Shunt porto-systémique intra-hépatique à division droite chez un chien : apport de l’imagerie - Le Point Vétérinaire expert canin n° 361 du 01/12/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 361 du 01/12/2015

ANGIOLOGIE ET IMAGERIE

Cas clinique

Auteur(s) : Marie-Claire Robin*, Clément Bordenave**, Pierre Barreau***, Renaud Jossier****, Marion Fusellier-Tesson*****

Fonctions :
*CHUV Oniris, interne en animaux de compagnier
obinmarieclaire@yahoo.fr
**CHUV Oniris, service d’imagerie médicale
***CHUV Oniris, service de chirurgie,
Atlanpôle-La Chantrerie, BP 40706,
44307 Nantes Cedex 03,
****Clinique vétérinaire VetRef,
rue James Watt, service d’imagerie médicale,
49070 Beaucouzé
*****CHUV Oniris, service d’imagerie médicale

La clinique d’un shunt porto-systémique est assez parlante. En revanche, l’identification précise de l’anomalie est plus complexe. L’imagerie moderne, notamment l’angioscanner, résout cette difficulté.

Un shunt porto-systémique est une communication vasculaire pathologique entre le système porte et la circulation systémique. Le shunt dévie le flux sanguin de la veine porte vers la veine cave caudale, la veine azygos ou une autre veine de la circulation systémique, court-circuitant ainsi le foie [4]. Cette déviation entraîne un grand nombre de modifications biologiques, dont une diminution de la métabolisation des toxines qui s’accumulent dans la circulation générale et altèrent la neurotransmission au sein du cerveau, menant au syndrome d’encéphalose hépatique [6].

CAS CLINIQUE

Un berger australien mâle entier âgé de 3 mois est atteint d’un retard de croissance associé à des troubles nerveux chroniques et évolutifs depuis 1 mois.

1. Anamnèse et commémoratifs

Depuis l’âge de 2 mois, le chiot présente un retard de croissance marqué. Les signes cliniques rapportés sont un port de tête anormalement bas, une surdité, un ptyalisme, une hypovigilance, une marche sans but et une raideur des membres postérieurs. Ils se sont accentués progressivement jusqu’à l’âge de 3 mois.

Au cours d’une journée type, l’état général de l’animal est bon le matin, se dégrade dans les 2 à 4 heures postprandiales (repas vers 8 heures, puis apparition vers 11 heures d’une léthargie, de tremblements involontaires des membres et d’une marche sans but), pour s’améliorer en fin d’après-midi, avec une disparition presque complète des symptômes dans la soirée. Le chien est référé au centre hospitalier vétérinaire d’Oniris pour un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’encéphale : une malformation cérébrale congénitale est suspectée par son vétérinaire traitant.

2. Examen clinique

L’examen clinique à l’arrivée de l’animal révèle un retard de croissance majeur associé à une note d’état corporel évaluée à 3 sur 9 pour un poids de 3,10 kg et un abattement (photo 1). L’auscultation cardiorespiratoire ne montre aucune anomalie, et la palpation abdominale est souple et non douloureuse. Les autres signes cliniques rapportés dans l’anamnèse ne sont pas retrouvés au cours de cet examen.

3. Hypothèses diagnostiques

Les principales hypothèses diagnostiques sont une encéphalose hépatique avec comme principale cause un shunt porto-systémique ou une dysplasie hépatique, un nanisme hypophysaire, une hypothyroïdie ou un processus infectieux (encéphalite, méningite d’évolution chronique).

4. Examens complémentaires

Aucun examen n’a été réalisé au préalable par le vétérinaire référent. En raison du jeune âge du chien et de l’examen clinique satisfaisant, seul un bilan préanesthésique est réalisé révélant quelques anomalies qui sont compatibles avec le protocole choisi. L’IRM demandée est entreprise.

Résultats de l’IRM

L’IRM met en évidence une hyperintensité T2 à répartition symétrique localisée autour de l’hippocampe, dans le tronc cérébral et au sein de la capsule externe. Ces images sont compatibles prioritairement avec un œdème cérébral, dont la localisation et la symétrie sont fortement évocatrices d’une encéphalopathie d’origine métabolique ou toxique (photos 2a à 2c).

