Cancer chez le chien : prédispositions raciales et formes familiales - Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015
Le Point Vétérinaire expert canin n° 354 du 01/04/2015

CANCÉROLOGIE ET GÉNÉTIQUE

Article de synthèse

Auteur(s) : Benoît Hedan*, Clotilde De Brito**, Anne-Sophie Guillory***

Fonctions :
*Université de Rennes 1
2, av. du Professeur-Léon-Bernard
35043 Rennes
benoit.hedan@univ-rennes1.fr
**Université de Rennes 1
2, av. du Professeur-Léon-Bernard
35043 Rennes
***Université de Rennes 1
2, av. du Professeur-Léon-Bernard
35043 Rennes

Les liens entre génétique et cancer sont avérés. Cette affection tue jusqu’à 50 % des individus de certaines races et cette corrélation est prouvée par des études statistiques.

Dans les pays industrialisés, l’incidence des cancers chez l’homme a presque doublé entre 1980 et 2005 (1). Cette augmentation s’explique à la fois par de meilleurs dépistages dus aux avancées de la médecine et par l’effet de facteurs environnementaux qui ont considérablement évolué sur cette période.

De façon analogue, le chien bénéficie d’un meilleur suivi médical, partage le même environnement que l’homme et voit augmenter l’incidence de ses cancers. Ceux-ci constituent même la principale cause de mortalité parmi les différentes affections recensées par les assurances vétérinaires de santé [2, 13]. Aux États-Unis, près de 4 millions de nouveaux cancers sont diagnostiqués chaque année chez le chien et l’incidence au Royaume-Uni est estimée à 1 437 cancers pour 100 000 chiens par an [10, 17]. De ce fait, les vétérinaires sont régulièrement confrontés à ces affections dans leur activité quotidienne. Cependant, toutes les races ne sont pas touchées selon la même fréquence, et les prédispositions se définissent en fonction des prévalences, des types et des âges d’apparition des cancers. Bien que sensibilisé à des spécificités raciales, le praticien évalue difficilement, à son échelle, l’importance de ces cancers héréditaires au sein d’une race. Peu d’études épidémiologiques répertoriant les causes de mortalité et les différents types de cancers dans la population canine ont été réalisées. Elles permettent néanmoins de mettre en évidence de fortes prédispositions raciales qui, bien souvent, traduisent des cancers familiaux.

L’objectif de cet article est de réaliser une revue des publications scientifiques sur les prédispositions raciales des cancers chez le chien, ainsi que de présenter les résultats de travaux sur le sujet effectués par l’équipe Génétique du chien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Rennes.

ÉPIDÉMIOLOGIE ET CANCER

Différentes études épidémiologiques ont été menées dans les pays anglo-saxons et nordiques auprès des éleveurs, sur les chiens assurés et dans les populations des hôpitaux vétérinaires américains. Le cancer apparaît comme la première cause de mort rapportée dans ces travaux, avec un taux de cas qui varie de 14,5 à 27 % [2, 21, 24]. Cette fréquence augmente avec l’âge, atteignant 45 % chez les chiens âgés de plus de 10 ans [9].

La nature histologique de la plupart de ces cancers n’est pas identifiée puisque près de 75 % des tumeurs entraînant la mort ne sont pas analysées [2].

Les localisations tumorales les plus répandues sont la peau, les mamelles, les nœuds lymphatiques, le foie et les poumons [2, 6]. La proportion de femelles âgées atteintes de cancer est plus importante que celle des vieux mâles aux mêmes âges. Cela est dû à la forte incidence des tumeurs mammaires. Le bouvier bernois est une exception et à tout âge les mâles présentent un plus grand risque de développer cette maladie (photo 1) [11].

Ces données épidémiologiques, bien qu’issues de populations différentes des populations françaises, présentent l’intérêt de mettre en évidence le risque élevé de mourir de cancer pour les chiens de certaines races. De plus, elles renseignent sur la fréquence des autres maladies et la longévité. Ces études permettent de déterminer les dix races pour lesquelles les taux de mortalité due à des cancers sont les plus élevés (tableau 1 et photo 2). Elles renseignent aussi sur les taux de mortalité due à des cancers dans seize races dont les effectifs sont importants en France (tableau 2).

