Pathologie nutritionnelle du lapin de compagnie - Le Point Vétérinaire n° 360 du 01/11/2015
Le Point Vétérinaire n° 360 du 01/11/2015

ALIMENTATION DES NAC

Dossier

Auteur(s) : Émilie Tessier

Fonctions : CaduVet Lille
57, rue Salvador-Allende
59120 Loos

Corriger trop tardivement les erreurs de régime alimentaire chez le lapin est moins efficace. Il est donc important de prodiguer de bons conseils au propriétaire dès la première consultation.

Une alimentation saine prévient de nombreux troubles de santé chez le lapin de compagnie (malocclusion dentaire, troubles digestifs chroniques, maladies urinaires, obésité, etc.). Une ration alimentaire équilibrée, notamment riche en fibres, permet aussi de rompre le cercle vicieux des complications digestives caractéristiques de cette espèce herbivore (arrêt de transit digestif, stase gastrique, entérotoxémie, diarrhée, accumulation de cæcotrophes, etc.).

La plupart des lapins de compagnie ont une alimentation inadaptée, malgré des propriétaires parfois très informés. Le vétérinaire doit donc réinterroger le propriétaire à chaque consultation et revoir l’alimentation, à titre préventif ou curatif (encadré 1).

1 Maladie dentaire

→ Les troubles dentaires constituent la majorité des motifs de consultation et d’anesthésie chez le lapin de compagnie (encadré 2).

→ Les signes d’appel des troubles dentaires sont nombreux et plus ou moins explicites : anorexie/dysorexie, diminution/arrêt du transit digestif, amaigrissement, difficultés à se toiletter, grincement de dents, ptyalisme, jetage ou épiphora, abcès faciaux, douleur à la palpation des mâchoires ou déformation, etc. En cas d’insuffisance d’usure, les dents du lapin, dont la pousse est continue, se courbent sous l’effet des forces de pression anormales. Des spicules dentaires se forment alors, généralement vers la langue pour les dents jugales inférieures et vers les joues pour les dents jugales supérieures (photo 1). Si le défaut d’usure persiste, la pression trop importante des dents d’une mâchoire contre les dents opposées entraîne une perforation de la mandibule ou du maxillaire par l’apex dentaire, favorisant ainsi la formation d’abcès péri-apicaux.

→ Une insuffisance d’usure dentaire est principalement liée à un excès d’aliment concentré (extrudés, granulés). Ces produits sont plus appétents que le foin, plus faciles à consommer et apportent trop d’énergie : le lapin n’a plus suffisamment faim ensuite pour consommer son foin ou sa verdure. De plus, la mastication de ces aliments est rapide et plutôt verticale : ils se délitent rapidement au contact de la salive. À l’inverse, la mastication de foin et de verdure est longue et difficile. Elle oblige le lapin à effectuer des mouvements latéraux et cranio-caudaux, correspondant à la mastication physiologique de l’espèce [6]. Enfin, de nombreux cristaux abrasifs de silicium sont présents dans les pousses fraîches ou les foins de légumineuses et de céréales : ils sont utiles mécaniquement à l’usure dentaire et bénéfiques pour l’organisme (notamment pour la santé dentaire).

→ Le manque de mastication n’est pas le seul facteur favorisant la maladie dentaire. La génétique, les traumatismes et les déséquilibres calcium/vitamine D sont aussi mis en cause (encadré 3).

Les lapins consommant des “mélanges complets” (à base de graines, quelques granulés ou extrudés, céréales soufflées, etc.) sont carencés en calcium et en vitamine D. En effet, il trient et mangent préférentiellement les aliments à haute valeur énergétique et pauvres en fibres, délaissant le reste du mélange et le foin. La composition de ces aliments est à base de légumineuses (pois) et de graminées (maïs, son de blé), qui sont pauvres en calcium et riches en phosphore, pouvant conduire à un hyperparathyroïdisme secondaire. Le foin et la verdure, en plus d’être riches en fibres, constituent un apport équilibré en calcium et en phosphore (tableau 1) [6].

