Hypoadrénocorticisme chez un chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 360 du 01/11/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 360 du 01/11/2015

MÉDECINE INTERNE

Cas clinique

Auteur(s) : Édouard Martin

Fonctions : Clinicien en urgences et soins intensifs,
Département des sciences cliniques,
Centre hospitalier universitaire vétérinaire,
Faculté de médecine vétérinaire,
3200, rue Sicotte, J2S 7C6
Saint-Hyacinthe, Québec, Canada
edouard.martin25@gmail.com

L’hypoadrénocorticisme, ou maladie addisonnienne, est encore peu décrite chez le chat. Ce cas clinique détaille la prise en charge initiale, le suivi en hospitalisation et la gestion de la supplémentation ultérieure en minéralocorticoïdes et en glucocorticoïdes.

L’hypoadrénocorticisme est une maladie rarement décrite chez le chat. Étant donné sa faible incidence dans cette espèce et l’absence de signe clinique spécifique, le diagnostic s’avère difficile, d’autant plus qu’il peut facilement être confondu, dans un contexte d’urgence, avec une insuffisance rénale aiguë. Cependant, une fois l’éventuelle période de crise addisonnienne gérée, le pronostic sur le moyen terme est bon avec un traitement spécifique [2, 6-10]. Même si l’état général de l’animal est considérablement amélioré par un traitement adapté, la supplémentation médicamenteuse ne permet pas une adaptation rapide à toute perturbation hydroélectrique. L’animal reste donc exposé, dans un premier temps, à toute autre situation pathologique (trouble digestif, accident, etc.).

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Une chatte domestique stérilisée de 7 ans est présentée en consultation pour dysphagie orale et abattement. Depuis environ 1 mois, elle arrive à prendre ses croquettes dans sa bouche, mais ne les mastique pas et les fait retomber au sol. Elle est cependant capable d’avaler sans difficulté et son appétit est conservé. Elle semble aussi avoir une démarche plus lente, n’est plus capable de sauter sur les meubles et paraît abattue.

Elle vit avec 2 autres chats qui ne présentent aucune anomalie. Cela fait 1 mois qu’elle ne va plus dehors à cause du froid (environ - 15 à - 20 °C à cette période de l’année). Elle ne présente pas de vomissement ni de diarrhée, et sa consommation d’eau et ses urines sont normales.

Elle est correctement vaccinée et vermifugée.

2. Examen clinique

À son arrivée, la chatte est abattue mais cliniquement stable. Son examen physique montre peu d’anomalies : son état d’embonpoint est évalué à 4/9, aucun signe de déshydratation extracellulaire n’est présent et sa température rectale est de 38,1 °C. Elle ne présente aucune anomalie cardiovasculaire (fréquence cardiaque à 184 bpm, pouls fémoral frappé, symétrique et concordant avec le choc précordial et pression artérielle de 110 mmHg au membre pelvien, mesurée au Doppler) ni pulmonaire (courbe respiratoire et auscultation normales). Une légère gingivite peut être notée, mais aucune autre anomalie n’est observé à l’examen de la bouche, qui pourrait expliquer sa dysphagie orale. L’examen neurologique révèle une impression de faiblesse généralisée associée à une ataxie transitoire, une amyotrophie des muscles masticateurs et un inconfort marqué à la palpation du rachis. Mais il ne met pas en évidence de cause neurologique à la dysphagie.

3. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel de la dysphagie orale comprend une maladie dentaire/parodontale, un corps étranger oral, une stomatite (infectieuse ou à médiation immunitaire), un néoplasme oral ou une atteinte neurologique. L’examen de la cavité buccale et l’examen neurologique ne révélant aucune anomalie significative et étant donné la faiblesse généralisée de la chatte, une atteinte systémique est suspectée. Des analyses sanguines et urinaires sont donc effectuées dans un premier temps.

