Gestion chirurgicale d’un trichobézoard chez un cochon d’Inde péruvien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 367 du 01/07/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 367 du 01/07/2016

NAC

Cas clinique

Auteur(s) : Clémence Hurtrel*, Florent Modesto**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Brasseur
6, rue Deschamps
7170 Manage
Belgique
**Clinique vétérinaire Brasseur
6, rue Deschamps
7170 Manage
Belgique

Les trichobézoards chez le cochon d’Inde présentent quelques particularités par rapport à ceux des lapins, qui influencent leur prise en charge.

Contrairement à ce qui est observé chez le lapin, le trichobézoard est rarement diagnostiqué chez le cochon d’Inde [15]. Cependant, lorsqu’une masse abdominale craniale est mise en évidence lors de l’examen physique, il doit faire partie intégrante du diagnostic différentiel. Ce cas clinique présente la gestion chirurgicale associée au diagnostic d’une telle affection chez le cochon d’Inde.

CAS CLINIQUE

Un cochon d’Inde femelle péruvien (Cavia aperea porcellus) non stérilisé et âgé de 4 ans et demi (665 g, état corporel de 2,5/5) est présenté en consultation pour une dysorexie depuis une semaine et une anorexie depuis 12 heures, sans arrêt du transit. Un ptyalisme est également observé depuis quelques jours.

1. Commémoratifs

L’animal vit en semi-liberté avec une autre femelle, dans une cage ouverte sur la pièce à vivre. Il reçoit chaque jour 20 mg/kg de granulés (Selective, Supreme Science®), du foin de Crau à volonté et une variété de légumes frais (fanes de carottes, coriandre, aneth, poivrons rouges, etc.). Son alimentation a été modifiée 6 mois auparavant, à la suite du développement d’une malocclusion dentaire chez sa congénère. Le propriétaire ne brosse pas souvent son animal malgré une perte de poils importante en période de mue. Aucun antécédent médical n’est rapporté.

2. Examen général

À l’examen physique, le cochon d’Inde est alerte mais calme. Un ptyalisme est présent. La palpation abdominale révèle un inconfort abdominal cranial, associé à la présence d’une masse ferme bien circonscrite et non dépressible d’un diamètre approximatif de 4 cm. Cette dernière est non adhérente et aisément mobilisable. Les paramètres physiologiques du cobaye sont dans les normes (tableau).

L’examen dentaire révèle une malocclusion sévère avec une élongation et une déviation linguale des plateaux mandibulaires droit et gauche (photo 1). La langue se retrouve consécutivement entrappée par les dents. Une irrégularité des plateaux maxillaires est également notée. Une ulcération jugale du côté droit, associée à un aplatissement et à une élongation des prémolaires et des molaires, est présente.

3. Bilan clinique et hypothèses diagnostiques

L’examen clinique met en évidence une malocclusion dentaire sévère pouvant être à l’origine de l’anorexie et du ptyalisme. Cependant, l’implication de la masse abdominale craniale dans la symptomatologie n’est pas encore déterminée à ce stade. Des examens complémentaires sont nécessaires pour étudier cette structure. Le diagnostic différentiel comprend une affection digestive (trichobézoard, carcinome gastrique, abcès de la paroi digestive, impaction gastrique) ou extradigestive (hémangiosarcome de la rate, kyste ovarien, carcinome ovarien, lymphadénite abcédative, adénocarcinome hépatique, etc.).

4. Examens complémentaires

Une échographie abdominale est réalisée dans un premier temps afin d’évaluer la structure palpée. L’examen révèle une masse centrale anéchogène probablement localisée dans la lumière gastrique et générant un cône d’ombre acoustique postérieur (photo 2). Aucune autre anomalie n’est détectée.

Des radiographies ventro-dorsale et latérale sont ensuite réalisées (photos 3a et 3b). L’estomac apparaît modérément dilaté par un contenu tissulaire, liquidien et gazeux, mais l’examen ne permet pas d’identifier clairement une masse digestive ou extradigestive. Une dilatation gazeuse des anses intestinales est cependant observée cranialement. Le reste du tube digestif présente un important contenu hétérogène, probablement d’origine alimentaire, compatible avec une stase digestive.

