Diagnostic de l’hypercorticisme canin - Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 359 du 01/10/2015

ENDOCRINOLOGIE CANINE

Analyse de synthèse

Auteur(s) : Axelle Deswarte*, Ghita Benchekroun**

Fonctions :
*Clinique Vet’Arènes,
11, avenue de Chantilly,
60300 Senlis
**ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

L’hypercorticisme est une dysendocrinie assez fréquente chez le chien. Il nécessite un diagnostic précis qui fait appel à de nombreux tests biologiques s’articulant selon une logique qu’il est utile de rappeler.

Maladie protéiforme par excellence, le syndrome de cushing (hypercorticisme spontané) désigne l’ensemble des symptômes secondaires à une imprégnation cortisolique chronique de l’organisme. Les causes en sont multiples et l’expression clinique est variée.

SYNDROME DE CUSHING DU CHIEN

1. Étiologie et épidémiologie

Deux types d’atteinte (hypophysaire ou surrénale) de l’axe corticotrope peuvent être à l’origine d’une augmentation de la sécrétion endogène de cortisol (figure 1). De manière exceptionnelle, d’autres formes de syndrome de Cushing ont été décrites : l’une liée à l’alimentation et une autre, à une sécrétion ectopique d’hormone corticotrope (ACTH). Les cas décrits de sécrétion ectopique d’ACTH étaient secondaires à une tumeur neuro-endocrine autre qu’hypophysaire (pancréatique, hépatique, etc.) sécrétant de l’ACTH ou l’un de ses précurseurs [2]. Ces formes, très rares, ne sont pas décrites dans cet article.

Syndrome de Cushing d’origine hypophysaire (ou maladie de Cushing)

Une tumeur hypophysaire, qui est dans la quasi-totalité des cas un adénome, sécrète de manière excessive de l’ACTH entraînant une augmentation de la sécrétion de cortisol par les glandes surrénales. L’autonomie de sécrétion hypophysaire empêche l’efficacité du rétrocontrôle négatif du cortisol. La majorité des tumeurs sont des micro-adénomes. Cependant, des macrotumeurs sont retrouvées dans 20 à 30 % des cas (macro-adénomes majoritairement et quelques adénocarcinomes), entraînant également par leur taille des signes nerveux [3].

L’origine hypophysaire est la plus fréquente (80 à 85 % des cas). Elle est retrouvée préférentiellement chez les animaux âgés (75 % ont plus de 9 ans) et de petit format (75 % pèsent moins de 20 kg).

Syndrome de Cushing d’origine surrénalienne (ou périphérique)

Une tumeur surrénalienne (adénome ou adénocarcinome) entraîne une sécrétion autonome de cortisol. Le rétrocontrôle négatif qu’exerce le cortisol sur le système hypothalamo-hypophysaire provoque un effondrement des sécrétions d’ACTH et de corticolibérine (CRH), entraînant une atrophie de la surrénale saine à l’origine d’une dissymétrie surrénalienne.

Ce syndrome représente environ 15 % des cas, touche également les animaux âgés (90 % ont plus de 9 ans) et trois fois plus les femelles que le mâles.

Insuffisance corticotrope iatrogénique

Appelée parfois par abus de langage “syndrome de Cushing iatrogénique”, une administration prolongée de corticoïdes peut provoquer des signes cliniques similaires à ceux d’un syndrome de Cushing spontané. Les corticoïdes exogènes entraînent un effondrement de l’axe corticotrope et une hypocortisolémie par rétrocontrôle négatif. Les glandes surrénales non stimulées par l’ACTH ont tendance à s’atrophier [1].

2. Expression clinique

La première étape du diagnostic passe par une suspicion clinique. Il convient de connaître et de savoir reconnaître les nombreux signes cliniques évocateurs. Le syndrome de Cushing est d’évolution lente. Il existe des signes fréquents (plus de 80 % des cas) qui ne présentent que peu de spécificité et des signes moins fréquents (moins de 50 % des cas) qui sont plus spécifiques (tableau, photo 1).

