La hernie périnéale chez le chien : traitement chirurgical et facteurs de risque des complications - Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015

CHIRURGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : Service de chirurgie
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

La hernie périnéale (HP) chez le chien est le résultat d’une faiblesse du diaphragme pelvien, qui a alors comme conséquence potentielle la hernie de plusieurs organes abdominaux tels que la vessie, la prostate, l’omentum ou encore les intestins ou le côlon [1]. La HP est observée principalement chez le chien mâle, d’âge avancé, entier ou castré tardivement (83 à 93 % des cas) [1, 8]. Toutefois, les HP sont également décrites chez la chienne et le chat [1, 9]. La cause de la HP est encore peu claire et probablement multifactorielle [1]. L’article résumé ici rapporte 34 cas sur 14 ans observés à l’université du Colorado, ce qui est peu comparé aux données obtenues en France. Cela est à rapprocher du fait que la très grande majorité des chiens est stérilisée aux États-Unis, ce qui modifie la prévalence de la HP.

ANATOMIE DE LA HERNIE PÉRINÉALE

Le diaphragme pelvien est constitué des muscles releveur de l’anus et coccygien et du fascia périnéal, ainsi que du muscle sphincter anal externe, selon certains auteurs [1]. Il est bordé par la troisième vertèbre coccygienne dorsalement, le ligament sacro-tubéreux latéralement (absent chez le chat) et la table ischiatique ventralement. Parmi les muscles impliqués dans le diaphragme pelvien, le muscle releveur de l’anus semble être le plus communément atrophié, et parfois même absent macroscopiquement chez certains chiens [1]. La HP la plus fréquente est dite caudale, soit entre les muscles releveur de l’anus, obturateur interne et sphincter anal externe. Bien que moins fréquentes, des hernies dorsales, ventrales ou latérales sont également décrites [1].

TECHNIQUES CHIRURGICALES DISPONIBLES

Le traitement chirurgical reste la pierre angulaire de la gestion de la HP. Plusieurs techniques sont disponibles : la herniorraphie simple, la transposition du muscle obturateur interne (TMOI), du muscle fessier superficiel ou du muscle semi-tendineux, ou encore l’utilisation de biomatériaux (sous-muqueuse intestinale de porc, fascia lata ou thoraco-lombaire) ou de mèche de polypropylène pour renforcer la réparation [1, 2, 4, 6, 10, 11]. La TMOI est pour la plupart des auteurs la technique de choix dans le traitement de la HP chez le chien, puisqu’elle permet notamment de réduire les tensions sur les sutures, donc de réduire le risque de récidive. Cette technique apporte également un tissu musculaire vascularisé, ce qui facilite la guérison tissulaire [1]. Ce choix de technique est encore plus justifié dans les cas de hernies bilatérales ou compliquées (récidive, dilatation rectale majeure, maladie prostatique concomitante, rétroflexion vésicale) [5].

Aux techniques de reconstruction du diaphragme pelvien peuvent être associées d’autres interventions telles que la colopexie, la déférentopexie ou la cystopexie [3, 5]. Celles-ci peuvent être réalisées durant la même intervention ou au cours de deux épisodes anesthésiques distincts [3, 5]. La colopexie a pour objectif de retendre le côlon et ainsi limiter les tensions sur la réparation. La cystopexie est indiquée chez les individus présentant une rétroflexion vésicale associée à la hernie périnéale [3]. Enfin, la déférentopexie permet de replacer la prostate, la vessie et le côlon (par le biais du fascia colo-prostatique) dans une position abdominale plus physiologique. Les études ne s’accordent pas concernant le bénéfice du temps abdominal sur le risque de récidive de la HP [3, 5]. Toutefois, lors de récidive ou de HP bilatérale ou compliquée, la pexie des organes abdominaux semble améliorer les chiens cliniquement (90 % de résolution des signes cliniques) [10]. La castration dans le même temps que la herniorraphie réduirait le risque de récidive de HP de 43 % à 23 % [1, 7].

COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES ET RÉCIDIVES

Les complications postopératoires les plus fréquentes sont les infections de plaie, le prolapsus rectal, le ténesme, l’incontinence fécale ou urinaire (passage du nerf honteux au centre du site chirurgical, incontinence temporaire ou permanente), les neurapraxies du nerf sciatique (passage du nerf sciatique juste cranialement au ligament sacro-tubéreux) et la récidive. Avec une technique de herniorraphie simple, le taux de complications avoisine les 29 à 61 % et le taux de récidive les 10 à 46 % [1, 8]. La technique de transposition du muscle obturateur interne permet de limiter les taux de complications (20 à 46 %) et de récidive (0 à 33 %) [6]. La persistance du ténesme postopératoire est observée dans près de 50 % des cas et corrélée au risque de récidive d’après l’étude présentée dans cet article. La rétroflexion vésicale n’augmenterait pas le risque de complications postopératoires [5].