4. Examens complémentaires

Analyses sanguines et urinaires

L’analyse biochimique fait apparaître une légère azotémie et une hyperphosphatémie pouvant être d’origine rénale ou prérénale, ainsi qu’une augmentation importante de la créatine kinase, qui témoigne d’une atteinte musculaire de cause indéterminée (pouvant expliquer la dysphagie, la faiblesse généralisée et la douleur para­spinale) (tableau 1). La mesure des gaz sanguins et l’ionogramme mettent en évidence une hyponatrémie, une hypochlorémie et une légère hyperkaliémie compatibles principalement avec une atteinte tubulaire, l’apparition d’un troisième compartiment (notamment des épanchements péritonéal et/ou pleural), des pertes digestives ou un hypoadrénocorticisme (tableau 2). Une légère acidose métabolique est également notée. Étant donné l’azotémie et l’acidose métabolique, une déshydratation est probablement présente à l’admission bien qu’elle n’ait pas été observée cliniquement. Cela est d’autant plus probable que l’acidose et l’azotémie sont corrigées par la fluidothérapie (pH : 7,4, créatininémie à 93 µmol/l, urémie à 3,6 mmol/l).

Les analyses hématologique et urinaire ne montrent aucune anomalie significative, mais une hémoconcentration est suspectée, étant donné l’évolution de l’hématocrite et de la protéinémie consécutive à la fluidothérapie (hématocrite à 15 % et protéinémie à 56 g/l après 24 heures de fluidothérapie) (tableaux 3 et 4). Cela confirme une probable déshydratation à l’admission.

Au vu des résultats biochimiques et de la présentation clinique (abattement, dysphagie et douleur d’origine indéterminée), un dosage du cortisol est réalisé et montre une valeur basse (15 nmol/l). Une première stimulation à l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) par voie intramusculaire (IM) révèle une absence de réponse des glandes surrénales (tableau 5). Avant cette première stimulation à l’ACTH, la chatte n’a reçu aucune médication à base de corticostéroïde ni aucune fluidothérapie, que ce soit chez un confrère ou dans notre structure. Une deuxième stimulation à l’ACTH par voie intraveineuse (IV) est réalisée 2 jours plus tard. Aucun consensus n’existe sur la voie d’administration de l’ACTH chez le chat. Ce deuxième dosage a été réalisé après fluidothérapie et administration de dexaméthasone, pouvant être à l’origine de faux négatif. Cependant, nous avons décidé de réitérer le test car la dexaméthasone interfère moins avec le dosage du cortisol que la prednisolone. Elle freine toutefois la sécrétion d’ACTH, ce qui fausse l’interprétation des résultats. Par ailleurs, l’aldostérone n’a pas été mesurée pour des raisons budgétaires.

Échographie abdominale

L’échographie abdominale permet d’observer des glandes surrénales de taille plus petite que la normale (largeur de 2 mm à gauche et 2,7 mm à droite, la valeur normale étant de 4,3 +/- 0,3 mm), sans autre anomalie visible (photos 1 et 2) [1, 11]. De plus, le volume des nœuds lymphatiques mésentériques est légèrement à modérément augmenté, avec une portion périphérique hypoéchogène par rapport au reste du parenchyme. Les nœuds lymphatiques coliques sont de grosseur normale mais légèrement hypoéchogènes. Le volume du nœud lymphatique pancréatico-duodénal est légèrement augmenté et sa forme est ovoïde (échogénicité relative normale). Ces nœuds lymphatiques peuvent être réactionnels ou néoplasiques (lymphome notamment).

5. Prise en charge

Traitement initial

Après avoir réalisé l’ensemble des prélèvements sanguins et urinaires, une fluidothérapie à base de Ringer lactate (non complémenté en potassium au vu de la kaliémie de l’animal) est mise en place afin de corriger les désordres électrolytiques. Après 24 heures d’hospitalisation, la chatte présente un état de choc : elle est très abattue, bradycarde (160 bpm) et en hypotension (58 mmHg au membre pelvien, mesurée au Doppler). Des bolus de fluides (Ringer lactate non complémenté en potassium) sont alors réalisés, à raison de deux bolus de 10 ml/kg sur 15 minutes, sans amélioration de sa pression artérielle. Des perfusions continues de dopamine (entre 7 et 20 µg/kg/min) et de noradrénaline (0,05 µg/kg/min) sont instaurées. La perfusion de noradrénaline est maintenue durant 4 heures. Par la suite, seule la perfusion de dopamine est continuée, car la pression artérielle se maintient dans des valeurs normales sans noradrénaline.

