Arthrite septique hématogène interapophysaire cervicale chez un chiot - Le Point Vétérinaire expert canin n° 357 du 01/07/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 357 du 01/07/2015

ORTHOPÉDIE CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Amandine Boisseleau*, Marc Dhumeaux**, Renaud Jossier***, Philippe Haudiquet****

Fonctions :
*VetRef, Clinique vétérinaire de référés,
7, rue James-Watt,
49070 Angers-Beaucouzé
amandineboisseleau@gmail.com
**VetRef, Clinique vétérinaire de référés,
7, rue James-Watt,
49070 Angers-Beaucouzé
***VetRef, Clinique vétérinaire de référés,
7, rue James-Watt,
49070 Angers-Beaucouzé
****VetRef, Clinique vétérinaire de référés,
7, rue James-Watt,
49070 Angers-Beaucouzé

Les arthrites septiques interapophysaires d’origine hématogène sont très rares chez le chien et proviennent d’un foyer primaire.

Les arthrites septiques interapophysaires sont des affections très rares, se manifestant essentiellement par une douleur rachidienne et des éventuels signes neurologiques selon la localisation et l’extension de l’inflammation associée. Il est généralement nécessaire d’avoir recours à un examen tomodensitométrique ou à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour établir le diagnostic. La nature du traitement (médical ou chirurgical) dépend de la sévérité de la lésion, mais le traitement médical à base d’antibiotiques est souvent préféré en première intention.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Une chienne de race dalmatien non stérilisée âgée de 3 mois et pesant 8 kg est présentée pour une douleur cervicale apparue 2 mois auparavant. Le chiot est correctement vacciné et vermifugé. La première injection d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), du méloxicam (Metacam®, 0,1 mg/kg), réalisée par le vétérinaire traitant dès l’apparition de la douleur a permis une brève régression des signes cliniques. Dix jours avant son admission à la clinique, le chiot a reçu une autre injection du même AINS, qui n’apporte aucune amélioration. La veille de son admission, une injection d’anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS), de la dexaméthasone (0,1 mg/kg), n’a pas non plus assuré une diminution des signes cliniques.

2. Examen clinique

L’examen clinique révèle une douleur intense à la manipulation du cou, surtout en flexion et à la palpation des premières vertèbres cervicales. La démarche est normale et aucun déficit neurologique n’est détecté.

3. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel d’une douleur cervicale comprend principalement (par ordre de fréquence) : une méningite ou une méningomyélite, un traumatisme, une spondylodiscite, une instabilité cervicale (luxation atlanto-axiale ou atlanto-occipitale), une myosite, une ostéomyélite vertébrale et, éventuellement, une hernie discale traumatique. Un processus tumoral est peu probable en raison du jeune âge de l’animal.

L’exploration de ces différentes hypothèses nécessite le recours à des examens d’imagerie et de laboratoire.

4. Examens complémentaires

Le bilan hématologique révèle une leucocytose neutrophilique modérée avec déviation à gauche de la courbe d’Arneth (augmentation du nombre de polynucléaires neutrophiles immatures) et une légère monocytose. La biochimie sanguine est normale. La cytologie urinaire met en évidence une infection urinaire sévère caractérisée par des bactéries de type bacilles en quantité importante, quelques granulocytes neutrophiles et des globules rouges en quantité modérée. Un prélèvement par cystocentèse pour bactériologie aérobie et antibiogramme est alors réalisé. L’échographie de l’appareil urinaire est normale.

Les radiographies du rachis cervical ne révèlent aucune anomalie (photos 1a et 1b).

L’examen tomodensitométrique met en évidence un remaniement osseux important des lames dorsales de part et d’autre de l’articulation interapophysaire droite C5-C6 et des bords de l’articulation. Cette dernière est caractérisée par une augmentation du volume osseux et, consécutivement, une réduction focale de la taille du canal vertébral (réduction du diamètre latéro-latéral principalement). De multiples déminéralisations (ou géodes) de l’os sous-chondral des facettes articulaires sont notées, ainsi qu’une sclérose sous-chondrale adjacente (photos 2a et 2b).

Après injection de produit de contraste, une prolifération tissulaire hyperdense intracanalaire est mise en évidence à proximité de l’articulation interapophysaire C5-C6. Elle est à l’origine d’une compression médullaire latérale droite marquée. Une prise de contraste est également notée sur les muscles paraspinaux droits adjacents à l’articulation.

