Chylothorax et torsion de lobe pulmonaire chez une chienne - Le Point Vétérinaire expert canin n° 367 du 01/07/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 367 du 01/07/2016

PNEUMOLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Marina Gracia Martinez*, Morgane Le Bouar**, Mathieu Faucher***, Yannick Bongrand****, Pierre Maitre*****, Stéphane Bureau******

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux
**Clinique vétérinaire de l’Europe,
43, avenue de l’Europe,
33350 Saint-Magne-de-Castillon
***Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux
****Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux
*****Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux
******Clinique vétérinaire Alliance,
8, boulevard Godard, 33300 Bordeaux

Déterminer le caractère primaire ou secondaire d’une torsion de lobe peut s’avérer difficile comme dans ce cas où il est associé à un chylothorax. Cela est pourtant indispensable pour la prise en charge.

Le chylothorax est une affection grave. La recherche d’une cause sous-jacente doit être entreprise afin de proposer un traitement étiologique lorsque cela est possible.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Une chienne lévrier irlandais stérilisée de 6 ans, correctement vaccinée et vermifugée, est référée pour l’exploration d’un épanchement pleural.

Depuis 3 semaines, la chienne présente une apathie, une polypnée et des efforts de vomissement improductifs. Le vétérinaire traitant a mis en place une antibiothérapie (amoxicilline, 12,5 mg/kg deux fois par jour, per os, pendant 2 semaines). Devant l’absence de réponse au traitement, il a réalisé des clichés radiographiques thoraciques (vues ventro-dorsale et profil droit) qui montrent un épanchement pleural latéralisé à droite.

2. Prise en charge initiale

Examen clinique

L’examen clinique révèle une hyperthermie (température rectale de 40 °C), une polypnée, des bruits cardiaques non perceptibles à l’auscultation thoracique, un pouls fémoral faible et régulier. L’ensemble des anomalies rencontrées lors de l’examen clinique est compatible avec un épanchement pleural, tel que le laissaient supposer les radiographies effectuées par le vétérinaire traitant.

Examens complémentaires

Les nouvelles radiographies réalisées lors de l’admission de l’animal (deux clichés : vues dorso-ventrale et profil droit) permettent d’observer une opacification de densité liquidienne en regard des lobes craniaux, qui masque la silhouette cardiaque, ainsi qu’un décollement des poumons (photo 1).

Une thoracocentèse échoguidée est effectuée. Le liquide d’épanchement pleural est d’aspect macroscopique blanc laiteux (photo 2). Les résultats d’analyses cytologique et biochimique sont diagnostiques d’un chylothorax (tableau).

Les numération et formule sanguines et le bilan biochimique ne révèlent aucune anomalie significative.

L’échocardiographie montre un discret épanchement péricardique, un léger épaississement irrégulier du péricarde pariétal ainsi qu’une tamponnade de l’atrium et du ventricule droits sans conséquences hémodynamiques (association d’un épanchement péricardique et d’un collapsus de l’oreillette droite +/- du ventricule droit). Ces anomalies peuvent être compatibles avec une péricardite restrictive débutante qui pourrait être secondaire au chylothorax.

L’échographie abdominale met en évidence un discret épanchement abdominal et une légère splénomégalie. L’analyse cytologique de l’épanchement révèle un transsudat modifié non spécifique. L’examen cytologique splénique est compatible avec une rate réactionnelle associée à une hyperplasie modérée de la pulpe blanche et à une hématopoïèse extramédullaire légère non spécifiques. Un résultat cytologique négatif n’exclut toutefois pas définitivement la possibilité d’un processus tumoral au sein du stroma splénique. Un examen histologique est nécessaire dans un second temps quand la suspicion clinique est forte (la spécificité d’une cytologie splénique négative est de 80 %, la valeur prédictive négative de 38,7 %) [7].

