Traitement de la cardiomyopathie hypertrophique féline : quelle place pour le pimobendane ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 358 du 01/09/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 358 du 01/09/2015

CARDIOLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magali Decome

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
3200, rue Sicotte
Service de médecine interne, Saint-Hyacinthe
J2S2M2, Québec, Canada

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est la cardiomyopathie féline la plus fréquente [1, 4, 5]. Elle représente 60 à 80 % des cardiomyopathies chez le chat [7]. La présentation clinique est très variée et, dans la grande majorité des cas, le chat paraît asymptomatique [4, 6]. Vingt-six à 30 % des chats n’ont pas de souffle cardiaque, alors qu’ils sont atteints de CMH [8, 10, 12]. À l’inverse, seulement 31 % des chats chez lesquels un souffle cardiaque est entendu présentent des signes échocardiographiques de cardiopathie [9].

Une CMH se caractérise par l’épaississement du myocarde du ventricule gauche en l’absence d’hyperthyroïdie ou d’hypertension artérielle systémique. Il existe deux formes de CMH : obstructive ou non. Lors de CMH obstructive, un mouvement systolique antérieur (SAM) de la valve mitrale peut être observé, obstruant la chambre de chasse du ventricule gauche en systole [1, 6].

Étant donné l’origine génétique, le traitement est avant tout symptomatique [1, 5]. Bien que de nombreux progrès aient été faits sur la classification et l’étiologie des cardiomyopathies félines, l’efficacité de certains traitements à différents stades de la maladie est encore incertaine [12].

UNE CMH OCCULTE DOIT-ELLE ÊTRE TRAITÉE ?

Les traitements utilisés lors de CMH sont un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), un inhibiteur des canaux calciques, les β-bloquants et des antiagrégants plaquettaires. Toutefois, le bénéfice de ces molécules est encore très controversé, surtout dans le cadre d’une CMH occulte [12]. Cependant, une étude portant sur les traitements mis en place par des cardiologues ou des vétérinaires ayant un intérêt en cardiologie montre qu’il n’est pas rare qu’un traitement soit instauré lors de CMH subclinique [12]. Il s’agit d’une décision au cas par cas selon les trouvailles échographiques (telles que des volutes préthrombotiques et la présence ou non de SAM) et la capacité des propriétaires à administrer des médicaments.

Les β-bloquants sont employés lors de CMH obstructive ou d’arythmie ventriculaire, mais une grande variabilité interindividuelle de réponse au traitement est observée [6]. Les inhibiteurs des canaux calciques sont utilisés pour diminuer l’hypertrophie et améliorer la fonction diastolique. Toutefois, les études sont anciennes et leurs effets secondaires sont souvent non négligeables (anorexie, nausées, vomissements) [6].

Les IECA auraient une tendance à diminuer l’hypertrophie, mais ces résultats sont controversés [13]. Des antiagrégants plaquettaires sont généralement mis en place lors d’observation d’une dilatation sévère de l’oreillette gauche ou de volutes préthrombotiques.

Quels traitements utiliser lors de CMH et d’ICC ?

Dans le contexte d’une insuffisance cardiaque congestive (ICC), les recommandations pour le traitement de la CMH sont tout autres. En effet, dans le cadre d’une étude multicentrique sur les traitements chroniques des insuffisances cardiaques diastoliques, les auteurs, après avoir séparé les chats en quatre groupes recevant des médicaments différents (furosémide seul, furosémide et aténolol, furosémide et diltiazem ou furosémide et énalapril), pour diverses cardiomyopathies, ont montré que le temps de survie est le plus long pour le groupe de chats ayant reçu du furosémide seul [7]. Dans ce contexte, l’aténolol (inhibiteur des canaux calciques) aurait un effet négatif sur la survie du chat et est donc déconseillé. Le diltiazem, grâce à ses propriétés lusitrope et vasodilatatrice coronarienne, améliore des paramètres échocardiographiques et radiographiques [3, 6].

Les ω3, dont les propriétés sont à la fois anti-inflammatoire, antiarythmique et antiplaquettaire, sont utilisés. Chez l’homme, il a été démontré qu’ils réduisent l’incidence de mort subite et augmentent le temps de survie du patient cardiaque.

ET LE PIMOBENDANE ?

Le pimobendane, par ses propriétés inotrope positive, vasodilatatrice et antiplaquettaire, est recommandé dans le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive dans le cas des maladies cardiaques valvulaires dégénératives chez le chien ou lors de cardiomyopathie dilatée [2]. Peu de données sont disponibles pour son emploi dans le cadre d’une dysfonction diastolique et cette molécule est considérée comme contre-indiquée lors de CMH obstructive par de nombreux auteurs. Cependant, selon les résultats de l’article étudié ici, le pimobendane est très bien toléré chez les chats atteints de CMH obstructive (dynamique uniquement) et d’ICC, et une médiane de survie nettement supérieure à celle du groupe qui n’en reçoit pas a été observée (626 jours contre 103 jours) [11]. Ces résultats sont extrêmement encourageants pour la prise en charge de ces individus, d’autant plus que les chats traités avec du pimobendane ont une maladie plus sévère dans cette étude que ceux du groupe contrôle. Il convient toutefois de rester prudent pour les CMH obstructives en raison du petit nombre de cas recrutés pour l’étude et de noter que les CMH obstructives fixes sont exclues de l’étude.