Ainsi, les bouviers bernois, les rottweilers et les flat coated retrievers sont fortement touchés par les cancers. Le pourcentage de morts dues à cette maladie peut aller jusqu’à 54 % des bouviers bernois ou des flat coated retrievers.

PRINCIPALES PRÉDISPOSITIONS RACIALES

Les chiens de certaines races sont plus susceptibles de mourir de cancer. L’analyse histologique des tumeurs met en évidence une prédisposition de ces races pour des cancers bien spécifiques. Une variation de prévalence des tumeurs est objectivée. Ainsi, le rottweiler a plus de risque de développer des sarcomes histiocytaires, des ostéosarcomes ou des lymphomes que la population canine générale, alors que le boxer est plus fréquemment atteint d’un mastocytome ou d’un gliome (photo 3).

Ces prédispositions raciales influencent même la présentation clinique de ces cancers. L’épidémiologie, plus particulièrement la localisation, l’âge d’apparition et l’agressivité des tumeurs, peuvent varier en fonction de la race. La synthèse de données épidémiologiques bibliographiques et collectées dans le cadre d’études génétiques menées au sein de l’équipe illustre ce phénomène.

1. Mélanome

Dans le cadre de la recherche des prédispositions raciales dans le mélanome canin, l’équipe a recueilli, entre janvier 2008 et avril 2010, les données issues de diagnostics de tumeurs mélanocytaires posés par trois laboratoires français d’histopathologie. Une population de 2 350 chiens atteints a ainsi été étudiée (tableau 3). Cette cohorte peut être considérée comme représentative de la population française canine pour ces tumeurs. Les données fournissent une estimation significative de la malignité, de l’âge d’apparition, du ratio mâles/femelles, des sites anatomiques concernés et des races atteintes (encadré).

Les races surreprésentées sont les schnauzers, les caniches, les rottweilers, les bergers de Beauce (p < 0,001), les labradors et les scottish terriers (p < 0,05) (photo 4). À l’inverse, le berger allemand, le cavalier king charles spaniel (p < 0,05) et les chiens blancs comme le bichon frisé et le dogue argentin (p < 0,001) sont sous-représentés.

Certaines races semblent donc prédisposées et développent des mélanomes plus spécifiquement sur certains sites [4, 25].

Dans la population de 2 350 chiens, les beaucerons et les rottweilers sont essentiellement atteints de mélanomes digités et unguéaux (respectivement p = 4,63 x 10-7 et p = 3 x 10-7). Les caniches présentent majoritairement des mélanomes malins buccaux (p = 1,57 x 10-7). Ces différentes localisations tumorales sont associées à un caractère plus agressif comparativement aux tumeurs cutanées. Chez les yorkshire terriers, une tumeur mélanocytaire cutanée est bénigne dans 70 % des cas (sur 78 tumeurs cutanées, 55 sont bénignes ; p = 0,009).

Les données rapportées dans les publications scientifiques concordent sur de nombreux points avec notre étude [9]. Les mélanomes cutanés surviennent plus fréquemment chez des chiens à peau fortement pigmentée, avec un risque accru chez le schnauzer et le scottish terrier. Les chiens de petites races, spécialement le cocker et le caniche, dont les muqueuses sont fortement pigmentées, ainsi que le chow-chow et le golden retriever sont significativement plus atteints de mélanomes buccaux. En revanche, le berger allemand semble sous-représenté.

Une étude tend à démontrer que le pronostic des mélanomes toutes localisations confondues n’est pas le même en fonction de la race du chien. Par exemple, les trois quarts des tumeurs mélanocytaires chez le doberman et le schnauzer miniature auraient un caractère bénin, alors que 85 % seraient malignes chez le caniche [5]. Ces résultats sont à nuancer car les localisations des lésions ne sont pas les mêmes chez ces chiens et les tumeurs orales, rencontrées fréquemment chez le caniche, sont de bien plus mauvais pronostic que les tumeurs cutanées.