Après la vidange de l’épanchement pleural par thoracocentèse échoguidée au niveau du septième espace intercostal droit et gauche, une radiographie de profil droit du thorax ne permet de déceler aucune autre anomalie. La réalisation d’un cliché de face est impossible en raison du format et du tempérament peu coopératif de l’animal après les ponctions évacuatrices de l’épanchement.

Bilan clinique et hypothèses diagnostiques

Les examens complémentaires ont mis en évidence une péricardite (davantage restrictive qu’exsudative) et un chylothorax, dont la pathogénie n’est pas démontrée.

À ce stade, une cardiopathie, une masse compressive ou un traumatisme semblent peu probables pour expliquer le chylothorax compte tenu des examens réalisés. Les hypothèses envisagées sont une thromboembolie pulmonaire, une torsion de lobe pulmonaire non détectée radiographiquement, une néoplasie occulte ou une dirofilariose. Aucun élément étiopathologique n’ayant été mis en évidence, il pourrait s’agir d’un chylothorax idiopathique.

Traitement

Un drain thoracique est placé dans l’hémithorax droit sous tranquillisation (morphine 0,1 mg/kg par voie intraveineuse [IV] lente et diazépam 0,2 mg/kg IV) et anesthésie locale (bloc intercostal et injection traçante de lidocaïne, Xylovet®, 3 ml). Il permet d’extraire un total de 2,2 l d’épanchement. À la suite de cette intervention et des vidanges quotidiennes de l’épanchement pleural pendant 9 jours, la respiration de la chienne s’améliore et l’hyperthermie disparaît.

Un traitement médical est instauré. Il consiste en la distribution d’une alimentation appauvrie en matières grasses et en la prescription de troxérutine (médicament veinotonique et vasculoprotecteur utilisé dans le traitement des lymphœdèmes en médecine humaine, sans autorisation de mise sur le marché [AMM] en médecine vétérinaire) à 50 mg/kg, trois fois par jour, per os (Troxérutine Biogaran®(1)).

Au cours de l’hospitalisation, la quantité de liquide collecté diminue progressivement (figure sur www.lepoint­veterinaire.fr). L’état général de la chienne s’étant considérablement amélioré et les vidanges du drain ayant permis une diminution marquée de l’épanchement thoracique, l’animal est rendu à ses propriétaires (au bout de 8 jours d’hospitalisation), après le retrait du drain et avec la poursuite du traitement médical entrepris lors de l’hospitalisation.

3. Évolution et suivi

Deux jours après sa sortie, la chienne est à nouveau présentée pour une anorexie et une toux évoluant depuis 24 heures, avec un épisode d’hémoptysie. L’examen clinique révèle une polypnée, une hyperthermie (40,7 °C), une déshydratation estimée à 7 % et des bruits cardiaques inaudibles à l’auscultation. Une récidive de chylothorax est alors suspectée.

Examens complémentaires

Les clichés radiographiques du thorax (vues ventro-dorsale et profil droit) mettent en évidence un épanchement pleural bilatéral plus marqué à droite, ainsi que des bronchogrammes au niveau des lobes pulmonaires cranial et moyen droits.

Une thoracocentèse est de nouveau pratiquée. Une analyse cytologique est effectuée sur le liquide ponctionné d’aspect macroscopique laiteux. La présence d’une population inflammatoire abondante avec prédominance de granulocytes neutrophiles, sans agents pathogènes visualisables, fait suspecter une évolution du chylothorax vers un exsudat non septique probablement en lien avec la chronicité de l’épanchement thoracique. Réaliser une analyse biochimique de l’épanchement à ce stade aurait permis de confirmer cette hypothèse.

Les numération et formule sanguines révèlent une leucocytose neutrophilique et une anémie normocytaire normochrome probablement due à l’inflammation chronique engendrée par le chylothorax.