Ponction du liquide céphalo-rachidien

Afin d’investiguer une hypothèse infectieuse et profitant de l’anesthésie générale, une ponction du liquide céphalo-rachidien par voie haute (ponction atlanto­occipitale) est réalisée directement après l’IRM. Son analyse ne révèle aucune anomalie (tableau 1).

Bilan sanguin

À la recherche d’une cause métabolique, un bilan sanguin étendu est effectué. Il met en évidence une hypoprotéinémie, une hypoalbuminémie, une urémie à la limite des valeurs usuelles inférieures, une augmentation des phosphatases alcalines (PAL), une hyperammoniémie et une très discrète élévation des acides biliaires postprandiaux (tableau 2). Ces résultats d’analyse sont fortement évocateurs d’un shunt hépatique porto-systémique. Dans l’hypothèse que le diagnostic de shunt hépatique soit confirmé, la faible augmentation des acides biliaires postprandiaux peut s’expliquer par une insuffisance hépatique ou par un repas insuffisant pour déclencher leur sécrétion.

Les résultats de la numération et de la formule sanguines montrent une anémie marquée microcytaire, hypochrome et hyporégénérative, ainsi qu’une leucocytose neutrophilique modérée, résultats également compatibles avec l’hypothèse d’un shunt hépatique porto-systémique.

Échographie abdominale

Une échographie abdominale, réalisée quelques heures après la fin de l’IRM à la recherche de lésions pouvant expliquer les modifications hématologiques, met en évidence un shunt intra-hépatique (porto-cave) à division droite, associé à une micro-hépatie, à une néphromégalie bilatérale et à des cristaux vésicaux en suspension (photos 3a à 3f).

5. Diagnostic définitif

Le diagnostic définitif établi est celui de shunt intra-hépatique associé à une encéphalose hépatique.

Un traitement médical est mis en place afin de stabiliser dans un premier temps l’état de l’animal. Une chirurgie sera programmée ultérieurement, après amélioration de l’état clinique, et en fonction de l’évolution des symptômes.

6. Traitement médical

Le traitement médical instauré à la sortie du chiot (le lendemain de l’examen IRM) est le suivant :

– un régime faible en protéines à base de croquettes NF Renal Function® prescrit pour réduire la source d’azote et privilégier les protéines à haute valeur ajoutée ;

– du lactulose (Duphalac®) ;

– l’association spiramycine-métronidazole (Buccoval®) pour diminuer la charge bactérienne intestinale productrice d’ammonium.

Une semaine après la mise en place du traitement, les propriétaires rapportent une disparition complète des symptômes nerveux tout au long de la journée, et plus particulièrement en période postprandiale.

Après 10 semaines de traitement médical (poursuivi jusqu’à la veille de l’intervention chirurgicale), le chiot ne présente plus aucun symptôme nerveux. Il a pris du poids (score corporel évalué à 5 sur 9) et son examen clinique ne révèle aucune anomalie.

7. Angioscanner préopératoire

Un angioscanner abdominal (photos 4a et 4b) est pratiqué afin de préparer l’acte chirurgical. Il permet de déterminer avec précision la position et la morphologie du shunt. Celui-ci prend naissance sur la veine porte, juste après son entrée dans la porta hepatica, dans sa portion droite. Il chemine au sein du processus caudé du lobe caudé et du lobe moyen droit, formant une volumineuse boucle (faisant jusqu’à 2 cm de diamètre). Il s’abouche à la veine cave caudale dans sa portion dorso-latérale droite juste avant son entrée dans le hiatus diaphragmatique. Une atrésie de la veine porte est également notée.

