CHIRURGIE OSSEUSE CANINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Quentin Cabon
Fonctions : Service de chirurgie
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Claude-Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
Les défauts mandibulaires s’observent lors de mandibulectomie segmentaire pour le traitement d’une tumeur mandibulaire, ainsi que lors de reprise chirurgicale d’une non-union de fracture de mandibule [6]. Ces anomalies sont assez bien tolérées par certains chiens. En revanche, d’autres animaux développent des complications secondaires à la malocclusion dentaire liée à la déviation mandibulaire (difficultés à boire, à manger, à la préhension, arthropathie de l’articulation temporo-mandibulaire controlatérale) [1, 2, 6]. Afin de limiter ces complications, et d’améliorer l’occlusion, la fonction masticatrice et l’aspect esthétique, certains auteurs cherchent à reconstruire les mandibules [6].
Le rétablissement d’une occlusion dentaire parfaite est l’objectif de l’intervention chirurgicale. Pour faciliter son évaluation au cours de la procédure, une intubation orotrachéale par pharyngotomie ou par abord transmylohyoïdien est indiquée [10].
Plusieurs techniques de stabilisation de la mandibule ont été décrites : les résines dentaires, plus ou moins associées à des cerclages interdentaires, les cerclages mandibulaires, les fixateurs externes ou encore les plaques. Parmi ces dernières ont été développées dernièrement des miniplaques en titane, verrouillées ou non, particulièrement adaptées au traitement des fractures maxillo-faciales [2, 6]. En effet, ces plaques sont fines et peuvent être aisément contournées dans les trois plans de l’espace [2]. Lors de stabilisation mandibulaire sans perte de substance, le montage prend appui sur les dents ou sur l’os. En revanche, en cas de défaut osseux, seuls les montages stabilisant l’os (plaque et fixateur externe) sont envisageables [5].
Des auteurs ont décrit une exérèse chirurgicale de tumeurs qui conserve l’aspect ventral de la mandibule, dans le cas de tumeurs malignes de taille réduite, avec pour objectif de ne pas reconstruire la mandibule tout en sauvegardant les caractères fonctionnel et esthétique de celle-ci [1]. Cette étude s’accompagne de bons résultats fonctionnels, esthétiques et en matière de durée de survie [1].
Lors de défauts osseux mandibulaires comme dans d’autres circonstances (non-union de fracture, arthrodèses, fusion vertébrale), il est parfois utile de favoriser la néoformation osseuse. Quatre stratégies peuvent être utilisées pour promouvoir la formation d’os. L’ostéogenèse apporte un support mécanique, ainsi que des cellules productrices d’os, comme c’est le cas lors de greffe d’os spongieux (prélevé dans le tibia proximal, le tubercule majeur, l’ilium ou le sternum chez le chien). L’ostéo-induction induit la capacité à produire de l’os au sein d’un tissu où cette néoformation osseuse ne devrait pas se développer, comme c’est le cas avec les protéines de la morphogenèse osseuse (BMP, bone morphogenetic protein), et notamment les BMP-2, -4 et -7. L’ostéoconduction procure un support mécanique pour que les cellules souches mésenchymateuses présentes au site de greffe puissent proliférer. Enfin, l’ostéopromotion améliore la néoformation osseuse déjà en cours [8]. Les matériaux employés pour la greffe osseuse sont principalement l’os spongieux, l’os cortical, ainsi que de nombreux substituts osseux [8]. Plusieurs techniques de reconstruction osseuse ont été mises en œuvre dans le traitement des défauts mandibulaires, telles que les rhBMP-2, l’autogreffe corticale d’ulna ou les côtes [3, 4, 7, 9, 11].
Les BMP sont des protéines capables d’initier la séquence complète de la néoformation osseuse dans des localisations où cette production n’a physiologiquement pas lieu d’être [6, 8]. Elles sont impliquées dans le chimiotactisme et la différenciation de cellules pluripotentes en cellules de la lignée osseuse, telles que les chondrocytes, les ostéoblastes et les ostéocytes [6]. Parmi les BMP, les BMP-2, -4 et -7 sont les plus étudiées comme une solution alternative à la greffe osseuse. Chez l’homme, l’utilisation de la rhBMP-2 est reconnue dans le traitement des fractures ouvertes du tibia, l’assistance à la fusion vertébrale et les reconstructions mandibulaires [6]. Dans des modèles animaux, son action s’est révélée égale ou supérieure à celle d’une autogreffe d’os spongieux pour l’accélération du processus de guérison osseuse, le comblement de défaut osseux ou encore la fusion vertébrale [6].
Les BMP doivent être utilisées couplées à un “milieu de relargage”, tel que les CRM (compression resistant matrix) dans les études d’Arzi et Verstraete [1, 2]. En effet, ces protéines fortement solubles doivent être appliquées dans un milieu de relargage pour éviter une dissolution trop rapide et, ainsi, une perte d’efficacité. Ce milieu de relargage permet également de limiter la pénétration des tissus mous dans le défaut osseux. La dose de rhBMP-2 utilisée est aussi d’une importance capitale, pour prévenir la formation excessive d’os [6].
L’utilisation de BMP dans les reconstructions mandibulaires semble très prometteuse, que ce soit dans un contexte oncologique ou traumatique, y compris pour des défauts osseux étendus. De plus grandes études sont toutefois nécessaires, notamment pour élargir le champ d’application des BMP.
Aucun.
OBJECTIF
Décrire une approche régénérative de la mandibule chez le chien lors de défaut osseux, via l’utilisation de protéines de la morphogenèse osseuse (BMP, bone morphogenetic protein).
MÉTHODE
Deux études ont été menées sur des chiens avec un défaut mandibulaire, secondaire au traitement d’une tumeur (4 chiens) ou à une reprise chirurgicale d’une non-union de fracture (6 chiens). Une mandibulectomie segmentaire a été réalisée en cas de tumeur mandibulaire, suivie de la mise en place d’une matrice imprégnée de rhBMP-2 (recombinant human BMP-2). Les chiens présentant une non-union ont subi tout d’abord un nettoyage parodontal et des extractions dentaires. Dans un second temps, un débridement du site fracturaire a été pratiqué, suivi de la mise en place d’une matrice imprégnée de rhBMP-2. La fixation interne de la mandibule a été effectuée à l’aide d’une miniplaque verrouillée en titane. Un suivi à la fois clinique et radiographique a été instauré.
RÉSULTATS
• Une occlusion correcte a été observée chez les 10 chiens sur toute la durée du suivi.
• Un retour à une activité normale a été noté pour les 10 chiens, y compris le jeu de mordant.
• À 2 semaines postopératoires, un tissu ferme ponte l’intégralité du défaut osseux, avec une couverture gingivale intacte.
• À 4 semaines postopératoires, la mandibule est solide et l’opacité radiographique du défaut est augmentée.
• À 8 semaines postopératoires, une union minéralisée entre la matrice et la mandibule est observée.
• Aucune autre complication n’a été observée sur toute la durée du suivi (19 mois).
• Les propriétaires ont été satisfaits dans leur ensemble.
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