Un examen tomodensitométrique du thorax est alors entrepris. Les images obtenues indiquent une densification hétérogène du lobe pulmonaire cranial gauche sans rehaussement après l’injection de produit de contraste. De plus, une occlusion proximale de la bronche souche du lobe cranial gauche est observable sur une coupe sagittale, ainsi qu’une opacification emphysémateuse vésiculaire du lobe (photos 3 à 5). Enfin, un épanchement pleural gauche et un pneumomédiastin sont également mis en évidence (photo 6). L’examen scanner conduit au diagnostic de torsion de lobe pulmonaire. Une intervention chirurgicale est décidée : le choix se porte sur une lobectomie pulmonaire. En raison de l’augmentation des risques associée au prolongement du temps opératoire et de la forte présomption que la torsion de lobe pulmonaire soit primaire, il est décidé, avec l’accord des propriétaires, de ne pas réaliser de traitement chirurgical concomitant du chylothorax.

Traitement chirurgical

Après induction anesthésique (morphine 0,1 mg/kg par voie intramusculaire, acépromazine 0,05 mg/kg IV, thiopental 10 mg/kg IV), une intubation endotrachéale est pratiquée à l’aide d’une sonde de 12 mm de diamètre interne. Un relais anesthésique gazeux est mis en place avec un mélange d’isoflurane et d’oxygène à un débit de 2 l/min en ventilation manuelle. Une fois endormie, la chienne est placée en décubitus latéral droit. Le site opératoire est tondu du premier au dernier espace intercostal et des articulations costo-vertébrales à la jonction costo-chondrale. Il est ensuite désinfecté à la chlorhexidine (Hibitane® 5 %).

L’analgésie est obtenue au moyen d’un bloc pleural et intercostal (bupivacaïne 2 mg/kg). Après la réalisation d’une thoracotomie intercostale (quatrième espace intercostal gauche), la plèvre est visualisée. Elle est épaissie et présente un haut degré de remaniement. Une hépatisation du lobe cranial gauche est également présente. Une torsion de lobe est notée à l’examen du hile de ce dernier (photo 7). Une lobectomie en bloc est réalisée à la pince TA® 60 mm (agrafes de 3,5 mm) sans détorsion préalable du lobe cranial gauche. Après rinçage, l’hémostase et l’étanchéité bronchique sont contrôlées et apparaissent satisfaisantes. Un drain thoracique fenêtré (Cook® 24 Fr) est alors mis en place à gauche et une suture conventionnelle des différents plans est pratiquée. Le vide pleural est ensuite restauré.

L’analgésie est complétée par la pose de deux patchs de fentanyl de 100 µg/h (3,2 µg/kg/h). Une antibiothérapie postopératoire à base d’amoxicilline-acide clavulanique (20 mg/kg deux fois par jour, IV) est également mise en place.

L’analyse histologique du lobe réséqué révèle des lésions d’infarcissement compatibles avec la torsion pulmonaire observée, associées à des lésions de pleurite fibrino-hémorragique (photo 8).

Suivi postopératoire

Le lendemain de l’intervention chirurgicale, le drain thoracique est retiré à la suite d’un problème technique ayant entraîné une fuite (désolidarisation du drain de son embout, après rupture de la base de l’embout). Un pneumothorax unilatéral et massif se développe.

Des thoracocentèses quotidiennes sont réalisées, mais ne permettent pas de contrôler le pneumothorax. Cependant, l’état de l’animal s’améliorant au cours de l’hospitalisation, il est décidé de les interrompre.

Par la suite, l’état général de la chienne se stabilise et sa fréquence respiratoire diminue progressivement malgré une intolérance à l’effort persistante.

