MÉDECINE RÉGÉNÉRATIVE
Analyse d’article
Auteur(s) : Magali Decome
Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire,
3200, rue Sicotte,
Service de médecine interne,
Saint-Hyacinthe, QC J2S 2M2,
Québec, Canada
Une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) correspond à une entéropathie dont les signes cliniques persistent depuis plus de 3 semaines ou sont récurrents. Le diagnostic définitif est établi sur la base des résultats histopathologiques démontrant un infiltrat inflammatoire de la muqueuse intestinale. L’étiologie demeure encore partiellement incomprise. Les signes cliniques et la sévérité de l’atteinte sont variables d’un animal à l’autre et dépendent de la localisation des lésions.
Les MICI sont généralement classées selon leurs réponses aux traitements. Sont ainsi décrites dans les publications scientifiques les entéropathies répondant au changement de nourriture, à l’administration d’antibiotiques ou d’immunomodulateurs.
Deux scores ont été définis en médecine vétérinaire pour permettre d’établir la sévérité clinique de l’atteinte et de suivre de manière plus objective l’évolution des signes cliniques. Le score CIBDAI (Clinical Inflammatory Bowel Disease Activity Index) prend en considération l’attitude de l’animal, son appétit, la présence de vomissement, la consistance et la fréquence des selles et une perte de poids [9]. Quant au score CCECAI (Canine Chronic Enteropathy Clinical Activity Index), il reprend ces mêmes critères, en ajoutant la concentration sérique en albumine, la présence d’ascite ou d’œdème périphérique ainsi que de prurit [2]. Une MICI pourra ainsi être qualifiée de légère, modérée, sévère ou très sévère selon l’index utilisé.
Des grades histologiques sont également décrits. Aucune corrélation entre les index clinique et histopathologique n’a toutefois pu être mise en évidence. D’autres marqueurs potentiels de la sévérité de l’atteinte ont été examinés, tels que la concentration sérique en protéine C réactive, utilisée dans l’article étudié ici en suivi, et ce malgré le fait que les données scientifiques ne s’accordent pas sur la fiabilité de ce marqueur, la cobalaminémie ou l’albuminémie [2, 9, 11].
Lors du diagnostic d’une MICI, plusieurs essais thérapeutiques peuvent être réalisés. Dans un premier temps, une alimentation hypoallergénique stricte est administrée. Une non-réponse au traitement est considérée après environ 3 semaines. Dans ce cas, une antibiothérapie est mise en place. Le métronidazole et la tylosine sont les deux antibiotiques de choix pour le traitement des MICI, excepté pour la colite ulcérative histiocytaire du boxer pour laquelle un germe Escherichia coli entéropathogène a été mis en cause [8, 10, 15]. C’est pourquoi un traitement à l’enrofloxacine est conseillé dans ce cas, tel qu’utilisé dans l’article analysé. Enfin, si les signes cliniques persistent, des immunomodulateurs sont mis en place. Nombreux sont ceux qui ont été étudiés. Les plus fréquemment utilisés sont la prednisone, la prednisolone, le budésonide, la cyclosporine ou le chlorambucil. Certains chiens demeurent cependant réfractaires aux différents essais thérapeutiques. Plusieurs études révèlent que l’efficacité de la prednisone est observée dans 50 à 83 % des cas, contre 78 % pour le budésonide. Lors d’ajout de métronidazole à la prednisone, le traitement semble efficace dans 75 à 80 % des cas. La cyclosporine, souvent utilisée lorsque la maladie est réfractaire aux corticostéroïdes, donne 78 % de réponses favorables. En d’autres termes, la maladie est réfractaire aux immunomodulateurs dans environ 10 à 20 % des cas [1, 5, 8, 12].
En médecine vétérinaire, l’utilisation des cellules souches a déjà été décrite dans le traitement de l’ostéo-arthrose chez le chien et le cheval, des lésions musculo-squelettiques chez le cheval et, récemment, des maladies rénales chroniques chez le chat [3, 13]. L’injection intraveineuse de cellules souches mésenchymateuses allogéniques a déjà été étudiée chez le chat et semble sûre, comme dans l’article analysé [13].
Dans le cadre des MICI, l’utilisation des cellules souches a d’abord été considérée en médecine humaine. Des résultats intéressants ont été observés pour le traitement, d’une part, de patients atteints de la maladie de Crohn, et d’autre part, de la colite chez le rat [4, 6, 7]. Une étude clinique de phase II a été publiée en 2014, montrant une évolution favorable des scores cliniques après l’injection intraveineuse de cellules souches mésenchymateuses allogéniques, comme dans l’article résumé [6]. L’atteinte sévère des animaux inclus dans l’étude et le fait qu’ils soient réfractaires aux autres traitements immunomodulateurs rendent ces résultats d’autant plus intéressants. En ce qui concerne l’article étudié, il convient de noter l’appartenance de deux des auteurs au laboratoire produisant les cellules souches utilisées.
Les cellules souches semblent améliorer la cicatrisation ou favoriser l’intégrité de la muqueuse intestinale, en régulant l’homéostasie cellulaire endogène [14]. Elles faciliteraient en effet le renouvellement des cellules épithéliales intestinales, en augmentant le processus de renouvellement endogène et en diminuant le phénomène d’apoptose [14].
Les MICI peuvent parfois représenter un challenge thérapeutique pour les cliniciens, étant donné que certains animaux sont réfractaires aux traitements habituels. L’utilisation de cellules souches mésenchymateuses allogéniques semble prometteuse pour le traitement de ces atteintes, même si de plus amples investigations sont nécessaires.
Aucun.
OBJECTIF
L’objectif de cette étude était d’établir l’efficacité et la sécurité d’utilisation de cellules souches adipeuses allogéniques pour le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) chez le chien.
MÉTHODE
Il s’agit d’une étude prospective réalisée chez 11 chiens atteints de MICI, réfractaires aux traitements symptomatiques et médicaux classiques, arrêtés 3 semaines avant l’inclusion dans l’étude. Seul un boxer atteint de colite ulcérative histiocytaire continue à recevoir de l’enrofloxacine.
Le tissu adipeux est prélevé chez un bouvier bernois, puis envoyé dans un laboratoire pour la préparation des cellules souches allogéniques. Une dose intraveineuse d’environ 2 × 106 cellules/kg de poids vif est administrée.
La sévérité de la MICI est suivie grâce aux résultats de deux index (Clinical Inflammatory Bowel Disease Activity Index, CIBDAI, et Canine Chronic Enteropathy Clinical Activity Index, CCECAI), ainsi qu’avec la concentration sérique en protéine C réactive, en cobalamine, en folate et en albumine avant et après traitement.
À la fin de l’étude, les chiens sont considérés en rémission si une baisse de plus de 75 % des index CIBDAI et CCECAI est observée, ou en rémission partielle si l’amélioration des index se situe entre 25 et 75 %.
RÉSULTATS
• Un infiltrat lymphoplasmocytaire est présent chez 10 chiens, et une colite ulcérative histiocytaire chez le onzième (boxer).
• Initialement, les chiens présentent une atteinte modérée à très sévère.
• 9 chiens sur 11 sont en rémission à la fin du suivi.
• Une amélioration significative des paramètres albumine, cobalamine et folate est notée.
• Le cas de colite ulcérative histiocytaire répond moins favorablement.
• Le traitement est bien toléré.
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