Principes de base lors de corps étrangers de l’appareil digestif - Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire n° 354 du 01/04/2015

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Stefano Scotti

Fonctions : Clinique vétérinaire, Evolia,
43, av. du Chemin-Vert,
95290 L’Isle-Adam

Que les corps étranges digestifs soient œsophagiens, gastriques ou intestinaux, il existe des points communs dans les signes cliniques qu’ils entraînent, les précautions à prendre et les principes de leurs traitements.

Les chirurgies gastro-intestinales sont couramment pratiquées chez les animaux de compagnie. La technique chirurgicale et les résultats postopératoires peuvent être améliorés par la compréhension et l’application de quelques principes de base.

Tout d’abord, les animaux doivent subir des examens diagnostiques préopératoires (bilan sanguin, imagerie) pour déterminer quels traitements sont à administrer avant, pendant et après l’intervention chirurgicale.

1 Précautions à prendre avant une chirurgie

Les animaux ayant une atteinte gastro-intestinale sont généralement présentés en consultation en mauvais état général. La déshydratation, les troubles électrolytiques, l’hypoprotéinémie et l’état de choc doivent être stabilisés avant d’envisager une procédure chirurgicale.

Correction des troubles hydro-électrolytiques

Une occlusion de l’intestin grêle augmente la sécrétion intraluminale de liquides et réduit l’absorption des électrolytes. Cela se traduit par une déshydratation et des troubles des taux sanguins du sodium et du potassium. Les occlusions intestinales proximales (duodénum) sont généralement à l’origine d’une alcalose métabolique hypokaliémique en raison de la grande quantité de potassium et de chlore perdue dans les sucs gastriques lors des vomissements.

Les troubles de la kaliémie sont à l’origine d’iléus et d’arythmies cardiaques.

Les occlusions distales sont souvent à l’origine d’une acidose métabolique liée à la perte du sodium et du bicarbonate contenus en grande quantité dans les sécrétions pancréatiques.

Les vomissements, la diarrhée et l’anorexie entraînent parfois une hypoalbuminémie qui peut conduire à un retard de la cicatrisation et mener à une déhiscence des sutures de l’appareil digestif.

Pour compenser ces pertes, le traitement repose sur l’administration de solutions de cristalloïdes et sur la correction des troubles ioniques (tableau).

Dans certains cas, l’utilisation de colloïdes de synthèse (hydroxy-éthyl-amidon, tel que Hétastarch®(1) 20 ml/kg toutes les 24 heures) est nécessaire pour le traitement du choc hypovolémique, surtout en cas de baisse de la pression oncotique ou de présence d’un œdème [3, 4]. Pour corriger cette baisse, une transfusion de plasma est aussi parfois requise.

Recherche d’une péritonite

Les animaux atteints de péritonite septique consécutive à une perforation intestinale peuvent présenter une atteinte importante de leur état général. Dans la plupart des cas, la numération et la formule sanguines montrent une leucocytose neutrophilique avec déviation à gauche de la courbe d’Arneth (présence d’un grand nombre de neutrophiles immatures dans le sang périphérique), mais une neutropénie liée à une consommation excessive peut aussi être observée. L’épanchement abdominal doit être confirmé par une ponction pour l’examen du liquide. Un exsudat septique a habituellement une densité supérieure à 1 018, un taux de protéines supérieur ou égal à 2,5 à 3 g/dl et une cellularité élevée (> 5 000 cellules/mm3) composée d’un large nombre de neutrophiles dégénérés et de bactéries intracellulaires. Chez les carnivores domestiques, le liquide d’épanchement est fortement suspecté d’être un exsudat septique quand son taux de glucose correspond à la moitié du taux contenu dans le sang.