Un liquide pleural résiduel est identifié en phase post­opératoire (48 heures après l’intervention chirurgicale). L’analyse biochimique du liquide n’a pas été réalisée, mais son analyse cytologique révèle de nombreux poly­nucléaires neutrophiles, quelques macrophages et quelques bacilles extracellulaires. L’examen bactériologique est négatif. Une contamination lors de la préparation et de la coloration des lames pour une analyse cytologique pourrait expliquer la présence de bacilles extracellulaires alors que la culture bactériologique est négative. Cependant, un résultat bactériologique négatif ne permet pas d’exclure complètement l’hypothèse d’une infection bactérienne, l’analyse bactériologique du liquide d’épanchement pouvant rester stérile notamment lors de présence de bactéries anaérobies. L’antibio­thérapie est ajustée et une prescription à l’aveugle d’enrofloxacine à raison de 5 mg/kg une fois par jour, per os (PO), est ajoutée au traitement en cours, car cette molécule possède une très bonne diffusion pulmonaire et que son activité est plus ciblée sur les Gram négatif, catégorie largement représentée dans les épanchements pleuraux septiques chez le chien [8, 12]. L’arrêté de restriction d’emploi des antibiotiques critiques paru depuis n’autorise plus une telle démarche.

Les contrôles radiographiques journaliers suivants permettent de constater une disparition du pneumothorax et une persistance d’un léger épanchement pleural. L’état général de la chienne s’améliore considérablement jusqu’à redevenir complètement normal après 2 semaines.

DISCUSSION

1. Diagnostic et traitement du chylothorax idiopathique

Le chylothorax se définit comme une accumulation de chyle dans l’espace pleural. Les signes cliniques s’installent lentement et peuvent être discrets au départ ou lors de volume modéré, mais ils sont bien marqués en cas de volume plus important, comme pour tout autre épanchement pleural. Ils sont non spécifiques d’un chylothorax : une toux, une intolérance à l’effort, une anorexie, de la léthargie, un amaigrissement, une tachypnée, une dyspnée inspiratoire ou restrictive. Dans le cas décrit ici, l’animal présentait une polypnée, une léthargie et une anorexie.

Des radiographies thoraciques permettent de confirmer la présence d’un épanchement pleural, mettant en évidence une opacité de densité liquidienne, une silhouette cardiaque masquée, des scissures interlobaires, et le décollement des poumons et du cœur de la cage thoracique. Pour déterminer la nature de cet épanchement et faciliter l’expansion pulmonaire, du liquide pleural est ponctionné par thoracocentèse. L’aspect macroscopique est laiteux, mais ce sont les analyses cytologique et biochimique qui permettent de conclure à un chylothorax : le taux de triglycérides est plus élevé que la triglycéridémie sanguine (valeurs usuelles : 0,1 à 1 g/l), le taux de cholestérol est inférieur à la cholestérolémie (valeurs usuelles : 1,1 à 3,2 g/l) et les lymphocytes sont les cellules prédominantes [20].

Étiopathogénie

Une fois le chylothorax diagnostiqué, des examens complémentaires sont réalisés afin de rechercher une cause éventuelle. Toute maladie qui réduit ou empêche l’écoulement de chyle dans le canal thoracique ou qui fait obstacle à sa vidange dans la veine cave craniale augmente la pression dans les canaux lymphatiques, ce qui conduit à l’extravasation de chyle. En médecine vétérinaire, la plupart des chylothorax sont dits idiopathiques [20]. Ce diagnostic est établi par exclusion de toutes les autres causes possibles (encadré).

Dans le cas décrit dans cet article, la grande majorité des causes possibles de chylothorax a été exclue au moyen des premiers examens complémentaires réalisés lors du premier épisode. Les causes restantes (thromboembolie, torsion de lobe pulmonaire non détectée radiographiquement, néoplasie occulte, dirofilariose) semblant peu probables en raison des informations récoltées, le chylo­thorax a, a priori, été qualifié d’idiopathique. Un test de diagnostic rapide aurait permis d’écarter la dirofilariose. De plus, un examen tomodensitométrique aurait pu être proposé dès ce moment, pour éliminer une torsion de lobe ou une thromboembolie (absence de prise de contraste intraveineuse), et pour rechercher des masses ou des nodules pleuraux évocateurs de néoplasie.