Ces lésions sont en faveur d’une arthrite de l’articulation interapophysaire C5-C6 gauche, à caractère érosif et avec une extension inflammatoire musculaire et intracanalaire adjacente.

5. Diagnostic

Une arthrite interapophysaire dorsale C5-C6 droite est fortement suspectée d’après l’examen tomodensitométrique. La présence d’une infection urinaire concomitante rend probable l’hypothèse d’arthrite septique d’origine hématogène, bien qu’un processus tumoral ne puisse être exclu en l’absence de biopsie de la lésion.

6. Traitement

Un traitement à l’amoxicilline-acide clavulanique (20 mg/kg toutes les 12 heures) est débuté par voie intraveineuse (Augmentin®(1)) en hospitalisation pendant 5 jours, puis poursuivi par voie orale (Késium®). Pour la gestion de la douleur, le chiot a reçu dès son admission un morphinique (Morphine Cooper®(1) en bolus, à la dose de 0,1 mg/kg, puis en perfusion continue à 0,1 mg/kg/h) jusqu’à disparition de la douleur cervicale.

La bactériologie urinaire a permis d’isoler Escherichia coli, sensible à l’amoxicilline-acide clavulanique. Il est donc décidé de continuer le traitement au Késium® pendant 2 mois par voie orale en adaptant la dose en fonction de la prise de poids due à la croissance pour qu’elle soit supérieure ou égale à 12,5 mg/kg d’amoxicilline-acide clavulanique toutes les 12 heures.

7. Évolutions clinique et lésionnelle

Les signes cliniques s’améliorent très rapidement avec le traitement antibiotique. Après 2 jours de traitement, le chiot ne présente plus de douleur cervicale. Un scanner de contrôle réalisé une semaine après le début du traitement montre une diminution des anomalies osseuses et une disparition presque complète de la prolifération tissulaire présente dans le canal vertébral (photos 3a et 4a).

Un second scanner réalisé 2 mois après l’examen initial montre des foyers déminéralisés persistant en regard des facettes articulaires droites. Des proliférations osseuses intra-articulaires sont à l’origine de pontages osseux entre les deux facettes, témoignant d’une cicatrisation active à ce niveau et d’une arthrodèse en cours de l’articulation (photos 3b et 4b). Des proliférations osseuses envahissent également le foramen intervertébral C5-C6 et le sténosent.

Une semaine après le diagnostic et la mise en place du traitement antibiotique, le chiot ne présente plus aucun signe clinique. Sa croissance ne semble pas avoir été affectée. Cependant, un début d’arthrodèse de l’articulation pourrait être à l’origine d’une radiculopathie compressive, n’excluant pas la possible apparition de douleurs cervicales ou de boiterie à l’avenir.

DISCUSSION

Les arthrites septiques interapophysaires (Asia) sont très rares et aucun cas n’a été décrit dans les publications vétérinaires. Il est en effet plus fréquent d’observer au niveau du rachis des lésions de spondylodiscite correspondant à une infection primitive du disque intervertébral. En l’absence de diagnostic et de traitement approprié, une Asia peut s’étendre aux structures adjacentes. Chez l’homme, cette propagation est à l’origine d’abcès paraspinaux, d’une atteinte de la moelle épinière ou des racines nerveuses, voire de sepsis [9, 12, 13].

1. Fréquence

Aucune information n’est disponible sur la prévalence des Asia chez le chien. En médecine humaine non plus, la prévalence des Asia n’est pas connue précisément. Cette affection est en effet très rare. Seulement 40 à 50 cas ont été rapportés chez l’homme [7, 11, 12]. Il est parfois considéré que cette affection est sous-diagnostiquée en médecine humaine ou confondue avec une spondylodiscite dont le tableau clinique est identique [12]. Cela est également le cas en médecine vétérinaire étant donné un accès aux méthodes d’imagerie avancées plus restreint et récent.

Chez l’homme, les vertèbres concernées par une Asia sont le plus souvent lombaires, en particulier L4-L5 dans 86 à 97 % des cas [2, 7, 9, 11-13]. Trois cas uniquement ont été rapportés avec une atteinte d’une vertèbre cervicale comme chez notre chiot [12]. Les Asia touchent très rarement les enfants (uniquement deux cas chez des jeunes de moins de 10 ans ont été recensés [12]). Chez l’homme comme chez le chien, les arthrites septiques sont généralement localisées aux articulations du squelette appendiculaire. Cependant, la plupart des principes caractérisant ces dernières peuvent s’appliquer aux arthrites interapophysaires, à savoir la présentation clinique, la démarche diagnostique et les modalités de traitement [13].