À ce stade, les résultats d’imagerie sont compatibles avec le diagnostic de trichobézoard gastrique. Néanmoins, il est difficile d’exclure les autres hypothèses, car une structure tissulaire pourrait être occultée par un contenu alimentaire gastrique important.

5. Prise en charge et traitement

Un parage dentaire est tout d’abord effectué sous anesthésie flash (isoflurane) et contrôle endoscopique. Une fraise ronde de dentisterie est utilisée pour rétablir l’inclinaison physiologique de 30° des plateaux mandibulo-maxillaires et corriger l’élongation pathologique des couronnes dentaires. Un anti-inflammatoire non stéroïdien est administré (méloxicam, à la dose de 0,5 mg/kg, par voie sous-cutanée [SC]), ainsi qu’un analgésique (buprénorphine, 0,2 mg/kg, SC) et des solutés cristalloïdes isotoniques tiédis (Ringer lactate, 20 ml/kg, SC, soit 40 ml).

À partir des divers résultats d’imagerie, une laparotomie pourrait être recommandée. Cependant, l’implication réelle de la masse dans les symptômes présentés par l’animal n’est pas prouvée à ce stade. La malocclusion dentaire seule est susceptible d’expliquer l’anorexie. Pour des raisons budgétaires et au vu des anomalies dentaires, les propriétaires préfèrent, dans un premier temps, observer l’évolution à la maison après le parage dentaire. Le cochon d’Inde reçoit un anti-inflammatoire (méloxicam, 0,5 mg/kg, per os [PO], une fois par jour, pendant 2 jours), un analgésique (tramadol, 11 mg/kg, PO, deux fois par jour pendant 3 jours) et un antiacide (ranitidine, 3 mg/kg, PO, deux fois par jour pendant 7 jours). La papaïne ou la bromélaïne n’ont pas été testées en raison de l’absence d’études chez les nouveaux animaux de compagnie et de leur inefficacité en médecine humaine aux doses utilisées (effets secondaires déjà observés à ces doses : ulcération gastrique et perforation de l’œsophage) [3, 8]. Une réhydratation orale (eau de bouteille), ainsi qu’un gavage liquide à faible dose (Critical Care®, 2 à 3 ml au maximum trois fois par jour) sont conseillés si l’animal ne reprend pas rapidement une alimentation autonome. Les propriétaires rapportent que le cochon d’Inde recommence à manger et à émettre des selles dans les 12 heures suivant le parage.

Un mois après cette visite, le cochon d’Inde est présenté pour un suivi dentaire. L’animal ne présente aucune anomalie, mange correctement et émet des selles de consistance et de forme normales. La masse est toujours palpable et semble avoir légèrement augmenté de taille.

Neuf semaines après la première visite, l’animal est présenté pour son deuxième suivi dentaire. En raison de la persistance de la masse, les propriétaires décident d’effectuer la laparotomie afin de procéder à son retrait. Une échographie de contrôle est réalisée, qui ne montre aucun changement par rapport au premier examen. Le cochon d’Inde ne présente pas de signe clinique associé, mais la persistance d’une telle structure est anormale et justifie l’intervention chirurgicale tant que l’état général de l’animal est conservé.

6. Intervention chirurgicale

Le cochon d’Inde est hospitalisé le matin de l’opération et mis à jeun 30 minutes avant celle-ci afin d’éviter la présence d’aliments dans le tractus digestif supérieur. La prémédication est réalisée à l’aide de médétomidine (0,1 mg/kg, par voie intramusculaire [IM]), de morphine (1 mg/kg, IM) et de glycopyrrolate (0,02 mg/kg, SC). Un cathéter intraveineux (26 G) est placé dans la veine céphalique droite. Des injections d’enrofloxacine (10 mg/kg, SC) et de méloxicam (1 mg/kg, SC) sont effectuées une demi-heure après le début de la perfusion (Ringer lactate, 10 ml/kg/h, par voie intraveineuse [IV]). À la suite du récent décret sur la restriction d’usage des antibiotiques critiques, l’enrofloxacine ne doit plus être utilisée en première intention. L’animal est ensuite rasé. L’isoflurane est employé pour l’induction (2 à 3 %) et la maintenance (2,5 %) de l’anesthésie (masque).