Signes cliniques fréquents (plus de 80 % des cas)

→ Les signes cutanés sont les suivants : alopécie tronculaire non prurigineuse, comédons, peau fine et hypotonique, télangiectasie, surinfection secondaire (Malassezia, Demodex, etc.), retard de cicatrisation (photo 2).

→ La polyphagie est quasi omniprésente, sûrement secondaire à une action centrale directe des corticoïdes. L’absence de ce signe clinique doit faire suspecter une affection concomitante ou un macro-adénome hypophysaire (entraînant le plus souvent une anorexie et une léthargie).

→ La polyuro-polydypsie (PUPD) est de cause encore mal connue, mais certaines données suggèrent une interférence avec l’action de l’hormone antidiurétique (ADH).

→ La distension abdominale est secondaire à la faiblesse musculaire, à l’hépatomégalie et à la distension vésicale.

→ L’hypercatabolisme protéique est à l’origine d’une faiblesse musculaire, d’une amyotrophie et d’atteintes ligamentaires (rupture spontanée du ligament croisé cranial [LCA], plantigradie, etc.).

Signes peu fréquents (moins de 50 % des cas)

→ Les troubles respiratoires : le plus souvent, une polypnée est présente, parfois une dyspnée restrictive. Ces anomalies peuvent être dues à de multiples éléments (faiblesse musculaire, augmentation de la pression abdominale exercée sur le diaphragme [hépatomégalie et accumulation de graisse abdominale], minéralisation bronchique et interstitielle, thrombo-embolie, etc.).

→ Les troubles de la reproduction : par rétrocontrôle négatif sur l’axe gonadotrope, créant une atrophie testiculaire chez le mâle et un anoestrus, un syndrome de virilisation chez la femelle.

Complications

Les complications sont nombreuses. Certaines peuvent être un bon signe d’appel.

→ Le diabète sucré est présent dans 10 à 20 % des cas, le cortisol étant une hormone hyperglycémiante.

→ L’hypertension artérielle, en général modérée, doit faire penser à un syndrome de Cushing lorsqu’elle est présente chez le chien. Les causes en sont sans doute multifactorielles (activation du système rénine-angiotensine-aldostérone, rétention hydrosodée, etc.).

→ Les pseudomyotonies sont caractérisées par une raideur importante des membres postérieurs, parfois des antérieurs, rencontrée préférentiellement chez le caniche nain abricot. Un fond génétique est fortement suspecté, ce signe étant rarement décrit outre-Atlantique.

→ La thrombo-embolie pulmonaire est rare chez le chien. Un hypercorticisme est une de ses principales causes. Son diagnostic doit donc conduire à l’exploration d’un syndrome de Cushing.

→ Les troubles nerveux : outre les signes généraux comme l’apathie, l’anorexie et la PUPD persistante sous traitement hypocortisolémiant, certains symptômes nerveux (désorientation, hypertension intracrânienne, parfois même cécité) peuvent être présents lors de macro-adénome hypophysaire.

→ Les urolithes : en favorisant l’excrétion urinaire de calcium, l’hypercorticisme prédispose à la formation d’oxalates de calcium.

→ Les infections urinaires : la pression microbienne augmente dans les voies basses urinaires par une diminution de la densité et la présence de calculs d’oxalates de calcium.

3. Examens de routine

La suspicion clinique peut être renforcée par certains résultats biologiques. De manière alternative, des résultats biologiques sont parfois le point de départ d’une démarche d’exploration d’un syndrome de Cushing.

À l’examen biochimique, les phosphatases alcalines (PAL) sont largement augmentées dans 90 % des cas d’hypercorticisme. Les alanine aminotransférases (Alat), les triglycérides, le cholestérol et le glucose peuvent également être en hausse.

À l’examen hématologique, un leucogramme de stress (leucocytose par neutrophilie et monocytose avec lymphopénie) peut être observé, ainsi qu’un hématocrite élevé.

