Anastomoses intestinales : suture manuelle ou suture automatique - Le Point Vétérinaire expert canin n° 364 du 01/04/2016
Le Point Vétérinaire expert canin n° 364 du 01/04/2016

CHIRURGIE DIGESTIVE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : Service de chirurgie
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

Les chirurgies intestinales (entérotomie et entérectomie) sont très fréquentes chez les animaux de compagnie. Les indications chirurgicales sont les obstructions par un corps étranger, les tumeurs digestives, les perforations intestinales, les intussusceptions, les volvulus mésentériques et les anomalies congénitales.

ENTÉRECTOMIE : SUTURE MANUELLE VERSUS SUTURE AUTOMATIQUE

Le choix du fil et de l’aiguille (monofilament de type polydioxanone ou polyglyconate monté sur une aiguille ronde), ainsi que la technique chirurgicale sont importants lors de suture manuelle. Une suture apposante, en un plan, à l’aide de points simples ou d’un surjet, est actuellement recommandée [2, 10]. L’utilisation de fils de type “barbelés” est également envisageable, permettant une suture plus rapide [3].

Trois types de pince automatique sont utilisés en chirurgie viscérale : les pinces thoraco-abdominale (TA), les pinces d’anastomose gastro-intestinale (dites GIA pour gastro­intestinal anastomosis), et les pinces d’anastomose termino-terminale (dites EEA pour end-to-end anastomosis). Les pinces TA délivrent deux ou trois rangées d’agrafes en forme de B, mais elles ne contiennent pas de dispositif de section. Trois longueurs de pince TA existent (30, 55 ou 90 mm) pour des longueurs d’agrafes de 2,5, 3,5 ou 4,8 mm [6, 8]. Les pinces GIA (50 ou 90 mm de longueur) délivrent quatre rangées d’agrafes en forme de B, d’une longueur de 3,8 ou 4,8 mm. Ce type de pince permet de sectionner les tissus agrafés entre les deuxième et troisième rangées d’agrafes. Les pinces EEA permettent une anastomose termino-terminale en libérant deux rangées circulaires d’agrafes. Pour être utilisée, une extrémité de la pince EEA doit être insérée dans la lumière intestinale par le rectum ou par un autre site d’entérotomie ou de gastrotomie [6].

Dans l’étude présentée, l’anastomose intestinale est dite latéro-latérale. En effet, les deux portions de tube digestif sont apposées par leur bord antimésentérique et jointes l’une à l’autre par une pince GIA. Afin de compléter l’anastomose en fermant la lumière intestinale, une pince TA ou GIA est appliquée à l’extrémité de ces deux portions jointes [11]. Afin de limiter les risques de fuite, un point simple doit être ajouté à l’extrémité des agrafes libérées par la pince GIA [11].

Les avantages des pinces automatiques sont la prévention des hémorragies et de la nécrose tissulaire, une préservation de la vascularisation, une diminution de la manipulation tissulaire et de l’inflammation, ainsi qu’une meilleure résistance à la tension que les sutures manuelles [5, 6, 8]. De plus, comme indiqué dans l’étude de Duell, l’anastomose par suture automatique est plus rapide que par suture manuelle, et ce quelle que soit l’expérience du chirurgien. Elle est donc intuitive et sécuritaire lorsque son fonctionnement est connu [5]. La rapidité du geste chirurgical surpasse le surcoût engendré par le matériel lors d’une intervention sur un chien instable. L’utilisation de pinces automatiques ne doit toutefois pas compenser un manque d’expérience chirurgicale [6]. Les désavantages des pinces automatiques sont la ligature parfois incomplète des vaisseaux sanguins, les fuites potentielles de liquide ou d’air, ainsi que les erreurs techniques [6].

LES COMPLICATIONS DES SUTURES INTESTINALES

Que ce soit après une entérotomie ou une entérectomie par suture manuelle ou automatique, la suture intestinale doit être étanche pendant la guérison du site d’incision intestinale. Par conséquent, la déhiscence de la suture constitue la complication la plus fréquente lors de chirurgie digestive, associée au développement secondaire d’une péritonite septique par déversement du contenu digestif dans la cavité abdominale. Cette complication est rencontrée dans 7 à 16 % des cas et nécessite une réintervention chirurgicale, avec un pronostic réservé (30 à 85 % de mortalité à la suite d’une péritonite septique) [1, 2, 7, 10]. Le développement d’un iléus paralytique est également assez commun après une intervention chirurgicale. Les sténoses cicatricielles et le syndrome de l’intestin court lors d’entérectomie étendue sont des complications plus rares des chirurgies digestives [4]. Enfin, les adhérences péritonéales sont très peu fréquentes chez le chien en raison de son système fibrinolytique très efficace [2].