Le monitoring technique est assuré par un électrocardiogramme, un oxymètre de pouls et une sonde thermique intrarectale. L’animal est ensuite placé en décubitus dorsal sur un tapis chauffant et l’asepsie de l’abdomen ventral est effectuée à l’aide de chlorhexidine (photo 4).

Un champ semi-transparent est placé et suturé au niveau de l’abdomen cranial avec du fil 5.0. L’incision cutanée est réalisée à 1 cm de l’appendice xyphoïde jusqu’à l’ombilic à l’aide d’une lame n° 15. La laparotomie révèle une dilatation marquée de l’estomac et la masse recherchée est palpable à l’intérieur (photo 5a). L’organe est alors isolé à l’aide de compresses humides afin de prévenir toute contamination par le contenu gastrique lors de son ouverture. Des fils de traction (monofilament 5.0 Biosyn®) sont placés de part et d’autre de la grande courbure afin de maintenir la paroi de l’organe tendue (photo 5b). L’estomac est incisé sur 5 cm entre ces deux points (photo 5c). La masse est identifiée et extériorisée. Celle-ci est constituée de poils et de particules de nourriture fortement agglomérés (photo 6). Une fois la structure retirée, l’estomac est rincé à l’aide d’une solution saline tiède. Une quantité de 50 mg/kg de sucralfate liquide est directement instillée dans l’estomac en prenant soin de ne pas contaminer la cavité abdominale, ni le champ opératoire (solution non stérile). La plaie de gastrotomie est ensuite suturée en deux plans avec du fil résorbable (monofilament 4.0 Biosyn® à aiguille ronde) (photo 7). Le premier plan est réalisé à l’aide d’un surjet simple. Le second, servant à enfouir la plaie, fait appel à des points simples. La paroi abdominale est refermée par un surjet simple (monofilament 3.0 Biosyn®) et la peau par un surjet intradermique (monofilament 4.0 Biosyn®). Le réveil du cochon d’Inde se déroule sans incident après maintien sous oxygène et contrôle de la température.

7. Suivi postopératoire

Durant son hospitalisation, l’animal est réhydraté par voie sous-cutanée avec du Ringer lactate. Le cathéter intraveineux a été retiré 6 heures après l’intervention chirurgicale du fait d’un défaut de circulation des fluides. En raison de la taille du cathéter, de la position latéro-dorsale de la veine et de la petite taille des pattes du cobaye, il arrive que la sortie du cathéter soit comprimée lorsque le membre est replié contre le corps. Après un certain temps, une obstruction ou un passage sous-cutané des fluides peut alors se produire.

Un traitement est mis en place, qui associe un protecteur des muqueuses (sucralfate, 30 mg/kg, PO, deux fois par jour), un antiacide (ranitidine, 3 mg/kg, PO, deux fois par jour), une double antibiothérapie (métronidazole, 20 mg/kg, PO, deux fois par jour, enrofloxacine, 10 mg/kg, PO, deux fois par jour), ainsi qu’une pâte probiotique (Fibreplex®, 1 ml, trois fois par jour, afin de maintenir la stabilité de la flore digestive en phase postopératoire et sous antibiothérapie). L’analgésie est assurée par une injection de morphine à la dose de 1 mg/kg, IM, toutes les 4 heures pendant les 16 premières heures, puis à l’aide de buprénorphine, 0,2 mg/kg, SC, toutes les 8 heures.

L’état général du cochon d’Inde est stable. L’animal recommence à se nourrir de façon autonome (végétaux et Critical Care® pour herbivores) seulement 6 heures après la chirurgie. L’émission de selles est observée dans les 24 heures (petites et molles). L’animal rentre au domicile de son maître 2 jours après l’acte chirurgical. Afin de prévenir la récidive de trichobézoards, il est conseillé au propriétaire d’améliorer la ration du cochon d’Inde (fibres en plus grande quantité, sous la forme de foin de qualité à volonté, 100 à 150 g de légumes verts feuillus, introduction de bâtonnets de fibres Vetcare Plus® Digestive Health Formula), de le brosser fréquemment et d’effectuer des suivis dentaires réguliers.

Le cochon d’Inde est revu en consultation de contrôle 1 semaine après l’intervention chirurgicale. La plaie a bien cicatrisé et son état général est bon, sans anomalie retrouvée à l’examen clinique. Il mange normalement et émet des selles de forme correcte.