2. Physiopathologie

La pathogénie exacte de l’Asia n’est pas connue et les données sont très rares en médecine vétérinaire [7, 12]. Les rares données connues en médecine humaine nous permettent d’extrapoler un mécanisme physiopathologique possible des Asia chez le chien.

Théorie de Batson chez l’homme

Chez l’homme, les Asia sont le plus souvent hématogènes, associées dans la plupart des cas à une septicémie et à une culture sanguine bactériologique positive [7, 9, 11-13]. Le foyer primaire de l’infection bactérienne n’est généralement pas connu, mais les potentielles sources de propagation sont la peau, les cathéters intraveineux, et plus rarement les infections respiratoires ou urinaires [7, 9, 11, 12]. Herrero et coll. ont suggéré une propagation de la bactérie responsable de l’Asia de la vessie vers les vertèbres via le plexus veineux de Batson [7]. Ce plexus veineux est un réseau de veines longeant le rachis, dépourvu de valve, qui relient les veines pelviennes profondes et les veines thoraciques aux plexus veineux vertébraux internes [6]. La théorie de Batson stipule que ce plexus sans valve facilite la remontée de bactéries ou de cellules métastatiques depuis les veines thoraciques, abdominales ou pelviennes vers les vertèbres lorsque la pression intrathoracique ou intra-abdominale est augmentée [6]. Ce mécanisme a été démontré comme responsable des spondylodiscites et des ostéomyélites vertébrales bactériennes chez l’homme [6]. Cependant, il n’a pas encore été expliqué pourquoi l’Asia est beaucoup moins fréquente que les spondylodiscites [12]. Néanmoins, les Asia sont de plus en plus diagnostiquées aux dépens des spondylodiscites grâce à l’amélioration de la performance des méthodes d’imagerie médicale [7, 11, 12].

Théorie de Batson applicable chez le chien ?

Le plexus veineux vertébral chez le chien présente les mêmes propriétés que le plexus de Batson chez l’homme [6]. Il a été suggéré que la théorie de Batson s’applique au mécanisme des spondylodiscites et des ostéomyélites vertébrales chez le chien, en présence d’un site infectieux ailleurs dans l’organisme [18]. Par exemple, les infections urinaires sont fréquemment présentes lors de spondylodiscite (50 % des cas), la voie hématogène étant la plus probable [4]. Comme l’ont exposé Herrero et coll. chez l’homme, ce mécanisme pourrait être à l’origine de la propagation de l’infection urinaire vers l’articulation interapophysaire chez le chien [7]. La voie hématogène est de plus responsable de la plupart des arthrites septiques chez le chien, mais celles-ci concernent généralement le coude et le grasset [1, 8].

3. Signes cliniques

Chez l’homme, les signes cliniques d’une Asia sont généralement une douleur rachidienne intense (90 % [11, 13]), un syndrome fébrile (50 à 75 %) et une diminution de l’amplitude de mobilisation de la colonne vertébrale [2, 7, 11-13]. Des troubles neurologiques sont rapportés dans 50 % des cas tels qu’une paresthésie, voire des déficits neurologiques sévères comme une radiculopathie ou une hémiparésie dans de rares cas [7, 9, 13]. Le chiot dont le cas est rapporté présentait une douleur cervicale sévère sans hyperthermie ni déficit neurologique, malgré la présence d’une compression médullaire marquée à l’examen tomodensitométrique. Au niveau cervical, le canal vertébral est beaucoup plus large que la moelle épinière expliquant pourquoi une compression même importante de la moelle épinière puisse ne pas induire de signes neurologiques. Si la compression avait été plus importante, les signes neurologiques auraient été les mêmes qu’en cas d’hernie discale cervicale compressive au niveau de l’espace intervertébral C5-C6 (ataxie et déficits proprioceptifs sur les quatre membres).

Chez le chiot du cas décrit, l’Asia étant centrée autour des racines nerveuses émergeant entre C5 et C6 à droite. Des signes neurologiques caractéristiques par une atteinte de la partie craniale du plexus brachial droit (concernant les segments médullaires C6 à T2) auraient pu également être observés, se manifestant par une parésie, voire une paralysie de l’antérieur droit. Étant donné le début d’arthrodèse des facettes articulaires visualisée sur le scanner de contrôle, ces signes cliniques pourraient survenir à l’avenir.