Chez le lapin, l’absorption du calcium est passive. En cas de carence, la vitamine D intervient et permet une absorption active. De plus, les lapins reçus en consultation ne bénéficient pas systématiquement d’un accès à l’extérieur, leur exposition aux ultraviolets B (UVB) peut donc être insuffisante pour synthétiser la vitamine D. Un lapin qui n’a pas accès à l’extérieur et/ou dont l’alimentation est de mauvaise qualité (foin et/ou aliment concentré) est carencé en vitamine D, donc en calcium. Comme chez les reptiles, la maladie osseuse métabolique existe chez le lapin. Enfin, les lapins de compagnie sont souvent stérilisés et manquent d’exercice. L’ensemble de ces facteurs favorisent l’ostéoporose (diminution de la trame osseuse) et l’ostéomalacie (décalcification), notamment au niveau des os du crâne. L’os alvéolaire (autour des dents) y est particulièrement sensible, perdant alors de sa résistance, ce qui permet plus facilement une élongation de la couronne de réserve en cas de surpression dentaire [9].

La maladie dentaire du lapin semble donc résulter d’une association d’un manque d’usure dentaire et d’une maladie osseuse métabolique, les deux étant directement liés à des anomalies des conditions de maintenance (alimentation et environnement).

Certains auteurs rapportent qu’un rapport phosphocalcique inversé, présent dans la majorité des mélanges commerciaux pour lapins, serait en cause dans ces troubles métaboliques, plutôt qu’une simple carence en calcium. Les apports suivants sont donc recommandés dans l’alimentation : Ca = 0,6 à 1 % de la matière sèche (MS) ; P = 0,3 à 0,4 % MS ; vitamine D3 = 600 à 800 UI/kg. Un rapport phosphocalcique de 1,5 à 2 semble idéal. Sauf cas particuliers, il n’est pas recommandé de supplémenter les lapins en calcium, en phosphore ou en vitamine D (calcitriol) au risque de favoriser des calcifications tissulaires ectopiques [6, 7, 9].

2 Troubles digestifs d’origine alimentaire

Rappels sur la physiologie digestive du lapin

Le lapin est un herbivore strict monogastrique qui pratique la cæcotrophie. Il produit en effet deux sortes de selles :

– les crottes dures : crottes sèches et rondes émises tout au long la journée ;

– les crottes molles, ou cæcotrophes : selles molles produites en grappe et enduites de mucus, qui sont normalement ingérées dès leur émission à l’anus au petit matin. Elles sont issues de la vidange du contenu cæcal, riche en protéines et en vitamines hydrosolubles. Cette particularité permet au lapin de valoriser au maximum sa ration alimentaire, composée principalement de fibres végétales peu nutritives.

L’originalité du lapin par rapport aux autres herbivores monogastriques est la fonction dualiste du côlon proximal :

– les fibres non digestibles (plus de 0,3 mm) continuent leur trajet dans le côlon et sont éliminées sous forme de crottes dures par un mouvement péristaltique normal ;

– les produits solubles et les fibres digestibles (moins de 0,1 mm) sont rassemblés le long des parois du côlon proximal et ramenés vers le cæcum grâce à des contractions antipéristaltiques.

Les fibres digestibles vont alors y subir l’action des enzymes des bactéries commensales cæcales. Sont alors libérés des acides gras volatils récupérés dans la circulation sanguine, ainsi que des acides aminés et des vitamines. Tôt le matin et au crépuscule, le contenu du cæcum se vide dans le côlon qui sécrète un mucus et le modèle en grappe : il s’agit des cæcotrophes, constitués des particules alimentaires non encore dégradées et de bactéries cæcales (apport important en protéines et en vitamines).