LES FACTEURS DE RISQUE DE DÉHISCENCE INTESTINALE

Plusieurs facteurs de risque ont été associés au développement d’une déhiscence postopératoire : une péritonite préopératoire, un corps étranger obstructif, une hypo­albuminémie (inférieure à 25 g/l), l’utilisation de produits sanguins et une réalimentation entérale retardée en phase postopératoire [1, 7]. Lors d’anastomose par suture automatique, d’autres facteurs de risque de déhiscence ont été mis en évidence : la présence d’une maladie inflammatoire chronique des intestins en phase préopératoire, la localisation de l’anastomose (risque augmenté en cas de colectomie) et le nombre et la durée des périodes d’hypotension durant la chirurgie [8]. Dans cette étude, les facteurs de risque présentés précédemment n’ont pas été confirmés.

Conclusion

Les déhiscences intestinales postopératoires sont observées dans environ 10 % des cas, que l’anastomose soit réalisée par suture automatique ou suture manuelle. La rapidité et la fiabilité de la suture automatique en font une solution alternative très intéressante à la suture manuelle, notamment chez des individus instables atteints, par exemple, de péritonite septique.

Références

  • 1. Allen DA, Smeak DD, Schertel ER. Prevalence of small intestinal dehiscence and associated clinical factors: a retrospective study of 121 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1992;28:70-76.
  • 2. Brown DC. Small intestine. In: Tobias KM, Johnson SA eds. Veterinary surgery small animals. Elsevier Saunders, St Louis. 2012;1513-1541.
  • 3. Ehrhart NP, Kaminskaya?K, Miller JA et coll. In vivo assessment of absorbable knotless barbed suture for single layer gastrotomy and enterotomy closure. Vet. Surg. 2013;42:210-216.
  • 4. Gorman SC, Freeman LM, Mitchell SL et coll. Extensive small bowel resection in dogs and cats: 20 cases (1998-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;228:403-407.
  • 5. Jardel N, Hidalgo A, Leperlier D et coll. One stage functional end-to-end stapled intestinal anastomosis and resection performed by nonexpert surgeons for the treatment of small intestinal obstruction in 30 dogs. Vet. Surg. 2011;40:216-222.
  • 6. Peycke LE. Facilitation of soft tissue surgery: surgical staplers and vessel sealing devices. Vet. Clin. Small Anim. 2015;45:451-461.
  • 7. Ralphs SC, Jessen CR, Lipowitz AJ. Risk factors for leakage following intestinal anastomosis in dogs and cats: 115 cases (1991-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;223:73-77.
  • 8. Snowdon KA, Smeak?DD, Chiang S. Risk factors for dehiscence of stapled functional end-to-end intestinal anastomoses in dogs: 53 cases (2001-2012). Vet. Surg. 2016;45:91-99.
  • 9. Tobias KM. Surgical stapling devices in veterinary medicine: a review. Vet. Surg. 2007;36:341-349.
  • 10. Weisman DL, Smeak DD, Birchard SJ et coll. Comparison of a continuous suture pattern with a simple interrupted pattern for enteric closure in dogs and cats: 83 cases (1991-1997). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;214:1507-1510.
  • 11. White RN. Modified functional end-to-end stapled intestinal anastomosis: technique and clinical response in 15 dogs. J. Small Anim. Pract. 2008;49:274-281.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Déterminer la fréquence des déhiscences postopératoires à la suite d’une anastomose intestinale par une suture manuelle ou une suture automatique, et comparer les durées d’intervention chirurgicale.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée sur 8?ans dans cinq institutions. Les chiens ayant subi une entérectomie avec anastomose intestinale ont été inclus dans l’étude. Ils ont été regroupés en deux groupes selon la technique utilisée pour l’anastomose : suture manuelle ou suture automatique. Les facteurs étudiés sont, notamment, la présence d’une péritonite septique préopératoire, la durée de l’intervention chirurgicale, la cause et la localisation de l’entérectomie, l’expérience du chirurgien. Les sutures automatiques ont été réalisées à l’aide d’une pince d’anastomose gastro-intestinale et d’une pince thoraco-abdominale ou à l’aide de deux pinces d’anastomose gastro-intestinale.

RÉSULTATS

• 214 chiens inclus, 142 traités par suture manuelle, 72 par suture automatique.

• Intervention chirurgicale significativement plus rapide lors de suture automatique (108 min) que lors de suture manuelle (140 min).

• Pas d’impact de l’expérience du chirurgien sur la durée d’intervention lors de la suture automatique, tandis que la durée de mise en place de la suture manuelle est corrélée à l’expérience du chirurgien.

• Déhiscence dans 14 % des cas : 16 % des sutures manuelles, 11 % des sutures automatiques.

• Pas de différence significative des taux de déhiscence entre les sutures automatiques et manuelles, ni entre la suture par points simples ou celle par points continus.

• Aucun effet du site d’entérectomie sur le taux de déhiscence.

• La présence d’une péritonite septique en phase préopératoire est associée à un taux de déhiscence plus élevé (25 % versus 10 %).

• Une déhiscence postopératoire est significativement associée à une mortalité postopératoire augmentée (67 % versus 2 %).

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