4. Diagnostic

Les délais avant d’établir un diagnostic d’Asia et d’instaurer une thérapie adaptée sont problématiques. Par exemple, chez l’homme, il n’est pas rare que le diagnostic soit posé plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’apparition des signes cliniques, augmentant le risque de séquelles [13].

De plus, il est cliniquement quasi impossible de différencier une Asia d’une spondylodiscite, qui est caractérisée par les mêmes signes [7, 12].

Il convient d’intégrer cette affection dans le diagnostic différentiel des douleurs cervicales et d’utiliser des moyens de diagnostic adaptés.

Examens d’imagerie

Face à une douleur cervicale, l’imagerie médicale est fondamentale pour établir le diagnostic.

Tout d’abord, il est conseillé de réaliser des radiographies. Cependant, il semblerait que les lésions d’Asia ne soient pas radiographiquement visibles dans la plupart des cas. Chez l’homme, par exemple, les anomalies osseuses ne le deviennent qu’entre 3 semaines et 3 mois après l’apparition des signes cliniques, et uniquement sur des vues obliques du rachis [12]. Cela se manifeste généralement par un rétrécissement de l’espace articulaire interapophysaire et une irrégularité des facettes [12].

En l’absence de lésion visible, comme c’était le cas chez ce chiot, il est conseillé de procéder à un examen tomodensitométrique ou à une IRM [8].

Dans notre cas, les images tomodensitométriques ont révélé un processus inflammatoire centré sur une articulation interapophysaire cervicale avec une extension adjacente intracanalaire et musculaire. Les lésions étaient très évocatrices d’un processus infectieux. Dans un premier temps, une inoculation directe a été écartée en l’absence de point d’entrée de corps étranger ou de lésion cutanée en regard de la lésion. En raison de la présence d’une infection urinaire concomitante, une arthrite d’origine hématogène a été fortement suspectée. La réalisation de prélèvements sur site (par guidage échographique ou tomodensitométrique, ou par chirurgie) a été proposée aux propriétaires. Ces derniers ont préféré la mise en place d’un traitement médical en première intention. Ces prélèvements auraient probablement confirmé le diagnostic d’arthrite infectieuse.

Examens sanguins

Chez le chiot de ce cas clinique, la numération et la formule sanguines ont révélé une leucocytose neutrophilique, ce qui est fréquent en cas d’Asia chez l’homme [12].

Chez l’homme, il est également fréquent de mettre en évidence une augmentation de la protéine C-réactive et du taux de sédimentation érythrocytaire, qui est généralement antérieure à la détection d’anomalies à l’IRM [12]. Une Asia devrait être considérée en cas d’augmentation de ces deux facteurs dans un contexte clinique évocateur, mais cela ne permet pas de la différencier d’une spondylodiscite (19). La mesure de la protéine C-réactive est disponible chez le chien dans les laboratoires vétérinaires, mais elle est encore peu utilisée en médecine vétérinaire. Le temps de sédimentation érythrocytaire n’est pas encore disponible en France.

Isolement de l’agent pathogène responsable de l’Asia

L’isolement de la bactérie est nécessaire pour un diagnostic de certitude et le choix du traitement antibiotique. En médecine humaine, il est conseillé dans un premier temps de réaliser une culture sanguine, qui est positive dans 50 % des cas [12]. Chez ce chiot, la culture sanguine n’a pas été réalisée car une infection urinaire a été mise en évidence le jour de la consultation initiale.

L’isolement direct de l’agent pathogène est réalisable soit par aspiration transcutanée guidée par fluoroscopie, scanner ou échographie, soit par biopsie chirurgicale [12]. Certains auteurs conseillent de réaliser une aspiration transcutanée uniquement si les cultures sanguines sont négatives ou que l’origine septique du trouble est douteuse à l’imagerie [12]. Chez l’homme, l’agent pathogène est isolé dans 75 % des cas après une aspiration transcutanée ou une biopsie chirurgicale, et, en associant la culture sanguine à l’une de ces méthodes, sa nature est déterminée dans environ 95 % des cas [12]. Un seul cas d’Asia secondaire à une infection urinaire à Escherichia coli, comme pour ce chiot, a été rapporté chez l’homme [7].