Une fois ingérés, les cæcotrophes suivent un autre cycle de digestion. Cela peut aller jusqu’à quatre cycles de recyclage, si bien que le transit digestif du lapin dure parfois de 15 à 30 heures. Plus le taux de fibres non digestibles est important dans la ration alimentaire, plus les crottes sèches sont volumineuses et plus le contenu du cæcum se renouvelle, limitant ainsi le risque d’entérotoxémie [6].

Selles molles, diarrhée et entérotoxémie

Dans l’alimentation, les glucides peuvent être catégorisés en :

– sucres simples (ou monosaccharides) comme le glucose, le fructose, le galactose, etc. ;

– amidon (ou polysaccharides), abondant dans les graines, les tubercules, les racines, les fruits ;

– fibres : longues, non digestibles, non fermentescibles, ou courtes, digestibles, fermentescibles.

En raison du transit gastrique très rapide, les sucres ou l’amidon peuvent arriver insuffisamment digérés dans l’intestin, aller directement dans le cæcum et être utilisés par les micro-organismes de la fermentation bactérienne [1].

Une surcharge en glucides simples et en amidon va, dans un premier temps, se traduire par des cæcotrophes en quantité plus abondante et qui ne sont pas tous consommés par le lapin. Ils sont alors retrouvés dans la cage ou le plus souvent collés à l’arrière-train et aux pattes. Les lapins présentant ces anomalies des cæcotrophes sont généralement en surpoids et ne peuvent pas se toiletter correctement, ce qui accentue le problème (photo 2). L’animal est encore en bon état général, mais il s’agit là d’un signal d’alerte devant remettre en cause son alimentation afin de prévenir des troubles digestifs plus graves.

En effet, cette situation prédispose à la dysbiose bactérienne au moindre déséquilibre supplémentaire (écart alimentaire, stress, anesthésie, maladie, antibiothérapie, etc.). La flore cæcale normale est déséquilibrée par un changement de pH cæcal qui peut être lié à la surproduction d’acides gras volatils (en présence de sucres simples excédentaires), à la production/administration de stéroïdes. Des bactéries potentiellement pathogènes normalement présentes en petite quantité dans le cæcum (Clostridium, Escherichia coli) sont alors en grand nombre, au détriment des autres bactéries de la flore cæcale (Bacteroides) : il s’agit du stade d’entérotoxémie qui est rapidement mortel par déshydratation (diarrhée) et exposition aux toxines bactériennes [11].

Le lapin présente alors un abattement marqué, une hypothermie, et ne déglutit plus.

Une antibiothérapie mal adaptée peut aussi conduire à l’entérotoxémie (clindamycine, lincomycine, streptomycine, tylosine, pénicillines, céfalexines) [13].

Par précaution, il convient donc de limiter la quantité d’amidon et de sucres simples dans la ration alimentaire des lapins, surtout chez les individus jeunes ou sensibles.

Rôle de l’alimentation dans les stases gastro-intestinales du lapin

→ La stase gastro-intestinale est un motif de consultation très fréquent chez le lapin de compagnie. Il s’agit d’un syndrome caractérisé par une diminution ou un arrêt de la production de selles, un appétit diminué ou absent, une douleur abdominale et un abattement plus ou moins marqué. La cause en est variée et peut être multifactorielle. Les jeunes adultes (3 à 4 ans), ainsi que les lapins nains ou béliers sont prédisposés. [8].

→ Selon la physiologie digestive du lapin, les fibres longues alimentaires sont éliminées directement par le côlon, sans passer par le cæcum, et forment en partie les selles rondes et sèches. En cas d’insuffisance de fibres longues dans l’alimentation, la motilité digestive diminue : il s’agit d’un ralentissement de transit digestif ou d’hypomotilité, qui peut prendre une forme chronique. Le traitement est médical et l’alimentation doit être corrigée : stimulant du transit digestif, nourrissage à la seringue, réhydratation et apport de fibres dans l’alimentation [5].

→ Dans les autres cas de stases digestives, le rôle de l’alimentation n’est pas clairement défini.

