ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT
Fiche
Auteur(s) : Stéphane Junot
Fonctions : Anesthésie-réanimation,
VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat, BP 83,
69280 Marcy-L’Étoile
La bonne connaissance des particularités pharmacologiques du diazépam permet d’utiliser cette molécule de façon optimale.
Le diazépam est une molécule présentant des propriétés pharmacologiques particulières, reliées à sa structure chimique, et qui influencent ses effets cliniques. Les propriétés physico-chimique, pharmacodynamique et pharmacocinétique sont ainsi abordées dans cette fiche, en soulignant les conséquences cliniques associées.
Le diazépam est une molécule très lipophile, qui possède un noyau benzène et un noyau diazépine (figure). Cette lipophilie permet un passage de la barrière hémato-méningée, mais pose des difficultés pour la mise en solution de la molécule. Cela est permis par l’utilisation comme excipients d’alcools, notamment de propylène glycol, solution retenue dans la spécialité pharmaceutique à usage humain, Valium®, et dans la nouvelle spécialité pharmaceutique à usage vétérinaire, Diazépam® TVM.
Le diazépam agit sur les récepteurs à l’acide γ-aminobutyrique de type A (GABAA), un neurotransmetteur inhibiteur. Il se fixe à ces récepteurs sur des sites spécifiques aux benzodiazépines et module l’activité du GABA sur son récepteur au niveau du cerveau et de la moelle épinière. Il en résulte des actions anxiolytique, sédative, myorelaxante, anticonvulsivante, ainsi qu’une amnésie antérograde décrite chez l’homme.
Le diazépam agit en se fixant sur des sites spécifiques aux benzodiazépines des récepteurs GABAA et module l’activité de ces récepteurs en augmentant l’activité inhibitrice de ces récepteurs.
Le diazépam est recommandé par voie intraveineuse (IV). La voie intramusculaire a également été décrite, mais la présence de propylène glycol parmi les excipients rend l’absorption du diazépam par cette voie peu prédictible. De plus, l’injection intramusculaire peut se révéler douloureuse. D’autres voies ont été décrites :
– la voie rectale. Elle a été utilisée chez le chien, à des doses de 0,5 mg/kg et 2 mg/kg. Le diazépam a montré une très faible biodisponibilité (2,7 et 7,4 % respectivement), néanmoins, en tenant compte des métabolites actifs, sa biodisponibilité montait à 66 et 79,9 % respectivement (ce qui traduit une biotransformation rapide du diazépam par cette voie) ;
– la voie nasale. Par cette voie, la biodisponibilité du diazépam est de 80 % (pour une dose de 0,5 mg/kg) [6]. Une autre étude a rapporté une biodisponibilité de l’ordre de 41 à 42 % après administration par voie nasale en gouttes ou après nébulisation [4].
Le diazépam a été rapporté comme fortement fixé aux protéines plasmatiques chez différentes espèces incluant le chien (plus de 95 % des cas).
Le diazépam est métabolisé dans le foie pour produire notamment la formation de deux métabolites actifs : le nordazépam et le N-desméthyldiazépam, qui sont ensuite glucoronoconjugués.
Les métabolites sont excrétés par voie rénale. La demi-vie d’élimination du diazépam est faible, de l’ordre de 3,2 heures chez le chien, et 5,5 heures chez le chat. La demi-vie des métabolites est encore plus importante : 3,6 heures pour le nordazépam et 5,7 heures pour le N-desméthyldiazépam chez le chien, 21 heures pour le nordazépam chez le chat.
Le diazépam est utilisé à la dose de 0,2 à 0,5 mg/kg par voie IV (les doses recommandées sur le résumé des caractéristiques du produit allant jusqu’à 2 mg/kg pour le traitement des spasmes musculo-squelettiques).
En perfusion, il peut être administré à la dose de 0,5 mg/kg/h, avec une tubulure opaque et une poche protégée de la lumière.
Le diazépam diminue l’activité des zones cérébrales sous-corticales, en particulier le système limbique, le thalamus, et la formation réticulée. Les effets obtenus sont les suivants :
– une sédation de qualité et d’intensité aléatoires ;
– une anxiolyse ;
– une myorelaxation ;
– un anticonvulsivant.
Ses effets cardiovasculaires propres sont minimes, mais une potentialisation des effets dépresseurs cardiovasculaires d’autres molécules est possible.
Ses effets respiratoires propres sont minimes, mais une potentialisation des effets dépresseurs respiratoires d’autres molécules est possible.
Effet orexigène : le diazépam peut stimuler l’appétit, cet effet ayant été montré chez le chat.
Le diazépam dispose d’un antagoniste spécifique des benzodiazépines, le flumazénil (Anexate® et génériques(1)). Cette molécule présente une forte affinité pour les récepteurs aux benzodiazépines, mais sans activité intrinsèque significative. Elle peut ainsi être employée pour annuler les effets indésirables du diazépam, qui sont essentiellement liés à des effets dysphoriques chez le chien et le chat. La dose recommandée est de 0,01 mg/kg, le flumazénil a été utilisé avec succès à cette dose pour antagoniser les effets du diazépam administré à la dose de 0,22 mg/kg chez le chien [3].
L’indication principale du diazépam est le traitement des crises convulsives, la voie intraveineuse étant mentionnée dans le RCP (résumé des caractéristiques du produit). En pratique, d’autres voies sont utilisables comme les voies rectale ou nasale. Le diazépam est indiqué lors de crise aiguë, conforté en cela par sa rapidité d’action, mais n’est pas recommandé dans le traitement de convulsions chroniques car une tolérance se développe rapidement (en 1 semaine chez le chien).
Les spasmes musculo-squelettiques figurent également dans les indications de la molécule.
Le diazépam est indiqué comme prémédiquant lors d’anesthésie, avec plusieurs modalités d’utilisation(2) :
– la sédation-anxiolyse du chien ou du chat avant une anesthésie générale : il est préférable d’y associer un morphinique dans ce cadre, pour limiter la survenue d’une excitation paradoxale ;
– la co-induction : le diazépam, administré juste avant un anesthésique général, peut permettre de diminuer les doses de ce dernier.
Le diazépam est aussi fréquemment prescrit, hors AMM, pour stimuler l’appétit chez les chats.
Le diazépam est contre-indiqué lors de dysfonctionnement hépatique sévère. Plusieurs raisons concourent à cela :
– une insuffisance hépatique augmente la durée d’action du diazépam ;
– une hypoprotéinémie secondaire à une insuffisance hépatique peut entraîner un surdosage (effet non spécifique aux benzodiazépines) ;
– des cas d’hépatotoxicité associée au diazépam ont été décrits chez le chat lors d’administrations répétées par voie orale [2, 5] ;
– des concentrations élevées de benzodiazépines endogènes ont été rapportées lors d’encéphalose hépatique, suggérant une implication de ces molécules dans la physiopathologie de l’encéphalose hépatique, mais pour autant, non systématique [1].
De plus, il est préférable, dans la mesure du possible, d’éviter l’usage des benzodiazépines chez les femelles gestantes durant le premier tiers de la gestation, ces molécules ayant été associées à la survenue d’anomalies congénitales chez l’homme lors de leur administration chez la mère durant cette période critique.
(1) Spécialités pharmaceutiques à usage humain.
(2) Voir l’article “Utilisation du diazépam en anesthésie des animaux de compagnie” du même auteur, dans ce numéro.
L’auteur déclare avoir effectué des expertises rémunérées par le laboratoire TVM.
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