8. Traitement chirurgical

Prémédication

La prémédication est réalisée avec de la méthadone (0,2 mg/kg) et du midazolam (0,1 mg/kg) par voie intraveineuse. Le diazépam est évité car il contient du propylène glycol et sa métabolisation est principalement hépatique. L’induction se fait avec du propofol (4 mg/kg) par voie intraveineuse environ 15 minutes après la prémédication, puis un relais gazeux à l’isoflurane est utilisé en maintenance. L’analgésie est gérée à l’aide d’une CRI (constant rate infusion) de fentanyl et de kétamine. En effet, le fentanyl et la kétamine permettent un ajustement plus fin de l’analgésie, comparativement à la méthadone (aucun effet antagoniste entre la méthadone, le fentanyl et la kétamine n’est à craindre). L’animal reçoit également un traitement antibiotique à base d’amoxicilline intra­veineux (20 mg/kg).

Déroulement de l’opération

Après une tonte large de l’abdomen et d’une partie du thorax, l’animal est placé en décubitus dorsal et le site opératoire fait l’objet d’une désinfection usuelle pour une laparotomie. L’abdomen cranial est abordé par une laparotomie médiane. La veine porte et la veine cave caudale sont visualisées. Le lobe hépatique latéral droit est récliné latéralement. Une dissection fine du parenchyme hépatique au niveau de la base du lobe caudé permet d’individualiser la branche droite de la veine porte.

Une bande de cellophane (papier d’emballage de type fleuriste stérilisé à l’autoclave par un cycle à 121 °C), ainsi qu’un occludeur hydraulique (commercialisé par NorfolkVet, diamètre de 14 mm) sont placés autour du shunt (vérification faite par une échographie peropératoire, en plaçant au préalable la sonde échographique au sein d’un gant stérile rempli de gel échographique). La sonde est ensuite posée directement sur le lobe hépatique, pour visualiser la bande de cellophane autour du shunt. Le port d’injection en titane de l’occludeur hydraulique est suturé dans le plan sous-cutané paramédian droit au moyen de cinq sutures (points simples) de polypropylène (photos 5a à 5e).

La bande de cellophane et l’occludeur hydraulique sont positionnés de façon à ne pas induire de signes d’hypertension portale. Cela a été objectivé en période peropératoire par la surveillance des anses intestinales quelques minutes après leur mise en place (conservation de la couleur rosée des anses et du péristaltisme). Cette vérification était primordiale car l’hypertension portale peut avoir de graves conséquences (ascite, hyponatrémie, péritonite septique). Si des signes d’hypertension portale étaient apparus, il aurait fallu occlure le shunt de manière encore plus progressive, donc lui redonner un diamètre plus important.

Compte tenu du diamètre du shunt, une bande de cellophane seule ne peut suffire pour produire une inflammation suffisante à une occlusion complète. La mise en place d’un occludeur devrait permettre la fermeture progressive du shunt sans intervention supplémentaire, par l’injection graduelle (sur plusieurs semaines) de liquide via le dispositif d’injection sous-cutanée de l’occludeur hydraulique.

Phase postopératoire immédiate

Au cours de l’hospitalisation qui a suivi l’acte chirurgical, l’état général du chiot reste stable. Il ne présente pas de signes d’hypertension portale (absence d’anomalie à l’échographie et d’ascite). Une échographie abdominale est réalisée chaque jour, sans visualisation d’un épanchement abdominal (la recherche se focalise entre les lobes hépatiques, mais aussi autour des reins et de la vessie, premières localisations d’épanchement). Le traitement reçu au cours de l’hospitalisation, qui a duré 6 jours, est le suivant : lactulose (Duphalac®) deux fois par jour, métrodinazole (Flagyl®(1)) à la dose de 15 mg/kg deux fois par jour, amoxicilline (Clamoxyl®(1)) à 20 mg/kg deux fois par jour, sucralfate (Ulcar®(1)) deux fois par jour et vitamine K à 5 mg/kg une fois par jour.

Le traitement prescrit à la sortie de l’animal était le même qu’avant l’intervention chirurgicale, avec l’ajout d’un pansement gastrique (Ulcar®(1)). Le traitement médical est poursuivi après l’opération car le shunt est occlus progressivement. Il est donc indispensable, en attendant sa fermeture complète, de maintenir un traitement qui vise à empêcher l’apparition des symptômes d’encéphalose hépatique en réduisant les sources d’azote et en diminuant la charge bactérienne intestinale productrice d’ammonium.

