Les dermatoses parasitaires et mycosiques du furet - Le Point Vétérinaire n° 366 du 01/06/2016
Le Point Vétérinaire n° 366 du 01/06/2016

DERMATOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Christophe Bulliot*, Sophie Romain**

Fonctions :
*Exotic Clinic,
38, rue d’Arqueil,
77176 Nandy
**Exotic Clinic,
38, rue d’Arqueil,
77176 Nandy

Chez le furet, certaines parasitoses sont fréquentes, comme l’otacariose, qui doit être recherchée à chaque consultation, tandis que d’autres telles que la gale et la teigne sont plus rares. Les puces peuvent être communes au furet et aux chiens et aux chats du foyer.

Les dermatoses parasitaires constituent un motif peu fréquent de consultation chez le furet. Les principales sont l’otacariose, la pulicose et l’infestation par les tiques. L’otacariose est très commune dans cette espèce, mais souvent de découverte fortuite. Cet article a pour objectif de présenter au praticien de façon exhaustive les parasites et dermatophytoses concernés et les lésions associées en s’appuyant sur une iconographie et des tableaux synthétiques afin de l’aider dans son diagnostic et dans l’instauration du traitement (tableau).

1 Dermatoses dues aux insectes

1. Pulicose

Les cas de pulicose touchant le furet sont dus à Ctenocephalides felis, à Ctenocephalides canis et à Pulex irritans. Il n’existe pas de puce spécifique du furet [2]. Le prurit modéré à intense est le principal signe clinique observé. Une alopécie primaire ou secondaire du cou et du dos est possible [12]. Le diagnostic repose sur l’observation et l’indentification des parasites ou de leurs déjections. En France, les seuls produits avec autorisation de mise sur le marché (AMM) contre la pulicose du furet sont à base de fipronil (Frontline Combo® chat et furet, une pipette par furet de plus de 6 mois par mois, spot-on) et d’imidoclopride-moxidectine (Advocate® chat et furet, une pipette par furet adulte toutes les 3 semaines, voire toutes les 2 semaines en cas de forte infestation, spot-on) [11, 20]. L’utilisation hors AMM d’imidaclopride (Advantage® chat, une pipette par furet adulte par mois) seul ou de sélamectine (Stronghold® chaton, 15 mg/kg/mois spot-on) est également possible [3, 6, 7, 20]. En collectivité, il convient de séparer les furets du groupe durant les quelques heures qui suivent l’application du spot-on pour limiter le risque d’ingestion de produit lors du toilettage mutuel.

2. Myiase

De rares cas de myiases dues aux larves de Cutarebra et d’Hypoderma bovis sont signalés par Meredith [13]. Le traitement repose sur l’incision sous anesthésie générale et l’exérèse de la larve à la pince. Des soins de plaie sont ensuite effectués et associés à une antibiothérapie. Une exérèse chirurgicale plus large des éventuels tissus nécrosés peut être nécessaire.

2 Dermatoses dues aux acariens

1. Otacariose

Otodectes cynotis peut infester les furets, ainsi que les chiens et les chats (photos 1 et 2) [2]. La transmission se fait par contact direct. Une grande majorité des furets en primoconsultation sont porteurs asymptomatiques, d’où l’intérêt d’un examen otoscopique systématique à chaque consultation. Un prurit, une dépilation autour des oreilles et une otite bactérienne secondaire sont parfois rencontrés, mais ne sont pas systématiques (photo 3). Un port de tête anormal est rare. Les acariens peuvent être observés à l’aide d’un simple otoscope ou d’un vidéootoscope. Le parasite est visible à l’otoscope sous la forme de points blancs mobiles présents dans le conduit auditif. Du cérumen peut être recueilli et étalé sur lame pour une observation au microscope sous un grossissement de 40 et 100 fois. Le prélèvement chez un furet vigile est difficile. Le furet est alors fermement saisi par la peau du cou, un assistant ou son propriétaire maintenant le train arrière. Il est fréquent d’observer des œufs et différents stades parasitaires en grande quantité. Le cycle parasitaire de l’acarien dure 3 semaines [5, 12, 13, 16]. Il peut survivre jusqu’à 12 jours en dehors de son hôte [15].

La présence de cérumen brun-noir souvent en grande quantité dans les oreilles du furet est physiologique et ne présume pas de celle d’acariens.