Conclusion

Il n’existe pas de consensus sur le traitement de la CMH, qu’elle soit occulte ou au stade d’ICC. Le traitement est souvent adapté à chaque individu et doit être réfléchi. Le pimobendane, au stade d’ICC, paraît être une molécule extrêmement intéressante, bien qu’il soit contre-intuitif de l’utiliser. Elle est contre-indiquée dans les cas d’obstruction fixe, mais pourrait être administrée lors de CMH obstructive dynamique ou non obstructive.

Références

  • 1. Abbott J. Feline hypertrophic cardiomyopathy: an update. Vet. Clin. Small Anim. 2010;40:685-700.
  • 2. Atkins C, Bonagura J, Ettinger S et coll. Guidelines for the diagnosis and treatment of canine chronic valvular heart disease. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:1142-1150.
  • 3. Bright JM, Golden L, Gompf RE et coll. Evaluation of the calcium channel-blocking agents diltiazem and verapamil for treatment of feline hypertrophic cardiomyopathy. J. Vet. Intern. Med. 1991;5(5):272-282.
  • 4. Ferasin L. Feline myocardial disease. 1: Classification, pathophysiology and clinical presentation. J. Feline Med. Surg. 2009;11:3-13.
  • 5. Ferasin L. Feline myocardial disease. 2: Diagnosis, prognosis and clinical management. J. Feline Med. Surg. 2009;11:183-194.
  • 6. Fox PR. Hypertrophic cardiomyopathy. Clinical and pathology correlates. J. Vet. Cardiol. 2003;5(2):39-45.
  • 7. Fox PR. Prospective, double-blinded, multicenter evaluation of chronic therapies for feline diastolic heart failure: interim analysis. (Abstract). J. Vet. Intern. Med. 2003;17:398.
  • 8. Paige CF, Abbott JA, Elvinger F et coll. Prevalence of cardiomyopathy in apparently healthy cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2009;234(11):1398-1403.
  • 9. Payne JR, Borgeat K, Connolly DJ et coll. Prognostic indicators in cats with hypertrophic cardiomyopathy. J. Vet. Intern. Med. 2013;27:1427-1436.
  • 10. Payne JR, Luis Fuentes V, Boswood A et coll. Population characteristics and survival in 127 referres cats with hypertrophic cardiomyopathy (1997 to 2005). J. Small Anim. Pract. 2010;51:540-547.
  • 11. Reina-Doreste Y, Stern JA, Keene BW et coll. Case-Control study of the effects of pimobendan on survival time in cats with hypertrophic cardiomyopathy and congestive heart failure. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;245(5):534-539.
  • 12. Rishniw M, Pion PD. Is treatment of feline hypertrophic cardiomyopathy based in science or faith? A survey of cardiologists and literature search. J. Feline Med. Surg. 2011;13:487-497.
  • 13. Taillefer M, Di Fruscia R. Benazepril and subclinical feline hypertrophic cardiomyopathy: a prospective, blinded, controlled study. Can. Vet. J. 2006;47(5):437-445.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer le temps de survie des chats atteints de cardiomyopathie hypertrophique (CMH), obstructive ou non, en insuffisance cardiaque congestive (ICC) traités avec ou sans pimobendane. Caractériser les effets secondaires du pimobendane chez le chat dans ce contexte clinique.

MÉTHODE

Il s’agit d’une étude rétrospective incluant deux groupes de chats atteints de CMH et d’ICC, traités ou non avec du pimobendane. Les chats atteints de CMH obstructive fixe sont exclus de l’étude. Les chats du groupe traité avec du pimobendane doivent avoir reçu celui-ci jusqu’à leur mort ou la fin de l’étude, et au moins deux fois.

Le diagnostic de CMH est réalisé sur la base des résultats de l’échocardiographie et celui d’ICC à partir de l’observation d’un œdème pulmonaire, d’un épanchement pleural, péricardique ou péritonéal par au moins une technique d’imagerie.

RÉSULTATS

• 52 chats inclus, dont 27 individus traités avec du pimobendane.

• Absence de différence significative entre les deux groupes pour les paramètres suivants : signalement, trouvailles de l’examen physique, données échocardiographiques et résultats biochimiques.

• Augmentation significative du temps de survie chez les chats traités avec du pimobendane : 626 jours contre 103 jours pour le groupe contrôle (soit un ratio de 6,1/1, intervalle de confiance 95 %).

• Le pimobendane est très bien toléré.

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