À l’analyse urinaire, la densité urinaire est généralement basse (< 1,020). Une pyurie peut être présente, ainsi qu’une protéinuire secondaire à une glomérulopathie.

DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

La démarche diagnostique se réalise en deux étapes : déterminer l’existence ou non d’un syndrome de Cushing, puis son origine.

L’expression clinique du syndrome de Cushing est très variable et les tests disponibles sont imparfaits, manquant toujours soit de sensibilité soit de spécificité (encadré). Le clinicien doit donc avoir un regard critique sur l’interprétation de ces examens et surtout dans leur choix, qui se fait selon le niveau de suspicion clinique.

En pratique, si la suspicion clinique est faible, il convient de chercher à exclure un syndrome de Cushing. Le test utilisé doit donc être sensible : s’il est négatif, la probabilité d’être face à un syndrome de Cushing est très faible. En revanche, si la suspicion clinique est forte, la maladie doit être confirmée et le test doit être spécifique : s’il est positif, la probabilité de se tromper est très faible.

1. Examens complémentaires disponibles

En cas de faible suspicion clinique : test sensible

Le cortisol libre étant entièrement filtré et non réabsorbé par le rein, le rapport cortisol sur créatinine urinaire (RCCU) reflète parfaitement la production de cortisol endogène sur plusieurs heures, correspondant au temps de production de l’urine prélevée.

Les caractéristiques intrinsèques de ce test varient en fonction de la technique de dosage utilisée. Ce test est très sensible (sensibilité comprise en 90 et 99 %, c’est-à-dire que 90 à 99 % des cas d’hypercorticisme présentent un résultat positif). En revanche, la spécificité est comprise entre 25 et 77 %, de nombreux animaux peuvent donc présenter un RCCU supérieur au seuil sans être atteint d’un hypercorticisme. Ce test ne doit donc pas être utilisé en cas de forte suspicion clinique (figure 2) [1].

Le test est facile d’emploi, peu invasif et peu onéreux. Pour profiter d’une longue période de production d’urine et prévenir une augmentation de cortisol secondaire au stress, les urines sont prélevées le matin par le propriétaire, au moins 2 jours après la consultation. Certains animaux atteints d’hypercorticisme débutant peuvent présenter des variations du RCCU assez importantes selon les jours. Les urines peuvent dans ce cas être prélevées sur plusieurs jours, en particulier chez les chiens suspects dont le résultat est négatif [1, 4]. Dans ces cas, nous préférons utiliser un test plus spécifique malgré la négativité du RCCU.

De récentes études tendent à prouver que la concentration de corticoïdes dans les poils est significativement plus élevée chez les animaux atteints d’hypercorticisme.

Sous réserve d’essais prospectifs et d’une détermination précise des caractéristiques intrinsèques du test, le dosage en cortisol du pelage pourrait ouvrir de nouvelles perspectives encore moins invasives que les tests actuellement disponibles [7].

En cas de forte suspicion clinique : test spécifique

→ Test de freinage à la dexaméthasone faible. C’est le test de référence à l’heure actuelle [1]. Il n’est indiqué que dans le cadre d’un hypercorticisme spontané, en testant la fonctionnalité du rétrocontrôle négatif. Une injection de 0,01 mg/kg de dexaméthasone double le taux de cortisol chez un animal sain, à l’origine d’un rétrocontrôle négatif sur l’hypothalamus et l’hypophyse, donc d’un effondrement de la sécrétion de cortisol par les glandes surrénales. Ce rétrocontrôle est inefficace lors d’un syndrome de Cushing (figure 3).

La sensibilité de ce test est comprise entre 90 et 100 % alors que sa spécificité est estimée autour de 80 %.