2. Gale du corps

Les cas de gale du corps à Sarcoptes scabiei sont rares chez le furet [2]. La transmission se fait par contact direct, le chien pouvant être une source de contagion. Une alopécie, des croûtes et un prurit intense sont observés. Une lichénification de la peau survient parfois. Les lésions sont localisées (notamment aux extrémités, avec déformation possible des griffes) ou généralisées. Dans le cas d’une atteinte des extrémités, un diagnostic différentiel avec la forme cutanée de la maladie de Carré est requis.

Le diagnostic repose sur un raclage cutané, dont la réalisation sous anesthésie flash gazeuse est recommandée dans cette espèce vive et potentiellement mordeuse. Lors de lésions étendues, des faux négatifs sont fréquents. Meredith recommande le traitement de tous les furets en contact avec le malade, ainsi qu’un nettoyage de l’environnement (encadré) [13]. L’acarien peut être à l’origine de papules et de vésicules prurigineuses chez l’homme [10].

3. Démodécie

Un cas de démodécie à Demodex spp. a été rapporté chez 2 furets faisant tout deux l’objet d’une immunodéficience. Cette atteinte reste très rare. Un prurit local et une alopécie ont été observés. Les traitements proposés dans les études sont à base d’amitraz 0,05 % (mais risque de toxicité) et d’ivermectine (50 µg/kg/j, à prolonger 1 mois après le dernier raclage négatif) [1, 15]. L’association moxidectine-imidaclopride devrait être également une thérapeutique utile.

4. Pseudo-gale

Schoemaker signale des lésions faciales ulcératives secondaires à une infestation par Lynxacarus mustelae chez des furetons [19].

5. Atteinte par les tiques

Les tiques (acariens du sous-ordre des Ixodidés) classiquement rencontré chez le chien et le chat telles qu’Ixodes ricinus peuvent infester les furets qui ont accès à l’extérieur. Le diagnostic repose sur la simple observation des parasites (photo 4) [12]. La maladie de Lyme n’a pas été rapportée chez le furet [13]. Le retrait des tiques peut se faire comme chez le chien et le chat, à l’aide de crochets et de pinces adaptés. Une injection d’ivermectine (Ivomec® bovin, 0,4 mg/ kg, par voie sous-cutanée) peut être conseillée en cas de forte infestation. Selon notre expérience, une anémie peut survenir en cas d’infestation massive.

3 Dermatoses mycosiques

Les dermatophytoses sont très rares dans cette espèce et concernent essentiellement les furetons (photo 5). Elles sont dues généralement à Trichophyton mentagrophytes ou à Microsporum canis. La transmission se fait par contact direct entre furets ou avec d’autres animaux tels que le chat, ou indirect. Les lésions sont des zones de dépilation avec un érythème et parfois des croûtes. Le prurit est rare. Le diagnostic repose sur la réalisation d’un trichogramme et d’une culture mycologique. Certains auteurs signalent des rémissions spontanées, comme chez les rongeurs et les lapins [5, 12, 16].

Meredith propose un traitement topique à base d’énilconazole à 0,2 % (Imavéral®), en prenant garde au risque d’hypothermie chez les furetons [13, 16]. L’utilisation de kétoconazole (10 mg/kg toutes les 12 à 24 heures per os [PO], pendant 5 jours) est également décrite [3, 4, 9, 16]. Nous n’avons pas trouvé dans les études publiées de dose d’itraconazole se rapportant au traitement d’une dermatophytose. Les doses relevées (15 mg/kg/j, PO) sont proposées pour traiter des mycoses systémiques comme la cryptococcose et sont supérieures à celles prescrites lors de dermatophytose dans les autres espèces [3]. Cette molécule devrait être bien tolérée et efficace chez le furet. Cependant, des essais sont à mener dans le traitement des dermatophytoses pour confirmer ces prévisions favorables et préciser les dosages à administrer.

Le traitement de tous les furets en contact et un contrôle des autres mammifères du foyer sont recommandés. Comme pour les chiens et les chats, une hygiène de l’environnement est nécessaire.

Conclusion

L’otacariose est de loin la principale ectoparasitose du furet et doit être recherchée chez tout animal vu en consultation. Cependant, le praticien se doit de connaître les autres ectoparasites moins fréquents, ainsi que les symptômes et traitements associés.