La récidive 48 heures après la sortie d’hospitalisation et l’apparition d’une hémoptysie ont motivé la réalisation d’un examen tomodensitométrique. Ce dernier a mis en évidence une torsion de lobe pulmonaire, ce qui conduit à s’interroger sur l’origine primaire ou secondaire du chylothorax.

Traitement médical

Si une cause est identifiée, un traitement étiologique est préconisé. Lors de chylothorax idiopathique, un traitement médical peut être envisagé en première intention. Jusqu’à présent, une alimentation appauvrie en matières grasses, supposée réduire le volume de chyle s’écoulant à travers le canal thoracique, était recommandée. Cependant, il a été démontré que son emploi ne réduit pas le volume de chyle, mais sa teneur lipidique [19]. L’utilité d’un tel type d’alimentation dans la prise en charge médicale du chylothorax est donc remise en question.

Certaines études se sont intéressées à l’emploi de deux molécules dans le traitement du chylothorax idiopathique : l’octréotide, analogue de la somatostatine, très répandue en médecine humaine pour le traitement du chylothorax d’origine traumatique, et la troxérutine, médicament veinotonique et vasculoprotecteur utilisé dans le traitement des lymphœdèmes en médecine humaine. En médecine vétérinaire, une résolution du chylothorax a été obtenue chez 2 animaux sur 5 ayant reçu un traitement à base d’octréotide [1, 6, 17]. De même, l’administration de troxérutine aurait entraîné une amélioration clinique en 2 à 4 semaines chez 3 animaux sur 5, le mécanisme d’action restant inconnu [1, 9, 21]. Cependant, le trop faible nombre d’études disponibles en médecine vétérinaire concernant l’emploi de ces deux molécules ainsi que les effectifs trop restreints ne permettent pas d’avoir le recul suffisant pour conclure sur leur utilité dans le traitement du chylothorax.

Traitement chirurgical

Lorsqu’un chylothorax idiopathique persiste plus de 1 semaine malgré la mise en place d’un traitement conservateur (traitement médical et vidanges régulières de l’épanchement par thoracocentèse), un traitement chirurgical est préconisé [22]. La technique la plus répandue est la réalisation d’une ligature du canal thoracique couplée à une péricardectomie [10, 22]. L’objectif principal de la ligature du canal thoracique est la formation d’une anastomose lymphatico-veineuse extrathoracique. Celui de la péricardectomie est de diminuer la pression sanguine au niveau du cœur droit pour faciliter l’écoulement du chyle depuis le canal thoracique jusque dans la veine cave craniale et le cœur droit.

Les chirurgiens ont à leur disposition d’autres techniques chirurgicales et non chirurgicales pour gérer ce genre de cas : l’ablation de la citerne chylifère, l’omentalisation et le shunt pleuropéritonéal passif.

L’ablation de la citerne du chyle, associée à la ligature du canal thoracique, est une technique récemment décrite qui consiste à entraîner la formation de voies de drainage lymphatico-veineuses en amont de la citerne, donc à s’affranchir du risque de persistance des ramifications intrathoraciques du canal thoracique [18]. Combinée à une ligature du canal thoracique, cette technique semble offrir de meilleurs résultats que la ligature du canal thoracique associée à la péricardectomie. Son inconvénient majeur réside dans la nécessité d’associer une laparo­tomie et une thoracotomie [10].

L’omentalisation permet d’établir une dérivation pleuro-péritonéale autologue. Son intérêt est de permettre le drainage du chylothorax et éventuellement l’étanchéification de brèches chylifères, même en absence de ligature du canal thoracique [23]. Cependant, l’intérêt de cette technique n’est pas consensuel, notamment en raison des complications et des difficultés inhérentes à son prélèvement et à son placement.

Deux études récentes rapportent 72 à 77 % de bons résultats en combinant la ligature du canal thoracique, la péricardectomie et l’omentalisation, tant chez le chat que chez le chien [4, 5].

