Shunt porto-systémique et pronostic à long terme : traitement médical ou chirurgical ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015

MÉDECINE INTERNE

Analyse d’article

Auteur(s) : Magali Decome

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire
3200, rue Sicotte
Service de médecine interne, Saint-Hyacinthe
J2S 2M2, Québec, Canada

Le shunt porto-systémique congénital est un vaisseau aberrant ayant pour résultat le passage du sang de la circulation portale hépatique vers la circulation systémique en évitant le foie. Le shunt peut être intra- ou extra-hépatique. Deux méthodes thérapeutiques sont fréquemment rencontrées : chirurgicale ou médicale(1) [3].

TRAITEMENT CHIRURGICAL : MÉTHODES ET PRONOSTIC

Différentes techniques chirurgicales sont décrites dans les publications scientifiques. Dans la grande majorité des cas, une atténuation partielle du shunt est réalisée. Le pronostic à long terme semble meilleur lors d’occlusion complète, mais cette occlusion peut être associée dans 17 à 55 % des cas de shunt extra-hépatique à une hypertension porte intolérable [7]. L’atténuation du shunt peut être réalisée grâce à une ligature avec un fil de soie, à l’utilisation d’une bande de cellophane ou d’un constricteur améroïde [1, 4, 7, 8]. Elle repose sur l’inflammation produite par le dispositif mis en place, occluant progressivement le vaisseau. Toutefois, l’efficacité du traitement semble varier selon la technique choisie, bien que des variations interindividuelles soient également observées. Ainsi, pour un diamètre interne supérieur à 3 mm, une bande de cellophane risque de produire une occlusion incomplète et inférieure à celle observée avec un constricteur améroïde [2, 7]. Les causes d’échec de l’intervention chirurgicale sont principalement liées à une occlusion insuffisante du shunt et au développement de shunts extra-hépatiques multiples. La mortalité due à l’intervention peut s’élever jusqu’à 10 % selon les études [7]. Les techniques les plus souvent utilisées sont la bande de cellophane ou le constricteur améroïde. L’emploi d’une bande de cellophane est associé à 50 % et 84 % de succès, sur la base de la résolution de paramètres biochimiques dans une étude sur des shunts respectivement intra- et extra-hépatiques, avec 3 à 27 % de mortalité pour les shunts extra- et intra-hépatiques [2, 7]. L’utilisation du constricteur améroïde est associée à une persistance du shunt dans 17,5 à 24 % des cas selon les études. Une mortalité de 17 % a été observée à la suite du développement d’une hypertension porte et des shunts multiples extra-hépatiques se sont développés dans 7 % des cas [1, 7].

Concernant le traitement des shunts intra-hépatiques, l’embolisation intravasculaire semble le traitement de choix et est associée à plus de 87 % de survie à long terme [5, 8, 9].

Dans l’article étudié ici, il semble que le pronostic à long terme soit indéniablement meilleur chez les chiens traités par chirurgie, sans que la méthode chirurgicale utilisée ne soit précisée [3, 4]. Le traitement chirurgical est considéré comme le traitement de choix par de nombreux auteurs. La qualité de vie des chiens traités chirurgicalement est nettement améliorée, seul un tiers des cas nécessite la poursuite d’un traitement médical [4]. Le pronostic ne semble pas être influencé par l’âge de l’animal, mais serait moins bon pour des chiens présentant une hypoalbuminémie préopératoire, une hypoprotéinémie, une anémie ou une leucocytose [4, 6, 8, 10]. Dans tous les cas, une stabilisation médicale est conseillée avant l’intervention chirurgicale, de même que l’administration de lévétiracétam afin de diminuer l’incidence des convulsions postopératoires [3, 4, 8].

TRAITEMENT MÉDICAL : AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS

Le traitement médical repose sur la restriction de substances azotées absorbées au niveau du tractus gastro-intestinal, afin de réduire le risque d’encéphalopathie hépatique. Une diète modérément restreinte en protéines est recommandée. Toutefois, le besoin calorique doit être soigneusement calculé en raison de la maigreur et de la faible masse musculaire souvent rencontrées chez ces chiens [3, 4, 8]. Des protéines hautement digestibles sont conseillées. Du lactulose est prescrit chez les chiens présentant des signes d’hépato-encéphalopathie. Il peut être administré per os ou à l’aide d’un énéma chez des chiens en dépression ou en crise convulsive [8]. Des protecteurs hépatiques, des antioxydants et des inhibiteurs de la pompe à protons peuvent être administrés. Une antibiothérapie est souvent prescrite afin de diminuer la population bactérienne colique (néomycine ou métronidazole). Toutefois, la toxicité éventuelle de ces traitements reste à considérer. Enfin, un traitement anticonvulsivant est parfois requis (benzodiazépines, lévétiracétam, zonisamide, phénobarbital) [8]. Un traitement médical adéquat permet d’améliorer considérablement la qualité de vie des animaux, de les stabiliser. Toutefois, le taux de mortalité à long terme, comme cela est démontré dans l’article étudié ici, est supérieur à celui des animaux traités chirurgicalement. Le traitement médical semble associé à une médiane de survie de 836 jours, avec un cinquième des chiens vivants après 6 ans. En revanche, la médiane de survie n’a pas pu être établie pour les chiens traités chirurgicalement étant donné le faible taux de mortalité, pendant la durée de l’étude [4]. Certains chiens développent progressivement une fibrose hépatique, ainsi qu’une hypertension portale. Des signes cliniques perdurent plus fréquemment que lors de traitement chirurgical [3, 6]. Enfin, le traitement doit être administré quotidiennement.