9. Suivi à court terme

Deux semaines après la chirurgie, le chiot est présenté en consultation de contrôle : son poids est dans les normes et aucune anomalie n’est retrouvée à l’examen clinique. Le traitement est conservé jusqu’à l’occlusion complète du shunt.

10. Suivi à long terme

Une occlusion progressive du shunt par injection d’un produit de contraste radio-opaque de 25 % du volume initial de l’occludeur toutes les 2 semaines jusqu’à l’obtention de 120 % de ce volume (au terme de 2 mois) est planifiée. Un contrôle à la fois échographique et radiographique est effectué lors de chaque injection. Aucun signe d’hypertension portale n’est mis en évidence à l’échographie (absence d’épanchement) après chaque injection.

DISCUSSION : INTÉRÊTS COMPARÉS DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES D’IMAGERIE

1. Physiopathologie et épidémiologie

Les shunts porto-systémiques peuvent être congénitaux ou acquis, intra- ou extra-hépatiques [8].

Chez le chien, environ 25 à 33 % des shunts congénitaux sont intra-hépatiques, mais il existe des prédispositions raciales (les shunts intra-hépatiques se retrouvant majoritairement chez des chiens de grande taille et les shunts extra-hépatiques préférentiellement chez des chiens de petite taille) [1].

2. Clinique

L’hypothèse de shunt porto-systémique se fonde en premier lieu sur l’anamnèse et les commémoratifs, ainsi que sur les signes cliniques, souvent très évocateurs. Différents examens complémentaires permettent de confirmer cette hypothèse diagnostique.

3. Analyses sanguines et urinaires

Les analyses sanguines et urinaires sont les examens de base à pratiquer systématiquement lors d’une telle suspicion. Il est surprenant que le vétérinaire référent s’en soit passé. Sans doute a-t-il voulu privilégier son sens clinique et faire économiser ces frais aux propriétaires pour concentrer leurs efforts sur l’IRM.

De manière générale, les valeurs des enzymes hépatiques sont normales à augmentées en présence d’une encéphalose hépatique [7].

Une hypoprotéinémie, une hypoalbuminémie, une diminution de l’urémie, une glycémie à jeun normale ou faible, une hypocholestérolémie et une augmentation des temps de coagulation peuvent être présentes en cas de dysfonction hépatique, quelle qu’en soit la cause [7]. En cas de shunt porto-systémique, l’albuminémie et l’urémie sont basses, respectivement dans 50 % et 70 % des cas [1].

La hausse de l’ammoniémie et de la concentration des acides biliaires dans le plasma oriente en ce sens. L’augmentation de la concentration plasmatique en ammoniaque se retrouve chez des animaux dont le shunt porto-systémique est congénital ou acquis, traduisant l’incapacité du foie à le transformer en urée. Certaines études ont mis en évidence une corrélation entre le niveau d’ammoniaque et la sévérité du shunt, d’autres réfutant cette affirmation [7].

L’inconvénient majeur est la variation très rapide du taux d’ammoniaque dans le plasma, ce qui demande une analyse rapide après le prélèvement sanguin.

Sont retrouvées une élévation de la concentration sérique en acides biliaires, préprandiaux et 2 heures après le repas, avec une sensibilité proche de 100 %, une hyper­ammoniémie après 12 heures à jeun, avec une sensibilité entre 80 et 87 %, et une hyperammoniémie 6 heures après le repas, avec une sensibilité de 90 % [1].

La concentration en ammoniaque dans le plasma est plus spécifique que celle des acides biliaires pour détecter un shunt porto-systémique, car la concentration en acides biliaires peut aussi être modifiée en cas de choléstase, par une hémolyse, une lipémie ou le remplissage gastrique, et sa mesure nécessite un prélèvement quelques heures après le repas (ce qui est parfois difficile à réaliser en pratique) [7].

Une anémie microcytaire arégénérative peut également être observée [1].

