Le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin - Le Point Vétérinaire n° 352 du 01/01/2015
Le Point Vétérinaire n° 352 du 01/01/2015

GASTRO-ENTÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Cindy Chervier*, Jean-Luc Cadoré**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Massilia
121, avenue Saint-Julien
13012 Marseille
**VetAgro Sup, Service de pathologie
médicale des animaux de compagnie
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

Le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin requiert une démarche avec des étapes successives, tant qu’aucune amélioration n’est observée : changement alimentaire, puis antibiothérapie, et traitement immunosuppresseur pour finir.

Chez le chien et le chat, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) se définissent par :

– la présence de troubles digestifs d’une durée supérieure à 3 semaines ;

– l’exclusion des causes extradigestives et digestives autres par le biais d’examens biologiques et d’imagerie médicale ;

– la mise en évidence d’une infiltration inflammatoire si un examen histologique de biopsies digestives est réalisé.

Les MICI, ou entéropathies chroniques, regroupent ainsi les entéropathies répondant au changement alimentaire (ou intolérance/allergie alimentaire), aux antibiotiques (anciennement proliférations bactériennes primaires de l’intestin) et, enfin, les entéropathies répondant aux immunomodulateurs modulateurs, qui sont qualifiées d’idiopathiques si aucune origine sous-jacente de l’inflammation gastro-intestinale n’a pu être mise en évidence (notamment cause parasitaire, alimentaire ou bactérienne).

1 Le traitement en tant qu’outil diagnostique

Quand instaurer les essais thérapeutiques ?

Un animal atteint d’une entéropathie ou d’une diarrhée chronique ne présente pas toujours une MICI. Il convient de réaliser une démarche diagnostique préalable, en excluant les autres causes digestives (processus tumoral, corps étranger intestinal, par exemple) et extradigestives (insuffisance pancréatique exocrine, hépatite, triade féline, hypocorticisme). C’est uniquement après avoir écarté toutes ces affections que la mise en place d’essais thérapeutiques pour le diagnostic étiologique et le traitement des MICI peut être instaurée.

En effet, dans la plupart des cas, le clinicien est en mesure de suivre un plan thérapeutique organisé, fondé sur des essais thérapeutiques successifs, afin d’établir un diagnostic précis et de déterminer le traitement optimal à long terme.

Déroulement des essais thérapeutiques

CHEZ L’ANIMAL NON DÉBILITÉ

À moins que l’animal ne soit débilité (amaigrissement majeur, signes cliniques sévères, hypoalbuminémie marquée), il est recommandé de réaliser des épreuves thérapeutiques successives avec une seule modalité de traitement à la fois. Cela permet d’établir un diagnostic fondé sur la réponse clinique de l’animal aux différents traitements : entéropathie répondant au changement alimentaire, aux antibiotiques ou au traitement immunomodulateur (MICI idiopathique). Les entéropathies répondant aux immunomodulateurs (ERI) regroupent celles sans perte de protéines (MICI au sens strict du terme) et celles avec perte de protéines (entéropathies exsudatives).

Il est demandé au propriétaire de tenir un journal quotidien afin de rapporter précisément la fréquence et la nature des signes cliniques que l’animal présente au cours de l’essai thérapeutique. Cela permet de déterminer l’efficacité de chaque traitement pour un animal donné. Si une réponse partielle est notée pour chaque modalité thérapeutique, un traitement combiné peut alors être justifié au long cours. L’ordre préférentiel des épreuves thérapeutiques successives est le suivant : changement alimentaire ; traitement antibiotique puis immunomodulateur (tableau).

Ainsi, en l’absence de réponse à la vermifugation, puis au changement alimentaire et, enfin, à l’antibiothérapie, l’affection en cause est une MICI idiopathique et un traitement immunomodulateur au long cours est alors indiqué. Cette approche par essais thérapeutiques successifs est longue et parfois contraignante, mais elle est reconnue pour être la meilleure méthode pour obtenir une résolution des signes cliniques et un diagnostic étiologique précis.