En pratique, une injection de dexaméthasone sous forme de phosphate sodique à 0,01 mg/kg par voie intraveineuse (IV) est réalisée à T0. La cortisolémie est mesurée à T0, T4h et à T8h. La cortisolémie à 4 et 8 heures est effondrée (< 30 nmol/l) chez un animal sain et dans les normes usuelles, voire augmentées, à 8 heures (> 40 nmol/l) chez un animal atteint d’un hypercorticisme. Chez un animal atteint d’un hypercorticisme, la valeur mesurée à 4 heures peut donner une indication étiologique.

Comme le RCCU, une fluctuation des valeurs de cortisolémie est possible chez les individus aussi bien sains que malades. Si la cortisolémie basale est basse, les résultats du test sont difficilement interprétables et celui-ci doit être renouvelé.

→ Test de stimulation de la cortisolémie par l’ACTH. C’est l’examen le plus utilisé en France. Il est rapide (1 h à 1 h 30) et permet de détecter les insuffisances corticotropes iatrogéniques. En cas de signes cliniques évoquant un syndrome de Cushing chez un animal qui a reçu régulièrement des corticoïdes par quelque voie que ce soit, le choix doit s’orienter vers un test de stimulation de la cortisolémie par l’ACTH.

Un animal atteint de syndrome de Cushing présente une augmentation excessive de la cortisolémie par rapport à un individu sain après une injection d’ACTH. Un animal atteint d’une insuffisance corticotrope n’a aucune réponse à l’injection (figure 4).

La sensibilité du test est bonne pour le syndrome de Cushing d’origine hypophysaire (85 à 95 %). Elle n’atteint cependant que 30 à 66 % pour l’origine surrénalienne : pour cette origine, les valeurs de cortisol sont dans les normes usuelles [6, 8]. La spécificité est bonne autour de 85 %. Il existe néanmoins de nombreuses situations physiologiques (le stress) ou pathologiques (maladies chroniques telles que le diabète, le lymphome, etc.) dans lesquelles une sécrétion excessive en cortisol et un test de stimulation faussement positif peuvent être observés.

En pratique, une injection de cosyntropine (250 µg/chien, 1 ampoule de Synacthène®) est réalisée à T0 en IV ou par voie intramusculaire (IM). Une cortisolémie est mesurée à T0 + 1 h après une injection IV et à T0 + 1 h 30 après une injection IM. Un résultat supérieur à 500 nmol/l est en faveur d’un syndrome de Cushing. Un résultat inférieur à 100 nmol/l évoque une insuffisance corticotrope (seuils variables en fonction des laboratoires).

Dans l’hypothèse où la molécule redeviendrait difficile à se procurer (comme en 2013), Il existe une solution alternative : l’importation, après autorisation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), de tétracosactide, laboratoire Dechra.

→ Test de stimulation de stéroïdes autres que le cortisol par l’ACTH.

La synthèse surrénalienne de cortisol passe par de nombreux stéroïdes intermédiaires, par exemple la progestérone et le 17-hydroxyprogestérone. Leurs sécrétions augmentent également lors d’un test de stimulation à l’ACTH. De récentes études tendent à montrer que, dans certains cas de syndrome de Cushing, il est possible d’observer une élévation de leur concentration alors que le test est négatif pour le cortisol. Cela peut être le cas lors de maladie de Cushing (origine hypophysaire) ou de tumeurs surrénaliennes [6]. Dans ce dernier cas, l’hypothèse serait une déficience en enzymes 11- et 21β-hydroxylase par manque de différenciation lors d’atteinte tumorale. Ces enzymes permettent la synthèse de cortisol à partir de 17-hydroxyprogestérone. Un test de stimulation à l’ACTH augmenterait le taux de 17-hydroxyprogestérone, mais sans élever le taux de cortisol puisque les enzymes sont déficientes. Des études en médecine humaine ont validé cette hypothèse [9].