Conclusion

Le taux de survie et la qualité de vie à long terme sont nettement supérieurs lors de traitement chirurgical en comparaison avec un traitement médical. Toutefois, ce dernier reste une option thérapeutique valable lorsque le traitement chirurgical n’est pas réalisable, et ce tout au long de la vie de l’animal.

  • (1) Voir les articles “Traitement de chiens atteints de shunt porto-systémique congénital” de D. Rossetti et “Shunt porto-systémique et pronostic à long terme : traitement médical ou chirurgical” de M. Decome, dans ce numéro.

Références

  • 1. Falls EL, Milovancec M, Hunt GB et coll. Long-term outcome after surgical ameroid ring constrictor placement for treatment of single extrahepatic portosystemic shunts in dogs. Vet. Surg. 2013;42:951-957.
  • 2. Frankel D, Howard S, McPhail C et coll. Evaluation of cellophane banding with and without intraoperative attenuation for treatment of congenital extrahepatic portosystemic shunts in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;228 (9):1355-1360.
  • 3. Greenhalgh SN, Dunning MD, McKinley TJ et coll. Comparison of survival after surgical or medical treatment in dogs with a congenital portosystemic shunt. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236 (11):1215-1220.
  • 4. Greenhalgh SN, Reeve JA, Johnstone T et coll. Long-term survival and quality of life in dogs with clinical signs associated with a congenital portosystemic shunt after surgical or medical treatment. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;245 (5):527-533.
  • 5. Hogan DF, Benitez ME, Parnell NK et coll. Intravascular occlusion for the correction of extrahepatic portosystemic shunts in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2010;24:1048-1054.
  • 6. Papazoglou LG, Monnet E, Seim HB. Survival and prognostic indicators for dogs with intrahepatic portosystemic shunts: 32 cases (1990-2000). Vet. Surg. 2012;31:561-570.
  • 7. Sereda CW, Adin CA. Methods of gradual vascular occlusion and their applications in treatment of congenital portosystemic shunts in dogs: a review. Vet. Surg. 2005;34:83-91.
  • 8. Tobias KM. Portosystemic shunts. In: Kirk’s current veterinary therapy. 15th ed. Elsevier, Saint Louis. 2014;145:594-598.
  • 9. Weisse C, Berent AC, Todd K et coll. Endovascular evaluation and treatment of intrahepatic portosystemic shunts in dogs: 100 cases (2001-2011). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2014;244 (1):78-94.
  • 10. Worley DR, Holt DE. Clinical outcome of congenital extrahepatic portosystemic shunt attenuation in dogs aged five years and older: 17 cases (1992-2005). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232 (5):722-727.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer la qualité de vie, le temps de survie à long terme et les signes cliniques des chiens atteints de shunt porto-systémique traités médicalement ou chirurgicalement.

MÉTHODE

Étude prospective pluri-institutionnelle incluant des chiens atteints de shunt porto-systémique. La méthode de traitement est choisie selon les souhaits du propriétaire après discussion des avantages et des inconvénients de chacune des méthodes. Le traitement médical consiste en un régime avec une quantité modérée de protéines, et en l’administration d’un antibiotique et d’un disaccharide synthétique. Le choix de la technique chirurgicale est laissé à la discrétion du chirurgien. Un questionnaire est rempli par les propriétaires afin d’évaluer les signes cliniques et la qualité de vie des chiens avant et après la mise en place du traitement. Des suivis téléphoniques sont ensuite réalisés sur le long terme.

RÉSULTATS

• La médiane de survie est de 836 jours pour les animaux traités médicalement alors qu’il est impossible de l’évaluer sur la période d’étude en raison du faible pourcentage de morts dans le groupe d’animaux traités chirurgicalement (22 %, contre 89 % lors de traitement médical). Aucune différence selon l’âge n’est notée au moment du diagnostic. La qualité de vie semble moins bonne sur le long terme avec le traitement médical.

• Les chiens atteints de shunt porto-systémique intra-hépatique sont significativement plus jeunes au moment du diagnostic (5 mois) que ceux atteints de shunt extra-hépatique (15 mois).

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