CHEZ L’ANIMAL DÉBILITÉ

La démarche diagnostique et thérapeutique par étapes n’est pas envisageable pour les animaux sévèrement débilités (amaigrissement majeur, troubles digestifs sévères, hypoalbuminémie sévère, troubles électrolytiques).

Ces derniers nécessitent un traitement combiné (association d’un changement alimentaire, d’un antibiotique et d’immunosuppresseurs) rapidement mis en place à la suite d’un examen endoscopique, après stabilisation clinique et hydro-électrolytique (fluidothérapie adaptée). Cependant, un examen endoscopique n’est pas toujours réalisable si l’animal est trop débilité (entéropathie exsudative avec hypoprotéinémie majeure et signes cliniques importants, par exemple). Le traitement combiné est alors directement mis en place.

2 Traitement des MICI : modalités thérapeutiques

La plupart des recommandations concernant ces modalités thérapeutiques sont établies sur l’expérience clinique et n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées randomisées. Ces différents essais de traitement sont cependant communément admis et recommandés en médecine vétérinaire.

Mesures préalables : vermifugation à large spectre

Le traitement antiparasitaire constitue le premier essai thérapeutique à mettre en place. Il assure l’élimination de toute parasitose digestive occulte. Le fenbendazole (à la dose de 50 mg/kg/j pendant 3 à 5 jours) est le plus couramment utilisé. Cependant, tous les parasites ne répondent pas à cette molécule (Tritrichomonas foetus chez le chat, par exemple : ronidazole, 30 mg/kg/j pendant 14 jours) et des résistances peuvent se développer pour certains organismes (Giardia spp. chez le chien et le chat par exemple, solution alternative de traitement : métronidazole, 15 à 25 mg/kg, une ou deux fois par jour, pendant 5 à 7 jours).

Même si une vermifugation systématique est effectuée dans tous les cas, elle ne remplace pas un examen coproscopique pratiqué sur trois prélèvements successifs.

Traitement des MICI : changement alimentaire

Le changement alimentaire est considéré comme un élément important du traitement médical des MICI. L’effet bénéfique de l’alimentation dans la gestion à long terme des entéropathies chroniques a été démontré chez le chat [7]. Les principales modalités de ce changement consistent en l’administration d’une alimentation hyperdigestible et hypoallergénique. Celle-ci est à base d’une source unique de protéines (ménagère ou commerciale) ou d’hydrolysats de protéines, ou encore riche en fibres (prédominance de l’atteinte colique).

ALIMENTATION HYPERDIGESTIBLE ET HYPOALLERGÉNIQUE

Une alimentation hyperdigestible diminue la charge antigénique intestinale, donc réduit l’inflammation de la muqueuse.

Une alimentation de type hypoallergénique est classiquement préférée afin d’exclure une éventuelle intolérance/allergie alimentaire et de mettre en place à plus long terme une alimentation adaptée. Un test d’éviction alimentaire est requis. Son principe repose sur l’administration de constituants auxquels l’animal n’a jamais été exposé. Le choix du régime dépend des habitudes alimentaires actuelles et passées de l’animal, et de la préférence du propriétaire : ration ménagère ou alimentation du commerce. Aucune étude n’a été publiée à ce jour afin de recommander l’une ou l’autre des options dans la gestion des entéropathies répondant au changement alimentaire.

Si une ration ménagère est préférée, elle doit intégrer une source unique de protéines (par exemple, poulet, cheval ou canard) et de carbohydrate (riz, pommes de terre) à laquelle l’animal n’a jamais été exposé au cours de sa vie. Il est conseillé de consulter un nutritionniste vétérinaire pour une gestion à plus long terme pour obtenir une ration équilibrée.