L’analyse d’urine met en évidence des cristaux d’urate d’ammonium dans 33 à 55 % des cas et une densité urinaire basse [1].

4. Examens d’imagerie

Le rôle des examens d’imagerie est de confirmer la présence d’un shunt porto-systémique, mais aussi de visualiser les détails anatomiques du shunt, sa localisation, son parcours et son rapport avec les organes adjacents. Cela permet de guider la procédure chirurgicale pour réduire les risques de morbidité et de mortalité associés [2, 8].

Ils permettent également de mettre en évidence les conséquences et les potentielles complications liées à une malformation vasculaire (calculs entraînant une obstruction urétérale ou urétrale, atrésie de la veine porte, modifications du parenchyme hépatique, voire lésions hépatiques fibrotiques).

Méthodes radiographiques

Une radiographie de l’abdomen permet uniquement de mettre en évidence des modifications indirectes associées à un shunt porto-systémique, tels qu’une micro-hépatie, une néphromégalie bilatérale, ainsi qu’une dilatation de la veine cave caudale [1, 2]. Les calculs d’urate radiotransparents ne sont généralement pas visualisés, sauf s’ils sont associés à des sels de calcium ou à une struvite.

Il est possible de réaliser une portographie mésentérique ou trans-splénique pour visualiser le shunt. En effet, l’introduction d’un produit de contraste radio-opaque dans un affluent de la veine porte permet de mettre en évidence un shunt porto-systémique, sa morphologie et sa position [8]. Cette technique différencie les shunts intra-hépatiques des shunts extra-hépatiques. De plus, la pression portale peut être mesurée au cours d’une portographie mésentérique [8]. Cet examen présente une très bonne sensibilité pour le diagnostic de tous les types de shunts et est facilement répétable [2].

Ses principales limites sont les risques liés à l’anesthésie et à la laparotomie, ainsi qu’une exposition prolongée aux rayons X pour le chirurgien [8]. Ces investigations allongent également considérablement le temps opératoire [2]. C’est pourquoi elles ne sont plus réalisées en routine pour établir le diagnostic de shunt hépatique.

Échographie abdominale

L’échographie, avec ou sans Doppler, est une méthode non invasive qui permet de visualiser tant les anomalies indirectes (micro-hépatie, néphromégalie bilatérale, urolithiases) que le shunt lui-même dans de nombreux cas. Elle peut se pratiquer chez un animal non anesthésié, pour autant qu’il soit coopératif.

En effet, chez un chien, l’association des signes indirects suggère la présence d’un shunt porto-systémique congénital. En revanche, l’absence de ceux-ci ne permet pas de l’exclure. Une branche très dilatée et tortueuse en communication avec la veine cave caudale dans un lobe hépatique est pathognomonique d’un shunt porto-systémique congénital.

L’échographie présente une sensibilité de 68 % et une spécificité de 84 % dans le diagnostic de shunts, avec une grande variabilité dépendante de l’opérateur [3].

Le mode Doppler permet de mesurer la vitesse des flux et leur pulsatilité, ce qui augmente la sensibilité et la spécificité de cette technique.

Le flux dans la veine porte est normalement uniforme, non pulsatile, et sa vitesse se situe entre 12 et 17 cm/s chez le chien. Cette dernière peut dépasser les 20 cm/s en période postprandiale ou dans le cas d’un shunt porto­systémique. Lorsque la veine porte est directement connectée à un système de faible résistance, comme la veine cave caudale ou la veine azygos, le flux est influencé par les modifications de pression qui se produisent lors de la respiration et devient alors variable. Ce changement est observé chez 70 à 94 % des chiens qui présentent un shunt porto-systémique [8].

Cette technique est non invasive, et ne présente pas de risque pour l’animal ou l’opérateur. Elle est facilement répétable et peu onéreuse. De plus, elle permet la mesure de la vitesse du flux veineux portal [8]. Cette méthode est d’autant plus intéressante que les animaux atteints d’une hyperammoniémie ou d’une hypertension portale sont plus à risque lors d’une anesthésie générale [7]. Elle permet également de visualiser les autres anomalies consécutives à un shunt (micro-hépatie, néphromégalie, urolithiases, etc.) [2].