→ Une alimentation inadaptée va entraîner des troubles dentaires, eux-mêmes à l’origine d’arrêts du transit digestif. Pour autant, dans une étude portant sur 96 lapins présentés en stase digestive, seulement 34 % d’entre eux présentaient des troubles dentaires visibles à l’examen clinique. Il est possible qu’une douleur dentaire précoce induise déjà des arrêts du transit, sans pour autant que des anomalies soient observées à l’examen dentaire [8].

→ Toute cause d’anorexie va entraîner un arrêt du transit : douleur dentaire, déshydratation, ulcères gastriques, obstruction digestive, etc. Un lapin malade devenant rapidement anorexique, les stases digestives peuvent avoir beaucoup d’autres origines : douleur en général, néoplasie, torsion d’un lobe hépatique, infection chronique, tumeur, etc.

La restriction en eau, le manque d’exercice et le stress (en agissant directement sur le système nerveux entérique) favorisent aussi les stases digestives [5].

→ Les trichobézoards sont secondaires à cet arrêt du transit car le contenu gastrique se déshydrate et les poils s’agglomèrent, risquant de provoquer une occlusion intestinale haute (photos 3 et 4). Il s’agit alors de dilatation gastrique, semblable au syndrome de dilatation-torsion du chien.

Lors d’arrêt du transit, le contenu digestif stagne et la flore bactérienne cæcale est rapidement altérée (dysbiose), aggravant la situation, laquelle peut évoluer vers un iléus cæcal, voire une entérotoxémie fatale. La conduite à tenir dans ce cas de figure n’est pas détaillée dans cet article(1).

→ Un cas particulier de stase digestive est la formation de cæcolithes, ou impaction cæcale. Un manque de fibres altère la motilité du cæcum, jusqu’à ce que son contenu se déshydrate fortement et devienne extrêmement dur (aisément identifiable à la palpation abdominale) (photo 5). Ces lapins présentent souvent des antécédents d’arrêts du transit chroniques et cette affection pourrait être en lien avec l’infection par E. cuniculi [5].

→ L’alimentation a donc un rôle dans les stases gastro-intestinales du lapin, assez direct lors d’hypomotilité, de maladie dentaire ou cæcale, et plutôt comme un facteur favorisant dans les autres cas de stases digestives.

3 Maladies urinaires d’origine alimentaire

Hématuries de cause non urinaire

L’urine normale du lapin possède un pH basique et contient à l’état physiologique certains cristaux (carbonates de calcium, phosphates ammoniaco-magnésiens, oxalates de calcium). Sa couleur peut varier du jaune clair à l’orange, en passant par le marron ou le rouge de manière physiologique pendant 3 à 4 jours, avant de redevenir normale (porphyrinurie) (photo 6). La consommation de certains végétaux (brocoli, pissenlit, betterave, chou, carotte, épinard), ainsi que le traitement par des antibiotiques peuvent être à l’origine de ces variations de la coloration des urines [2].

Chez la lapine, l’urètre s’abouche dans le vestibulum du vagin, qui est très long, extensible, et peut contenir physiologiquement de l’urine. L’hématurie est couramment rencontrée, mais le plus souvent caractérisée par la présence de filets de sang dans des urines de couleur normale. Il s’agit dans ce cas de sang d’origine utérine. Celui-ci s’est accumulé dans le vagin et est éliminé en fin de miction lorsque ce dernier se contracte. L’ovario-hystérectomie est indiquée, un anévrisme, une hyperplasie ou une tumeur utérine étant à craindre.

Rôle du calcium dans les maladies urinaires du lapin

La sensibilité du lapin aux troubles urinaires a souvent été attribuée à un apport excessif de calcium dans l’alimentation, conduisant à une hypercalcémie, puis à une hypercalciurie qui favorise l’accumulation de dépôts de calcium dans l’urine et le tractus urinaire.