2. Torsion de lobe pulmonaire : primaire ou secondaire ?

La torsion de lobe pulmonaire est une affection rare chez les carnivores domestiques. Les deux lobes les plus souvent atteints sont le lobe moyen droit ou le lobe cranial gauche [2]. Les carlins ainsi que les chiens de grande race, avec un thorax profond et étroit, notamment les lévriers afghans, y sont prédisposés [2, 11].

À l’examen clinique, comme dans le cas étudié ici, les modifications respiratoires prédominent (dyspnée, toux) et, à l’auscultation thoracique, les bruits cardiaques et respiratoires sont assourdis. Une hyperthermie est parfois présente [2, 11]. Si la torsion de lobe est partielle, une hémoptysie peut apparaître lorsque du liquide séro­hémorragique d’origine pulmonaire remonte dans les bronches principales et la trachée [16].

Physiopathogénie

Les mécanismes physiopathogéniques conduisant au développement d’une torsion de lobe pulmonaire ne sont pas encore clairement identifiés. Une consolidation pulmonaire et/ou la présence d’air ou de liquide autour d’un lobe pulmonaire prédisposeraient à la rotation axiale de ce dernier. De plus, il existe des torsions de lobe spontanées chez les races prédisposées. Ces lésions sont retrouvées lors de pneumothorax, d’épanchement pleural, de pneumonie, de traumatisme ou de manipulation chirurgicale.

Lors de torsion de lobe, la présence d’un épanchement pleural peut être primaire ou secondaire. Si un épanchement pleural accompagne toujours les torsions de lobe, il peut aussi prédisposer au développement d’une torsion de lobe (comme dans le cas des chylothorax) [11].

Les torsions de lobe pulmonaire sont donc classées en deux catégories, selon qu’elles sont spontanées ou secondaires à une maladie sous-jacente connue. Néanmoins, déterminer leur origine reste un défi. Dans le cas décrit dans cet article, aucune conclusion quant au caractère primaire ou secondaire de la torsion de lobe pulmonaire ne peut être formulée avec certitude. La présentation clinique et le suivi radiographique réalisés initialement n’étaient pas en faveur d’une torsion de lobe pulmonaire. Cependant, une radiographie de profil n’est pas suffisante pour conclure à l’absence de torsion de lobe pulmonaire après la vidange de l’épanchement. De plus, le changement de nature de l’épanchement, avec l’apparition de neutrophiles lors du diagnostic de la torsion de lobe alors qu’ils n’étaient pas présents lors de la première présentation, va également dans le sens d’une torsion de lobe secondaire, qui semble donc l’hypothèse la plus probable.

Examens d’imagerie médicale

Le diagnostic d’une torsion de lobe pulmonaire est établi à l’aide d’examens d’imagerie médicale.

Les clichés radiographiques thoraciques peuvent révéler :

– un épanchement pleural ;

– un déplacement des structures adjacentes au lobe tordu (notamment un déplacement dorsal de la trachée sur la vue de profil) ;

– une opacification de type alvéolaire du lobe pulmonaire atteint ;

– une diminution progressive du diamètre de la bronche suivie d’une interruption de cette dernière ;

– un pattern radiographique inhabituel représenté par des petites bulles de gaz regroupées dans un lobe pulmonaire consolidé (opacification emphysémateuse vésiculaire) [3, 11, 16].

Parmi ces modifications, les deux dernières sont considérées comme les plus spécifiques de cette affection [3]. L’épanchement pleural, toujours présent, mais en quantité variable, rend souvent difficile l’interprétation des clichés radiographiques. Il est alors conseillé de renouveler les clichés après la vidange de l’épanchement. Dans le cas décrit, seul l’épanchement pleural et le pattern alvéolaire étaient présents.