À 2 et 7 mois postopératoires, il est revu pour un suivi dentaire. Aucune autre anomalie que la malocclusion dentaire n’est relevée.

DISCUSSION

Les bézoards sont bien connus chez le lapin, mais encore peu décrits chez le cochon d’Inde [6, 12, 15]. Deux types de bézoards sont distingués : le phytobézoard (impaction d’aliments) et le trichobézoard (agrégation de poils) [6, 12].

1. Étiologie

Chez le lapin comme chez les rongeurs, une multitude de facteurs interviendraient dans la formation de trichobézoards gastriques. En effet, le toilettage excessif pendant la période de mue, le léchage induit par l’application de médicament sur la peau, ainsi qu’une trichophagie secondaire (carence en fibres, ennui) peuvent contribuer à augmenter l’ingestion de poils [5, 12, 15]. Lorsque cette accumulation est associée à une diminution de la motilité gastro-intestinale (stress, malnutrition, douleur, manque d’exercice, etc.), il en résulte une impaction du contenu gastrique. Cette dernière peut alors conduire à la formation d’un trichobézoard et compromettre la vidange de l’estomac [10, 12].

Comme chez la plupart des rongeurs, les dents des cochons d’Inde sont à croissance continue [2]. Pour cette raison, la mastication d’aliments fibreux (principalement) est primordiale pour assurer une usure correcte des dents [4]. L’apport d’une quantité inadéquate de fibres brutes amène fréquemment le cochon d’Inde à développer un comportement trichophage entraînant une diminution de la densité de poils après 4 semaines [4, 12]. Cette cause de trichophagie est également connue chez le lapin [11]. La qualité de foin a aussi son importance, la même anomalie comportementale étant susceptible d’apparaître lorsque celui-ci contient un taux trop faible de protéines brutes (< 23 %). L’apport en foin a donc une influence sur la densité du pelage des rongeurs et des lagomorphes. De plus, le foin à volonté permet de promouvoir une motilité gastrique efficace et d’assurer le transport du bol alimentaire, ce qui contribue également à réduire le développement de trichobézoards [10, 12, 15].

Les trichobézoards gastriques du cochon d’Inde sont de consistance plus solide que ceux retrouvés chez le lapin [15]. Ils semblent former une seule masse compacte, ronde à ovale, pouvant mesurer de 4 à 5 cm de diamètre [1, 15]. Chez le lapin, il s’agit, dans la plupart des cas, de petites masses reliées entre elles par des poils [5, 6]. Le cochon d’Inde péruvien, à poils longs, semble plus prédisposé que les autres races de cochon d’Inde au développement des trichobézoards [15]. Ce n’est pas le cas pour le lapin de race angora, qui n’est pas plus sujet au développement de trichobézoards que les autres lapins, à poils courts ou mi-longs [13]. Ces derniers semblent être sensibles à d’autres facteurs prédisposants comme la déshydratation et l’anorexie. Ce qui diminue les mouvements gastriques et conduit, in fine, à l’impaction du contenu gastrique [9].

2. Signes cliniques

Les signes cliniques décrits lors de trichobézoards chez le lapin sont souvent non spécifiques [5]. Ils peuvent se caractériser par un changement de comportement, une diminution de production des selles, une baisse de l’appétit et de l’activité (prostration), un bruxisme et un mal-être général [14]. Une masse située dans l’abdomen cranial gauche peut être palpée lors de l’examen général, mais cela reste peu concluant. Dans d’autres cas, il est plus facile d’identifier l’estomac, qui peut paraître anormalement ferme ou dilaté à la palpation abdominale. Cela semble s’appliquer également aux cobayes.

3. Examens complémentaires

Aucune image radiographique pathognomonique ne peut être observée. En effet, les trichobézoards sont difficiles à distinguer du contenu digestif normal. Néanmoins, dans certains cas, ils sont visibles grâce à l’accumulation de gaz autour du corps étranger. L’utilisation d’un produit de contraste peut être utile pour identifier la masse au sein de l’estomac, mais cette procédure (injection par voie orale d’un produit de contraste et réalisation de plusieurs clichés radiographiques sans anesthésie) est parfois stressante pour le cochon d’Inde [1].

