CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE
Analyse d’article
Auteur(s) : Quentin Cabon
Fonctions : Service de chirurgie, VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69260 Marcy-L’Étoile
Les hernies discales thoracolombaires représentent l’anomalie neurologique la plus fréquemment observée chez les animaux de compagnie. Elles ont été classifiées en types de Hansen I et II, le type I correspondant à une hernie discale extrusive et le type II à une hernie de type protrusive, souvent plus chronique. Le type Hansen III, avancé dernièrement, représente des hernies discales dites traumatiques, dont les signes cliniques sont plus souvent consécutifs au traumatisme médullaire qu’à la compression par le matériel discal hernié [6].
Parmi les diverses techniques chirurgicales disponibles pour le traitement des hernies discales thoracolombaires, la corpectomie latérale a été décrite pour la première fois en 2004 par une équipe française [9].
Le traitement chirurgical vise à décomprimer la moelle épinière et à retirer l’intégralité du matériel discal, ce dont dépend le pronostic [9]. Le choix d’une technique chirurgicale se fait principalement d’après les caractéristiques de la lésion, notamment la localisation de la compression (ventrale, ventro-latérale ou latérale), ainsi que sa chronicité. L’hémilaminectomie, qui consiste à retirer les processus articulaires de l’espace affecté, est la technique la plus couramment employée. Elle permet une bonne visualisation de la moelle épinière, la limitation des manipulations lors du retrait du matériel et une décompression adéquate de la moelle épinière. De plus, cette intervention est associée à un impact minimal sur la stabilité du rachis [3]. La mini-hémilaminectomie, qui conserve quant à elle les processus articulaires, reste moins invasive que l’hémilaminectomie. Les autres méthodes disponibles telles que la foraminotomie, la pédiculectomie et la laminectomie dorsale sont plus rarement employées. Des techniques minimalement invasives, rendues possibles grâce à l’assistance endoscopique, sont actuellement en cours de développement [7]. La fenestration discale, qui faisait autrefois partie de l’arsenal thérapeutique de la hernie discale, est maintenant considérée comme un acte prophylactique.
La corpectomie latérale vise à créer une fenêtre dans les deux épiphyses des corps vertébraux adjacents à l’espace affecté, ainsi que dans le disque [9]. Une fois l’abord chirurgical réalisé, l’aspect latéral de l’anneau fibreux et des corps vertébraux est observé en profondeur par rapport au nerf spinal et aux vaisseaux associés, qui sont alors réclinés cranialement. Une fenestration discale latérale est effectuée à la lame n° 11, puis la fenêtre de corpectomie est réalisée à l’aide d’une fraise pneumatique (un quart de la longueur du corps vertébral cranialement et caudalement, la moitié à deux tiers de la profondeur du corps vertébral et la moitié de la hauteur du corps vertébral). Avec cette technique, la lame vertébrale n’est pas affectée et le retrait du matériel hernié se fait par voie ventrale, sans manipulation excessive de la moelle épinière. Cette procédure est donc parfaitement indiquée dans le cas de hernies discales ventrales ou ventro-latérales. Toutefois, elle s’accompagne d’une légère instabilité rachidienne, notamment lorsque la corpectomie est associée à une hémilaminectomie [10]. Des techniques de corpectomie minimalement invasives, là encore avec l’aide de l’endoscopie, sont également à l’étude [2].
La corpectomie latérale a été développée principalement pour aider au traitement des hernies discales chroniques de type Hansen II. En effet, ce type de hernie s’accompagne d’un matériel discal difficile à retirer en raison de sa consistance ferme, de sa nature encapsulée et des adhésions à la dure-mère, aux sinus veineux ou à l’anneau fibreux persistant. Cette constatation a conduit certains auteurs à conseiller de ne pas retirer un matériel discal adhérent, sous peine d’observer une dégradation neurologique, avec les techniques classiques [9].
La corpectomie latérale a été rapportée pour la première fois en 2004 sur 15 chiens atteints d’une hernie discale chronique. Dans cette étude, le retrait du matériel hernié s’est fait sans difficulté. Tous les animaux ont présenté une amélioration neurologique, avec le retour à une fonction normale chez 11 d’entre eux [9]. Une étude menée sur 60 corpectomies a conclu à une décompression satisfaisante dans 90 % des cas, plus précisément dans 100 % des cas en région lombaire et dans 83 % des cas en région thoracique [5]. Les corpectomies latérales en région lombaire s’accompagnent ainsi probablement d’un meilleur pronostic [5]. La réalisation d’une corpectomie profonde (au moins deux tiers de la profondeur du corps vertébral) est associée à une décompression plus complète [5]. À ce jour, l’étude la plus large sur la corpectomie latérale n’a été publiée que sous forme de résumé. Menée sur 107 chiens, elle démontre une évolution postopératoire sur environ 3 mois, avec 69 % d’amélioration des signes, 27 % d’animaux restés stables et 4 % de dégradations [4]. À la suite de ce traitement, 53 % des chiens ont recouvré une fonction normale [4]. Cette technique a également été rapportée chez 2 chats avec de bons résultats cliniques [1, 8].
La corpectomie latérale s’accompagne des trois objectifs suivants : retirer le matériel hernié et décomprimer la moelle épinière, éviter les manipulations iatrogènes de celle-ci et effectuer une fenestration discale prophylactique. D’après les quelques études publiées à ce jour, les résultats cliniques semblent prometteurs. La corpectomie latérale est donc une technique de choix dans le traitement chirurgical des hernies discales thoracolombaires chroniques, ainsi que des hernies discales ventrales et ventro-latérales.
Aucun.
OBJECTIFS
Évaluer les résultats du traitement chirurgical d’une hernie discale thoracolombaire par corpectomie latérale.
MÉTHODE
Étude rétrospective menée sur 72 chiens qui présentent une hernie discale de type I ou II traités chirurgicalement par corpectomie latérale. Le score de Frankel modifié a été établi pour chaque chien en phase préopératoire, à J + 1, à la sortie et à 4 semaines postopératoires. La compression médullaire préopératoire a été classée comme légère, modérée ou sévère, tandis que la décompression a été qualifiée de complète, de bonne ou d’insuffisante. Un questionnaire propriétaire a été utilisé pour le suivi à long terme.
RÉSULTATS
• 56,9 % des chiens manifestent des signes nerveux aigus et 43,1 % des signes chroniques, les individus chondrodystrophiques présentant significativement plus souvent une affection aiguë.
• La décompression postopératoire est complète (61 %), bonne (35 %) ou incomplète (4 %).
• La profondeur médiane de la fenêtre correspond à 64,8 % de la largeur du corps vertébral (de 36 à 78,6 %).
• Complications peropératoires : hémorragie du sinus veineux (25 %) et lésion d’une racine nerveuse (8,3 %).
• Une reprise chirurgicale immédiate a été requise chez 6 chiens (8,3 %) en raison d’une décompression non satisfaisante.
• Régression des signes cliniques : 18,7 % à J + 1, 37,6 % à la sortie et 64,2 % à 4 semaines.
• Signes cliniques inchangés : 62,8 % à J + 1, 52,8 % à la sortie et 32 % à 4 semaines.
• Aggravation des signes cliniques : 18,7 % à J + 1, 10 % à la sortie et 3,8 % à 4 semaines.
• Le score de Frankel préopératoire est le seul facteur associé au résultat postopératoire.
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