Le métabolisme du calcium des lapins est en effet particulier, mais leur système rénal est adapté pour excréter cet élément et la présence de sédiments dans l’urine est normale. Un taux élevé de calcium alimentaire ne semble pas favoriser les maladies urinaires [4]. Le taux de phosphore serait plus important pour réguler l’excrétion urinaire du calcium. Une alimentation réduite en phosphore entraîne une hypercalciurie : le calcium et le phosphore sont mobilisés depuis les os, en réponse à l’hypophosphorémie, et le calcium excédentaire est éliminé dans les urines [7].

Les propriétaires de lapins craignent souvent les urolithiases et font à tort la chasse au calcium en sélectionnant de la verdure plutôt pauvre en ce minéral (% MS). Au vu de la quantité en eau des végétaux (90 %), il est impossible pour un lapin d’en consommer une quantité suffisante pour atteindre des apports excessifs en calcium, même avec des végétaux réputés riches (pissenlit, luzerne, endive) [6]. L’excès d’apport calcique dans le rationnement des lapins provient des aliments concentrés qui, même lorsque leur teneur en calcium est faible (% MS), apportent des quantités bien supérieures, en raison de leur faible teneur en humidité. Il est ainsi nécessaire de vérifier la nature des aliments concentrés proposés (quantité ? apports minéraux équilibrés ?), le mode d’abreuvement (gamelle préférable au biberon), le niveau d’activité de l’animal et son accès direct au soleil (UVB). Il convient également de ne pas négliger l’équilibre des apports nutritionnels des autres minéraux, principalement le potassium, le magnésium et le phosphore.

Boue vésicale

Dans certains cas, les dépôts physiologiques de carbonate de calcium s’accumulent au fond de la vessie jusqu’à former une sorte de boue épaisse (photos 7 et 8). Le lapin continue à émettre des urines parfois claires et peut rester longtemps asymptomatique, la découverte de sablose étant souvent fortuite lors de la réalisation d’une radiographie abdominale.

Une cystite avec des surinfections bactériennes et une hématurie peuvent apparaître secondairement, avec des symptômes classiques : dysurie, pollakiurie, malpropreté, etc.

Certains facteurs favorisent la formation de boue vésicale chez le lapin : la stérilisation qui abolit le comportement de marquage urinaire, le défaut d’abreuvement en raison des biberons, la sédentarité, l’obésité, les douleurs dorsales (spondylites) ou les pododermatites qui empêchent l’animal de se mettre correctement en position pour uriner, etc. [11]. En effet, seule l’urine surnageante est évacuée et les cristaux restent au fond de la vessie.

Toutes les causes alimentaires favorisant une calciurie conjointement à un défaut d’élimination de l’urine vont donc favoriser les boues vésicales.

Urolithiases

La présence de cristaux de carbonate de calcium, de struvites ou d’oxalates est physiologique chez le lapin, liée à son métabolisme calcique particulier [7, 12]. Les urolithiases sont fréquentes et le carbonate de calcium est le constituant principal de ces urolithes. Un apport trop important de calcium dans l’alimentation entraînant une hypercalciurie est habituellement mis en cause, mais ce lien n’a jamais été prouvé. Expérimentalement, un taux de calcium alimentaire excessif a conduit à des calcifications de l’aorte et des reins, avec des quantités importantes de cet élément dans l’urine, mais pas à la formation d’urolithes [5]. En revanche, les urolithes peuvent être induits en obstruant mécaniquement de façon temporaire le tractus urinaire (adhérences, abcès, tumeur, sablose vésicale), ce qui aboutit à la formation de calculs rénaux dans 100 % des cas [6]. D’autres facteurs doivent donc entrer en jeu dans la formation de calculs urinaires : trop d’oxalates dans l’alimentation, une prise de boisson réduite en raison des biberons, des changements de pH urinaire, trop de protéines alimentaires, une rétention urinaire et des cystites (tableau 2).