Si une alimentation du commerce est préférée, deux options sont possibles : une source unique de protéines à laquelle l’animal n’a jamais été exposé (par exemple, croquettes à base de poulet, de poisson, de canard, en prenant garde car les croquettes contiennent souvent plusieurs sources de protéines) ou des hydrolysats de protéines. Ceux-ci consistent en des protéines qui ont subi plusieurs procédés d’hydrolyse enzymatique ou chimique, à l’origine de résidus de très faible poids moléculaire, ce qui leur confère une digestibilité accrue et un très faible pouvoir antigénique (donc allergisant). Les aliments du commerce à base d’hydrolysats de protéines représentent une très bonne option d’alimentation industrielle dans le cadre de la gestion d’une MICI. Un effet bénéfique des hydrolysats de protéines est largement suspecté : une étude récente a notamment démontré une supériorité d’efficacité de l’alimentation commerciale à base d’hydrolysats de protéines, en comparaison à une alimentation hyperdigestible du commerce [12]. Le coût souvent élevé de ce type d’alimentation peut néanmoins être un facteur limitant pour certains propriétaires.

L’instauration de telles mesures ne garantit pas la réponse thérapeutique, en raison d’une variation interindividuelle.

ALIMENTATION RICHE EN FIBRES LORS D’ATTEINTE COLIQUE

Lors d’atteinte inflammatoire du côlon, les recommandations (hydrolysats de protéines, alimentation à base d’une source unique de protéines) sont identiques à celles décrites précédemment (photo 1). Une alimentation riche en fibres peut s’avérer bénéfique. En effet, l’apport de fibres alimentaires solubles a entraîné une amélioration clinique supplémentaire lors de colites canine et féline (source d’énergie pour les colonocytes, renforcement de la structure et de la fonction de l’épithélium intestinal colique, effet bénéfique sur la motilité colique).

MODALITÉS PRATIQUES DU CHANGEMENT ALIMENTAIRE

Quelle que soit l’alimentation choisie, elle doit être introduite progressivement sur 4 à 7 jours. Un fractionnement des repas est également recommandé (4 ou 5 par jour). Enfin, il est primordial qu’aucun “à-côté” (restes de table, récompenses, etc.) ne soit donné à l’animal, ni aucun complément alimentaire ou probiotique pouvant contenir des sources protéiques diverses. L’observance du propriétaire est indispensable pour le succès du test d’éviction alimentaire et la gestion au long cours de la maladie inflammatoire intestinale répondant au changement alimentaire. La durée optimale du test d’éviction alimentaire n’est pas connue (absence de protocole standardisé). Une période de 3 à 6 semaines en moyenne est habituellement recommandée. La régression des signes cliniques digestifs survient le plus souvent en 2 semaines.

Si des signes cutanés sont associés, la réponse peut être plus tardive : la durée de l’essai doit ainsi être prolongée. Des tests de provocation (introduction de l’alimentation antérieure) peuvent être réalisés par la suite afin d’apporter un diagnostic de certitude lors de rechute. Cependant, de nombreux propriétaires refusent ce test de provocation par peur d’une récidive. En cas de réponse positive au test d’éviction, le diagnostic d’entéropathie répondant au changement alimentaire est établi. Le traitement au long cours consiste en l’administration d’une alimentation hypoallergénique stricte (éviction de l’allergène en cause) sur une longue durée et potentiellement à vie.

Traitement des MICI : antibiothérapie

L’intérêt d’une antibiothérapie dans la gestion thérapeutique des MICI repose sur la prise en charge des entéropathogènes occultes, des proliférations bactériennes de l’intestin secondaires, et sur la théorie selon laquelle des antigènes bactériens sont suspectés d’être d’importants agents pathogènes initiateurs dans la pathogénie des MICI [3, 9, 15].

CHOIX DE L’ANTIBIOTIQUE

Le métronidazole est l’antibiotique de choix, à la dose de 15 mg/kg, deux fois par jour, par voie orale. En plus de son action antibactérienne, des propriétés immunomodulatrices ont été attribuées à cette molécule antimicrobienne. Des effets secondaires (troubles neurologiques) sont rapportés à forte dose.