2. Ostéosarcome

L’ostéosarcome est la tumeur osseuse la plus fréquemment diagnostiquée chez le chien et il affecte majoritairement les grandes races, voire les races géantes. Il peut toucher le squelette appendiculaire (plus de 80 % des cas) ou le squelette axial et les os plats. Sa localisation est corrélée à la taille et à l’âge de l’animal. Les chiens de races de grande taille et d’âge moyen présentent généralement une tumeur appendiculaire. Ceux de races de petite taille et plus âgés sont plus souvent atteints d’une affection axiale (photo 5).

De nombreuses études pointent des prédispositions raciales, notamment pour les ostéosarcomes appendiculaires. Des facteurs épidémiologiques (vitesse de croissance, poids, stérilisation) semblent aussi intervenir dans l’apparition de ce cancer, lesquels ne seront pas développés ici [29].

Les races les plus touchées sont, entre autres, le rottweiler, le dogue allemand, le saint-bernard, le doberman, le berger allemand, le setter irlandais, le golden retriever et le leonberg [9].

Les lévriers de grande taille, tels le lévrier irlandais, le lévrier écossais, le greyhound et le barzoï, ont également un risque plus élevé de développer ce cancer osseux [9].

Dans une étude consacrée au greyhound et incluant 113 chiens, la cause la plus fréquente de la mort est le cancer (66 chiens, 58 %) et l’ostéosarcome est la tumeur la plus fréquemment rapportée (28 chiens, 45 % des cancers) [18].

La théorie selon laquelle le risque d’ostéosarcome dépend davantage du format du chien que de sa race a été appuyée en comparant le greyhound et le whippet. Ces deux races sont très proches phylogénétiquement (regroupées dans les analyses de variance en microsatellites) et le whippet développe très peu d’ostéosarcomes, contrairement au greyhound [9].

Néanmoins, le facteur génétique a été mis en cause et a notamment été démontré par l’existence de cas familiaux dans différentes races. Une transmission familiale a été observée chez le saint-bernard [9].

Chez le lévrier écossais, une étude de modélisation de la transmission de l’ostéosarcome dans une population de plus de 1 000 chiens a conclu à une héritabilité estimée à 0,69. Elle suggère qu’un gène majeur à effet dominant pourrait expliquer le mode de transmission [23].

3. Sarcome histiocytaire

Le sarcome histiocytaire est une tumeur qui implique des cellules immunitaires présentatrices d’antigène ou phagocytaires. C’est un cancer rare chez le chien. Cependant, quelques races sont fortement prédisposées : le bouvier bernois, le rottweiler et les retrievers, plus particulièrement le flat coated retriever. Lors de l’établissement du diagnostic, la tumeur est localisée ou bien envahit d’emblée de nombreux organes (rate, foie, poumons, peau, nœuds lymphatiques, etc.) (photos 6a et 6b).

Entre 2003 et avril 2013, l’équipe a recueilli les prélèvements de plus de 390 cas de sarcome histiocytaire canin, essentiellement chez des chiens français. La prédisposition raciale est très nette puisque les bouviers bernois représentent 73 % des cas, les rottweilers 15 % et les retrievers (dont une majorité de flat coated retrievers) 6 %. Des cas sporadiques ont été diagnostiqués dans d’autres races telles que le boxer, le shar pei, le yorkshire, le teckel, le mastiff, le husky, etc.

L’épidémiologie de ce cancer varie selon les races. Ainsi, les bouviers bernois sont atteints plus jeunes que les rottweilers ou que les retrievers, l’âge moyen au diagnostic étant respectivement de 6,9 ans, 8,5 ans et 10,2 ans. De plus, les bouviers bernois développent plus fréquemment des formes disséminées à différents organes internes. Le diagnostic différentiel inclut parfois le lymphome et l’hémangiosarcome, souvent observés également dans cette race. Les retrievers sont davantage affectés par des formes localisées à la peau ou aux articulations. Des études rapportent que les pembroke welsh corgis développent plus particulièrement des sarcomes histiocytaires localisés sous-duraux [16]. Le sarcome histiocytaire est un cancer extrêmement agressif, avec une durée de survie très courte à partir de l’établissement du diagnostic : l’espérance de vie médiane est de 49 jours pour le bouvier bernois [1]. Cependant, la présentation clinique influe sur cette durée. Ainsi, chez le bouvier bernois, si une masse interne est diagnostiquée, l’espérance de vie moyenne est de 48 jours, alors que, pour une forme externe, elle est de 79 jours. De plus, il existe une corrélation positive entre l’espérance de vie et l’âge au diagnostic. Ainsi, un chien âgé avec une forme localisée, dont la durée de survie est plus longue, serait un meilleur candidat à une chimiothérapie (la molécule communément utilisée est la lomustine) [28].