Gestion de la douleur

La douleur des animaux nécessitant une chirurgie gastro-intestinale entraîne la libération d’hormones du stress (minéralocorticoïdes) qui peuvent provoquer des troubles de la cicatrisation. Elle doit être prise en charge avant l’opération à l’aide d’analgésiques. Les analgésiques majeurs de type morphinique doivent être utilisés avec précaution car ils provoquent une réduction du péristaltisme intestinal. La buprénorphine (10 à 20 µg/kg par voie intraveineuse [IV], intramusculaire [IM] ou sous-cutanée [SC]) ou le butorphanol (0,1 à 0,4 mg/kg par voies IV, IM ou SC) sont donc probablement préférés malgré leur effet analgésique mineur. La gestion peropératoire de la douleur peut s’effectuer au moyen d’une perfusion continue de FLK (fentanyl, lidocaïne, kétamine).

2 Antibioprophylaxie et antibiothérapie

Le traitement ou la prévention avec un antimicrobien joue un rôle fondamental dans la gestion des chirurgies de l’appareil digestif. Ces chirurgies peuvent être considérées comme propres, propres contaminées, contaminées, sales ou infectées (encadré 1). La contamination liée à la présence naturelle de bactéries dans le tube digestif peut évoluer en infection. Cela dépend essentiellement de la quantité d’agents pathogènes, de leur pathogénie et des mécanismes de défense de l’animal (encadré 2) [3].

Chirurgies de l’œsophage et de l’estomac

Le traitement par voie endoscopique des corps étrangers œsophagiens ne demande généralement pas de traitement antibiotique ni de prophylaxie si aucune effraction de la lumière n’est présente. Dans les cas où le corps étranger a provoqué des lésions profondes de la muqueuse œsophagienne, ou lorsqu’une œsophagotomie est pratiquée, la contamination peut justifier un traitement antibiotique.

Étant donné la quantité d’agents pathogènes présents dans l’estomac, un traitement antibiotique préventif est justifié dans les chirurgies où une incision de cet organe est pratiquée. Un antimicrobien à large spectre est utilisé, tel que la céfalexine (30 mg/kg) ou l’association amoxicilline-acide clavulanique à 12,5 mg/kg, qui sont administrées par voie intraveineuse à l’induction, puis toutes les 90 minutes durant la chirurgie (15 mg/kg). Si les principes d’asepsie sont respectés durant la procédure chirurgicale, un traitement antibiotique postopératoire n’est pas nécessaire.

Chirurgies de l’intestin

Les chirurgies qui intéressent l’intestin nécessitent, en plus du traitement préventif par voie intraveineuse, un traitement postopératoire (photo). Les antibiotiques utilisés sont les mêmes que pour la prévention : céfalexine, amoxicilline ou la combinaison amoxicilline-acide clavulanique.

En cas de chirurgie de l’iléon et du côlon ou lors de péritonite, il est recommandé d’ajouter du métronidazole (15 à 20 mg/kg) en raison du pourcentage très élevé d’agents pathogènes anaérobies.

Ce traitement doit se poursuivre en moyenne pendant 5 à 10 jours.

Selon des études effectuées sur des chiens atteints de péritonite septique seule, 28 % de bactéries Gram+ et 52 % de bactéries Gram- sont sensibles aux fluoroquinolones. L’utilisation ou l’association de cette famille d’antibiotiques n’est donc pas recommandée en cas de chirurgies du tube digestif [1-3].

3 Éviter les contaminations

Une fois la laparotomie effectuée, avant de pénétrer dans la lumière du tube digestif, il convient d’isoler les anses intestinales du reste de la cavité abdominale à l’aide de larges compresses à laparotomie humidifiées pour contenir toute fuite et de réduire la dessication tissulaire. Après la chirurgie gastro-intestinale (temps sale ou contaminé), les compresses sont jetées, les champs opératoires changés et de nouveaux gants et instruments utilisés pour refermer l’abdomen, après rinçage du site opératoire avec de la solution physiologique tiédie.

En cas de contamination importante de la cavité abdominale, un lavage abdominal est réalisé à l’aide de 50 à 100 ml/kg d’une solution saline stérile tiédie [2].

Avant la fermeture de la laparotomie, tout liquide abdominal doit être aspiré et il convient de vérifier l’absence de compresses intracavitaires. En cas de doute sur la nature de la muqueuse digestive, des biopsies (ou un prélèvement pour analyse bactériologique) peuvent être réalisées.