Les limites en sont la plus faible sensibilité, la difficulté à déterminer la position du shunt ou la présence de multiples petits shunts secondaires.

L’examen peut se révéler non concluant lors d’un trop grand nombre d’artefacts (gaz, remplissage digestif trop important, etc.). Il ne permet pas d’obtenir des images précises de l’ensemble du réseau porte consultable après la fin de l’examen et le diagnostic peut être incomplet en cas de multiples anomalies [2]. Ainsi, bien que cet examen permette d’établir le diagnostic de shunt dans de nombreux cas, il est rarement suffisant pour donner les détails (morphologie, localisation précise) nécessaires à une chirurgie.

IRM de l’encéphale

L’examen IRM de cette région n’est pas réalisé en routine pour le diagnostic de shunt porto-systémique. Dans le cas de ce chiot, il a été effectué avant les autres examens, conformément à la demande du vétérinaire traitant.

Lors de shunt hépatique, une étude a montré la présence de larges sillons et de plages hyperintenses en mode T1 dans le noyau lentiforme, non retrouvés en mode T2, ni après une injection de produit de contraste (gadolinium) [10].

Les pondérations T1 et T2 correspondent à des acquisitions différentes des images. En effet, la pondération T1 met en évidence un hypersignal de la graisse et un hyposignal de l’eau (donc, dans notre cas, du liquide céphalo-rachidien). Au contraire, la pondération T2 retrouve un hyposignal de la graisse et un hypersignal de l’eau.

L’hyperintensité s’étendait médialement et dorsalement en dehors du noyau lentiforme et semblait se poursuivre sur la zone du noyau accumbens.

Ces régions contiennent des projections de fibres provenant du corpus striatum, ce qui peut expliquer certains symptômes nerveux par les effets délétères sur le cortex moteur.

Chez un chien présentant un shunt porto-systémique extra-hépatique ligaturé, l’hyperintensité avait diminué 1 mois après l’opération [10].

De nombreux facteurs ont été proposés pour expliquer l’hyperintensité observée en mode T1, tels que des dépôts lipidiques, des calcifications, des dépôts de mélanine, une production de méthémoglobine ou encore une accumulation de manganèse, cette dernière étant la plus probable.

Une autre étude a été réalisée chez un yorkshire terrier âgé de 5 ans présentant un shunt porto-cave. Les images IRM ont montré un œdème cérébral, un élargissement des sillons, une hypo-intensité en mode T1 dans le cortex cérébral et une hyperintensité en mode T1 dans les noyaux lentiformes. L’autopsie a révélé une valeur de manganèse dans l’encéphale quatre fois plus élevée que chez le groupe témoin [9].

Une hyperintensité dans le cortex cérébral en mode T2 a été observée chez un chien atteint d’une encéphalose hépatique chronique sévère [7].

Des troubles métaboliques d’origine hépatique peuvent être à l’origine de lésions cérébrales spongiformes chez l’animal.

Chez l’homme, l’encéphalose hépatique, qui est secondaire à une cirrhose ou à d’autres troubles importants du foie, est considérée comme un syndrome neuropsychiatrique potentiellement réversible. En revanche, chez le chien et le chat, l’origine de l’élargissement des sillons observés reste indéterminée : est-il dû aux anomalies biochimiques ou résulte-t-il d’une hypoplasie corticale congénitale [10] ?

Selon certaines études, les lésions histologiques retrouvés dans le cerveau de chiens atteints d’une encéphalose hépatique étaient une nécrose diffuse du cortex cérébral, des lésions spongiformes et une augmentation du nombre d’astrocytes. L’IRM peut alors être utile pour établir le diagnostic d’encéphalose hépatique par l’identification de ces modifications cérébrales [5].

L’angiographie à résonance magnétique dans le diagnostic de shunt hépatique est décrite, mais moins développée que l’angioscanner, qui reste l’examen de référence. En effet, une angiographie à résonance magnétique requiert une IRM à haut champ magnétique, beaucoup moins répandue en France qu’un scanner.