La tylosine est également décrite comme efficace dans certains cas ne répondant pas au métronidazole (diarrhée répondant à la tylosine chez certains chiens de Scandinavie), à la dose de 10 mg/kg, deux ou trois fois par jour, par voie orale. Elle possède également des propriétés immunomodulatrices. Une étude chez le chien rapporte une bonne réponse de la diarrhée à un traitement à base de tylosine [19]. En France, la disponibilité de ce médicament n’est pas aisée (poudre orale pour bovins, à faire reconditionner en gélules).

L’oxytétracycline à la dose de 10 à 20 mg/kg, deux ou trois fois par jour, est également citée [9].

MODALITÉS PRATIQUES DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE

Quel que soit l’antibiotique utilisé, la durée recommandée du traitement est d’environ 4 à 6 semaines. En cas de régression des signes cliniques, un diagnostic d’entéropathie répondant aux antibiotiques est établi.

Cependant, une rechute peut être notée à l’arrêt du traitement. Une cause majeure de récidive est liée au fait que la prolifération bactérienne est le plus souvent secondaire et peut compliquer tout autre type d’entéropathie.

Des cures répétées d’antibiotiques peuvent être nécessaires, voire une antibiothérapie au long cours dans certains cas.

CAS PARTICULIER

Chez le boxer, le bouledogue français, le bulldog anglais, le mastiff et le malamute, une forme particulière de MICI (colite ulcérative histiocytaire, aussi appelée “colite granulomateuse”) répond particulièrement à l’administration d’enrofloxacine (5 mg/kg, une fois par jour, par voie orale, pendant 4 à 6 semaines), suggérant l’implication d’une bactérie spécifique dans la pathogénie de cette MICI (rôle prouvé d’E. coli entéropathogène) [14]. Cependant, jusqu’à 42 % de résistances au traitement sont décrites actuellement en raison de son utilisation non raisonnée et probabiliste sans confirmation du diagnostic dans les races prédisposées. Des biopsies coliques avec antibiogramme sont donc toujours conseillées avant la mise en place de ce protocole.

Traitement des MICI idiopathiques : immunosuppresseurs

En cas d’échec des essais thérapeutiques précédents, une endoscopie digestive (avec de multiples biopsies perendoscopiques étagées) est requise, afin de confirmer l’inflammation intestinale, et de préciser le type d’infiltrat inflammatoire et sa localisation. Dans certains cas, elle peut être réalisée plus précocement (avant les essais thérapeutiques) pour ne pas retarder le diagnostic de cancer (de lymphome notamment, qui ne se manifeste par aucune anomalie échographique).

La prise en charge de choix des MICI idiopathiques consiste en un traitement immunomodulateur. Cependant, les différents traitements immunosuppresseurs reposent encore principalement sur l’expérience clinique et peu sur la réalisation d’études contrôlées.

CORTICOTHÉRAPIE À DOSE IMMUNOSUPPRESSIVE

La corticothérapie (prednisolone ou prednisone) est le traitement recommandé en première intention. Son utilisation est largement répandue dans la gestion des MICI idiopathiques du chien et du chat, malgré l’absence d’essais contrôlés. Une étude a montré une diminution des signes cliniques (baisse du score clinique) chez des chiens atteints d’entérite lymphoplasmocytaire traités par une corticothérapie (associée à du métronidazole et à un changement alimentaire hyperdigestible) [6]. Cependant, aucune amélioration histologique intestinale n’a été montrée. Ces résultats sont en accord avec l’hypothèse selon laquelle les MICI idiopathiques représentent des affections qu’il est possible de contrôler, mais qu’il est difficile de guérir. Chez le chien, la predniso (lo) ne est prescrite à la dose de 1 mg/kg, deux fois par jour, pendant 2 à 4 semaines initialement, puis à des doses dégressives (palier de 25 % toutes les 2 à 4 semaines) sur une durée totale de plusieurs mois. Dans de nombreux cas, une dose de maintien est nécessaire au long cours : faible dose, toutes les 48 heures. Pour d’autres cas, un arrêt complet du traitement peut être réalisé après une corticothérapie bien conduite. Selon l’expérience de l’auteur, les chats nécessitent généralement des doses plus élevées (dose initiale de 2 mg/kg, deux fois par jour, puis doses dégressives sur plusieurs mois). En cas de malabsorption sévère, la corticothérapie peut être administrée par voie parentérale, suivie d’un relais per os lorsque les signes cliniques ont diminué.