Mesurer la progestérone ou la 17-hydroxyprogestérone serait donc intéressant uniquement en cas de forte suspicion clinique non confirmée par un test de stimulation de la cortisolémie par l’ACTH ou un test de freinage de la cortisolémie par la dexaméthasone faible. Une tumeur surrénale identifiée à l’échographie peut constituer un argument supplémentaire en faveur d’un syndrome de Cushing. Cependant, la synthèse de précurseurs du cortisol a été identifiée lors d’origine hypophysaire, sans que le mécanisme physiopathologique soit clairement étudié. Une étude de 2012 montre néanmoins que les caractéristiques du test ne sont pas supérieures, comparativement au cortisol : sensibilité de 91 % et spécificité de 59 % pour la 17-hydroxyprogestérone [6]. Ces tests ne doivent jamais être réalisés en première intention.

La communauté de l’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM) de 2012 émet encore des réserves concernant l’implication des hormones sexuelles dans le syndrome de Cushing dit atypique. Leurs mesures par stimulation par l’ACTH ne sont réservées qu’aux cas de suspicion d’hypercorticisme dit “occulte” (tout autre test disponible non conclusif avec des cortisolémies faibles malgré un tableau clinique évocateur). Le collège américain rappelle également qu’une tumeur surrénalienne ne signifie pas toujours “hypercorticisme” et, dans ce cas, l’interprétation des mesures des hormones sexuelles doit être faite avec prudence [1].

3. Détermination de l’origine du syndrome de Cushing : hypophysaire versus surrénalien

Une fois le syndrome de Cushing confirmé, il convient de déterminer son origine. Sont utilisés le test de freinage de la cortisolémie par la dexaméthasone faible ou forte, le dosage d’ACTH ou les examens d’imagerie.

→ Test de freinage de la cortisolémie par la dexaméthasone forte. Il se réalise de la même manière que celui à la dexaméthasone faible précédemment décrit, sauf que la dose de dexaméthasone est 10 fois plus élevée : 0,1 mg/kg. Le principe est le suivant : l’injection d’une très forte dose de dexaméthasone n’a aucun effet sur une tumeur surrénalienne, mais provoque un aplanissement de l’axe corticotrope par un rétrocontrôle négatif sur une tumeur hypophysaire.

Le syndrome est d’origine hypophysaire si :

– la cortisolémie à T + 8 h est inférieure à 40 nmol/l, ou à 50 % de la cortisolémie à T0 ;

– la cortisolémie à T + 4 h est inférieure à 40 nmol/l, ou à 50 % de la cortisolémie à T0.

La sensibilité du test dans la détection des syndromes d’origine hypophysaire est de 75 % : 25 % des tumeurs hypophysaires ne présentent pas d’aplanissement de l’axe corticotrope. Une corrélation existe entre la taille de la tumeur hypophysaire et un freinage. Ainsi, une absence de freinage lors d’un syndrome de Cushing d’origine hypophysaire évoque la possibilité d’un macro-adénome hypophysaire. Le développement et l’accessibilité grandissante des examens d’imagerie rendent ce test de moins en moins utile. Il reste néanmoins intéressant dans les cas équivoques.

→ Test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone faible. Le diagnostic étiologique est également possible avec les épreuves à la dexaméthasone faible, grâce à l’introduction d’une valeur à T + 4 h ou si la valeur à 8 h montre un freinage relatif à la valeur de T0.

Le syndrome est hypophysaire si :

– la cortisolémie à T + 4 h est inférieure à 40 nmol/l, ou à 50 % de la cortisolémie à T0 ;

– la cortisolémie à T + 8 h est inférieure à 50 % de la cortisolémie à T0 (mais supérieure à 40 nmol/l pour affirmer la présence d’un syndrome de Cushing).

→ Dosage basal de l’ACTH plasmatique. Le principe est simple : s’il s’agit d’une tumeur surrénalienne, le rétrocontrôle négatif secondaire entraîne une chute de la production d’ACTH par l’hypophyse (sécrétion effondrée : < 5 à 10 pg/ml, selon les laboratoires). À l’inverse, s’il s’agit d’une tumeur hypophysaire, les cellules tumorales ont acquis une autonomie de sécrétion et le dosage en ACTH est alors normal, voire augmenté.