Angioscanner abdominal

L’angioscanner abdominal permet de visualiser la circulation portale, donc de diagnostiquer des anomalies porto-vasculaires. Une vue en trois dimensions de l’anatomie abdominale est obtenue. Grâce à un traitement des images, il est possible d’éliminer la visualisation des structures autres que vasculaires qui gênent l’interprétation des images (comme la paroi musculaire abdominale ou certains organes). Il est possible de garder uniquement l’arbre vasculaire portal, pour déterminer le plus précisément possible la localisation et la morphologie du shunt.

Le scanner permet la visualisation de la plupart des urolithiases (cystine, oxalate de calcium, struvites). Les cristaux d’urate d’ammonium (les plus souvent rencontrées lors de shunt hépatique) sont les urolithiases les plus faiblement hyperdenses par rapport à la vessie : leur visualisation est variable [7].

L’angiographie portale par scanner est obtenue après une injection intraveineuse de produit de contraste iodé non ionique (dose d’iode de 600 à 800 mg/kg généralement utilisée, par injection soit manuelle soit à l’aide d’un injecteur à la vitesse de 1 à 2 ml/s). L’acquisition postcontraste se fait avec les mêmes constantes que les séquences précontraste. Le marquage du système porte est rapide, et l’acquisition postcontraste se fait entre 1 et 2 minutes après le début de l’injection, plus tardivement que la phase artérielle, mais plus précocement qu’une phase veineuse tardive.

Il est alors possible de visualiser les affluents de la veine porte (veines splénique, gastrique, mésentériques crâniale et caudale) et ses ramifications intra-hépatiques. Les coupes transversales permettent de suivre les différents vaisseaux. Leur trajet, leur forme et leurs liens avec les organes alentour sont observés grâce aux reconstructions en trois dimensions [2].

La sensibilité de l’angioscanner est de 96 % et sa spécificité de 84 % [3]. Il permet de différencier les shunts intra- et extra-hépatiques chez 83 % des animaux, et de déterminer l’origine et la position d’insertion du shunt dans 94 % des cas [3, 8].

Les risques sont liés à l’anesthésie et à l’injection du produit de contraste (les effets secondaires tels que des réactions allergiques sont très rares). La sensibilité et la spécificité de cet examen semblent supérieures à celles de l’échographie abdominale. Il est particulièrement indiqué lors de shunts complexes ou inhabituels pour lesquels les reconstructions sont très intéressantes. La limite principale de cette technique est son coût [8].

Scintigraphie portale transrectale

Cette technique consiste à injecter dans le rectum un radio-isotope et à suivre son activité par la captation des rayonnements γ émis à l’aide d’une γ-caméra [2]. Environ 14 % du produit isotope est absorbé par la muqueuse colique et se dirige vers le foie via la circulation porte [8].

Si l’animal présente un shunt porto-systémique, l’activité est d’abord visible dans le thorax, puis dans le foie, alors qu’en l’absence de shunt l’activité est d’abord perceptible dans le foie (après environ 8 à 10 secondes), puis dans le cœur (environ 8 à 12 secondes plus tard) [8].

La sensibilité de cette technique est de 100 %, mais elle ne permet pas de localiser de manière précise le ou les vaisseaux anormaux [2].

De plus, elle requiert des mesures lourdes de radioprotection, ce qui explique pourquoi elle n’est pas recommandée en première intention, mais peut se révéler utile si les autres techniques d’imagerie n’ont pas permis de conclure ou que l’anesthésie est vraiment risquée pour l’animal [2]. En effet, l’animal ne doit rester immobile qu’environ 1 minute pendant l’acquisition des images et peut rester vigile.