Références

  • 1. Beaufrère H, Neta M, Smith DA, Taylor WM. Demodec-tic mange associated with lymphoma in a ferret. J. Exotic Pet Med. 2009;18:57-61.
  • 2. Bussiéras J, Chermette R. Parasitologie vétérinaire : Entomologie. Éd. Service de parasitologie de l’École nationale vétérinaire de Lyon. 1991:163p
  • 3. Carpenter JW. Exotic animal formulary. 4th ed. Ed. Elsiever. 2013:561-594
  • 4. Fox JG, Marini RP. Biology and diseases of the ferret. 3rd ed. Ed. Wiley Blackwell. 2014:553-587
  • 5. Hoppmann E, Barron HW. Ferret and rabbit dermatology. J. Exotic Pet Med. 2007;16(4):225-237.
  • 6. Hutchinson MJ, Jacobs DE, Mencke N. Establishment of the cat flea (Ctenocephalides felis felis) on the ferret (Mustela putorius furo) and its control with imidacloprid: Medical and veterinary entomology. 2001;15:212-214.
  • 7. Larsen KS, Siggurdsson H, Mencke N. Efficacy of imidacloprid, imidacloprid/permethrin and phoxim for flea control in the Mustelidae (ferret, mink). Parasitol. Res. 2005;95:107-112.
  • 8. Le Sueur C, Bour S, Schaper R. Efficacy and safety of the combination imidacloprid 10%/moxidectin 1.0% spot-on (Advocate® spot on for small cats and ferrets) in the treatment of ear mite infection (Otodectes cynotis) in ferrets. Parasitol. Res. 2011;109:149-156.
  • 9. Lewington JH. Ferret husbandry, medicine and surgery. 2nd ed. Ed. Saunders Elsiever. 2007:224-257
  • 10. Linsart A. Du bon usage des antiparasitaires chez les petits mammifères de compagnie. Point Vét. 2010;311:24-30.
  • 11. McCall J et coll. Imidacloprid/ moxidectin (topical solution) to prevent heartworm (Dirofilaria immitis) infection and flea (Ctenocephalides felis) infestation in ferrets. NAVC Conference, January 2008. Compend. Contin. Educ. Vet. 2008;30(6, suppl):1-6.
  • 12. Meredith A. Dermatology of mammals. In: Paterson S, ed. Skin diseases of exotic pets. Ed. Blackwell Publishing. 2006:204-220.
  • 13. Meredith A. Ferrets: Dermatoses. In: Keeble E, Meredith A, eds. BSAVA Manual of rodents and ferrets. Ed. British Small Animal Veterinary Association, Gloucester. 2009:269-274.
  • 14. Miller DS, Eagle RP, Zabel S et coll. Efficacy and safety of selamectin in the treatment of Otodectes cynotis infestation in domestic ferrets. Vet. Rec. 2006;159(22):748.
  • 15. Noli C, Van Der Horst HH, Willemse T. Demodicosis in ferrets (Mustela putorius furo). Vet. Q. 1996;18(1):28-31.
  • 16. Orcutt C, Tater K. Dermatologic diseases. In: Quesenberry KE, Carpenter M, eds. Ferrets, rabbits and rodents, clinical medicine and surgery. Ed. Saunders. 2012:122-131
  • 17. Paterson S. Skin diseases of exotic pets. Ed. Wiley-Blackwell, Oxford. 2006:204-220
  • 18. Powers L. Bacterial and parasitic diseases of ferrets. Vet. Clin. Exotic Anim. 2009;12:531-561.
  • 19. Schoemaker NJ. Selected dermatological conditions in exotic pets. Exotic DVM. 1999;1:5.
  • 20. Weinzel U et coll. Efficacy of imidacloprid 10%/moxidectine 1% (Advocate®/Advantage Multi®) against fleas (Ctenocephalides felis felis) on ferrets (Mustela putorius furo). Parasitol. Res. 2008;103:231-234.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Traitement des gales auriculaires et du corps

→ Les traitements recommandés dans les publications sont hors autorisation de mise sur le marché, et regroupent l’association imidoclopramide-moxidectine (Advocate® chat et furet, une pipette par furet adulte spot-on), l’ivermectine (0,4 mg/kg par voie sous-cutanée, deux fois, à 14 à 28 jours d’intervalle) et la sélamectine (Stronghold®, 15 mg/ kg s pot-on) [3, 8, 14]. Meredith signale que les spécialités topiques pour le traitement de l’otacariose sont souvent inopérantes en raison du faible diamètre du conduit auditif dans cette espèce [12, 13].

→ L’utilisation d’avermectine en gel auriculaire est efficace si le propriétaire parvient à l’administrer correctement. Un nettoyage de l’environnement à chaque application de l’antiparasitaire est recommandé (aspiration des poils autour de la cage, vinaigre de vin blanc pour désinfecter celle-ci).

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