Les caractéristiques intrinsèques du test sont excellentes. Mais cet examen est assez peu utilisé en pratique en raison du manque de stabilité de l’ACTH. En effet, l’ACTH est instable à température ambiante, et le prélèvement doit donc se faire sur tube EDTA centrifugé à froid à 4 °C ou sur tube EDTA + aprotinine, permettant alors une centrifugation à température ambiante. Dans tous les cas, la centrifugation et le prélèvement du plasma doivent être immédiats. Le prélèvement est congelé et maintenu ainsi pendant son acheminement au laboratoire.

→ Échographie abdominale. Si le manipulateur est expérimenté, le diagnostic étiologique peut se faire dans la majorité des cas par l’évaluation de la taille et de la forme des glandes surrénales (photo 3a et 3b).

La taille est appréciée en mesurant l’épaisseur maximale de la glande surrénale sur une coupe sagittale, qui ne dépasse pas 7,5 mm chez l’animal sain. Elle permet de déterminer l’origine d’un hypercorticisme dans les situations suivantes :

– un aspect normal des glandes surrénales (taille et forme) signe une origine hypophysaire ;

– une hypertrophie bilatérale avec une forme conservée est en faveur d’une origine hypophysaire avec une hyperplasie surrénalienne ;

– lors de masse surrénalienne (augmentation de taille ou de contour d’une glande surrénale, avec parfois un envahissement vasculaire local) associée à une atrophie controlatérale (épaisseur maximale inférieure à 5 mm), l’origine est surrénalienne.

De rares cas de figure peuvent rendre impossible un diagnostic étiologique par échographie :

– lors de masse surrénalienne sans atrophie controlatérale, l’origine peut être soit surrénalienne, soit hypophysaire avec une hyperplasie nodulaire d’une glande surrénale, soit double ;

– lors de deux masses surrénaliennes bilatérales, l’origine peut être soit surrénalienne, avec une tumeur bilatérale, soit hypophysaire avec une hyperplasie nodulaire bilatérale.

Il est important de rappeler que l’exactitude du diagnostic n’est valable que si l’imageur est expérimenté et que les glandes surrénales sont observées de manière exhaustive. Si l’une des deux surrénales n’est pas parfaitement accessible échographiquement, aucune conclusion ne peut être établie.

L’échographie abdominale a aussi un intérêt dans la recherche de complications d’hypercorticisme (pancréatite, lithiases urinaires, etc.) et de métastases lors de tumeur surrénalienne.

→ Examen tomodensitométrique. Le scanner présente les mêmes intérêts diagnostiques étiologiques que l’échographie selon des principes d’interprétation semblables. Il apporte cependant des informations supplémentaires :

– lors de maladie de Cushing, l’examen peut être étendu à l’encéphale et permet le diagnostic d’un adénome hypophysaire de grande taille avant que des signes nerveux ou généraux soient présents (photo 4) ;

– lors de syndrome de Cushing d’origine surrénale, il permet un bilan d’extension locale et à distance exhaustif.

Dans ce cas, un scanner thoracique doit systématiquement être associé au scanner abdominal pour une détection précoce des métastases pulmonaires.

Le choix d’effectuer un scanner ou une échographie abdominale en première intention appartient au clinicien. Cependant, chez tout animal présentant des signes nerveux ou généraux faisant suspecter un macro-adénome hypophysaire, un examen d’imagerie de l’encéphale doit être proposé.

→ Imagerie par résonance magnétique (IRM). L’IRM est l’examen de choix pour caractériser précisément la taille d’un adénome hypophysaire. L’hypophyse étant enchâssée dans une structure osseuse nommée la selle turcique, le scanner ne permet de visualiser que les adénomes qui se sont étendus au-delà de celle-ci.