Pour ce dalmatien, la présence d’une infection urinaire et l’isolement de l’agent pathogène en cause, très probablement responsable de l’Asia par dissémination hématogène, nous ont permis d’instaurer un traitement antibiotique sans prélèvement préalable des lésions vertébrales. La réponse spectaculaire aux antibiotiques a permis de confirmer le diagnostic d’Asia infectieuse. Une cytoponction transcutanée ou une biopsie chirurgicale pour histologie et culture bactérienne auraient été à considérer en seconde intention, en cas d’échec du traitement antibiotique. D’une manière générale, les arthrites septiques sont le plus souvent dues à une infection bactérienne, et beaucoup plus rarement à un agent fongique ou à des mycobactéries [13]. Il n’est pas rapporté d’Asia d’origine fongique dans les revues scientifiques. La culture fongique est donc discutable, mais serait intéressante en cas de culture bactérienne négative.

5. Traitement

Traitements médical et/ou chirurgical ?

Chez le chien comme chez l’homme, il n’existe pas de consensus concernant la nature et la durée de traitement recommandées pour les Asia.

Un traitement antibiotique à long terme est communément mis en place, d’abord par voie parentérale puis par voie orale (6 à 8 semaines au minimum), généralement efficace sans avoir recours à un traitement chirurgical [5, 12, 13]. En présence de déficits neurologiques, le traitement chirurgical est obligatoire par laminectomie et drainage de l’espace épidural [12]. Dans ce cas clinique, une cervicalgie seule, sans troubles neurologiques, associée à une atteinte unilatérale de l’articulation apophysaire ne gênant pas la stabilité de l’articulation, justifie la mise en place d’un traitement médical en première intention. Une antibiothérapie à large spectre (amoxicilline-acide clavulanique) a été choisie en attendant les résultats de la bactériologie urinaire. La réponse clinique rapide a validé l’efficacité de cet antibiotique, ce qui a ensuite été confirmé par l’antibiogramme.

Si aucune évolution n’est obtenue au bout de 3 jours, un drainage chirurgical transcutané est conseillé, associé à une biopsie chirurgicale pour culture et antibiogramme [5, 12]. En cas d’abcès envahissant le canal médullaire, Lee et coll. rapportent de bons résultats après drainage chirurgical et pose de ciment imbibé d’antibiotiques (vancomycine), mais cette pratique ne fait pas encore partie des recommandations en cas d’Asia chez l’homme [9].

Suivi de l’efficacité du traitement

En parallèle de l’évolution des signes cliniques, un suivi par imagerie médicale est généralement conseillé pour toute atteinte articulaire ou osseuse [1, 8]. La réponse au traitement a été évaluée par un examen tomodensitométrique de contrôle 2 mois après son instauration, ce qui a permis de noter une régression notable de l’envahissement intracanalaire et un début d’arthrodèse des facettes articulaires pouvant annoncer de possibles séquelles. Certains auteurs stipulent que l’IRM est peu utile chez l’homme pour évaluer la réponse au traitement car le rehaussement des tissus mous peut persister, même après l’élimination de l’infection [13]. Cette réponse chez l’homme est donc plutôt appréciée à partir des signes cliniques et des marqueurs sériques de l’inflammation (protéine C-réactive et taux de sédimentation érythrocytaire) [13].

Gestion de la douleur

La gestion de la douleur peut être multimodale et doit être raisonnée en fonction du rapport bénéfices/risques de chaque analgésique.

→ Les morphiniques sont de très bons analgésiques qui peuvent être envisagés en première intention. Le choix de la molécule (butorphanol, buprénorphine, morphine, etc.) dépend de l’intensité de la douleur. Le chiot de ce cas clinique a reçu de la morphine dont la dose a été ajustée par titration en réévaluant régulièrement la douleur (en débutant à 0,1 mg/kg/h en perfusion continue).

→ En cas d’arthrite septique, les anti-inflammatoires couramment utilisés sont les AINS. Ils sont préférés aux AIS qui sont responsables d’une diminution de l’immunité, pouvant être délétère lors de phénomène septique [5].

Ce chiot n’a pas nécessité une administration d’anti-inflammatoires car la réponse aux traitements antibiotique et morphinique a été très efficace et rapide.