4. Lymphomes

Les lymphomes représentent les hémopathies malignes les plus fréquentes chez le chien. L’incidence de la maladie est différente selon les races et cette variabilité permet de dégager des prédispositions raciales. Un risque supérieur est décrit chez l’airedale terrier, le beauceron, le berger allemand, le berger belge, le bouvier bernois, le cocker spaniel, le doberman, le labrador, le golden retriever, le rottweiler, le scottish terrier, les setters et les brachycéphales, tout particulièrement le boxer, le bouledogue français et le bull mastiff. À l’inverse, le caniche, le yorkshire, le teckel et le loulou de Poméranie seraient sous-représentés [2, 7, 8]. Les races principalement affectées diffèrent également selon la nature B ou T de la tumeur. Ainsi, le boxer ou le bouledogue français sont prédisposés aux lymphomes T ; le berger allemand, le rottweiler, le briard, l’american staffordshire ou le beauceron, plutôt aux lymphomes B [7, 22]. L’étude de Modiano et coll. rapporte que les races de type spitz (incluant l’akita, le siberian husky, l’alaskan malamute et le shar pei) ou shih tzu (lhassa apso, etc.) sont plus enclines à développer des lymphomes de type T [20]. Ces études vont même plus loin en identifiant une prédominance de sous-types de lymphomes T : lymphome cutané et/ou lymphome T pléomorphe mixte chez le boxer [20, 22]. Cela peut expliquer en partie les différences de réponse à la chimiothérapie observées dans certaines études cliniques selon les races (figure 1) [9].

FORMES FAMILIALES DE CANCERS

Si les vétérinaires et les éleveurs sont souvent au fait des prédispositions raciales, en revanche, ils ont rarement conscience de l’aspect familial de la transmission des cancers. Il y a plusieurs raisons à cela. Les chiens d’une même fratrie sont placés dans différents foyers et ne sont pas suivis par le même vétérinaire. Une vue d’ensemble de la maladie cancéreuse dans une fratrie ou une famille est donc rarement disponible. De plus, les cancers se développent souvent chez des animaux âgés et les propriétaires ne font pas remonter l’origine de la mort de leur chien jusqu’à l’éleveur, avec lequel ils ont généralement perdu contact. Enfin, les analyses histologiques de cancers agressifs chez des vieux chiens sont rarement demandées par le propriétaire et ne permettent pas de mettre en évidence la présence de cancers spécifiques de races. Seuls des suivis approfondis et la collecte d’informations sur les causes de la mort dans un élevage ou une race particulière peuvent faire ressortir l’aspect familial de ces cancers. En effet, si les informations sur le devenir des collatéraux de chiens atteints sont réunies, il est alors possible d’identifier des cancers transmissibles au sein d’une même famille, avec des fratries plus ou moins touchées.

Grâce à la collecte de données généalogiques, l’équipe reconstitue les pedigrees des chiens affectés par différents cancers. Ce travail permet d’observer le caractère familial de ces derniers, de proposer des modes de transmission et de rechercher les gènes impliqués dans la prédisposition.

1. Cas du leonberg

Un grand pedigree rassemblant 111 leonbergs français, complété grâce à la collaboration d’éleveuses motivées, a été établi (figure 2 et photo 7). Dans ce pedigree, nous avons pu identifier certaines familles où plusieurs membres étaient atteints d’ostéosarcome.