L’échographie constitue une méthode d’exploration rapide et non invasive pour visualiser le lobe tordu, et permet d’exclure la présence d’une masse médiastinale et de réaliser des cytoponctions échoguidées. Bien que des signes échographiques variables aient été rapportés dans des cas de torsion pulmonaire, cette technique permet de confirmer la consolidation du lobe et, dans certains cas, l’orientation anormale de celui-ci ainsi que l’absence de flux veineux. L’échographie peut donc être utile lorsqu’une torsion de lobe pulmonaire est suspectée, mais que les signes radiographiques ne sont pas concluants [3].

Lorsque les radiographies et l’échographie ne permettent pas de confirmer une suspicion de torsion de lobe pulmonaire, un examen tomodensitométrique est indiqué. Des données récentes suggèrent que les modifications spécifiques de torsion de lobe (comme l’opacification emphysémateuse vésiculaire du lobe et l’occlusion proximale d’une bronche) sont plus facilement observées sur un examen scanner que sur des radiographies thoraciques [13]. De plus, le lobe atteint ne fixe pas le produit de contraste en raison de l’occlusion vasculaire associée à la torsion [15]. Dans le cas décrit, les radiographies n’ont pas permis de diagnostiquer une torsion de lobe, alors que des images spécifiques de cette affection ont été identifiées grâce à l’examen tomodensitométrique.

3. Le pneumothorax : complication possible d’un chylothorax ou d’une lobectomie

Dans le cas décrit, un pneumothorax se développe en phase postopératoire, à la suite de la lobectomie. Il peut provenir d’une fuite intrathoracique (défaut d’étanchéité de la lobectomie, lésions alvéolaires secondaires à la ré­expansion pulmonaire, lésion pulmonaire iatrogène, pleurésie développée secondairement au chylothorax), ou d’un passage d’air de l’extérieur longeant le drain thoracique posé lors de l’intervention. Le drain s’étant désolidarisé de son embout, ce dernier est retiré et le pneumothorax est vidangé au moyen de thoracocentèses quotidiennes. Une fuite d’air due au drain est possible, mais n’est pas seule responsable du pneumothorax car, après le retrait du drain, le pneumothorax se reforme et le volume cumulé sur plusieurs jours est supérieur à la capacité du thorax. Une fuite intrathoracique est donc probable.

Aucune étude n’est disponible pour guider la démarche thérapeutique à adopter dans une telle situation. En médecine humaine, une observation de l’évolution de l’état du patient après l’arrêt des vidanges du pneumo­thorax est préconisée dans un premier temps, pour laisser le temps à la plèvre de recouvrer ses capacités de drainage. Une intervention chirurgicale n’est conseillée que dans un second temps, si aucune amélioration n’est constatée.

Dans le cas décrit, une réintervention chirurgicale a été envisagée afin de vérifier l’étanchéité des ligatures bronchiques, mais, l’état de l’animal s’améliorant, il est décidé d’interrompre les vidanges du pneumothorax. Par la suite, aucune dégradation de l’état général de la chienne n’est observée, et sa fréquence respiratoire diminue de jour en jour. Cette évolution est en faveur d’une mise en cause du drain, à l’origine du pneumothorax.

4. Choix d’une antibiothérapie lors d’une affection pleurale chez le chien

Lors de la mise en évidence d’un épanchement pleural, une analyse du liquide est nécessaire pour en déterminer l’origine. Cette analyse doit être biochimique, cytologique et bactériologique (aéro- et anaérobies).

La culture bactériologique du liquide d’épanchement peut se révéler stérile, notamment en présence de bactéries anaérobies (conditions de prélèvement difficiles) ou lorsqu’un traitement antibiotique a déjà été mis en place. Dans le cas décrit dans cet article, l’analyse bactériologique du liquide d’épanchement n’a pas été réalisée avant la prise en charge chirurgicale car les analyses biochimique et cytologique étaient très en faveur d’un chylothorax aseptique (70 % de lymphocytes, 23 % de macrophages, 7 % de neutrophiles). En revanche, en phase postopératoire, la nature de cet épanchement a changé et la présence majoritaire de neutrophiles ainsi que l’observation de bacilles extracellulaires ont motivé la réalisation d’une culture bactériologique qui est revenue stérile.