Cependant, l’absence de réponse thérapeutique est notée dans certains cas. De plus, des rechutes sont fréquemment rencontrées après quelques semaines ou quelques mois de traitement, qui peuvent être imputables à l’apparition de résistances à la corticothérapie. Enfin, les effets non négligeables des glucocorticoïdes (polyuro-polydipsie, polyphagie, faiblesse musculaire, distension abdominale, polypnée, etc.) constituent un inconvénient majeur de leur emploi au long cours. Pour toutes ces raisons, il est conseillé d’ajouter un autre immunosuppresseur, soit initialement, soit lors d’échec de la corticothérapie ou d’effets secondaires importants. L’utilisation d’un glucocorticoïde présentant des effets secondaires systémiques moindres par rapport aux corticoïdes classiques pourrait également être une solution alternative intéressante. Des études ont montré l’intérêt du budénoside (glucocorticoïde à forte activité topique, avec des effets systémiques limités) à la dose de 3 mg/m2/j, avec une efficacité de 72 % chez 11 chiens atteints de MICI idiopathique et présentant des effets secondaires inacceptables avec la prednisolone [17, 18]. D’autres travaux sont nécessaires afin de valider son utilisation dans cette indication, mais cette molécule est prometteuse.

AUTRES IMMUNOSUPPRESSEURS

L’efficacité de la ciclosporine dans le traitement de MICI chez l’homme est rapportée dans plusieurs études, avec des résultats satisfaisants, bien que variables. Chez le chien, une seule étude (prospective, non contrôlée) a été publiée, qui révèle une diminution significative des signes cliniques chez 12 chiens sur 14 (soit 85 % des cas) présentant une MICI idiopathique cortico-résistante et traités avec de la cyclosporine à la dose de 5 mg/kg/j pendant 10 semaines [1]. Le suivi histologique chez 9 chiens montre une diminution significative du nombre de lymphocytes T infiltrant la lamina propria (cryptes et villosités), ce qui est compatible avec le mécanisme d’action de la cyclosporine (lymphocyte T-spécifique). Son principal inconvénient est son coût. Quelques effets secondaires sont notés (troubles digestifs, hyperplasie gingivale, alopécie).

Le chlorambucil est privilégié chez le chat, à la dose de 2 à 6 mg/m2/j, par voie orale, en association ou non avec la corticothérapie. Cette bithérapie est également indiquée dans le traitement du lymphome digestif à petites cellules, et est donc particulièrement intéressante dans certains cas où la différenciation avec une entérite lymphoplasmocytaire sévère est difficile sur la base de l’examen histologique et où d’autres examens ne sont pas disponibles. L’utilisation de l’azathioprine (2 mg/kg/j) est également citée chez les chiens atteints de MICI idiopathique lors d’absence de réponse à la corticothérapie ou d’effets secondaires inacceptables des glucocorticoïdes. Cependant, aucune étude n’a été publiée à ce jour pour valider ou préciser son efficacité dans cette indication. Un inconvénient de ce traitement est son délai d’action d’environ 3 semaines. Il ne s’agit donc pas d’une molécule de choix en première intention pour les cas sévèrement atteints (l’association prednisone et cyclosporine, par exemple, qui présente un délai d’action rapide, est alors préférable). En raison de son activité myélosuppressive, des suivis hématologiques réguliers sont requis. Chez le chat, l’azathioprine est contre-indiquée (toxicité hématologique majeure).