Les récidives de HP sont observées dans 0 à 70 % des cas selon les études [1]. Les facteurs impliqués dans le risque de récidive sont l’expérience du chirurgien, les réparations antérieures, le type de suture, la qualité du tissu suturé, la tension appliquée sur les sutures, les facteurs prédisposants persistants, le caractère entier de l’animal et la toux en phase postopératoire [1]. Dans l’étude présentée ici, seul le ténesme apparaît comme un facteur de risque de récidive après une TMOI. La gestion postopératoire du ténesme semble donc être d’une importance capitale dans le succès de l’intervention.

Conclusion

Une des techniques de choix du traitement de la HP est la TMOI. Celle-ci peut être associée à un temps abdominal, dans certains cas, afin de limiter les récidives. Les complications postopératoires et les récidives restent fréquentes. La persistance du ténesme semble être un facteur de risque de récidive.

Références

  • 1. Aronson LR. Rectum, anus ans perineum. In: Tobias KM, Johnson SA, eds. Veterinary Surgery Small Animals. Elsevier Saunders, Saint Louis. 2012;1564-1600.
  • 2. Bongartz A, Carogilio F, Balligand M, et coll. Use of autogenous fascia lata graft for perineal herniorrhaphy in dogs. Vet. Surg. 2005;34:405-413.
  • 3. Brissot HN, Dupre GP, Bouvy BM. Use of laparotomy in staged approach for resolution of bilateral or complicated perineal hernia in 41 dogs. Vet. Surg. 2004;33:412-421.
  • 4. Clarke RE. Perineal herniorrhaphy in the dog using polypropylene mesh. Aust. Vet. Pract. 1989;19: 8-12.
  • 5. Grand JG, Bureau S, Monnet E. Effects of urinary bladder retroflexion and surgical technique on postoperative complication rates and long-term outcome in dogs with perineal hernia: 41 cases (2002-2009). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;243:1442-1447.
  • 6. Hardie EM, Kolata RJ, Earley TD et coll. Evaluation of internal obturator muscle transposition in treatment of perineal hernia in dogs. Vet. Surg. 1983;12: 69-72.
  • 7. Hayes HM Jr, Wilson GP. Hormone-dependent neoplasms of the canine perianal gland. Cancer Res. 1977;37:2068-2071.
  • 8. Hosgood G, Hedlund CS, Pechman RD et coll. Perineal herniorrhaphy: perioperative data from 100 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1995;31:331-342.
  • 9. Sandwith DJ. Perineal hernia in the bitch. Vet. Rec. 1976; 99:18-22.
  • 10. Stoll MR, Cook JL, Pope ER et coll. The use of porcine small intestinal submucosa as a biomaterial for perineal herniorrhaphy in the dog. Vet Surg 2002; 31: 379-390.
  • 11. Szabo S, Wilkens B, Radasich RM. Use of polypropylene mesh in addition to internal obturator transposition: a review of 59 cases (2000-2004). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2007;43:136-142.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Évaluer le succès de la technique de transposition du muscle obturateur interne (TMOI) chez des chiens affectés par une hernie périnéale (HP).

• Considérer les facteurs de risque associés à la récidive de la HP.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée de 1998 à 2012 à l’université du Colorado. Les chiens traités chirurgicalement par TMOI pour gérer une HP ont été inclus. Un score clinique, fondé sur la chronicité et la sévérité des signes cliniques gastro-intestinaux et urinaires, a été établi pour chaque individu en phases préopératoire et postopératoire. Un suivi à long terme (médiane de 345 jours) a été réalisé à l’aide de visites de contrôle ou d’appels téléphoniques. Les complications postopératoires spécifiques à la technique ont été relevées et les facteurs de risque d’apparition de complications ou de récidives étudiés.

RÉSULTATS

• 34 chiens inclus (âge médian : 8,4 ans), tous étant des mâles dont 64,7 % sont entiers.

• Signe clinique préopératoire le plus fréquent : ténesme (82,4 %).

• Organes herniés : gras et omentum (34), vessie (9), côlon (6), prostate (4), jéjunum (1).

• Complications spécifiques à la HP chez 10 chiens : ténesme (9), dyschésie (7), impaction fécale (3), strangurie (4), hématochézie (2), incontinence urinaire (2), diarrhée (1), infection urinaire (1), mégacôlon (1). Aucune incontinence fécale.

• Délai moyen d’apparition des complications : 52 jours.

• Signes cliniques les plus fréquemment persistants en phase postopératoire : ténesme et dyschésie.

• Pas de facteur de risque associé aux complications.

• Récidive : 27,4 % à 1 an, avec un délai moyen de 28 jours.

• Facteur de risque associé à la récidive : persistance du ténesme.

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