5. Traitements

Médicalement, seule une stabilisation est possible, avec en priorité une diminution de la production d’ammonium, une neurotoxine responsable de la majorité des symptômes [7]. Le traitement médical peut être prolongé, ou bien l’option chirurgicale envisagée après stabilisation de l’état clinique de l’animal. La chirurgie consiste en une occlusion en général progressive du vaisseau anormal [7]. L’hypertension portale devrait être contrôlée avant et après ligature (recommandation : 17,6 mmHg au maximum après). Dans le cas rapporté, l’occlusion a été effectuée progressivement par gonflement hydraulique, associé à la pose d’une bande de cellophane pour initier l’obstruction par inflammation des parois du shunt. La tension portale a été vérifiée par échographie.

Les examens d’imagerie sont effectués lors des contrôles visant à s’assurer de la bonne occlusion du shunt, sans apparition d’autres anomalies.

Conclusion

Les signes cliniques associés au shunt porto-systémique sont très évocateurs de cette affection. Les examens sanguins, de réalisation aisée (dosage des acides biliaires et de l’ammoniémie), permettent dans de nombreux cas d’affiner le diagnostic différentiel. Enfin, les techniques d’imagerie sont nécessaires pour poser le diagnostic définitif. L’angioscanner abdominal est l’examen de choix pour l’affirmation du diagnostic de shunt hépatique, en apportant également les précisions indispensables à la réalisation d’une chirurgie. Il est pratiqué de façon quasi systématique, avant tout traitement chirurgical du shunt. L’échographie abdominale, peu onéreuse, reste également très utilisée. Même si les shunts n’y sont pas visualisés dans tous les cas, elle met en évidence des signes indirects et renforce la suspicion clinique.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Berent A, Weisse C. Portosystemic shunts and portal venous hypoplasia. Stand. Care Emerg. Crit. Care Med. 2007;9.3:1-11.
  • 2. Jossier R. Shunts porto-systémiques : diagnostic par portographie assistée par tomodensitométrie. Point Vét. 2012;324:62-69.
  • 3. Kim SE, Giglio RF, Reese DJ, et coll. Comparison of computed tomographic angiography and ultrasonography for the detection and characterization of portosystemic shunts in dogs. Vet. Radiol. Ultrasound. 2013;54(6):569-574.
  • 4. Lipscomb VJ, Jones HJ, Brockman DJ, Complications and long-term outcomes of the ligation of congenital portosystemic shunts in 49 cats. Vet. Rec. 2007;160:465-470.
  • 5. Moon SJ. Magnetic resonance imaging findings of hepatic encephalopathy in a dog with a portosystemic shunt. J. Vet. Med. Sci. 2012;74(3):361-366.
  • 6. Retournard M., Ragetly G., Un cas inhabituel de shunt portosystémique chez un cocker de 9 mois. Point Vét. 2015;354:48-54.
  • 7. Salgado M, Cortes Y. Hepatic encephalopathy: diagnosis and treatment. Compend. Contin. Educ. Vet. 2013;35: E1-10
  • 8. Santilli RA, Gerboni G. Diagnostic imaging of congenital porto-systemic shunts in dogs and cats: a review. Vet. J. 2003;166:7-18.
  • 9. Torisu S, Washizu M, Hasegawa D et coll. Measurement of brain trace elements in a dog with a portosystemic shunt: relation between hyperintensity on T1-weighted magnetic resonance images in lentiform nuclei and brain trace elements. J. Vet. Med. Sci. 2008;70(12):1391-1393.
  • 10. Torisu S, Washizu M, Hasegawa D et coll. Brain magnetic resonance imaging characteristics in dogs and cats with congenital portosystemic shunts. Vet. Radiol. Ultrasound. 2005;46(6):447-451.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Un chiot atteint d’un shunt porto-systémique intra-hépatique qui provoque un retard de croissance et un œdème cérébral, mis en évidence par une échographie et un angioscanner abdominaux, est guéri chirurgicalement.

→ L’échographie, avec ou sans Doppler, est une méthode rapide et non invasive qui permet de diagnostiquer un shunt hépatique dans la plupart des cas.

→ L’imagerie par résonance magnétique peut se révéler utile pour établir le diagnostic d’une encéphalose hépatique par l’identification de séquelles neurologiques.

→ L’angioscanner abdominal est l’examen de choix dans le diagnostic et la localisation précise du shunt hépatique.

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