D’autres immunosuppresseurs (cyclophosphamide, mycophénolate, méthotrexate) sont utilisés chez l’homme atteint de MICI, avec des résultats variables. Cependant, leur utilisation est peu répandue en médecine vétérinaire dans cette indication et aucune étude contrôlée n’a été publiée ce jour concernant leur efficacité.

Traitement adjuvant des MICI

Une hypocobalaminémie est fréquemment rencontrée chez le chien et surtout chez le chat atteint de MICI, notamment si une atteinte distale ou diffuse de l’intestin est présente [16]. Elle est considérée comme un facteur pronostique négatif [2]. Une supplémentation en vitamine B12 par voie parentérale est alors indiquée : 20 µg/kg, par voie sous-cutanée, tous les 7 jours pendant 4 semaines, puis tous les 28 jours pendant 3 mois. Un contrôle de la cobalaminémie doit être réalisé 1 mois après la dernière administration.

Cas particulier des entéropathies par perte de protéines (entéropathies exsudatives)

TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE LORS D’IDENTIFICATION D’UNE AFFECTION SOUS-JACENTE

Le traitement de l’origine sous-jacente d’une entéropathie exsudative chez le chien (MICI, cause la plus fréquente, parasitisme, lymphome, intussusception, etc.) est primordial : vermifugation, intervention chirurgicale, chimiothérapie.

GESTION DE L’HYPOALBUMINÉMIE ET DE SES COMPLICATIONS

En cas d’une hypoalbuminémie sévère pouvant entraîner l’apparition d’un épanchement et/ou d’œdèmes, une fluidothérapie à base de colloïdes peut être mise en place (photo 2). Les colloïdes contribuent au maintien de la pression oncotique, et peuvent être particulièrement intéressants si une anesthésie générale est nécessaire afin de réaliser des biopsies perendoscopiques, par exemple. Cependant, ils ne remplacent pas les fonctions biologiques de l’albumine. L’administration de plasma ne permet qu’une très faible augmentation de l’albuminémie, de très courte durée. En général, il n’est pas conseillé de retirer l’ascite par le biais d’une abdominocentèse car cela peut contribuer à l’aggravation de l’hypoalbuminémie. Ce geste est néanmoins recommandé en cas d’épanchement très important avec des répercussions sur la fonction respiratoire (dyspnée). Un traitement diurétique combiné (association spironolactone et furosémide, à faibles doses pour prévenir une hypovolémie) peut être mis en place.

TRAITEMENT DES LYMPHANGIECTASIES PRIMAIRES

Le traitement des lymphangiectasies primaires repose sur l’instauration d’une alimentation pauvre en graisses, dense en calories et hyperdigestible, en association avec une corticothérapie. Dans les cas sévères, une ration ménagère établie par un vétérinaire nutritionniste semble être préférée. Un excès de fibres est à éviter car l’animal a besoin de support calorique. Une corticothérapie (predniso (lo) ne, 1 à 2 mg/kg, une ou deux fois par jour, per os, puis doses dégressives) est indiquée afin de réduire les lipogranulomes intestinaux et/ou mésentériques et de limiter l’inflammation souvent présente dans cette affection. D’autres immunosuppresseurs peuvent être utilisés dans les cas sévères ou réfractaires à la corticothérapie. Une étude rétrospective récente suggère que l’association de chlorambucil et de prednisolone serait plus efficace que celle à base d’azathioprine et de prednisolone chez les chiens atteints d’entéropathie chronique par pertes de protéines [5].