L’échographie abdominale est un examen plus approprié que la radiographie dans le cas d’un trichobézoard. Elle permet d’évaluer le contenu gastrique et également d’examiner les autres organes abdominaux tels que le foie, par exemple [5]. En effet, la lipidose hépatique est une complication fréquente chez les cochons d’Inde présentant un épisode d’anorexie [7]. Cependant, si une accumulation de gaz se trouve dans l’estomac, l’utilité de l’échographie devient limitée [15]. Dans le cas décrit, l’examen échographique montre une masse hypoéchogène probablement localisée dans l’estomac, complétée d’une ombre acoustique postérieure. Le scanner est aussi un examen de choix pour différencier aisément une structure digestive ou extradigestive. Cependant, l’échographie peut être envisagée dans un premier temps ou pour des raisons budgétaires, afin d’orienter le diagnostic.

4. Traitement

Chez le lapin, en raison de la forme que prennent les trichobézoards gastriques, un traitement médical est souvent proposé dans un premier temps. Celui-ci est adapté selon l’évaluation radiographique de l’ensemble du tube digestif et le bilan sanguin de stase. Son objectif est d’assurer, en premier lieu, la réhydratation par une fluidothérapie agressive, puis de gérer la douleur (par injection ou en perfusion continue) et, enfin, d’apporter les soins de support nécessaires (protecteurs de muqueuse, anti­acides, exercice, etc.) [9, 12, 14].

En revanche, en raison des caractéristiques des trichobézoards, le traitement médical présente une efficacité très limitée chez le cochon d’Inde. La masse gastrique représentant potentiellement une future cause d’obstruction gastro-intestinale, le retrait du corps étranger par la gastrotomie semble être la meilleure option thérapeutique [15]. En raison de la taille du trichobézoard et de l’anatomie du cobaye, un retrait par gastroscopie ne peut être envisagé dans cette espèce. Des précautions particulières doivent être prises lors de la laparotomie (encadré 1).

Dans le cas décrit, sur la base de la palpation abdominale et de l’échographie révélant la présence d’une masse, une laparotomie est proposée, qui permet d’identifier et d’extérioriser un trichobézoard de forme ovoïde, mesurant 3 cm sur 5 cm. La technique chirurgicale de la gastrotomie est semblable à celle décrite chez les carnivores domestiques. Malgré la petite taille de l’estomac, une suture en deux plans est fortement préconisée afin d’assurer une cicatrisation adéquate de l’organe [5, 15].

Les complications postopératoires étant fréquentes chez les rongeurs, des soins de support pendant l’hospitalisation sont indispensables avant et après la gastrotomie (encadré 2) [14].

5. Prévention

Afin de prévenir la récurrence des trichobézoards gastriques, plusieurs mesures doivent être envisagées. Tout d’abord, il convient de fournir un accès à une alimentation riche en fibres. Un foin de haute qualité sera distribué ad libitum (longues fibres, couleur verte prononcée, odeur aromatique à l’ouverture du paquet, foin aéré et sec, non compressé dans le sachet). Plusieurs légumes verts feuillus sont aussi à intégrer dans le régime de l’animal, à raison de 4 à 5 % du poids vif. Les extrudés doivent contenir un pourcentage de fibres brutes d’au moins 19 % [4, 7]. Ensuite, une discussion avec les propriétaires à propos des conditions de vie de l’animal permet d’identifier et de réduire les facteurs de stress environnementaux. Une augmentation de l’exercice physique est également à considérer. Enfin, certains cliniciens suggèrent l’utilisation d’une pâte lubrifiante (complément pour chats à base d’huile de paraffine ou de vaseline), en prévention de la formation d’agrégations de poils (deux ou trois fois par semaine) [15]. Néanmoins, aucune étude n’a démontré l’effet bénéfique du lubrifiant sur la prévention des trichobézoards chez les rongeurs, raison pour laquelle il n’a pas été utilisé ici.

Conclusion

Les trichobézoards sont rarement décrits chez le cochon d’Inde. Cependant, l’obstruction gastro-intestinale due à ces derniers devrait faire partie du diagnostic différentiel lorsqu’un cobaye à poils longs est présenté en consultation pour une anorexie. Les trichobézoards des cochons d’Inde sont décrits comme constituant une seule masse très solide, ce qui réduit considérablement les chances de lever l’obstruction avec un traitement conservateur. L’intervention chirurgicale apparaît donc comme le traitement de choix des trichobézoards chez le cochon d’Inde.

