sur les incidences latérales) ;
– une perte des contours de la silhouette cardiaque (plus marquée sur l’incidence dorso-ventrale) ;
– une perte des contours diaphragmatiques (visible sur toutes les incidences) ;
– une opacification interstitielle généralisée du champ pulmonaire, compatible avec une atélectasie pulmonaire, lors d’épanchement pleural volumineux [12].
Il n’existe pas de signe radiographique permettant de différencier un transsudat d’un exsudat. Cependant, une répartition asymétrique est fréquemment observée lors d’exsudat en raison de la viscosité de l’épanchement et d’une potentielle fermeture des fenestrations médiastinales. Un épanchement unilatéral évoque en premier lieu un pyothorax, parmi les causes d’exsudat. Il est plus facilement identifié sur les incidences ventro-dorsale ou dorso-ventrale. Il peut également être associé à un déplacement médiastinal controlatéral.
Lors de pyothorax marqué, il est possible d’observer des signes de périostite costale.
Il convient de renouveler l’examen radiographique après le drainage de l’épanchement pleural, afin d’évaluer le parenchyme pulmonaire et d’identifier éventuellement une lésion responsable du pyothorax, telle qu’une masse ou un corps étranger.
Grâce à l’équipement de plus en plus répandu des vétérinaires en matériel échographique, notamment avec des appareils portables, le diagnostic d’épanchement pleural chez les animaux critiques en détresse respiratoire peut être rapidement établi.
Cet examen est utile pour identifier et caractériser l’épanchement. Il est habituellement réalisé en décubitus latéral ou sternal, notamment lors de détresse respiratoire marquée. La sonde microconvexe, sectorielle ou même linéaire, est placée entre deux côtes adjacentes lors d’abord intercostal. Un abord transdiaphragmatique peut également être utilisé, notamment lors de la réalisation d’un examen échographique abdominal en décubitus dorsal.
L’épanchement pleural apparaît comme une image liquidienne anéchogène ou échogène séparant la paroi thoracique et le diaphragme de la surface pulmonaire (photos 3a et 3b). L’échogénicité de l’épanchement doit être évaluée car elle renseigne sur la cellularité du liquide. Un exsudat apparaît habituellement échogène, de même qu’un épanchement pleural tumoral malin ou qu’un hémothorax. Pour distinguer un épanchement pleural d’une structure kystique pleurale, un examen échographique dans différentes positions est recommandé. Le liquide libre s’accumule en région déclive, alors que la position d’une cavité liquidienne ne varie pas avec le changement de décubitus. Lors d’épanchement pleural chronique, des bandes échogènes peuvent être observées dans l’espace pleural, compatibles avec des bandes de fibrine ou d’adhérences pleurales.
Des lésions pleurales sont également parfois observées. La plèvre apparaît épaissie, irrégulière, et présente des nodules ou des masses. Ces lésions, facilement identifiables lors d’épanchement pleural, sont évocatrices d’une pleurésie ou d’un processus tumoral pleural (carcinomatose, mésothéliome ou métastases) [4].
L’examen tomodensitométrique est utilisé en routine dans l’exploration des empyèmes thoraciques en médecine humaine. Il est de plus en plus employé en médecine vétérinaire, car il permet de préciser l’extension et la distribution des lésions, et renseigne la recherche d’une cause sous-jacente éventuelle. Le scanner est plus sensible dans la détection d’un épanchement pleural discret [13, 14]. Il peut également être utile chez les animaux réfractaires au traitement classique par des drains thoraciques afin d’identifier des épanchements focaux ou compartimentés sous forme de “poches”.
Il permet d’évaluer l’intégralité de la cavité thoracique, comprenant notamment le médiastin, le parenchyme pulmonaire, l’espace pleural, la plèvre et le reste de la paroi thoracique.
Les principaux signes observés en tomodensitométrie sont les suivants :
– un épaississement de la plèvre, notamment lors de l’acquisition postcontraste ;
– un “split pleura sign”, ou signe de scission pleurale, décrit comme étant la prise de contraste des plèvres pariétale et viscérale séparées par du liquide pleural en médecine humaine. Il peut également être observé dans les récessus costo-diaphragmatiques de l’espace pleural, dû à la présence d’un épanchement piégé dans les replis costo-phréniques de la plèvre pariétale. Même si ce signe n’est pas spécifique, lorsqu’il est associé à des symptômes tels qu’une hyperthermie et une pneumonie, il est fortement évocateur d’un empyème pleural ;
– des “poches” d’épanchement cloisonnées de forme elliptique ou lenticulaire ;
– la présence d’air dans l’espace pleural, qui résulte habituellement d’une thoracocentèse récente, d’une infection par des bactéries gazogènes ou encore d’une fistule broncho-pleurale secondaire à la présence d’un corps étranger bronchique migrant, par exemple (photos 4a, 4b et 4c) [5, 6].
En médecine vétérinaire, le scanner permet également l’identification de lésions telles qu’un abcès ou un corps étranger, qu’il est important de détecter car ils requièrent une prise en charge chirurgicale. Les signes évoquant un abcès pulmonaire sont les suivants :
– un nodule ou une masse pulmonaire ;
– du matériel de densité tissulaire/liquidienne ne rehaussant pas après injection de produit de contraste, pouvant être associé à la présence de gaz, et une paroi régulière présentant un rehaussement significatif ;
– un corps étranger hyperatténuant au sein de l’abcès.
Cependant, ces signes peuvent également évoquer un granulome ou un processus néoplasique.
Une étude a montré que, chez les chats et les chiens qui présentent un corps étranger migrant intrathoracique (épillet), le scanner a permis d’identifier sa trajectoire et a mis en évidence plus de lésions que les examens radiographique et échographique [9].
Son coût élevé, sa faible disponibilité et la nécessité d’une anesthésie générale constituent des limites à l’emploi de cet examen lors de pyothorax.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet également de réaliser un examen en coupes du thorax, apportant globalement les mêmes informations que la tomodensitométrie. Cette modalité est très peu utilisée en médecine vétérinaire dans l’évaluation du thorax en raison de sa faible disponibilité, de son coût élevé et, surtout, des multiples artefacts de mouvements (respiratoires et cardiaques), nécessitant la mise en œuvre de techniques avancées pour obtenir une qualité suffisante d’images.
Lors de suspicion clinique de pyothorax, le diagnostic de certitude est simple à établir avec une démarche rigoureuse. L’épanchement pleural est mis en évidence par un examen d’imagerie en première intention, radiographie ou échographie thoracique. Puis, l’épanchement est ponctionné en vue d’une analyse cytologique et bactériologique. La mise en évidence de bactéries intracellulaires et de granulocytes neutrophiles dégénérés lors de l’analyse cytologique confirme le diagnostic. S’ils sont souhaités ou possibles, les examens d’imagerie en coupes sont utilisés pour préciser les lésions et rechercher une cause sous-jacente, afin d’optimiser la prise en charge thérapeutique.
(1) Voir l’article “le pyothorax : démarche étiologique et symptômes” de léa vazquez, dans ce numéro.
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