Le scanner présente néanmoins l’avantage d’évaluer en un seul examen l’hypophyse et les glandes surrénales. Mais si l’indication d’imagerie concerne seulement la taille d’un adénome hypophysaire, en vue par exemple d’une hypophysectomie ou d’une radiothérapie, le choix doit plutôt se porter sur l’IRM.

Conclusion

Le diagnostic de syndrome de Cushing est un diagnostic complexe pour lequel il n’existe pas une seule marche à suivre. De nombreux tests sont disponibles, tous imparfaits, qui doivent s’utiliser en fonction du niveau de suspicion clinique. Pour le diagnostic étiologique, les examens d’imagerie occupent une place centrale. Lors de résultats équivoques, des examens biologiques se révèlent alors nécessaires. La bonne réalisation de la démarche diagnostique conditionne l’instauration d’un traitement éventuel qui a une influence directe sur le pronostic et la durée de vie de l’animal.

Références

  • 1. Behrend EN, Koostra HS, Nelson R et coll. Diagnosis of spontaneous canine hyperadrenocorticism: 2012 ACVIM Consensus Statement (Small Animal). J. Vet. Intern. Med. 2013;27(6):1292-1304.
  • 2. Galac S, Kooistra HS, Voorhout G et coll. Hyperadrenocorticism in a dog due to ectopic secretion adrenocorticotrophic hormone. Domest. Anim. Endocrinol. 2005;28(3):338-348.
  • 3. Kipperman BS, Feldman EC, Dybdal NO et coll. Pituitary tumor size, neurologic signs, and relation to endocrine test results in dogs with pituitary-dependent hyperadrenocorticism: 43 cases (1980-1990). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1992;201(5):762-767.
  • 4. Kooistra HS, Galac S. Recent advances in the diagnosis of Cushing’s Syndrome in dogs. Top. Companion Anim. Med. 2012;27(1):21-24.
  • 5. Lathan P, Moore GE, Zambon S et coll. Use of a low-dose ACTH stimulation test for diagnosis of hypoadrenocorticism in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2008;22(4):1070-1073.
  • 6. Monroe WE, Panciera DL, Zimmerman. Concentrations of noncortisol adrenal steroids in response to ACTH in dogs with adrenal-dependent hyperadrenocorticism, pituitary-dependent hyperadrenocorticism, and adrenal illness. J. Vet. Med. 2012;26:945-952.
  • 7. Ouschan R, Kuchar A, Mostl E. Measurement of cortisol in dog hair: a noninvasive tool for the diagnosis of hypercortisolism. Vet. Dermatol. 2013;DOI: 10.1111/vde.12043
  • 8. Peterson ME, Krieger DT, Drucker WD et coll. Plasma cortisol response to exogenous ACTH in 22 dogs with hyperadrenocorticism caused by adrenocortical neoplasia. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1982;180:542-544.
  • 9. Racs K, Pinet F, Marton T et coll. Expression of steroidogenic enzyme messenger ribonucleic acid and corticosteroid production in aldosterone-producing and “non-functionning” adrenal adenomas. J. Clin. Endocrinol. Metab. 1993;77:677-682.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Définition de la sensibilité et de la spécificité d’un test

→ Sensibilité : probabilité que le test soit positif (résultat anormal) chez un individu malade.

→ Spécificité : probabilité que le test soit négatif (résultat dans les normes) chez un individu sain.

Points forts

→ Aucun des examens disponibles ne présente une sensibilité ou une spécificité parfaite.

→ De nombreuses erreurs diagnostiques sont dues au manque de critiques face aux résultats des examens ou à un mauvais choix de test.

→ La démarche diagnostique se déroule en deux étapes : déterminer la présence ou non d’un syndrome de Cushing, puis son origine.

→ Il n’existe pas une seule démarche. Les tests doivent être choisis selon le niveau de suspicion clinique. Une forte suspicion doit conduire à un examen spécifique, une faible suspicion à un examen sensible.

→ Une association d’examens biologiques et d’imagerie est souvent nécessaire pour conduire au diagnostic étiologique et diagnostiquer les éventuelles complications.

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