Références

  • 1. Bennett R, Russo EA. What is your diagnosis? Soft tissue density mass in the stomach consistent with trichobezoar or phytobezoar. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1985;186(8):812-814.
  • 2. Crossley DA. Clinical aspects of rodent dental anatomy. J. Vet. Dent. 1995;12(4):131-135.
  • 3. Ersoy YE, Ayan F, Ayan F, Ersan Y. Gastro-intestinal bezoars: thirty-five years experience. Acta Chir. Belg. 2009;109(2):198-203.
  • 4. Gerold S, Huisinga E, Iglauer F et coll. Influence of feeding hay on the alopecia of breeding guinea pigs. Zentralbl Veterinarmed A. 1997;44(6):341-348.
  • 5. Gillett N, Brook D, Tillmann P. Medical and surgical management of gastric obstruction from hairball in the rabbit. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1983;183(11):1176-1178.
  • 6. Harcourt-Brown FM. Gastric dilatation and intestinal obstruction in 76 rabbits. Vet. Rec. 2007;161(12):409-414.
  • 7. Hawkins MG, Bishop CR. Disease problems of Guinea pigs. In: Quesenberry KE, Carpenter JW, eds. Ferrets, rabbits, and rodents: Clinical medicine and surgery. 3rd ed. Elsevier Saunders, St. Louis. 2012:596p.
  • 8. Iwamuro M, Okada H, Matsueda K et coll. Review of the diagnosis and management of gastrointestinal bezoars. World J. Gastrointest. Endosc. 2015;7(4):336-345.
  • 9. Krempels D, Cotter M, Stanzione G. Ileus in domestic rabbits. Exotic DVM. 2000;2(4):19-21.
  • 10. Mayer J, Donnelly T. Rabbits: Gastric disorders. In: Clinical veterinary advisor: Birds and exotics. Elsevier Saunders, St. Louis. 2013:752p.
  • 11. Mondald D, Risam KS, Sharma SR et coll. Prevalence of trichobezoars in angora rabbits in sub-temperate Himalayan conditions. World Rabbit Sci. 2006;14:33-38.
  • 12. Oglesbee BL, Jenkins JR. Gastrointestinal diseases. In: Quesenberry KE, Carpenter JW, eds. Ferrets, rabbits, and rodents: Clinical medicine and surgery. 3rd ed. Elsevier Saunders, St. Louis. 2012:596p.
  • 13. Reusch B. Rabbit gastroenterology. Vet. Clin. North Am. Exotic. Anim. Pract. 2005;8(2):351-375.
  • 14. Ritzman T. Diagnosis and clinical management of gastrointestinal conditions in exotic companion mammals (rabbits, guinea pigs, and chinchillas). AEMV Conference. Cascade Hospital for Animals, Grand Rapids, MI, USA. 2013.
  • 15. Theus M, Bitterli F, Foldenauer U. Successful treatment of a gastric trichobezoar in a Peruvian Guinea pig (Cavia aperea porcellus). J. Exotic Pet Med. 2008;17(2):148-151.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ La formation de trichobézoards chez le cochon d’Inde résulte d’une multitude de facteurs (alimentaire, racial, mécanique, etc.) et les signes cliniques présentés sont souvent non spécifiques.

→ Le cochon d’Inde péruvien semble prédisposé au développement de trichobézoards.

→ Comparativement aux radiographies, l’échographie est l’examen de choix pour confirmer la présence d’une masse dans la lumière de l’estomac. L’image obtenue montre une structure hypoéchogène provoquant un cône d’ombre postérieur.

→ Chez le cochon d’Inde, les trichobézoards sont de consistance plus solide que ceux retrouvés chez le lapin et forment une seule masse compacte, ronde ou ovale, de 4 à 5?cm de diamètre. Ils peuvent dès lors représenter une future cause d’obstruction gastro-intestinale.

→ Le retrait du trichobézoard par gastrotomie peut être considéré comme le traitement de choix des trichobézoards chez le cochon d’Inde.