Un traitement à base de dexaméthasone (0,1 mg/kg) et de fludrocortisone (0,01 mg/kg) est mis en place une fois l’état de choc stabilisé et après que le dosage du cortisol a révélé une valeur basse. Ce traitement a été instauré alors que les résultats de la stimulation à l’ACTH n’étaient pas encore disponibles, afin de stabiliser au maximum la prise en charge de l’état de choc.

Suivi de l’hospitalisation

À la suite de ces traitements, l’état général de la chatte s’améliore : elle est moins abattue, ne présente plus de douleur dorsale ni de dysphagie. Deux jours plus tard, les valeurs des électrolytes reviennent dans les normes (sodium : 146 mmol/l, potassium : 3,8 mmol/l, chlorure : 115 mmol/l). Cependant, l’animal reste sous dopamine pendant 4 jours au total afin de maintenir sa pression artérielle dans les limites de la normale. De plus, une transfusion de sang entier (20 ml/kg de sang entier de type A) est nécessaire, car une diminution importante de la valeur de l’hématocrite (de 35 % à 15 %) est observée au cours de l’hospitalisation. La transfusion est réalisée 3 jours après le début de l’administration de dexaméthasone, de fludrocortisone et de dopamine. Après la transfusion, la chatte est beaucoup moins abattue, et l’administration de dopamine est arrêtée le lendemain.

Les paramètres rénaux (créatininémie à 93 µmol/l, urémie à 3,6 mmol/l), la phosphatémie (1,16 mmol/l) et le pH sanguin (7,4) reviennent dans des valeurs normales à la suite des traitements mis en place. La concentration sanguine en créatine kinase n’a jamais été réévaluée, étant donné l’amélioration clinique (disparition de la dysphagie, de la douleur paraspinale et de la faiblesse).

La chatte est rendue à son propriétaire avec un traitement à base de prednisolone (0,3 mg/kg, per os, une fois par jour) et de fludrocortisone (0,01 mg/kg, per os, une fois par jour). En cas d’événement stressant (telle une visite chez le vétérinaire), il est recommandé au propriétaire de doubler la dose de prednisolone (0,3 mg/kg, per os, deux fois par jour) la veille, le jour même et le lendemain de la journée stressante.

6. Suivi

Des visites de contrôle au bout de 2, 6 et 16 semaines permettent de constater que l’état général de la chatte s’est grandement amélioré : son niveau d’activité est redevenu normal, sa dysphagie et ses pertes d’équilibre ont disparu. Lors des réévaluations, les concentrations en électrolytes restent dans les valeurs usuelles (12 semaines plus tard, la concentration sanguine en sodium est de 145 mmol/l, celle en potassium, de 4,5 mmol/l, celle en chlore, de 122 mmol/l). Une lymphadénomégalie mésentérique minimale persistante est constatée par échographie abdominale au bout de 2 semaines de traitement. Le traitement à base de glucocorticoïdes est diminué progressivement (jusqu’à une dose de prednisolone de 0,125 mg/kg tous les 2 jours au bout de 4 mois) et le traitement minéralo­corticoïde à base de fludrocortisone est maintenu à 0,01 mg/kg une fois par jour, étant donné que les concentrations en électrolytes sont revenues dans les valeurs usuelles. Quatre mois après l’instauration du traitement, l’état de la chatte est excellent : elle a retrouvé un très bon niveau d’activité, elle n’a plus de dysphagie ni de trouble de l’équilibre et elle a pris un peu de poids (220 g).

DISCUSSION

1. Présentation clinique

L’hypoadrénocorticisme, ou maladie d’Addison, est rare chez le chat. Environ une quarantaine de cas sont rapportés dans la littérature [2, 6-10]. Contrairement à ce qui est décrit chez le chien, il ne semble pas y avoir de prédisposition de sexe, d’âge ni de race chez le chat [2, 6-10]. Bien que, chez le chien, la majorité des cas soit due à une destruction primaire à médiation immunitaire des glandes surrénales, chez le chat, les causes sont relativement peu connues [2, 3, 6, 7, 9]. Dans de rares cas, une infiltration des glandes surrénales par un lymphome ou une origine traumatique ont pu être mises en évidence [2, 6].