Plusieurs calculs peuvent être présents simultanément (photos 9 et 10). Le traitement est chirurgical, avec, dans l’ordre de pronostic favorable décroissant : cystotomie, urétrotomie, urétérotomie, néphrotomie (photo 11).

Toutes les causes alimentaires favorisant une calciurie vont donc contribuer au développement d’urolithiases (excès de calcium alimentaire, manque de phosphore). Cependant, l’origine de ces dernières est surtout une fonction rénale défaillante qui n’arrive plus à éliminer ce surplus de calcium (insuffisance rénale). Un excès de vitamine D est toxique, et peut aussi entraîner des calcifications ectopiques de l’aorte ou des reins [6, 9, 11].

Obésité

Les lapins de compagnie associent très souvent un manque d’exercice et un apport énergétique excessif, si bien que beaucoup d’entre eux sont en surpoids, voire obèses. De plus, il est difficile de juger de l’état corporel d’un animal, en raison des différences de gabarit qui existent chez le lapin. Les poids standards les plus fréquemment rencontrés à l’âge adulte sont :

-≤ 1 kg pour les extra-nains ;

– 1,3 à 1,5 kg pour les petites races (tête de lion, polonais, etc.) ;

– 2 kg pour les lapins béliers ;

– 4 kg pour les béliers français ;

– 7 kg pour les géants des Flandres.

Un animal peut être considéré comme obèse quand il dépasse 15 % de son poids idéal [15].

ÉVALUATION DE LA SILHOUETTE

La distinction entre le thorax et l’abdomen doit être facile à faire chez le lapin, et la palpation des côtes et de la colonne vertébrale, aisée. L’évaluation est subjective, mais des classifications visuelles ou des index peuvent aider (figure complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) [16].

ACTIVITÉ

Concernant l’exercice physique, un lapin devrait, au minimum, sortir plusieurs heures par jour de sa cage et de préférence avoir accès à l’extérieur. L’idéal est la vie en liberté dans un environnement sécurisé, en intérieur et en extérieur. Le lapin est une espèce très intelligente qui se prête bien aux exercices, voire à l’agility si les propriétaires sont motivés.

ALIMENTATION

L’origine principale de l’obésité chez le lapin est une alimentation trop riche avec des apports excédentaires d’aliments industriels. Ce sont des mélanges de graines, des granulés ou des extrudés distribués en trop grande quantité, voire à volonté par des propriétaires pourtant soucieux du bien-être de leurs lapins. Ces aliments étant bien plus appétents (car riches en sucres et en graisses), le lapin les consomme en priorité, délaissant son foin et la verdure. Les légumes racines (panais, topinambour, carotte) ou les fruits donnés en excès peuvent également être à l’origine de surpoids : ils ne font pas partie des aliments classés comme “verdure” et doivent donc être distribués avec parcimonie.

Une revue complète de l’alimentation est donc nécessaire. Toute transition alimentaire doit se faire progressivement pour éviter les refus et les troubles digestifs. Des produits spécifiques riches en fibres et pauvres en calories existent dorénavant pour les lapins.

La stérilisation, en supprimant un poste de dépense énergétique de l’organisme, peut favoriser le surpoids. Il convient donc de faire un bilan alimentaire avec les propriétaires avant et après cette intervention chirurgicale.

CONSÉQUENCES

Comme chez l’homme et chez les carnivores domestiques, l’obésité favorise beaucoup d’autres maladies. Parmi elles se trouvent :

– les troubles cardiovasculaires et l’hypertension ;

– la pododermatite ;

– les troubles musculo-squelettiques (arthrite, arthrose) ;

– les difficultés à se toiletter et les dermatites des plis pouvant favoriser l’apparition de myases ;

– les difficultés à l’émission d’urine favorisant les troubles urinaires ;

– les difficultés à consommer ses cæcotrophes engendrant des carences alimentaires(2) et des troubles digestifs ;

– la lipidose hépatique [15].