ENCADRÉ 1
Précautions peropératoires

Il est fortement recommandé de nettoyer la cavité buccale avant la prémédication, afin de prévenir une accumulation d’aliments et de salive qui pourrait entraver les voies respiratoires pendant l’anesthésie. Incliner la table de chirurgie est conseillé afin de repousser la masse digestive vers le bas. Cela permet d’améliorer la capacité inspiratoire et de déplacer le cæcum hors de la zone d’intervention. L’incision du plan musculaire représente une étape délicate chez le cochon d’Inde, comme pour l’ensemble des herbivores [5]. En effet, il est important de bien maintenir la paroi musculaire surélevée avant de l’inciser afin d’éviter de ponctionner les organes digestifs sous-jacents, tel le cæcum. En cas de lésions, cela assombrit fortement les chances de survie postopératoire pour ces espèces.

OUVRAGE COMPLÉMENTAIRE

Examens complémentaires chez le NAC. C Bulliot et coll. 2009:344p.

REMERCIEMENTS

À David Brasseur et à Blandine Houdellier pour les évaluations radiographiques et échographiques de notre cochon d’Inde.

ENCADRÉ 2
Gestion de l’hospitalisation du cochon d’Inde après une gastrotomie

→ Le cochon d’Inde est un animal très peureux et facilement stressé. Mettre une cachette (maisonnette, carton, tunnel, etc.) à sa disposition contribue à diminuer son anxiété et à augmenter son bien-être pendant son hospitalisation.

Il est important que l’animal se réalimente seul le plus tôt possible après l’intervention chirurgicale. Un aliment sans fibres longues, ne nécessitant donc pas de digestion mécanique, est préférable en phase postopératoire immédiate (Emeraid® herbivores à disposition). Un gavage à la seringue, avec un aliment adapté, est à réaliser pour les animaux qui ne mangent pas seuls après l’opération (Emeraid® herbivores, Oxbow Critical Care®, Recovery Plus® Supreme Science : 50 à 80 ml/kg/j en quatre ou cinq repas). Des légumes verts frais, ainsi que du foin de qualité sont à mettre à disposition pour stimuler leur appétit quelques heures après la chirurgie.

→ L’analgésie peut être poursuivie à l’aide d’opioïdes : buprénorphine (0,05 à 0,2 mg/kg, par voie sous-cutanée [SC], toutes les 6 à 8 heures), morphine (1 à 2 mg/kg SC toutes les 4 heures) ou butorphanol (0,2 à 0,4 mg/kg SC toutes les 4 à 12 heures). L’association d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) est généralement recommandée pour potentialiser l’analgésie, par exemple du méloxicam (0,2 à 0,5 mg/kg per os [PO] ou SC toutes les 12 heures). Cependant, après une gastrotomie, ce médicament doit être utilisé à faible dose avec un protecteur de muqueuses. Le sucralfate (30 à 100 mg/kg, PO, deux ou trois fois par jour) est un protecteur de choix. Il peut être associé à un antiacide pour faciliter la cicatrisation de l’estomac et prévenir l’apparition d’ulcère (ranitidine, 2 à 5 mg/kg, PO ou SC, deux fois par jour, ou cimétidine, 5 à 10 mg/kg, PO ou SC, toutes les 6 à 12 heures, à administrer 1 heure après le sucralfate afin de ne pas annuler son effet [actif en milieu acide]).

→ Chez les rongeurs, la mise en place d’un cathéter intraveineux peut se révéler difficile, mais cette voie reste cependant la plus efficace pour réhydrater l’animal et lui administrer des analgésiques. Une anesthésie générale flash et une scarification de la peau facilitent généralement cet acte. L’injection d’une solution isotonique tiédie en SC est une solution alternative fréquemment utilisée et également efficace en phase postopératoire immédiate (NaCl ou Ringer lactate, entretien de 100 à 120 ml/kg/j, à diviser en trois ou quatre fois par jour). La voie osseuse peut aussi être envisagée, mais elle s’avère plus douloureuse et les complications sont plus importantes (ostéomyélite, fracture, etc.).

→ Le cochon d’Inde étant incapable de synthétiser la vitamine C, il est fortement recommandé de lui en administrer une dose journalière de 10 à 30 mg/kg directement par voie orale. Cette dose est doublée, voire triplée, pendant l’hospitalisation et sur toute la durée de la convalescence.

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