Les motifs de consultation sont variés et peu spécifiques : la majorité des chats est abattue et anorexique ou dysorexique. Ils peuvent également présenter des vomissements, une polyurie/polydipsie, de la dysphagie et de l’ataxie [2, 6-10]. L’examen physique met également en évidence des anomalies peu spécifiques telles qu’une déshydratation, une hypothermie, une douleur abdominale, une douleur dorsale, voire un état de choc (augmentation du temps de remplissage capillaire, pouls faible, bradycardie, etc.) [2, 6-10].

Dans le cas décrit, la chatte présentait peu de signes spécifiques, comme la majorité des animaux atteints de la maladie d’Addison. La présentation clinique pouvait aussi suggérer une myopathie (dysphagie, faiblesse généralisée, amyotrophie, douleur paraspinale). Un autre cas décrit le même type de présentation chez un chat addisonnien (dysphagie orale, léthargie, faiblesse généralisée et augmentation de la concentration sanguine en créatine kinase à 1 210 U/l) [9]. Les faiblesses musculaires sont fréquentes chez les Addisonniens, bien que la cause reste incertaine : les déséquilibres électrolytiques pourraient être à l’origine d’anomalies d’excitabilité neuromusculaire ou le déficit en glucocorticoïdes expliquer la faiblesse généralisée. Cependant, cela ne semble pas expliquer la douleur paraspinale. Il est également possible que cette douleur soit secondaire à des crampes musculaires, comme cela a déjà été rapporté chez le chien, qui seraient dues aux désordres électrolytiques [9].

Dans notre cas, la décompensation au cours de l’hospitalisation, malgré un début de prise en charge, est probablement due au stress engendré par l’hospitalisation en l’absence de complémentation initiale en glucocorticoïdes, ce qui est fréquent chez les Addisonniens non complémentés en glucocorticoïdes.

2. Tests diagnostiques

Analyse biochimique

Les anomalies principalement observées lors d’hypoadrénocorticisme sont une hyperkaliémie (très légère dans le cas présenté pour un animal atteint de la maladie d’Addison), une hyponatrémie et une hypochlorémie. Ces modifications résultent principalement d’un déficit en aldostérone, hormone responsable de l’excrétion de potassium et de la réabsorption de sodium au niveau rénal [2, 3, 6-10]. D’autres modifications biochimiques moins spécifiques sont fréquemment associées, notamment une azotémie prérénale et une hyperphosphatémie, secondaires à une diminution de la perfusion rénale et du débit de filtration glomérulaire [2, 3, 6-10]. Ces anomalies sont plutôt modérées dans le cas présenté, notamment l’hyperkaliémie et l’absence de discordance entre l’urémie et la créatininémie, retrouvées classiquement dans les cas d’insuffisance rénale prérénale. En raison de l’association avec une hyperphosphatémie, nous avons dans un premier temps privilégié l’hypothèse diagnostique d’une insuffisance rénale avec atteinte glomérulaire. Les résultats de l’analyse urinaire et de l’échographie abdominale ont diminué la probabilité d’une insuffisance rénale. Un hypoadrénocorticisme a donc été envisagé.

Une acidose métabolique peut être observée. Elle est due à une diminution d’excrétion des ions hydrogène au niveau rénal (causée par le déficit en aldostérone ou son absence d’effet en raison de lésion tubulaire), souvent couplée à une hypotension, une hypovolémie, donc à une mauvaise perfusion tissulaire [3, 7, 8]. D’autres modifications telles qu’une hypercalcémie ou une augmentation des enzymes hépatiques peuvent être présentes [3, 7].

Dans ce cas clinique, une augmentation marquée de la concentration sanguine en créatine kinase a été observée, sans qu’aucune explication n’ait pu être apportée. Elle pourrait être due à la maladie d’Addison (une augmentation des CK à 1 210 U/l a déjà été rapportée chez un chat Addison) ou à d’autres affections sous-jacentes (myosite, anorexie partielle, contention trop forte, etc.). Une maladie d’Addison n’entraîne normalement pas d’augmentation de la concentration en CK, sauf lors de conséquences de la réanimation ou d’une autre affection concomitante en crise aiguë. Il aurait été intéressant de suivre l’évolution de ce paramètre dans le temps afin d’orienter nos hypothèses et notre diagnostic final. Cependant, cela n’a pas été réalisé car l’état général de la chatte s’est nettement amélioré à la suite des traitements, sans aucune réapparition des symptômes musculaires sur le long terme.