Le lapin est prédisposé à la lipidose hépatique par son métabolisme fondé sur la fabrication d’acides gras volatils. Il l’est encore plus s’il est en surpoids ou obèse, ce qui est un facteur pronostique aggravant à prendre en compte lors d’anorexie, même de courte durée : anesthésie, arrêt du transit digestif, stress, maladie dentaire, etc.

4 Plantes toxiques

De nombreuses plantes d’ornement ou sauvages sont toxiques pour le lapin, comme le lupin, le delphinium, la prêle ou les digitales (tableau 3 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Toutes les parties de cette dernière plante contiennent de la digitaline cardiotoxique quelle que soit l’espèce, et quelques feuilles suffisent à tuer un lapin [10]. Avant de faire la cueillette pour son animal, il convient donc de parfaire ses connaissances en botanique et de s’abstenir au moindre doute.

De nombreuses plantes d’appartement sont toxiques, comme le Dieffenbachia, dont les accès doivent être protégés. Des troubles du comportement (ennui) ou un manque de verdure peuvent renforcer l’attirance pour les plantes toxiques.

Beaucoup de propriétaires pensent que l’instinct du lapin le prémunit contre ce genre de danger, mais, même laissé libre dans un jardin, l’animal peut consommer des plantes toxiques. Il convient donc de lui ménager des sorties sous surveillance, d’éviter les plantations dangereuses et, le cas échéant, de les protéger, ou de limiter les promenades à un enclos ou à un parc placé dans de l’herbe uniquement.

Conclusion

Une alimentation saine et équilibrée permet de prévenir de nombreux troubles de santé chez le lapin de compagnie. Cependant, le manque d’informations à ce sujet est tel que, bien souvent, elle est corrigée trop tardivement, à l’occasion d’une maladie (malocclusion dentaire, arrêt du transit digestif, urolithiase, etc.). Le bénéfice pour la santé de l’animal est alors moindre, d’autant plus que les habitudes alimentaires d’un lapin adulte sont difficiles à changer.

Les bons conseils doivent donc être donnés au propriétaire dès la consultation d’acquisition, au même titre que les traitement antiparasitaires ou la vaccination.

  • (1) Voir le dossier “Anorexie du lapin” à paraître dans le prochain numéro du Point vétérinaire.

  • (2) Vitamines B et protéines principalement.

Références

  • 1. Boucher S. Alimentation et prévention chez les herbivores. Dans : Congrès du Génac, Les Épesses. 2010:179-185.
  • 2. Carpenter JW, Kolmstetter CM. Alimentation des petits mammifères exotiques. Dans : Nutrition clinique des animaux de compagnie. 4e éd. Éd. Mark Morris Institute, Topeka. 2000:977-996.
  • 3. Clauss M. Clinical technique: Feeding hay to rabbits and rodents. J. Exot. Pet Med. 2012;21:80-86.
  • 4. Clauss M et coll. Influence of diet on calcium metabolism, tissue calcification and urinary sludge in rabbits. J. Anim. Physiol. Anim. Nutr. 2012;96:798-807.
  • 5. DeCubellis J. Gastrointestinal disease in guinea pigs and rabbits. Vet. Clin. Exot. Anim. 2013;16:421-435.
  • 6. Harcourt-Brown F. Textbook of rabbit medicine. Ed. Elsevier, Philadelphia. 2004:40-49.
  • 7. Hoefer HL. Urolithiasis in rabbits and guinea pigs. Proceedings of the North America Veterinary Conference, Orlando, Florida. 2006:20.
  • 8. Huynh M et coll. Retrospective cohort study of gastrointestinal stasis in pet rabbits. Vet. Rec. 2014;179 (9):225.
  • 9. Jekl V, Redrobe S. Rabbit dental disease and calcium métabolism – The science behind divided opinions. J. Small Anim. Pract. 2013;54:481-490.
  • 10. McNitt JL et coll. Toxins in feeds. In: Rabbit production. 9th ed. CABI Publishing. 2013:106-110.
  • 11. Proença LM, Mayer J. Prescription diets for rabbits. In:Vet. Clin. Exot. Anim. 2014;17:485-502.
  • 12. Quesenberry KE, Carpenter JW. Rabbits and rodents clinical medicine and surgery. Ed. Elsevier, Saint Louis. 2004:461p.
  • 13. Quinton JF. Atlas des nouveaux animaux de compagnie. 2e éd. Éd. Elsevier, Masson, Issy-les-Moulineaux. 2009:416p.
  • 14. Richarson V. Rabbits health, husbandry and disease. Ed. Blackwell, Oxford. 2000:7-18.
  • 15. Saunders RA, Davies RR. Notes on rabbit internal medicine. Ed. Blackwell, Oxford. 2005:240p.
  • 16. Sweet H et coll. A novel zoometric index for assessing body composition in adult rabbits. Vet. Rec. 2013;173 (15):369.
  • 17. Varga M. Textbook of rabbit medicine. 2nd ed. Ed. Elsevier. 2014:41-43.