Ces schémas mettent en évidence une fréquence importante de l’ostéosarcome dans ces familles de leonbergs et laissent supposer une forte héritabilité.

2. Cas du bouvier bernois

Cette transmission familiale est aussi retrouvée pour d’autres cancers tels que le lymphome ou le sarcome histiocytaire, notamment chez le bouvier bernois (figure 3). La récurrence de la maladie sur plusieurs générations, ainsi que la forte fréquence du lymphome au sein de certaines familles dans cette race révèlent le caractère familial de ces cancers. De plus, différents cancers sont retrouvés dans les mêmes familles. Par exemple, deux cas de lymphome, deux cas d’hémangiosarcome et deux cas de sarcome histiocytaire sont retrouvés au sein de la même fratrie (figure 4). Cette association de différents cancers laisse supposer qu’il existe entre eux des facteurs génétiques communs et prédisposants.

3. Autres races

Une transmission familiale du lymphome a déjà été mise en évidence chez le bull mastiff, le rottweiler ou le chien chasseur de loutre [9]. L’existence de facteurs génétiques communs et prédisposants entre le lymphome et l’hémangiosarcome chez le golden retriever a été démontrée [12].

4. Perspectives

Les analyses des familles de chiens touchés par certains cancers mettent clairement en évidence leur transmission familiale. Cette vision d’ensemble est difficile à obtenir pour un vétérinaire praticien. Cependant, il convient de sensibiliser les éleveurs sur l’utilité de collecter de telles informations. Ces cancers familiaux, bien qu’apparaissant à un âge avancé, ont un impact non négligeable sur l’espérance de vie des chiens de nombreuses races. En déterminant un mode de transmission familiale, il est possible de sélectionner les reproducteurs de façon raisonnée. En l’absence d’un test génétique disponible pour dépister les chiens à risque, il convient de limiter la reproduction de ceux dont les parents sont morts de cancers familiaux, et cela d’autant plus que les ascendants ont été touchés jeunes. Il est parfois difficile pour l’éleveur d’effectuer cette sélection pour différentes raisons (contraintes financières, suivi des chiens trop compliqué, trop forte prévalence de certains cancers, etc.). Cependant, un travail de sélection sur la longévité peut limiter l’impact de ces cancers sur l’espérance de vie dans la race concernée.

SYNTHÈSE DES RÉSULTATS

Les études épidémiologiques sur les données de contrats d’assurance de santé réalisées dans les pays anglo-saxons et nordiques permettent de prendre conscience de l’impact de certains cancers sur de nombreuses races. Il est regrettable que de tels travaux n’aient pas été effectués en France. Ces essais fournissent des renseignements utiles aux vétérinaires et aux éleveurs sur les troubles de santé spécifiques à de nombreuses races.

Chaque race présente des cancers spécifiques dont les incidences sont différentes. Par exemple, plus de mastocytomes sont diagnostiqués chez le boxer et plus de lymphomes chez le rottweiler. Les localisations et les présentations cliniques d’un même type tumoral diffèrent également selon les races. Chez le caniche, le mélanome est plus souvent buccal, alors que le beauceron présente plus fréquemment une atteinte unguéale. Le type de lymphome dépend également de la race : davantage de lymphomes T sont rapportés chez les bouledogues français et davantage de lymphomes B chez les bergers allemands.

Bien que les facteurs épidémiologiques et morphologiques (comme la taille) ne doivent pas être négligés dans l’apparition des ostéosarcomes, une part importante est dévolue à la génétique. Cela se traduit par des taux d’héritabilité importants et l’existence de formes familiales dans certaines races, comme le leonberg.

Ces formes familiales se retrouvent également chez le bouvier bernois pour le lymphome et le sarcome histiocytaire. Des facteurs génétiques communs prédisposeraient à plusieurs cancers.