Dans le cas d’une lymphangiectasie associée à une stéatorrhée de longue durée, une déficience en vitamines liposolubles est possible, justifiant alors une supplémentation par voie parentérale. Certains animaux ont ainsi un risque de saignement par déficit en vitamine K. À l’inverse, un risque parfois majoré de développer une thrombo-embolie ou une thrombose par fuite intestinale d’antithrombine III est noté, justifiant des mesures prophylactiques (aspirine, 0,5 mg/kg/j, chez le chien) ou un traitement en cas de thrombose suspectée (héparine et doses faibles d’aspirine).

Une hypocalcémie ionisée (parfois symptomatique) et une hypomagnésiémie sont également possibles, justifiant un suivi de ces paramètres et une supplémentation intraveineuse si nécessaire. En cas de récidive malgré la supplémentation, une administration parentérale de vitamine D peut être indiquée. Dans certains cas, une supplémentation en calcium et en magnésium par voie orale est requise.

La réponse thérapeutique est évaluée par le biais de la diminution des signes cliniques et du suivi de l’albuminémie.

3 Suivi thérapeutique des MICI

Des études ont révélé une amélioration à la fois clinique et endoscopique, mais non histologique au cours du traitement des entérites lympho-plasmocytaires [6]. Le meilleur suivi thérapeutique est clinique : diminution et disparition des signes cliniques. Dans le cadre des entéropathies par perte de protéines, le suivi de l’albuminémie constitue également un critère objectif d’évolution de la maladie sous traitement. Chez l’homme, des index d’activité (scores) sont utilisés dans le suivi de la maladie de Crohn. Chez le chien, plusieurs auteurs ont étudié l’intérêt d’employer de tels index dans le suivi thérapeutique des MICI(1) [2, 4, 10, 13]. Des travaux récents se sont également intéressés à l’utilisation d’autres marqueurs de suivi : les protéines de la phase aiguë de l’inflammation (protéine C-réactive [CRP], calprotectine notamment) [8, 11]. La valeur de CRP, pouvant être élevée lors de MICI chez le chien, diminue parallèlement à l’amélioration clinique dans certaines études.

Conclusion

Le traitement des MICI repose sur la succession d’essais thérapeutiques, permettant un diagnostic étiologique précis et la mise en place d’un traitement spécifique adapté au long cours. Les recommandations thérapeutiques étant principalement fondées sur l’expérience personnelle, des études contrôlées sont nécessaires afin de valider ou de préciser l’efficacité de chacune d’entre elles.

  • (1) Voir tableau 2 de l’article “maladie inflammatoire chronique des intestins chez le chien : bases de la classification actuelle et aspects cliniques” de aurélie baril et coll, dans ce numéro.

Références

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  • 2. Allenspach K, Wieland B, Gröne A et coll. Chronic enteropathies in dogs: evaluation of risk factors for negative outcome. J. Vet. Intern. Med. 2007;21:700-708.
  • 3. Burgener IA, König A, Allenspach K et coll. Upregulation of toll-like receptors in chronic enteropathies in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2008;22:553-560.
  • 4. Crandell JM, Jergens AE, Morrison JA et coll. Development of a clinical scoring index for disease activity in feline inflammatory bowel disease. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:788-802.
  • 5. Dandrieux JR, Noble PJ, Scase TJ et coll. Comparison of a chlorambucil-prednisolone combination with an azathioprine-prednisolone combination for treatment of chronic enteropathy with concurrent protein-losing enteropathy in dogs: 27 cases (2007-2010). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;12:1705-1714.
  • 6. Garcia-Sancho M, Rodriguez-Franco F, Sainz C et coll. Evaluation of clinical, macroscopic and histopathological response to treatment in nonhypoproteinemic dogs with lymphocytic-plasmacytic enteritis. J. Vet. Intern. Med. 2007;21:11-17.
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  • 9. Jergens AE. Current veterinary therapy: antibiotic responsive enteropathy. In: Bonagura JD, Twedt DC. Kirk’s Current Veterinary Therapy XV. Ed. Elsevier Saunders, Saint Louis, Missouri. 2014:518-522.
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Conflit d’intérêts

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