ENCADRÉ 1
Rappel sur l’alimentation normale du lapin de compagnie

→ Du foin de qualité (bien vert, non tassé et non poussiéreux) est distribué à volonté dans un râtelier et renouvelé quotidiennement. Matin et soir est proposée une assiette de verdure variée (salades, herbes aromatiques, fanes, feuillages). Les autres légumes même verts (haricot, pois, etc.) et les légumes racines (panais, topinambour, carotte, etc.) viennent ensuite en plus petite quantité.

→ Des extrudés complètent enfin la ration, mais en quantité limitée (20 g/kg/j en deux repas) et mélangés à la verdure (80 g/kg/j en deux repas) afin de favoriser la recherche de nourriture.

→ Des fruits en très petite quantité peuvent être donnés à titre de friandise (après le brossage, par exemple). Le pain, même dur, est à proscrire, ainsi que le sucre, le chocolat, les céréales et les graines.

→ De l’eau fraîche renouvelée quotidiennement doit être mise à disposition dans une gamelle (préférable aux biberons).

D’après [3, 12].

ENCADRÉ 2
Rappel sur l’anatomie et la physiologie dentaire du lapin

→ La formule dentaire du lapin est la suivante : I 2/1 C 0/0 PM 3/2 M 3/3 = 28 dents.

→ Toutes les dents sont à croissance continue, adaptées au régime alimentaire d’un herbivore strict. La pousse des molaires (M) est d’environ 3 à 4 mm par mois et celle des incisives (I) encore plus rapide : 2 à 4 mm par semaine.

→ L’usure se fait uniquement grâce au frottement dent contre dent lors de la mastication (jusqu’à 120 mouvements par minute) [11].

I : incisive ; C : canine ; PM : prémolaire ; M : molaire.

ENCADRÉ 3
Rappels sur le métabolisme du calcium du lapin

Le lapin a des besoins importants en calcium, nécessaire à la pousse continue de ses dents. La calcémie totale est directement corrélée à la prise alimentaire.

L’absorption intestinale du calcium est soit passive, soit active en cas de déficit. Si la concentration alimentaire en calcium est correcte, la vitamine D n’est pas requise pour l’absorption du calcium (passif). En revanche, si les taux de calcium sont bas, la vitamine D permet d’augmenter son absorption. Le rein du lapin est capable d’excréter ou de conserver le calcium en fonction des besoins via l’hormone parathyroïdienne (PTH) et la 1,25 dihydroxyvitamine D3 (métabolite actif de la vitamine D). Le calcium excédentaire est éliminé dans les urines, où il précipite en sédiment de carbonate de calcium, d’où l’aspect trouble de celles-ci. En cas de hausse des besoins en calcium (gestation, lactation) ou de déficit (anorexie, ration appauvrie), les urines peuvent être parfaitement claires.

D’après [5-7, 9].

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