Analyse hématologique

Les principales modifications observées sont une anémie normochrome, normocytaire, non régénérative et une absence de leucogramme de stress [3, 7, 9]. L’anémie est secondaire à une diminution de stimulation de la moelle osseuse par les glucocorticoïdes, pouvant être associée à des pertes digestives [3]. Dans notre cas, aucune anémie n’était présente au départ, mais, à la suite des traitements mis en place, une anémie normochrome, normocytaire et non régénérative a été observée. Il est possible que cette diminution soit secondaire à une hémodilution due à la fluidothérapie, étant donné la déshydratation de l’animal à son admission, en plus d’une légère anémie due à l’hypo­adrénocorticisme non visible à son arrivée en raison de la déshydratation. Cette anémie pourrait également être due à une maladie rénale chronique, bien que cela soit peu probable d’après l’ensemble des résultats.

Par ailleurs, l’absence de formule de stress à l’hémogramme n’est pas pathognomonique d’une maladie d’Addison, mais il est anormal pour un animal malade et en milieu hospitalier de ne pas en présenter.

Analyse urinaire

Une diminution de la densité urinaire peut être présente lors d’hypoadrénocorticisme, malgré une possible déshydratation [3, 7, 9, 10]. En effet, les pertes urinaires chroniques en sodium peuvent engendrer une baisse du gradient cortico-médullaire, donc une diminution de la capacité de concentration des urines [3]. De plus, lors de crise, la production d’urine est en général diminuée, secondairement à une filtration anormale liée à une mauvaise perfusion [3]. Dans notre cas, aucune anomalie n’a été mise en évidence lors de l’analyse urinaire.

Stimulation à l’ACTH

Le diagnostic d’hypoadrénocorticisme est confirmé par un dosage du cortisol après une stimulation à l’ACTH, précédée d’une mesure du cortisol de base. Ces analyses doivent être effectuées dès l’admission car, après ou pendant la fluidothérapie, la protéine porteuse de cortisol est vite éliminée dans l’urine et des faux négatifs peuvent être obtenus. De plus, le test de stimulation à l’ACTH doit être réalisé avant l’administration de glucocorticoïdes. Si cela n’est pas possible (notamment lors de présentation d’un animal en crise addisonnienne), il est préférable d’utiliser la dexaméthasone, qui interfère moins avec le dosage du cortisol que la prednisolone.

La stimulation se fait en injectant 0,125 mg d’ACTH (tétracosactide, Synacthène®(1)) par voie intraveineuse. Une nouvelle mesure du cortisol est ensuite réalisée 60 minutes après l’injection. Une faible réponse ou une absence de réponse à l’ACTH exogène permet de diagnostiquer avec certitude un hypoadrénocorticisme [1, 8-11]. Aucun consensus n’existe sur la voie d’administration de l’ACTH chez le chat (IM ou IV) et aucune étude ne met en évidence d’avantage particulier d’une voie par rapport à l’autre, mais un doute persiste sur la bonne absorption de l’ACTH par voie intramusculaire chez le chat. Il est donc préférable d’adopter la voie intraveineuse et de faire un dosage 60 minutes après l’injection. Si l’injection est réalisée par voie intramusculaire, les dosages doivent être effectués 60 et 120 minutes après l’administration [1, 8-11]. Dans le cas clinique présenté, les deux voies ont été utilisées successivement avec pour objectif de comparer les résultats et de confirmer le diagnostic, même si les résultats du test réalisé par voie intraveineuse sont influencés par l’administration de dexaméthasone et par la fluidothérapie. La première stimulation a été effectuée par voie intramusculaire et les dosages post-injection ont été réalisés 30 et 60 minutes après, et non 60 et 120 minutes après, comme il est recommandé. Cela a pu être à l’origine d’un faux négatif. Ainsi, il aurait été préférable d’effectuer une seule stimulation par voie intraveineuse, et non intramusculaire, dès l’arrivée de la chatte.