Une prise en charge conservatrice doit être associée au traitement médical ou chirurgical : repos strict initialement, puis des séances de rééducation fonctionnelle (électrostimulation, massages, hydrothérapie, physiothérapie).

6. Pronostic

Aucune donnée n’est disponible chez le chien concernant le pronostic des Asia. Chez ce chiot, le traitement de 2 mois a permis une régression rapide et durable des signes cliniques, sans aucune séquelle.

Chez l’homme, le pronostic est généralement bon, mais il dépend du délai avant l’instauration d’une thérapie adaptée. Dans la plupart des cas rapportés, les malades ont récupéré entièrement et n’ont présenté qu’une légère douleur résiduelle à la suite du traitement [13].

Conclusion

Les arthrites septiques interapophysaires d’origine hématogène sont très rares chez le chien. Elles doivent néanmoins être incluses dans le diagnostic différentiel en cas de suspicion d’atteinte du rachis. Un examen systématique de l’appareil urinaire est requis lors du diagnostic d’Asia, car c’est un foyer primaire fréquent des infections d’origine hématogène de la colonne vertébrale. Un traitement antibiotique le plus précoce possible et d’au moins 2 mois permet une résolution des signes cliniques dans la majorité des cas.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Bennet D. Immune mediated and infective arthritis. In: Ettinger SJ. Textbook of veterinary internal medicine. 7th ed. Saunders Elsevier, St Louis. 2010: chapitre 186. Consulté sur le site internet Expert Consult http://www.expertconsultbook.com/
  • 2. Ergan M et coll. Septic arthritis of lumbar facet joints. A review of six cases. Rev. Rhum. 1997;64:386-395.
  • 3. Fitch RB et coll. Hematogenous septic arthritis in the dog: results of five patients treated nonsurgically with antibiotics. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2003;39(6):563-566.
  • 4. Fossum TW. Nonsurgical diseases of the spine - Diskospondylitis. In: Small animal surgery. 3rd ed. Mosby Elsevier, St Louis. 2007:1514-1515.
  • 5. Fossum TW. Diseases of the joints. In: Small animal surgery. 3rd ed. Mosby Elsevier, St Louis. 2007:1514-1516.
  • 6. Gomez Jaramillo MA. Imaging studies of the canine cervical vertebral venous plexus. Thèse pour le doctorat en philosophie des sciences vétérinaires médicales. Blacksburg, Virginia. 2005:309p.
  • 7. Herrero Herrero JI, Garcia Aparicio J. Escherichia coli septic arthritis of a lumbar facet joint following urinary tract infection. Intern. J. Inf. Dis. 2011;15:63-65.
  • 8. Lecouteur R. Discospondylitis (spondylitis, vertebral osteomyelitis). In: Ettinger SJ. Textbook of veterinary internal medicine. 7th ed. Vol. 2. Saunders Elsevier, St Louis. 2010:855-860.
  • 9. Lee BJ et coll. Spinal epidural abcess with pyogenic arthritis of facet joint treated with antibiotic-bone cement beads. Asian Spine J. 2007;1(1):61-64.
  • 10. Moore MP. Discospondylitis. Vet. Clin. N. Am. Small Anim. Pract. 1992;22:1027-1034.
  • 11. Rhyu KW et coll. Pyogenis arthritis of the facet joint with concurrent epidural and paraspinal abscess: a case report. Asian Spine J. 2011;5(4):245-249.
  • 12. Smida M et coll. Septic arthritis of a lumbar facet joint. Case report and review of the literature. Acta Orthop. Belg. 2004;70:290-294.
  • 13. Stetcher JM et coll. Cervical facet joint septic arthritis: a case report. Iowa Orthop. J. 2010;30:182-187.
  • 14. Thomas WB. Diskospondylitis and other vertebral infections. Vet. Clin. N. Am. Small Anim. Pract. 2000;30:169-182.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les arthrites septiques interapophysaires sont très rares chez les carnivores domestiques.

→ L’appareil urinaire est un des foyers primaires responsables de la dissémination hématogène de bactéries vers les facettes articulaires.

→ L’absence de valve dans le plexus vertébral serait responsable de la remontée de bactéries depuis les veines thoraciques, abdominales ou pelviennes vers les vertèbres lorsque la pression intrathoracique ou intra-abdominale est augmentée.

→ Une antibiothérapie d’une durée minimale de 2 mois est recommandée et peut assurer une résolution des signes cliniques.

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