Lors d’une suspicion de pyothorax, la mise en place d’une antibiothérapie probabiliste est recommandée dans l’attente des résultats de la bactériologie car des retards excessifs dans le traitement peuvent entraîner un dysfonctionnement pulmonaire grave [14].

Chez le chien, l’association amoxicilline-métronidazole est un bon compromis. La part de bactéries Gram négatif étant plus importante dans cette espèce, l’identification de bacilles Gram négatif à l’examen cytologique a motivé l’ajout d’une fluoroquinolone dans notre cas. Néanmoins, depuis le décret n° 2016-317 du 1er avril 2016, l’emploi d’une fluoroquinolone nécessite la mise en œuvre d’un isolement bactérien et d’un antibiogramme, et non la seule identification de bacilles Gram négatif à l’examen cytologique (sauf en cas d’urgence vitale, dans les 4 jours avant de recevoir les résultats des examens). Le traitement antibiotique est ensuite adapté en fonction des résultats de la culture et de l’antibiogramme. Cependant, l’antibiotique dirigé contre les anaérobies doit être maintenu même si la culture n’en a pas mis en évidence (culture des bactéries anaérobies difficile). En moyenne, la durée du traitement est de 5 à 7 semaines, et certains auteurs recommandent de le poursuivre 2 semaines après la disparition des signes radiographiques de pyothorax [12].

Conclusion

Le chylothorax idiopathique est un diagnostic d’exclusion. Si aucune amélioration n’est obtenue avec un traitement médical et des vidanges régulières de l’épanchement, une intervention chirurgicale est préconisée. Les différentes molécules proposées dans la gestion médicale du chylo­thorax idiopathique n’ont pas encore été évaluées de manière rigoureuse.

Une torsion de lobe pulmonaire peut survenir secondairement à un chylothorax, mais peut aussi être spontanée. Cette affection impose un diagnostic rapide et une prise en charge précoce qui est obligatoirement chirurgicale. Le pronostic de survie après l’intervention varie entre 50 et 61 % selon les études [22].

L’absence de consensus sur la prise en charge d’un pneumothorax survenant dans ce contexte conduit à préconiser une attitude conservatrice dont le résultat a été satisfaisant dans le cas décrit.

  • (1) Médicament humain.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le chylothorax idiopathique est un diagnostic d’exclusion.

→ L’interprétation radiographique d’une torsion de lobe peut être difficile en présence d’un épanchement thoracique, d’où l’intérêt d’un examen d’imagerie avancé tel que l’examen tomodensitométrique.

→ Les torsions de lobe pulmonaire peuvent être spontanées (primaires) ou secondaires à une maladie sous-jacente, comme un épanchement pleural.

→ La torsion de lobe pulmonaire est associée à une morbidité et à une mortalité importantes si elle n’est pas rapidement traitée. La lobectomie pulmonaire est le traitement de choix.

ENCADRÉ
Diagnostic étiologique du chylothorax

→ Cardiopathie :

– cardiopathie congestive ;

– épanchement péricardique ;

– péricardite ;

– pleurésie constrictive ;

– dirofilariose ;

– dysplasie tricuspidienne ;

– tétralogie de Fallot.

→ Néoplasie thoracique :

– tumeur pulmonaire ;

– masse médiastinale craniale (lymphome, thymome, tumeur de la base de l’aorte).

→ Granulome fongique

→ Thrombus de la veine cave caudale

→ Torsion du lobe pulmonaire

→ Rupture traumatique du canal thoracique (rare)

→ Hernie diaphragmatique ou péritonéo-péricardique

→ Malformation congénitale du canal thoracique

→ Idiopathique

REMERCIEMENTS

À nos confrères de Micen Vet pour les informations précieuses qu’ils nous ont fournies et pour leur disponibilité lors de la rédaction de cet article.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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