Échographie abdominale

L’échographie abdominale permet de visualiser les glandes surrénales, et ainsi d’évaluer leur taille et leur structure. Cependant, la qualité et la fiabilité de cet examen d’imagerie dépendent fortement des compétences du manipulateur. Alors que les glandes surrénales gauche et droite du chien ont des formes différentes, celles du chat sont identiques : elles sont oblongues, ovales, en forme de haricot. Les glandes surrénales sont hypoéchogènes et homogènes par rapport aux tissus environnants et il est rare de voir la distinction cortico-médullaire. Chez des chats sains, elles mesurent en moyenne 10 +/- 1 mm de long et ont une largeur maximale de 4,3 +/- 0,3 mm [1, 11]. L’observation de glandes surrénales de taille réduite, comme dans le cas clinique présenté, couplée à d’autres résultats de laboratoire, est en faveur d’un hypoadrénocorticisme. L’échographie abdominale permet d’évaluer l’architecture des glandes surrénales et ainsi d’identifier éventuellement une cause sous-jacente à l’hypoadrénocorticisme, telle qu’une infiltration des glandes surrénales par un processus néoplasique ou autre.

3. Prise en charge

Traitement de la crise addisonnienne

La crise addisonnienne est une vraie urgence médicale, les animaux étant souvent hypovolémiques, hypotensifs, avec des désordres électrolytiques et acido-basiques importants. L’objectif du traitement d’urgence est de rétablir l’ensemble de ces paramètres et de mettre en place une corticothérapie.

La première partie du traitement d’urgence consiste à rétablir rapidement la volémie avec des bolus de fluides isotoniques. La dose totale de choc chez le chat est de 40 ml/kg, divisée en plusieurs bolus de 10 ml/kg, sur 10 à 15 minutes. Idéalement, une solution saline (NaCl 0,9 %) devrait être utilisée afin de rétablir la natrémie, la kaliémie et de corriger l’acidose métabolique [4, 8].

Si le rétablissement de la volémie ne suffit pas à corriger l’hypotension, des vasopresseurs (noradrénaline, dopamine, dobutamine) peuvent être utilisés seuls ou en combinaison, afin de maintenir une pression artérielle dans les limites de la normale, comme dans le cas clinique rapporté (tableau 6). Le choix d’un vasopresseur repose davantage sur une décision arbitraire de la part du praticien (dans notre cas, il a été décidé d’arrêter la noradrénaline et de continuer la dopamine de façon arbitraire par le vétérinaire en charge à ce moment-là) et son administration est adaptée à chaque cas selon le mode d’action de la molécule.

En général, l’hyperkaliémie se résout rapidement à la suite de la fluidothérapie par simple dilution, en augmentant le débit de filtration glomérulaire (kaliurie) et en corrigeant l’acidose métabolique (transfert intracellulaire du potassium). Le plus souvent, il n’est donc pas nécessaire de la traiter spécifiquement, comme cela a été le cas ici. Cependant, le traitement de l’hyperkaliémie est indiqué en présence d’arythmies cardiaques mettant en jeu la vie de l’animal (notamment bradycardie, voire arythmies ventriculaires). Les traitements visent à protéger le myocarde des arythmies à l’aide de gluconate de calcium et à faire diminuer l’hyperkaliémie avec les protocoles insuline-D-glucose permettant de faire rentrer le potassium dans les cellules [4, 8]. L’insuline utilisée est une insuline rapide telle que l’Actrapid®(1).

La supplémentation en glucocorticoïdes est une part importante du traitement de la crise addisonnienne. Aucun consensus n’existe sur la dose de glucocorticoïdes à utiliser chez le chat. Il semble toutefois que 0,1 mg/kg de dexaméthasone soit fréquemment utilisé et efficace, comme cela a été le cas pour le chat présenté [4, 7, 9].

Il importe de surveiller régulièrement les paramètres vitaux, incluant la température, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la glycémie et les concentrations en électrolytes, jusqu’à ce que l’état général de l’animal soit stable. La fréquence des mesures est à adapter à l’état clinique de l’animal et à son évolution après les traitements mis en place. Dans notre cas, des examens physiques (fréquence cardiaque, temps de recoloration des muqueuses, pression artérielle, etc.) ont été réalisés toutes les heures jusqu’à stabilisation du chat, puis toutes les 4 heures. Des analyses sanguines (dosage des gaz sanguins couplé à une mesure de l’hématocrite et des protéines totales) ont été effectuées deux fois par jour jusqu’à stabilisation, puis une fois par jour.