4 Soins postopératoires

Les traitements postopératoires, les complications et le pronostic varient en fonction de la viabilité du tube digestif, de la présence éventuelle d’une péritonite septique et de l’état de l’animal. La plupart des animaux sont maintenus sous fluidothérapie et analgésiques après la chirurgie. D’autres molécules comme les antiacides (ranitidine 0,5 à 2 mg/kg trois fois par jour ou oméprazole 0,75 mg/kg une fois par jour, par exemple), les antiémétiques (métoclopramide 0,2 à 0,5 mg/kg trois ou quatre fois par jour) ou des pansements digestifs (sucralfate, diosmectite, kaolin-pectine) sont habituellement utilisées pour les chirurgies œsophagiennes et gastriques.

Une antibiothérapie est continuée en phase postopératoire pour 5 jours ou plus en cas de chirurgie sale ou contaminée.

De petites quantités de nourriture et d’eau peuvent être présentées à l’animal dans les 12 heures qui suivent le réveil. Compte tenu du fait que les animaux sont souvent débilités et amaigris, des aliments hyperdigestibles sont recommandés. Une alimentation fractionnée (quatre repas par jour) est conseillée pendant 3 à 4 jours en phase postopératoire. Une alimentation entérale peut aussi être mise en place grâce à une sonde gastrique ou entérique.

Conclusion

Les chirurgies gastro-intestinales liées à la présence de corps étrangers sont très fréquentes chez les carnivores domestiques. Une attention particulière doit être portée aux antibiotiques selon qu’il s’agit de chirurgies propres, propres contaminées, contaminées ou sales ou infectées. Leur utilisation joue un rôle fondamental dans la gestion de ces maladies. Le bon choix des molécules et le fait d’éviter les abus permettent de réduire la prolifération de bactéries multirésistantes.

Le pronostic est généralement favorable. Les facteurs qui peuvent l’assombrir sont essentiellement liés à l’état général de l’animal et à la présence d’une péritonite ou d’une hypoalbuminémie. Une déshydratation associée à des déséquilibres électroniques doit être stabilisée avant l’intervention chirurgicale.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Rosin E, Uphoff TS, Schultz-Darken NJ et coll. Cefazolin antibacterial activity and concentrations in serum and the surgical wound in dogs. Am. J. Vet. Res. 1993;54 (8):1317-1321.
  • 2. Silenas R et coll. Mechanical effectiveness of closed peritoneal irrigation in peritonitis. Am. J. Surg. 1983;145:371.
  • 3. Slatter D. Textbook of small animal surgery. 3rd edition 2003 Saunders. 2003:405-445.
  • 4. Tobias KM, Johnston SA. Veterinary surgery: small animal. Elsevier Saunders. 2012;chapitre 92.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Classification des chirurgies par rapport à la contamination

→ Propres : chirurgies non traumatiques électives, absence de faute d’asepsie pendant une chirurgie, absence d’effraction de l’appareil digestif, urinaire ou respiratoire.

→ Propres contaminées : effraction de l’appareil digestif, urinaire ou respiratoire sans contamination significative, légères fautes d’asepsie.

→ Contaminées : plaies récentes (moins de 4 heures), perforation de l’appareil digestif ou urinaire, fautes graves d’asepsie.

→ Sales ou infectées : plaies de plus de 4 heures ou délabrées, avec tissus nécrotiques ou corps étrangers, visualisation de pus ou inflammation bactérienne aiguë (exemples : péritonite, pyothorax).

ENCADRÉ 2
Quantité d’agents pathogènes dans les différentes portions du tube digestif

La quantité d’agents pathogènes capables de provoquer une infection est de 106 bactéries par gramme de tissus [4]. Le tube digestif contient une large quantité de bactéries et leur nombre varie en fonction du segment intestinal. L’estomac, grâce à la présence des sucs gastriques, présente environ 103 agents pathogènes par gramme de tissus, le duodénum et le jéjunum, environ 105 à 106, et l’iléon, le cæcum et le côlon, 108 à 1012 avec un pourcentage très élevé de bactéries anaérobies (surtout dans le côlon).

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