La création des races canines à partir d’un faible nombre d’individus et la sélection effectuée par les éleveurs ont abouti à des isolats génétiques, chaque race pouvant être considérée comme une grande famille consanguine. La présence d’allèles prédisposant à des cancers dans de nombreuses races explique leur transmission familiale. À cela s’ajoutent la surutilisation de certains reproducteurs et le manque de diversité génétique provoquant la diffusion de ces allèles à risque. Une trop forte fréquence de ces derniers au sein de la race engendre les fortes prévalences de cancer observées dans des races spécifiques et impacte directement la longévité de la race. Les éleveurs se sentent souvent impuissants et ne peuvent parfois que constater l’augmentation des cancers dans des fratries issues de mariages effectués 5 à 10 ans auparavant. Cependant, il est important de connaître les lignées à risque pour limiter la prévalence de ces maladies et ne pas en arriver à des situations dramatiques où plus de 50 % des chiens d’une race meurent de cancers familiaux.

Conclusion

Des travaux portant sur les sarcomes histiocytaires, les mélanomes, les lymphomes, les ostéosarcomes et les gliomes ont pour objectif d’identifier les bases génétiques de ces cancers. Cela permettra non seulement de mettre à la disposition des éleveurs des tests génétiques, outils indispensables pour la sélection, mais aussi de transférer ces connaissances à la médecine humaine. En effet, l’homme et le chien développent des cancers très similaires, et le transfert d’une espèce à l’autre des connaissances en oncologie peut concerner les facteurs génétiques prédisposants, mais aussi les facteurs environnementaux. Le chien partageant le même environnement que l’homme, il est intéressant de noter que certains cancers, tels que les lymphomes, ont des incidences plus élevées à la fois chez l’homme et chez le chien dans les mêmes aires géographiques [7, 19].

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Définition de p-value

“p” signifie p-value/valeur p. En posant une hypothèse nulle (selon laquelle il n’existe pas de différence significative entre des groupes), la p-value est la probabilité que cette hypothèse soit vérifiée. En science, un résultat est généralement considéré comme significatif si la p-value du test statistique associé est inférieure ou égale à 5 %. Cela signifie qu’il y a 5 % de chance d’observer ces résultats par le jeu du hasard. Donc une p-value de 10-7 signifie qu’il y a 1 chance sur 10 millions d’observer ce résultat par hasard.

Points forts

→ La prévalence des cancers varie selon les races. Les compilations des principales études prouvent que certaines sont statistiquement (jusqu’à 50 %) plus touchées que d’autres (bouvier bernois, rottweiler, flat coated retriever, etc.).

→ De nombreuses prédispositions raciales existent pour des cancers spécifiques : sarcome histiocytaire et autres chez le rottweiler, mastocytome et autres chez le boxer, etc.

→ L’équipe du CNRS de Rennes a statistiquement démontré la surreprésentation de certaines races dans les cas de mélanome (schnauzer, caniche, etc.), d’ostéosarcome (rottweiler, dogue allemand, etc.), de sarcome histiocytaire (bouvier bernois, rottweiler, etc.).

→ L’équipe du CNRS de Rennes a également statistiquement démontré l’existence d’un caractère familial de certains cancers, notamment chez les leonbergs (ostéosarcome) et les bouviers bernois (lymphome et autres).

→ Les races concernées peuvent présenter des cancers spécifiques avec des incidences différentes et il est probable que des facteurs génétiques communs prédisposent à plusieurs cancers.

→ Certaines races sont de véritables isolats génétiques. En l’absence de tests génétiques, afin d’écarter de la reproduction les individus à risque, une sélection sur la longévité des apparentés pourrait aider les éleveurs à réduire la prévalence de ces cancers.

Appel à prélèvements dans le cadre de ces projets de cancérologie

Les études génétiques sont toujours en cours dans l’équipe Génétique du chien. Si vous suivez des animaux atteints, vous pouvez participer à ces travaux de recherche en contactant l’équipe sur cani-dna@univ-rennes1.fr ou au 02 23 23 45 09. Vous recevrez le protocole et le nécessaire de prélèvement. Pour chaque chien atteint, les chercheurs ont besoin d’un prélèvement sanguin de 5 ml sur tube EDTA, du compte rendu histologique, d’un questionnaire clinique complété et, éventuellement, d’une copie du pedigree des chiens (si disponible). Plus d’informations sur http://dog-genetics.genouest.org.

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e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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