Traitement chronique

Le traitement sur le long terme consiste à apporter par voie orale les glucocorticoïdes et les minéralocorticoïdes nécessaires à l’animal. La dose de glucocorticoïdes correspond à une dose physiologique (prednisolone 0,3 mg/kg, per os, une fois par jour) qui peut être doublée lors d’événements stressants tels qu’un voyage ou une visite chez le vétérinaire. L’apport de minéralocorticoïdes est essentiel pour l’homéostasie des électrolytes et consiste en l’administration de fludrocortisone (0,01 mg/kg, per os, une ou deux fois par jour). Le suivi des concentrations en électrolytes, à une fréquence de 1 ou 2 semaines dans un premier temps, jusqu’à ce qu’elles soient dans des valeurs normales, permet d’adapter la dose de fludrocortisone à administrer [4, 8-10]. La fludrocortisone possède aussi une action glucocorticoïde, il est donc possible que certains animaux n’aient pas besoin sur le long terme de prednisolone, ou que la dose administrée puisse être diminuée, comme pour la chatte de ce cas clinique [4, 9].

Conclusion

Malgré la mise en place rapide d’un traitement spécifique, il semblerait que les chats mettent plus de temps que les chiens à retrouver un bon état général, comme cela a été observé chez l’animal présenté qui a nécessité des vasopresseurs durant plusieurs jours. L’état général des chats s’améliore normalement en 4 à 5 jours. Mais le pronostic sur le long terme est bon pour les animaux qui reçoivent un traitement adéquat [2, 6-10].

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Benigni L. Adrenal glands. In: Barr F and Gaschen L. BSAVA manual of canine and feline ultrasound. BSAVA, Gloucester, 2011:147-154.
  • 2. Brain PH. Trauma-induced hypoadrenocorticism in a cat. Aust. Vet. Pract. 1997;27:178-181.
  • 3. Klein SC, Peterson ME. Canine hypoadrenocorticism: part I. Can. Vet. J. 2010;51(1):63-69.
  • 4. Klein SC, Peterson ME. Canine hypoadrenocorticism: part II. Can. Vet. J. 2010;51(2):179-184.
  • 5. Mathews KA. In: Veterinary emergency and critical care manual. 2nd ed. Guelph. 2006:231-234, 253-254, 394-399.
  • 6. Parnell NK, Powell LL, Hohenhaus AE et coll. Hypoadrenocorticism as the primary manifestation of lymphoma in two cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;214(8):1208-1211.
  • 7. Peterson ME, Greco DS, Orth DN. Primary hypoadrenocorticism in ten cats. J. Vet. Intern. Med. 1989;3(2):55-58.
  • 8. Sicken J, Neiger R. Addisonian crisis and severe acidosis in a cat: a case of feline hypoadrenocorticism. J. Feline Med. Surg. 2013;15(10):941-944.
  • 9. Stonehewer J, Tasker S. Hypoadrenocorticism in a cat. J. Small Anim. Pract. 2001;42(4):186-190.
  • 10. Tasker S, MacKay AD, Sparkes AH. A case of feline primary hypoadrenocorticism. J. Feline Med. Surg. 1999;1(4):257-260.
  • 11. Zimmer C, Hoerauf A, Reusch C. Ultrasonographic examination of the adrenal gland and evaluation of the hypophyseal-adrenal axis in 20 cats. J. Small Anim. Pract. 2000;41(4):156-160.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’hypoadrénocorticisme est une maladie rarement décrite chez le chat. Elle pourrait être confondue avec une insuffisance rénale aiguë.

→ Les symptômes et les anomalies biochimiques sont peu spécifiques. Ces dernières sont semblables à celles observées chez le chien. Seul le dosage de l’aldostérone permet de confirmer la maladie avec certitude.

→ Le traitement consiste à gérer la crise addisonnienne si elle est présente, puis à complémenter le chat en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes sur le long terme.

→ Si aucune cause sous-jacente n’est identifiée, le pronostic sur le long terme est bon avec un traitement spécifique.

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